Contre les expulsions boulevard Ney

Monsieur Michel CADOT
Préfet de région Ile de France, Préfet de Paris
Monsieur Michel DELPUECH
Préfet de police de PARIS
Madame Anne HIDALGO
Maire de Paris
Monsieur Éric LEJOINDRE
Maire du 18e arrondissement de Paris

Paris, le 9 novembre 2017

Objet : Procédure d’expulsion du bidonville Bd Ney

Monsieur le Préfet de Paris,
Monsieur le Préfet de Police,
Madame la Maire de Paris,
Monsieur le Maire du 18e arrondissement de Paris,

Nous attirons votre attention sur le bidonville du boulevard Ney, Porte des Poissonniers, sur lequel associations de bénévoles et services civiques de l’État intervenons chaque semaine depuis plusieurs mois.
Nous craignons en effet que la nouvelle expulsion annoncée ne brise les parcours, encore fragiles, d’insertion, de scolarisation ou de soins de ses habitants.
Malgré l’errance forcée qu’affrontent les familles depuis plusieurs années, nous accompagnons un grand nombre d’entre elles vers les structures de droit commun et associations afin de les aider à poursuivre leurs démarches.
Ces derniers mois, les services de l’État sont également intervenus au travers des PMI et bientôt du Rectorat de Paris (Casnav), des professeurs et directeurs d’école du quartier.
Grâce à ces actions, un lien fort de confiance s’est créé ainsi qu’une meilleure compréhension des droits et devoirs de chacun sur le sol français.
Une énième expulsion aux portes de l’hiver annihilerait une fois de plus tout ce travail.
Certains, placés dans des hôtels éloignés, perdront travail et scolarité. D’autres, placés en centre d’hébergement, isolés, devront repartir de zéro. Et surtout la majorité d’entre eux se retrouvera errante à la rue.
En effet, le SIAO urgence de Paris recense chaque soir 800 demandes non pourvues de personnes en famille, sans compter celles qui ont renoncé à appeler. Les familles du bidonville peuvent en témoigner : elles sont nombreuses à tenter de joindre chaque jour, sans succès, le 115.
Lors de la réunion à la Mairie du 18e, le 20 octobre dernier, nous avons salué la volonté de la Ville de Paris et de la Préfecture de Région d’affiner le diagnostic social réalisé par la Plateforme AIOS. Ce diagnostic repose sur les déclarations des familles. Or exposer un parcours de vie et un projet d’insertion nécessite du temps.
Par ailleurs, il a été annoncé divers projets de mises à l’abri stables et adaptées aux besoins des familles et nous saluons également ces efforts. Mais ces dispositifs seront-ils prêts à temps pour héberger et accompagner l’ensemble des familles si l’expulsion survient dans de si brefs délais ?
Aujourd’hui environ 300 personnes occupant 110 baraques dans le nord de Paris sont connues des associations et de l’État.
C’est la raison pour laquelle, nous vous demandons :

  • Le respect de la trêve hivernale qui, conformément à la loi égalité et citoyenneté adoptée le 27 janvier 2017, s’applique désormais aux bidonvilles : permettre aux habitants d’avoir un délai clair, idéalement allant jusqu’à la fin de l’année scolaire leur permettant de se projeter et d’avancer dans les démarches en cours (suivis de grossesses, inscriptions à l’école, recherches d’emploi, etc.). Monsieur le Préfet de police, vous pouvez faire le choix d’une application de la trêve hivernale pour des raisons humanitaires et de résorption du bidonville.
  • Pendant cette période, que soient proposées des solutions adaptées de relogement aux personnes en demande et cela au fur et à mesure des projets. Au vu des situations et besoins différents, un panel de solutions adaptées à chaque ménage doit être pensé. Dès lors, un engagement de destruction de leur cabane après leur départ pourrait se contractualiser. La sortie du bidonville pourrait ainsi se faire progressivement et de façon concertée.
  • Les bénévoles et acteurs de structures dédiées, continueront sans relâche d’assurer le soutien et l’accompagnement des familles. Il sera toutefois indispensable de mettre en place une aide en provenance des structures de droit commun, en priorité des Services Sociaux, de l’Éducation Nationale, des PMI et des Missions Locales.

Nous vous remercions de l’attention que vous voudrez bien apporter à nos demandes et dans l’espoir d’une réponse favorable, nous vous prions de bien vouloir agréer, Madame, Messieurs, l’expression de notre haute considération.

Pascal Bourgue – Président du Secours Catholique Paris
André Feigeles – Bâtisseurs de Cabanes
Gilles Affaticati – Ligue des Droits de l’Homme (LDH)
Aude et Camille Jolivel – L’Ecole dans la Rue
Nadège Passereau – Association pour le Droit et la Santé des Femmes (ADSF)
Andréa Caizzi – Aide à la Scolarisation des Enfants Tsiganes de Seine-Saint-Denis (ASET93)
Marie Montolieu – Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP)
Adeline Grippon – Médecins du Monde-Mission banlieue IDF
Contact : Nathalie Jantet, Secours Catholique de Paris : 06 60 86 85 83, nathalie.jantet@orange.fr