Conférence Débat sur la Laïcité le 19 octobre 2015 à19 h30 salle P Lamy Annecy

L’Occident, bras armé des dictatures

Vous trouverez ci-dessous une tribune de Françoise Dumont, présidente de la LDH, et Karim Lahidji, président de la FIDH, publiée le 17 août dans Libération.


L’Occident, bras armé des dictatures

En défendant certains régimes alors qu’ils condamnent leurs voisins, en mettant leurs intérêts commerciaux et militaires devant la défense des droits humains, la France et l’Europe participent à la répression violente de milliers de civils dans le monde arabe.

Triste été pour les droits de l’Homme. Le roi Salmane a occupé la plage de Vallauris et François Hollande la place d’honneur, le 6 août, à la cérémonie d’inauguration du nouveau canal de Suez, véritable sacre à la gloire du général Al-Sissi et de la coopération militaire franco-égyptienne. Le président français s’est rendu sur place en compagnie des patrons de l’industrie aéronautique et militaire. Un ballet estival qui résume à lui seul les ambitions du gouvernement français pour le monde arabe. Car, outre les 24 Rafale, la frégate Fremm et les missiles vendus à l’Egypte au nom de la lutte contre le terrorisme (dans laquelle des milliers de civils égyptiens ont déjà été assassinés), la France exporte, en toute connaissance de cause, pour des millions d’euros, des armes et des munitions similaires à celles déjà utilisées par l’armée égyptienne pour massacrer des milliers de manifestants. Au nom de la soi-disant « lutte contre le terrorisme », les démocraties occidentales qui rivalisent pour armer l’Egypte et d’autres régimes autoritaires, participent en réalité à la plus importante offensive contre les sociétés civiles jamais lancée dans le monde arabe. Civils, opposants pacifiques, laïcs, défenseurs des droits humains, activistes, journalistes, juristes, intellectuels : en Egypte, en Arabie Saoudite, au Bahreïn et ailleurs, comme en Syrie, ce sont aussi ces acteurs clé et incontournables d’une possible transition démocratique qui sont visés par les régimes en place.

Mais alors que l’on constate l’avènement, à l’Elysée, d’un « néoréalisme » en phase avec les nouveaux enjeux sécuritaires, ne revenons pas sur les dizaines de milliers de prisonniers politiques, les centaines de condamnations à mort et de disparitions forcées dans une Egypte aujourd’hui livrée sans garde-fous au contrôle des forces de sécurité, à la presse muselée, la justice aux ordres et aux élections parlementaires repoussées sine die à plusieurs reprises.

Tenons-nous en à des considérations purement stratégiques sur « l’intérêt national », invoqué à l’envi pour justifier un partenariat privilégié avec le régime égyptien. Cet « intérêt » qui justifie de condamner la dictature de Bachar al-Assad tout en soutenant celle d’Abdel Fattah al-Sissi, de prétendre lutter contre l’islamisme tout en soutenant le régime saoudien.

Voir un gage de stabilité dans un régime soutenu à bout de bras par les gérontocraties pétrolières du Golfe, un régime dont le président renchérit sur la répression exercée par son prédécesseur, lui-même déposé quatre ans plus
tôt par un gigantesque mouvement populaire inattendu, relève de la haute voltige intellectuelle. Comme l’a rappelé justement le célèbre défenseur des droits de l’Homme égyptien Bahey el-Din Hassan dans les colonnes du New
York Times, l’idée d’une Egypte autoritaire mais stable et forte, qui assurerait le contrôle de son territoire et serait la clé de voûte de la sécurité régionale, est un mythe. C’est en Syrie et en Irak, rappelle-t-il, dans les pays qui ont
été soumis aux pires décennies de répression politique et où des régimes autoritaires ont démantelé méthodiquement les institutions d’Etat, que l’avènement de Daech a été rendu possible.

Quinze ans de « guerre contre le terrorisme » se sont soldés par un échec cinglant au terme duquel les jihadistes ont mis la main sur des pans entiers de la Syrie, de l’Irak et du Yémen. Aujourd’hui présents en Libye et au Nigeria, ils menacent ouvertement les villes européennes et américaines. Quatre millions de réfugiés syriens ont fui leur pays, soumis à une boucherie menée par Bachar al-Assad, véritable défi à la stabilité régionale. La Méditerranée est devenue un vaste cimetière où près de 2 000 demandeurs d’asile fuyant la guerre, la répression et la misère, ont trouvé la mort en moins de sept mois (trente fois plus que l’année dernière à la même période).

Soutenir des dictatures sous prétexte de sécurité et de stabilité n’est pas seulement une preuve de mépris pour les peuples de la région, c’est surtout un déni criant des réalités régionales. N’en déplaise aux thuriféraires d’un « néoréalisme » sécuritaire : la défense des droits de l’Homme a été, en 2011, la pierre angulaire du plus important mouvement de masse de l’histoire du monde arabe moderne.

Le gouvernement français semble désormais soutenir une équation nauséabonde et trompeuse qui opposerait une diplomatie des intérêts à une diplomatie des valeurs, la sécurité – y compris celle de l’emploi d’un fonctionnaire de la Défense ou d’un ouvrier de Saint-Nazaire –, au droit à la vie d’un opposant égyptien.

L’intérêt national des Français comme des Européens, est aussi défini par la Déclaration universelle des droits de l’Homme, il a la particularité d’être universel : la liberté et l’égalité de tous les êtres humains.

Il est impossible de gagner le long combat contre le terrorisme dans la région sans s’assurer que le droit à la dignité, à la sécurité et à l’intégrité physique des citoyens arabes a la même valeur que celui de n’importe quel citoyen européen : qu’il est inaliénable et fondamental.

Il est impossible à la France comme à l’Europe de prétendre consolider durablement leur influence sans comprendre dans la défense de leurs intérêts celle, obstinée, quotidienne, des valeurs universelles et des millions de citoyens qui s’en prévalent au prix fort.

La LDH et le Collectif un ToitpourTous74 écrivent aux députés et aux sénateurs

Ce courrier a été envoyé de manière individuelle sous forme papier et par mail,aux députés:
Accoyer, Tardy, Saddier et Duby-Muller
et aux sénateurs Amoudry, Carle, Herve et Pellevat
Il a été remis à la presse : Dauphiné Libéré , Essor savoyard et Messager

Collectif UntoitpourTous74                                             Annecy le 10 Août 2015

Chez Ligue des Droits de l’Homme

9 quai des Clarisses

74000 Annecy

Monsieur le sénateur ,Monsieur et Madame les députés Devant un grand nombre de personnes françaises et étrangères, célibataires ou familles avec enfants qui sont refusés auxquels on dit  qu’il n’ y a pas de places disponibles tous les jours au 115 et cela depuis plusieurs mois, des  associations se sont réunies en un Collectif UntoitpourTous74 pour que cette situation intolérable cesse enfin.
Comme dans d’autres villes du département, il y a + de 200 personnes à Annecy qui dorment dans les parcs ou dans des voitures et errent toute la journée sans avoir un endroit pour se reposer (hormis la Halte et le secours catholique quand il est ouvert) où travailler quand il s’agit d’enfants scolarisés.
Nous sommes scandalisés de voir que la loi d’avril 2012 ne soit pas appliquée dans notre département. Qu’en est-il de l’article 73 du code de l’Action sociale et des familles ? « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement. Cet hébergement d’urgence doit lui permettre , dans des conditions conformes à la dignité humaine , de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l’hygiène , une première évaluation médicale , psychique et sociale……Cette orientation est effectuée vers une structure d’hébergement stable ou de soins, ou vers un logement  adapté à sa situation »
Deux manifestations, rassemblant un grand nombre de familles de demandeurs d’asile avec enfants, sont restées sans effet ; nous avons été reçus par la Chef du Cabinet du Préfet et la Direction de la Cohésion Sociale qui nous ont dit leur impossibilité à régler cette situation (volonté ? moyen ?)
Sans parler des grands froids qui arriveront dans quelques mois, faut- il attendre que des parents désespérés se suicident ???? Comme certains nous l’ont annoncé  (beaucoup sont à la rue depuis novembre 2014, femme enceinte, enfant handicapés ou pathologie lourde)
Comment peut-on vivre sur le long terme avec la seule obsession de trouver chaque jour un coin pour dormir, une place pour changer son bébé et trouver de  la nourriture pour les enfants.
Comme citoyens de Haute-Savoie, nous vous demandons que des solutions soient enfin trouvées et ces solutions existent dans notre département qui est riche et recèle  de nombreux  locaux sont inoccupés.
Nous comptons sur votre sens de l’humanité et de l’égalité en  dignité et en droit   ;  nous vous assurons de nos sentiments citoyens.
Un ToitpourTous74  

Le Collectif UntoitpouTous74 est composé (ATTAC, CADRoms, la CGT 74,  le CCDA , la FSU 74,  LDH 74 .Annecy pour tous , le NPA, la  Pastorale des Migrants , RESF , le PCF , le  Secours- Catholique  etc…)

Déboutés du droit d’asile, une jeune maman qui a perdu la vue suite à l’explosion d’une mine au Kosovo, une jeune congolaise dépressive avec 4 enfants sont expulsés de leur hébergement par le Préfet.

http://www.librinfo74.fr/2015/08/deboutes-du-droit-dasile-une-jeune-femme-qui-a-perdu-la-vue-suite-a-lexplosion-dune-mine-au-kosovo-une-jeune-congolaise-depressive-avec-4-enfants-sont-expulses-de-leur-hebergement-par-le-prefe/

Projet de loi immigration

Communiqué

Projet de loi immigration : à quand une vraie réforme, respectueuse des droits des étrangers ?

Le projet de loi « Droit des étrangers », adopté le 23 juillet en première lecture à l’Assemblée nationale, s’inscrit globalement dans la même logique que les lois mises en place par la précédente majorité, les aggravant même parfois. Nos organisations demandent une révision du texte qui garantisse le respect des droits fondamentaux des personnes étrangères.

C’est une réforme de fond qui était attendue de la part d’un gouvernement de gauche. Une clarification et une sécurisation du droit au séjour, permettant de rendre effectifs des principes tels que le droit de chacun.e au respect de sa vie privée et familiale. Un renversement de la logique d’intégration, affirmant que les personnes étrangères ont besoin de droits pour s’intégrer, et non de s’intégrer pour mériter des droits. Un arrêt de la politique désastreuse d’enfermement et d’expulsion de femmes, d’hommes et d’enfants au seul motif de leur situation administrative, sans réel regard sur leurs vies, leurs vulnérabilités, leurs droits. On ne retrouve rien de tout cela dans le projet adopté en première lecture par l’Assemblée.

Prétendant apporter des améliorations en matière de séjour, le texte perpétue voire aggrave la précarité de la situation des personnes en situation régulière. La carte pluriannuelle, présentée comme une grande avancée, peut être retirée à tout moment, et l’accès à la carte de résident, seule garante de leur sécurité juridique [1] reste limité.

Certes, le texte renforce le droit au séjour pour les personnes victimes de violences et les parents d’enfant malade, et facilite l’accès à la nationalité française pour les enfants entrés en France avant l’âge de six ans.

Mais il demeure silencieux sur le sort des personnes enfermées dans les zones d’attente et de toutes les personnes qui vivent en France sans titre de séjour, parfois dans la précarité depuis de nombreuses années, notamment les travailleur.euses « sans-papiers  ». Pour elles, surveillance et suspicion sont les mots clés de la réforme qui renforce les moyens de contrôler, sanctionner, enfermer et expulser.

Le droit d’accès des préfets aux données personnelles détenues par les banques, écoles, hôpitaux… n’a nullement été remis en cause par l’Assemblée nationale. Pas plus que la possibilité qui leur est donnée d’interpeller au domicile, ou d’user à loisir de l’assignation à résidence ou de la rétention administrative. Certes, l’intervention du juge des libertés est restaurée dans un délai plus rapide, mais la durée de l’enfermement décidée par ce même magistrat est d’emblée rallongée. En outre, les audiences du juge administratif en visioconférence sont instituées, s’ajoutant à la cohorte des dispositions réservant aux personnes étrangères une justice d’exception au rabais.

L’inadmissible pratique qui consiste à placer des enfants derrière les barreaux des centres de rétention, avec laquelle le candidat Hollande avait promis d’en finir, est désormais inscrite dans le marbre. Quant au régime dérogatoire très défavorable des départements d’outre-mer, d’où plus de la moitié des expulsions sont réalisées dans les conditions les plus éloignées du droit, il est maintenu.

Le texte sera discuté à l’automne au Sénat, avant un nouveau passage à l’Assemblée nationale. Il est encore temps  : pour une politique migratoire respectueuse des droits des personnes migrantes, des mesures de fond, portées non seulement par nos organisations mais aussi par des autorités telles que le Défenseur des droits ou la Commission nationale consultative pour les droits de l’Homme, doivent être mises en débat et adoptées.

30 juillet 2015

Signataires
Anafé
La Cimade
Fasti
Gisti
Ligue des droits de l’Homme
Syndicat de la magistrature

Vous trouverez un dossier présentant les versions successives de ce projet de loi, avec plusieurs analyses et communiqués : www.gisti.org/entreesejour2014.
Y figurent notamment tous les travaux des commissions de l’assemblée nationale, les transcriptions des débats des parlementaires, l’ensemble des amendements proposés et de ceux qui ont été adoptés.

 

La LDH d’Annecy se bat pour Engjel

http://replay.8montblanc.fr/watch.php?vid=2446444c2

à 8.40

La LDH d’Annecy se bat pour Engjel

LOI « renseignements »

Communiqué LDH

Paris, le 24 juillet 2015

 

Loi « renseignement » : le Conseil constitutionnel laisse les Françaises et les Français sous la surveillance de l’Etat !

Saisi par le président de la République dans le cadre d’une procédure baroque et inédite, le Conseil constitutionnel n’a censuré le texte voté par les parlementaires de droite et de gauche que sur trois de ses aspects, en validant l’essentiel. Rappelons que sous prétexte de lutte contre le terrorisme, ce  texte couvre, de façon très inquiétante pour les libertés publiques, des champs d’activité divers (économie, social, diplomatie…) et met en place des dispositifs permettant de recueillir, de façon massive et très peu sélective, des données informatiques et téléphoniques constituant le quotidien des échanges entre nos concitoyennes et nos concitoyens. Dessaisissant le pouvoir judiciaire, pourtant garant des libertés individuelles, au bénéfice du Conseil d’Etat, créant un organe de contrôle dénué de réel pouvoir, organisant l’impunité de fait des agents de l’Etat, cette loi a été à l’origine d’une mobilisation large de la société civile regroupant associations de défense des droits, professionnels du Net et autorités indépendantes dépositaires de la sauvegarde des libertés individuelles.

Quant à la procédure d’adoption de cette loi, elle fut, elle-même, un déni de débat démocratique jusqu’au dernier instant.

Compte tenu du mode de nomination des membres du Conseil constitutionnel et de la présence de nombreux anciens responsables politiques au sein de cette institution, cette décision s’inscrit dans la jurisprudence observée depuis quelques années : préférer les apparences de la démocratie à la démocratie elle-même.

Il faudra donc attendre le prochain scandale d’Etat, s’il arrive au jour, pour que chacun se convainque de l’extrême dangerosité de cette loi.

La Ligue des droits de l’Homme  restera vigilante et persistera à combattre tous les effets de ce texte attentatoire à nos libertés.

La France légalise l’enfermement des enfants derrière les barbelés

Alors que les débats parlementaires se poursuivent à l’Assemblée nationale sur le projet de loi relatif au droit des étrangers en France, une famille originaire du Kosovo a été enfermée pendant 36 heures, mardi et mercredi, au centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot au pied des pistes de l’aéroport de Roissy.

L’interpellation s’est déroulée à l’aube à leur domicile de Besançon le mardi 21 juillet. La famille est constituée d’un couple accompagné de leurs deux filles Danina, 5 ans, et Diona, nourrisson de 5 mois. La mère souffre de graves problèmes de santé depuis plusieurs mois. Victime d’un malaise en arrivant au CRA, elle a été conduite en urgence par les pompiers à l’hôpital de Meaux accompagnée du bébé. Le lendemain matin, l’expulsion est programmée, mais la famille parvient à résister à l’embarquement.

 

La Cimade a pu accompagner ces personnes dans la défense de leurs droits, saisir le ministre de l’intérieur de la situation ainsi que le Défenseur des droits. L’intervention de ce dernier auprès des autorités administratives compétentes a été déterminante pour que la famille retrouve enfin sa liberté le mercredi 22 juillet dans la soirée.

 

Aujourd’hui, après le traumatisme qu’ils ont subi, tout particulièrement Diona et Danina (comme le montre le dessin qu’elle a réalisé au CRA), la France légalise l’enfermement des enfants en rétention administrative. L’amendement 375 porté par Madame Chapdelaine, députée socialiste, a été adopté. Si le texte reste en l’état, l’article 19 de la loi couvrira désormais les graves abus commis par les préfets.

 

En effet, la situation de cette famille correspond parfaitement à ce que cet article permettra. Elle a été enfermée en rétention uniquement pour le confort de l’organisation administrative de l’expulsion. La nouvelle loi conduira à encourager cette pratique jusqu’à 48 heures avant le départ. Les parents étaient assignés à résidence avant d’arriver en rétention. Tenus de pointer dans un commissariat régulièrement, ils n’avaient pu s’y rendre à chaque convocation en raison de la gravité de la maladie de la mère. Ce simple manquement constituera désormais un motif suffisant pour enfermer des enfants.

 

Le législateur ose préciser, dans cet article 19 adopté aujourd’hui par l’Assemblée, que l’intérêt supérieur de l’enfant est pris en considération… Comment peut-il être dans l’intérêt supérieur d’un enfant de se retrouver privé de liberté dans un lieu anxiogène avec ses parents ? Proposons à nos députés de vivre l’expérience avec leur progéniture ne serait-ce qu’une demi-journée !

 

François Hollande candidat à la présidence de la République s’était engagé à mettre fin à l’enfermement des enfants en rétention suite à la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme. Son gouvernement vient au contraire de graver dans le marbre de la loi cette privation de liberté des mineurs.

 

L’acharnement de l’État a déjà conduit à l’enfermement de 23 familles pour les sept premiers mois de 2015, contre 22 pour les 12 mois de 2014. Et l’été n’est pas fini !

 

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On n’est pas des clochards, on vit juste dans la rue ! par Librinfo74

lundi 20 juillet 2015

Par ccharlet

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Samedi 4 Juillet 2015,

Une belle étape sur les chemins de l’histoire de l’Herminette, un bar social ouvert tous les matins aux gens de la rue mais aussi à chacun d’entre-nous.

En ce jour, les personnes de la rue s’étaient données rendez-vous avec Robert Géant ; cet éducateur les avait accompagné durant 18 ans et s’apprêtait à vivre d’autres aventures.


Les membres de l’Herminette avaient à cœur de nous conduire sur ce lieu d’accueil, de création et de coopération ; non pas pour sombrer dans la nostalgie mais pour dire aux passants : nus sommes des personnes à la vie singulière, mais nous avons  été capables de construire des projets hors du commun que nous avions rêvés, puis décidés de réaliser ensemble.

P7040005L’exposition d’affichettes rendaient compte des activités multiformes et des enjeux éducatifs et sociaux de ce lieu (conseils/décisions-débats-projets d’intérêt public-voyages-expositions-films etc…). Ces affiches attestent qu’ici la démocratie n’est pas un vain mot, que l’on cherche avant tout à développer une conscience critique, populaire et sociale, une forme de résistance culturelle.

 

 

 

A la rencontre des passants touristesHerminette touristes

Voyant ces dizaines de mains en carton décorées, levées et fleurissant le pavé de cette côte, sur ce vieux quartier d’Annecy, beaucoup de passants/touristes se demandaient s’il n’y avait pas quelque événement culturel ou bien encore quelque inuaguration de restaurant au vu de l’enseigne de l’Herminette.

Des discussions s’engagèrent portant sur le sens de cette installation symbolique où ceux et celles qui sont « passées » par l’Herminette nous signifiaient comment ces mains tendues vers l’espoir d’une autre vie possible avaient trouvé ici en ce lieu force, dignité, solidarité, refuge,écoute ; leur permettant de décider et penser par eux-mêmes, d’imaginer un avenir professionnel…

Même les chiens sont de la partie…

Aux côtés de leurs maîtres, ces compagnons participaient à construire des utopies, car, comme le dit le poète John Berger, eux aussi ont besoin : « d’être rassurés de notre rire inconcevable quand connaissant le pire, le sous-bois les a choisis. »…Bien sûr ,ces animaux de « bonne » compagnie ont créé des problèmes avec les gens du voisinage !

Des films qui dévoilent ces fabuleuses aventures

Comme dans les contes et légendes, ces gens de la rue en sont les héros et héroïnes. Ainsi, à tout jamais, voix et regards portés sur l’écran nous interrogent aussi. Il n’y a pas que ceux et celles qui occupent l’espace public, font dériver l’attention politique pour mieux dominer ceux et celles qui souffrent de cette exclusion sociale et économique qui ont le droit de laisser trace.

« Nous sommes tous et toutes des personnes historiques. » (Marie-Claude Charpentier).

Grâce à ces films, vous ne pourrez disparaître aux oubliettes de l’histoire. Oui, dans vos vies, il y eut des moments qui ont éveillé vos consciences. Cela s’est fait poussé par cette force collective du groupe, ou des éducatrices, éducateurs comme Robert et Lise  surent provoquer les conditions de la mise en œuvre des projets décidés par vous seul(e)s.

Et l’on est en droit de se poser des questions ?

Pourquoi ces personnes de la rue, parfois jeunes en sont arrivées là ? Pourquoi toutes ces blessures les marquent profondément, durablement ? Que font ceux et celles qui nous gouvernent ici dans notre pays et ailleurs ? Faut-il obéir aux diktats d’austérité et de misère des instances nationales voire institutions internationales, qui nous clament que face à certaines questions sociales et économiques : « There is no alternative ! », tout en violant nos droits fondamentaux, nous interdisant de décider ce qui est juste pour les peuples ? Qui a intérêt à ce qu’il en soit ainsi ?

Mais, ici on apprend à rompre avec les certitudes révélées, les fatalités.

Ils et elles ne savaient pas que c’était possible et pourtant avec l’adversité, on fait rupture et on se dit : « Alors on va le faire ! » Dur chemin, quand l’enfance et l’adolescence vous furent volées pour reprendre le titre d’un livre de l’un de ceux qui inspira Robert Géant : le Dr Stanislas Tomkiewicz.

Faire jaillir l’aube des blessures et ténèbres de la misère

Combien faudra t-il de lois sociales pour garantir vos droits fondamentaux, à vivre dans la dignité et le respect de chaque personne ? Certains, certaines vous craignent, se sentent en danger par votre présence dans certains quartiers, on voudrait vous relèguer encore plus loin. Qui a intérêt à créer un climat d’insécurité ? Nous sommes pourtant dans le pays de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Avons-nous réfléchi à votre place de citoyen à part entière, autrement que sur le bord d’un trottoir ou dans un parking souterrain de la ville d’Annecy, dans un squat ?…

Le « style Herminette » peut-il être un modèle à transmettre et en quoi ?
Cette question apposée en ce 4 Juillet pour nous donner parole convoque notre conscience. Et il y eut des réponses déposées avec émotion qui nous firent découvrir qu’ici, on ne se penche pas sur le sort malheureux des personnes de la rue. Point de charity business, il nous faut dépasser les pieuses incantations des politiques socio libérales : « S’autoriser ce que l’on osait imaginer, donner en retour ce que l’on nous avait apporté – apprendre le respect et surtout rester soi-même – Votre film est merveilleux, je n’oublierai jamais l’aide que vous avez si généreusement apportée à ma fille. Vous êtes de belles personnes, je vous aime et je suis heureuse d’être venue vous rencontrer aujourd’hui… »

Humour, passion, humanisme, gestion non-violente des conflits, sens de l’observation, engagement, pratiques de création marquent ces films, ces échanges qui égrènèrent cette matinée, suscitèrent notre réflexion.

Ce ne sont pas des recettes. On dirait que la pensée de ce grand pionnier de l’éducation nouvelle et médecin qu’était le Dr Janusz Korczak est venue jusque dans ces lieux.

 N’oublions pas leurs voix singulières comme celle-ci déposée au bord d’une table de l’Herminette le 2 Octobre 2014 :
Si on sème dans nos cœurs
Un vent d’indifférence, une musique déloyale
Une liberté amère et cannibale
C’est pas pareil, c’est pas pareil
Si on sème dans nos vies un regard bienveillant
Une parole amicale, une liberté sucrée et collégiale
C’est sûr, ça fait pas tout mais c’est déjà beaucoup
Et on aura fait notre part sur le chemin du bonheur

Ils ne veulent pas repartir ? « Qu’on les enferme ! »

Depuis mai 2012 on attendait un virage dans la politique de l’immigration de la France. En juillet 2015, le voici enfin. Désormais, les étrangers entrés sans permission seront répertoriés, contrôlés, confinés, séparés du reste de la population.
Des migrants de passage stockés/scotchés dans des camps autour de Calais

Une analyse de Michel Agier éclaire la façon dont le ministère de l’Intérieur croit pouvoir annuler les multiples conséquences de son refus de laisser circuler les migrants qui cherchent à traverser la France. Il propose « un regard décentré sur l’ensemble de la situation, sur ce qui se passe là en ce moment, et un constat. Celui-ci peut tenir en quelques mots : ce qui se passe aujourd’hui à Calais est la mise en place d’un camp de regroupement sécuritaire-humanitaire sous le contrôle de l’État. Une mise à l’écart violente. Une immobilisation d’étrangers en mouvement. Une séparation des migrants et de la ville. » Avec un effet collatéral espéré sur la mobilisation ancienne et multiforme d’une partie des citoyens locaux : « Les associations de citoyens bénévoles sont en train de se faire déloger du dispositif qui se met en place. On est maintenant dans une logique de type humanitaire-sécuritaire où ces associations ne trouvent plus leur place, ni ne savent comment donner sens à ce qu’elles font ou voudraient continuer à faire. » Ces associations vont-elles pour autant renoncer à exercer leur solidarité ? Rien n’est moins sûr, à en juger, entre autres, par le blog Passeurs d’hospitalité.

Des réfugiés en quête de protection contrôlés en permanence

La nouvelle loi sur l’asile doit être adoptée avant la fin de la session parlementaire. On ne sait pas encore dans quelle mesure les aggravations des dispositifs de précarisation et de contrainte imaginés par le Sénat seront conservées par l’Assemblée nationale, mais le texte adopté en première lecture tisse déjà avec soin la nasse dont on voudrait que les demandeurs déboutés de leur demande ne s’extraient que pour filer vers le pays qu’ils ont fui.

Le discours catastrophiste concernant la situation de l’asile en France ces dernières années ne s’embarrasse pas de considérations géopolitiques jugées superflues (les situations de guerre sans fin au Moyen Orient ou au Soudan, une dictature asphyxiante en Érythrée,…) pour tenter d’expliquer la phase d’augmentation du nombre des réfugiés dans laquelle l’Europe se trouve actuellement. Les demandeurs d’asile « surnuméraires » seront donc des fraudeurs et des escrocs. Comme on s’en rend compte en s’informant aux bonnes sources, il est très largement mensonger. Mais il doit être bien utile pour alléger la mauvaise conscience des soutiens d’un projet de loi qui, dans certaines de ses dispositions, évoque plus une méthode de punition qu’un dispositif d’accompagnement.

<Dans une analyse de ce projet de loi, la CFDA (Coordination française pour le droit d'asile) essaie de mettre en lumière les conséquences graves que certaines mesures pourraient avoir sur les demandeurs d’asile. Ne retenons ici que ce qui concerne leur hébergement, qui est une obligation des pouvoirs publics en application de la ratification par la France d'accords internationaux. La loi envisage d'imposer aux demandeurs d'asile de résider dans les centres d'accueil qui leur sont destinés (CADA), alors que le nombre de places en CADA est notoirement insuffisant (environ 25000, soit moins d'un tiers de la demande). En même temps, elle leur interdit de quitter cet hébergement . « L'autorisation de s’absenter du lieu d’hébergement devra être sollicitée auprès du préfet. […] Le demandeur ne pourra quitter le lieu où il est accueilli qu’avec cette autorisation ; au risque de perdre les conditions d’accueil : un demandeur d’asile qui refuserait ce cadre contraignant d’hébergement directif s’exposerait ainsi à des sanctions aussi disproportionnées que la privation du bénéfice des conditions matérielles d’accueil (hébergement, allocation de subsistance, accompagnement juridique et social) et la clôture de son dossier [de demande d'asile]. » Curieusement, tout à son objectif de contrôle total, « le texte ne prévoit pas les situations fréquentes de personnes bénéficiant d’une solution d’hébergement auprès de proches », ce qui pourtant allège le fardeau de prise en charge par la puissance publique.

Après l’échec de la demande de protection (80% des cas), la logique légale voudrait que les réfugiés repartent immédiatement (avant un mois) tenter leur chance ailleurs, en tous cas en dehors de l’Union Européenne où leur demande ne serait même pas reçue, à moins qu’ils ne préfèrent retourner à leur malheur et à leur persécution. Le projet de loi s’ingénie à mettre verrou sur verrou pour garder sous surveillance tous ces « indésirables » : assignation à résidence des demandeurs d’asile déjà passé par un autre pays de l’UE (procédure dite Dublin), délais express (7 jours au lieu de 30) pour contester une décision de renvoi au pays, qui a d’ailleurs peu de chances d’être exécutée (avec déjà 30000 expulsions annuelles en rythme de croisière, où trouver le budget et les policiers pour en ajouter 40000 ?), création de « centres semi-fermés » pour « accueillir » les déboutés, prenant le relais du cantonnement des demandeurs d’asile.

Pour nombre de ces familles déboutées il n’est pas de retour possible, et elles persisteront dans leur projet d’installation, souvent avec le soutien de leurs voisins autochtones ; de telles mesures leur imposent une précarité de vie insupportable avec, en particulier, l’impossibilité de gagner leur pain quotidien de façon légale. Pourtant, dans dix ou vingt ans, leurs enfants seront français et, comme tels, protégés des discriminations dont on aura saturé leur jeunesse.

Notre pays a déjà fait l’expérience de telles mesures de confinement ciblant une population « encombrante », les familles des Harkis, ces Algériens enrôlés dans l’armée française, rapatriés en métropole en 1962 (pour les plus chanceux, le plus grand nombre ayant été abandonnés à l’assassinat de masse après l’indépendance de l’Algérie). Un demi-siècle plus tard, les effets dévastateurs d’une politique insensée n’ont pas fini de se faire sentir.

Une surveillance généralisée des activités des étrangers

Une autre proposition de loi sera discutée à l’Assemblée nationale à partir du 20 juillet prochain. Elle porte sur les conditions du séjour régulier des étrangers – en fait sur un renforcement général des contrôles. C’est ainsi elle autorise le préfet là demander « sans que s’y oppose le secret professionnel autre que le secret médical » des informations sur les personnes demandant ou possédant un titre de séjour, auprès d’institutions telles que les établissements scolaires et d’enseignement supérieur, les établissements de santé, les banques et organismes financiers, les fournisseurs d’énergie et les services de communications électroniques, Pôle emploi, les services d’état civil, la Sécurité sociale, les tribunaux de commerce. Ces mêmes activités, par lesquelles le pouvoir enjoint les étrangers de montrer leur intégration, deviennent les outils de d’un enfermement quasi totalitaire. Plus de détails ici.

Au dessus de la tête de ces administrés, de ces migrants de passage qui ne demandent qu’à aller plus loin en Europe, de ces femmes, de ces hommes, de ces enfants pour lesquels vivre est devenu un risque dans leur propre pays, plane de plus en plus l’OBLIGATION DE QUITTER LE TERRITOIRE FRANÇAIS, un flot de décisions dont la quasi totalité ne sera jamais exécutée par la force, faute de moyens.

Martine et Jean-Claude Vernier