Le Cochon gaulois, né en Dordogne de la peur de l’islamisation

http://www.sudouest.fr/2014/06/30/on-veut-que-nos-enfants-puissent-manger-du-jambon-1600638-1956.php

SUD-OUEST

Une nouvelle association, baptisée Le Cochon gaulois, veut défendre les coutumes occidentales. Ses membres se sont rassemblés dimanche à Montpon-Ménestérol (24)

Le Cochon gaulois, né en Dordogne de la peur de l'islamisation
Guy Leclercq, le président de la toute nouvelle association Le Cochon gaulois, a expliqué ses craintes et ses fantasmes à la trentaine de participants au rassemblement de Montpon-Ménestérol (24) © Photo

Hervé Chassain

« Manger un sandwich au jambon devient aussi dangereux que de passer la ligne de démarcation en 1942. » Guy Leclercq, le président de la toute nouvelle association Le Cochon gaulois, de Montpon-Ménestérol, n’a pas peur des mots. Comme la trentaine de personnes rassemblées dimanche, en fin d’après-midi, sur la place du Foirail, il croit dur comme fer que l’on veut islamiser la France. Il le dit plus finement sur la banderole posée avec ses amis : « Faites respecter nos traditions et nos coutumes à ceux qui veulent nous imposer les leurs. »

Cet ancien militaire, qui avoue avoir milité il y a vingt ans au Front national, dénonce aussi le projet d’une salle de prière musulmane en cours à Montpon-Ménestérol. « Je ne suis pas contre, mais quand on autorisera des églises en Arabie Saoudite. »

Élisabeth Lapierre, la trésorière de l’association rappelle « que la France est un pays chrétien » quand le vice-président Michel Servé soupire : « On veut que nos enfants puissent encore manger du jambon demain. » Tous se disent apolitiques, mais on n’est pas loin des thèses de l’extrême droite.

À l’écart, un petit groupe de militants de gauche écoute avec effarement, sous l’œil de gendarmes restés à l’autre bout de la place. Un rassemblement pourtant paisible, où les gens disent autant leurs craintes que leur abattement dans une société qu’ils ne comprennent plus. Ceci dans la ville de Dordogne où le Front national a obtenuson plus gros score de Dordogne lors des européennes : 31 %.

Réaction du maire de Montpon-Ménestérol

Jean-Paul Lotterie, maire socialiste de Montpon, se dit atterré par  « l’image raciste » donnée de sa ville par ce rassemblement. « J’aurais préféré une autre publicité pour ma ville ».

Sur le dossier de la salle de prière, il annonce que le permis de construire « a été rejeté pour des raisons techniques d’accès et de sécurité routière après une expertise. L’association qui avait déposé le permis a fait un recours devant le tribunal administratif. Je ne suis pas opposé à la création d’un tel lieu, je suis pour la liberté de culte, mais c’est l’emplacement qui a été choisi » qui pose problème.

Le maire ne croit pas que sa ville est raciste. Il dénonce « une poignée de militants du Front national qui n’habitent même pas Montpon » et, pour le reste, se refuse à stigmatiser « des braves gens exaspérés qui se sentent abandonnés ».

Il se dit lui-même en colère face à des décisions du gouvernement sur la réforme territoriale ou sur les choix de santé qui posent des problèmes au centre hospitalier spécialisé de Vauclaire.

ABCD de l’égalité : le gouvernement doit confirmer sa généralisation dès la rentrée 2014

Communiqué de la LDH

 

L’annonce du gouvernement d’abandonner la généralisation des enseignements à partir des ABCD de l’égalité, après son expérimentation positive en 2013, signe une capitulation honteuse pour lui, un recul inquiétant pour la démocratie, dramatique pour cette pierre de touche républicaine qu’est l’égalité, inacceptable pour ceux qui sont du côté des droits de l’Homme…

Alors que l’égalité femmes-hommes est un objectif sociétal central depuis des décennies, le gouvernement cède face à une offensive des plus minoritaires, ouvertement patriarcale, dont les relais se recrutent au sein des franges les plus radicales de l’extrême droite et d’activistes fondamentalistes. L’usage de la « novlangue » ne permettra pas de transformer en subtilité tactique ce qui apparaît clairement comme une débandade. Ainsi, les promesses de la ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem et de Benoît Hamon, expliquant que les ABCD de l’égalité contre les stéréotypes filles-garçons à l’école ont un bilan positif et qu’on ne les abandonne qu’au profit d’un programme « très ambitieux », sonnent comme autant d’arguties pitoyables. En choisissant de faire le dos rond, en plaidant pour qu’ « on remette un peu de calme, qu’on arrête d’en faire une bataille politicienne », le gouvernement crée les conditions au mieux de l’immobilisme, au pire de la régression.

Les femmes, les enseignants, la jeunesse et tous les démocrates attachés au respect des droits et de l’égalité attendaient sur cette question, ô combien majeure, une position ferme. Généraliser l’utilisation des ABCD de l’égalité dans tous les établissements scolaires, c’était d’abord affirmer que l’enseignement de l’égalité entre les filles et les garçons est bel et bien un sujet en soi. Ensuite, qu’il s’inscrivait de façon forte et naturelle dans les missions élémentaires de l’école publique. C’était enfin, en tenant compte des émois d’une partie de la population troublée par des tombereaux de rumeurs et de calomnies déversées contre l’école laïque, faire le choix de la pédagogie citoyenne et de la fermeté des principes.

En choisissant de reculer devant une minorité refusant l’égalité femmes-hommes, le gouvernement envoie le plus négatif des messages quant à la mission qu’ont les enseignants d’éclairer les enjeux majeurs de la réalité sociale à partir de leur compétence professionnelle.

Il s’illusionne totalement sur la perspective d’un quelconque apaisement du débat public car les forces qu’il légitime, en satisfaisant à leurs campagnes mensongères, ne s’en arrêteront pas là dans leurs exigences d’instauration d’un ordre traditionnaliste.

La Ligue des droits de l’Homme, dont le combat tout entier est tourné vers la défense et la promotion de l’égalité, singulièrement entre les femmes et les hommes, demande solennellement au gouvernement de reconsidérer sa décision. Elle encourage toutes les femmes et les hommes, enseignants et parents d’élèves, toutes celles et ceux qui ont à cœur l’égalité, à manifester leur réprobation vis-à-vis d’une décision aussi dangereuse qu’incompréhensible. Elle entend poursuivre ses efforts pour la promotion de l’égalité femmes-hommes au sein de l’Éducation nationale, et contre la progression des idées d’extrême droite.

Samedi 5 juillet 2014 : 10° anniversaire de l’Espace Ludovic Trarieux. AUBETERRE sud-charente

FLYER trarieux

Le cas Hollande

Mediapart.fr

15 juin 2014 | Par Edwy Plenel

 

François Hollande sur les plages du débarquementFrançois Hollande sur les plages du débarquement © Reuters

La semaine écoulée confirme qu’avec un tel président de la République, le pouvoir socialiste n’a pas besoin d’ennemis pour trébucher. Le chemin de François Hollande n’est pas seulement à rebours de tous ses engagements. Il est aussi devenu illisible et incompréhensible, y compris pour les siens.

 

Le rôle de l’individu dans l’Histoire n’est pas seulement une question toujours ouverte, entre déterminisme et volontarisme. C’est aussi le titre d’une réflexion aussi oubliée qu’ancienne (elle date de 1898, ici sa version anglaise), dont la postérité ne fut pas sans incidence sur le XXe siècle qu’elle annonçait. Il s’agit en effet d’un essai de Georges Plekhanov (1856-1918), l’homme auquel on doit l’introduction du marxisme en Russie et la formation du Parti ouvrier social-démocrate, où les futurs révolutionnaires russes firent leurs premières armes avant de rompre avec un mentor jugé trop droitier.

Refusant toute vision mécaniste d’une Histoire d’avance écrite par ses causes générales, Plekhanov affirmait qu’elle s’invente dans une interaction multiforme entre ces dernières, les circonstances particulières et les initiatives individuelles. « La grandeur du grand homme ne consiste pas en ce que ses qualités personnelles donnent une physionomie individuelle aux grands événements de l’Histoire, précisait-il. Elle consiste en ce que le grand homme a des qualités qui le rendent le plus capable de servir les grandes nécessités sociales de son temps, lesquelles naissent par l’opération des causes générales et particulières. »

Autrement dit, résumait Plekhanov, « je peux faire l’Histoire sans avoir besoin d’attendre qu’elle se fasse ». Le constat, d’où le léninisme tirera son avant-gardisme jusqu’à l’impasse dictatoriale et sa dégénérescence totalitaire, vaut aussi bien pour les audaces victorieuses que pour les défaites annoncées. Si les hommes politiques agissent dans des situations qui, évidemment, les déterminent et leur échappent tout à la fois, leurs actions, choix et décisions, interagissent sur ces situations, en accélèrent, retardent, précipitent ou modifient le cours.

L’analyse de l’échec dans lequel s’est si rapidement fourvoyé le pouvoir né de la présidentielle de 2012 ne saurait faire l’impasse sur cette question, autrement dit celle du rôle individuel de François Hollande dans cette situation si catastrophique que son propre premier ministre, Manuel Valls, redoute désormais à voix haute que la gauche toute entière ne s’en relève jamais (« La gauche peut mourir », à lire ici). Certes, personnaliser, c’est souvent dépolitiser. Et les questions individuelles de comportement ou de psychologie ne peuvent servir d’excuses à des choix politiques collectivement assumés par tous ceux qui nous gouvernent depuis deux ans.

Reste que, sous la Cinquième République, le rôle de l’individu dans l’Histoire se ramène d’abord à celui de la personnalité qui l’incarne, le président. Régime archaïque, tant son césarisme bonapartiste dévitalise la volonté populaire, sa force institutionnelle est intrinsèquement sa faiblesse démocratique. Tout ou presque y procède d’un seul. Quand le président américain peut être un ancien acteur hollywoodien (Ronald Reagan) ou un rejeton de l’oligarchie politique (George Bush Jr) qui donne vie à un rôle en grande part scénarisé et mis en scène par d’autres, dans un jeu complexe de pouvoirs et contre-pouvoirs, le président français est d’emblée renvoyé à une immense solitude par des institutions d’essence monarchique plutôt que républicaines d’esprit.

Il n’est pas seulement comptable au premier chef. Il est aussi lui-même agi, transformé et révélé par les institutions qu’il préside, dans une métamorphose incertaine où sa personnalité intervient tout autant que sa politique. À cette aune, il y a bien un cas Hollande dont l’effet négatif est loin d’être négligeable sur son propre camp. Politiquement, le constat est devenu une évidence : l’orientation qu’il a donnée à sa présidence est contraire à ses engagements électoraux et à rebours de son histoire partisane. Mais, personnellement, il y ajoute la confusion désastreuse de choix faits sans mode d’emploi, sans débat avec sa famille politique ni pédagogie pour ceux qui l’ont élu, dans un mélange d’embardées, d’amateurisme et d’improvisation qui ne cesse de désespérer ses plus proches.

À l’instar d’une rupture sentimentale qui se ferait sans un mot d’explication de celle ou celui qui part, François Hollande, seul dans son château, égare la gauche en lui faisant faux bond sans jamais lui expliquer pourquoi. Comme si c’était indicible ou inavouable. C’est une des données de l’actuelle dynamique régressive qui, électoralement, ne fait surgir aucune alternative à la déroute socialiste : par son échappée solitaire et silencieuse, si loin du personnage qu’il prétendait être en façade, le président élu par toute la gauche plonge celle-ci, tout entière, dans la stupéfaction, l’entraîne dans la dépression, l’enferme dans le désarroi. Et, de ce point de vue, la toute dernière séquence est aussi exemplaire que caricaturale.

Deux choix symboliques proprement inimaginables

Avec François Hollande, même les rendez-vous les plus prévisibles s’épuisent rapidement comme si cette présidence, décidément, avait le souffle court et l’imaginaire pauvre. La séquence mémorielle et internationale, celle des commémorations du 6 juin 1944, où il s’est affiché en hôte du monde, n’aura duré que l’espace d’un week-end de la Pentecôte. Sans doute parce que, enfermé dans sa bulle présidentielle, il s’est convaincu qu’un passé figé parle d’évidence pour un présent mouvant, incertain et embrumé. Or, pour en dissiper les brouillards, les lumières du passé ne seront d’aucun secours sans clarté sur le futur promis.

Au lieu de quoi, cette présidence propose un tête-à-queue incessant où elle fait perdre toute boussole à la gauche dont elle est issue, la privant en quelque sorte de sens de l’orientation, autrement dit s’entêtant à la désorienter. Alors même qu’elle fait face à des mouvements sociaux prévisibles et annoncés, ceux des intermittents et des cheminots qui la mettent en porte-à-faux par rapport à ses engagements passés et à son assise sociale (lire ici l’article de Rachida El Azzouzi), la voici qui se signale aux siens par deux décisions symboliques proprement inimaginables.

« Mon véritable adversaire, c’est la finance », avait déclaré le candidat Hollande. Et, donc, mardi 10 juin, il nomme comme conseillère à l’Élysée une économiste fort libérale, Laurence Boone, qui officiait jusque-là au sein de la deuxième plus grande banque outre-Atlantique, la Bank of America. « C’est pour la jeunesse de notre pays que je veux présider la France », déclarait encore le candidat Hollande, dans le même discours du Bourget du 22 janvier 2012. Et, donc, jeudi 12 juin, il propose la nomination au poste essentiel de Défenseur des droits d’un vieux routier du chiraquisme, symbole de l’entre-soi d’une classe politique rétive au renouvellement, Jacques Toubon, 73 ans le 29 juin prochain, lequel terminerait son mandat de six ans dans sa quatre-vingtième année s’il était effectivement désigné.

« J’ai des inclinations à gauche », a confié au Monde la nouvelle conseillère élyséenne. La précision est importante tant on ne s’en était pas aperçu à lire, dans le quotidien libéral L’Opinion, les chroniques de cette publiciste des vulgates économiques les plus conformistes et les moins progressistes (lire ici l’article de Lénaïg Bredoux). Hostile à la régulation des banques, Laurence Boone qualifiait même, le 26 mai dernier, soit seulement deux semaines avant sa nomination, de « massacre » la politique économique du pouvoir, malgré tous les efforts de ce dernier pour séduire le patronat au risque de désespérer les salariés. « Les choix de politique économique sont quasiment inexistants, écrivait-elle. La déclaration de politique générale de Manuel Valls l’annonçait : c’est un programme qui ne vise ni à soutenir la demande à court terme, ni à élever le potentiel de croissance de long terme. »

Jacques Toubon avec Jean Tiberi, en 1997.
Jacques Toubon avec Jean Tiberi, en 1997. © Reuters

Si Jacques Toubon s’est fait plus discret – encore qu’il aurait carrément écrit à François Hollande pour se porter candidat –, son itinéraire parle pour lui. Élus socialistes, pétitionnaires de gauche, spécialistes de la justice ne se sont pas privés de le rappeler à un président aussi oublieux qu’indifférent. Comment transformer en Défenseur des droits rigoureux et audacieux, indépendant et inventif, un homme qui s’est distingué en ne votant finalement pas la loi Badinter abolissant la peine de mort, en s’opposant à la dépénalisation de l’homosexualité, en ne s’associant à aucun des grands combats pour la défense et l’élargissement des libertés, notamment les droits des femmes et les droits des étrangers ? Et, qui plus est, en se comportant, quand il fut ministre de la justice, en gardien des siens plutôt qu’en garde des Sceaux, s’efforçant de ralentir ou d’entraver les investigations judiciaires sur des affaires de financement politique ?

C’est devant le club Droits, justice et sécurités que François Hollande était venu, en 2012, présenter ses propositions de candidat sur la justice. Et c’est ce club DJS, rassemblement de juristes, avocats, magistrats, hauts fonctionnaires, etc., peu portés à la dissidence et toujours loyaux envers le Parti socialiste, qui lui répond de façon cinglante, en jugeant « choquante et même déplacée » cette nomination d’un homme dont la carrière ininterrompue est ainsi résumée : « Jacques Toubon, Défenseur des droites ». Faut-il préciser que l’actuelle présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) dont le Défenseur des droits est membre de droit, Christine Lazerges, fut présidente du club DJS jusqu’en 2013 ? Faut-il ajouter que l’un des fondateurs de ce club n’est autre que l’avocat Jean-Pierre Mignard, qui a également manifesté son courroux ? Lequel est aussi l’ami personnel et le défenseur habituel de François Hollande (et, par ailleurs, l’avocat de Mediapart avec son cabinet Lysias – ce qui n’a aucun rapport mais doit être précisé).

Comment, pour des choix aussi symboliques que fonctionnels, François Hollande peut-il à ce point dérouter celles et ceux qui lui ont fait confiance, voire ceux-là même qui l’ont parfois aidé, soutenu et conseillé ? Il n’y aurait donc, dans les réseaux socialistes, fussent-ils modérés, aucun économiste sans lien professionnel avec le monde bancaire méritant de rejoindre la présidence de la République ? Et encore moins de personnalité nouvelle, intègre, indépendante et compétente à gauche capable d’assumer, d’impulser et d’imposer cette récente, décisive et encore trop discrète institution du Défenseur des droits chargée, tout à la fois, de protéger nos droits fondamentaux face à l’État, de lutter contre les discriminations et pour l’égalité, de veiller à la déontologie des forces de sécurité, de promouvoir les droits de l’enfant, etc. ?

François Hollande semble devenu l’otage consentant des institutions qui l’isolent, au point d’être incapable de consulter, solliciter et écouter ceux qui lui sont proches. Et cela vaut dans tous les domaines. Même ses plus fidèles soutiens dans les milieux culturels entrent en dissidence, tel Jean-Michel Ribes du théâtre parisien du Rond-Point, qui appelle à une « mobilisation citoyenne » parce que « la cause des intermittents du spectacle est celle de la défense des libertés fondamentales de la République ».

Un climat schizophrénique et neurasthénique

« Une forme de bras d’honneur », a brutalement déclaré à propos des deux nominations contestées l’animateur de l’aile gauche du PS, Emmanuel Maurel, en rappelant que les choix de Laurence Boone et de Jacques Toubon viennent après celui de Jean-Pierre Jouyet, ancien ministre de Nicolas Sarkozy, comme secrétaire général de l’Élysée en remplacement d’un haut fonctionnaire constamment fidèle à la gauche, Pierre-René Lemas. Bras d’honneur : l’image résume bien le fossé d’incommunicabilité qui s’est installé entre François Hollande et sa propre famille politique, ce sentiment qu’elle a d’être méprisée et ignorée.

Et comme si cela ne suffisait pas, cette semaine sidérante s’est terminée par l’annonce du premier ministre, Manuel Valls, d’une modification de l’emblématique loi sur le logement portée par celle qui en était encore ministre il y a peu, l’écologiste Cécile Duflot. Laquelle n’a pas hésité à évoquer une trahison des engagements de 2012 : « Ne soyons pas dupes, il sagit d’une opération qui consiste à attaquer une des véritables lois de gauche de ce mandat. Abroger la loi Alur reviendrait à trahir des engagements de campagne sans aucun effet positif sur la construction. »

Que tous ces choix – dont le plus emblématique, le pacte de responsabilité et ses dizaines de milliards d’économies pesant sur les ménages et les salariés, sera l’enjeu des prochains débats parlementaires – dessinent une orientation idéologique en sens opposé à celle qui accompagna l’élection de 2012, c’est l’évidence. Mais elle ne s’accompagne aucunement de l’habileté tactique, fût-elle cyniquement calculatrice, qui pourrait transformer ce tournant en nouvelle cohérence politique. Quelle est l’utilité de ressusciter un chiraquisme sans bataillons, alors même que la crise de l’UMP tétanise durablement la droite ?

François Hollande, sur les plages du Débarquement.
François Hollande, sur les plages du Débarquement. © Reuters

Quel bénéfice attendre d’une telle manœuvre aussi archaïque que sans ambition quand, sur une ligne semblablement d’ouverture à droite, François Hollande n’a pas su tendre la main à François Bayrou qui, pourtant, avait pris le risque public de voter pour lui au second tour ? Indifférence qui a renvoyé ce dernier vers ses anciens amis hier ralliés à Sarkozy et lui a ôté toute envie de venir au secours de cette présidence, d’autant moins que l’effondrement moral du sarkozysme ouvre un espace à droite à l’alliance UDI-MoDem.

De fait, la ligne suivie par ce pouvoir, jusqu’au choix comme premier ministre de Manuel Valls qui a toujours défendu au PS cette évolution vers la droite, est celle d’une nouvelle majorité au centre. Mais celui qui la conduit au sommet de l’État ne l’assume pas, refusant d’accompagner son faire d’un dire. Manuel Valls a au moins le mérite de la clarté quand il force son avantage en faisant comme si, par la grâce d’une promotion présidentielle, sa ligne, hier fort minoritaire, était devenue centrale au Parti socialiste (lire ici le récent article de Stéphane Alliès). À l’inverse, François Hollande ne cesse de brouiller et d’embrouiller, créant autour de sa présidence un climat schizophrénique et neurasthénique.

Tout pouvoir politique est une forme de récit. Une histoire que l’on raconte, une ambition que l’on propose. Son authenticité est une autre affaire, tant ce récit peut être mensonger ou sincère, fabriqué ou spontané. Dans tous les cas, son existence est nécessaire pour que l’on comprenne et juge, pour que l’on puisse débattre et affronter, approuver ou contester. Or, d’une présidence l’autre, nous sommes passés de l’excès à l’absence. Au trop-plein du sarkozysme, ces cartes postales incessantes qui distillaient le poison de transgressions démocratiques, a succédé sous le hollandisme un vide fait d’appauvrissement et d’épuisement.

Comme si la présidence de François Hollande était marquée par son incapacité à inscrire son action dans un récit politique affichant et défendant sa cohérence, aussi discutable et contestable soit-elle par ailleurs sur le fond de ses orientations. Proches ou lointains de l’individu, soutiens ou adversaires de sa politique, impliqués dans l’action gouvernementale ou lui cherchant une alternative, tous les cercles concentriques de la gauche, dans sa diversité, se perdent en conjectures sur cette énigme d’un homme qu’ils ne comprennent plus et qui leur échappe. La réponse est sans doute à l’intersection du pouvoir et de la personnalité, de l’effet révélateur de l’un sur l’autre, tant nos institutions présidentielles sont plus fortes que les individus que, dans le même mouvement, elles dévorent et dévoilent.

« On abîme le pays lorsqu’on abîme le président », a récemment déclaré pour le défendre une ancienne journaliste, son ex-compagne, Valérie Trierweiler, entonnant le refrain du « Hollande bashing » comme cause des malheurs de cette présidence. Comme si le pays ne pouvait être abîmé par un président qui s’abîme tout seul ! Comment ne pas penser à cette formule de Karl Marx, en 1878, à destination de ses camarades sociaux-démocrates allemands : « Ils sont atteints de crétinisme parlementaire au point de se figurer qu’ils sont au-dessus de toute critique et de condamner la critique comme un crime de lèse-majesté ! »

Aussi zélé soit-il, le crétinisme présidentiel, ou plutôt présidentialiste, ne réussira pas à sortir cette présidence de l’impasse dans laquelle elle s’est enferrée de son propre chef.

 

Bordeaux, jeudi 19 juin : rencontre-échange entre la LDH, le syndicat des avocats de France et le syndicat de la magistrature.

LOGO-LDH

Le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines est entré depuis le 3 juin  dernier dans le processus de vote parlementaire, en procédure dite « accélérée » engagée par le Gouvernement le 16 mai 2014.

Il a été adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale le 10 juin, avant son examen par le Sénat à partir du 24 juin prochain.

Tout en notant les avancées portées par ce projet de loi, plusieurs organisations et associations, réunies au sein de la « Plateforme des 28 » et du Collectif Liberté, Égalité, Justice (CLEJ) ont invité le Gouvernement et les Parlementaires à aller plus loin et à ne pas céder au chant des sirènes sécuritaires.

Cette rencontre-échange, à laquelle tous les parlementaires girondins ont été conviés, est une occasion de faire le point sur l’état des discussions et des évolutions du texte mais aussi de faire passer le message des associations et organisations mobilisées en faveur des droits et de la justice.

 

La Ligue des Droits de l’Homme de Bordeaux

le Syndicat des Avocats de France

le Syndicat de la Magistrature

vous convient à une rencontre-échange qui se déroulera le 

 

Jeudi 19 juin de 18h30 à 20h30

Athénée Joseph Wresinski,

Place Saint Christoly à Bordeaux

Où est la gauche ?

Par Denis Sieffert12 juin 2014

Une bataille hautement symbolique

« Intermittent », ça ne fait pas très sérieux. Il y a déjà dans ce mot comme un fameux risque de malentendu. Quelque chose qui aurait à voir avec l’inconstance, voire le dilettantisme. Plus ou moins consciemment, plus ou moins cyniquement, le Medef en joue. C’est ne pas connaître, ou ne pas vouloir connaître, les métiers de la culture. Car si l’intermittence définit bien un statut social fait de parenthèses forcées et d’événements saisonniers, elle oublie dans ce qu’elle suggère une réalité plus complexe que l’on pourrait appeler, au contraire, la constance de l’engagement. Les intermittents sont, pour la plupart d’entre eux, des femmes et des hommes habités par leur art, qui ne connaissent pas d’heures, ni de week-end ni vraiment de repos, et qui d’ailleurs n’en veulent pas. J’ai évidemment conscience en disant cela de parler de la part la plus noble du « métier » : le comédien, le metteur en scène, le musicien, l’artiste, l’acrobate… Mais comment dissocier de celui-là cet autre qui lui est indispensable : le technicien, le régisseur, l’éclairagiste, la maquilleuse, le décorateur, et tous ceux sans lesquels les premiers ne pourraient pas exister ?

Défendre le statut d’intermittent, c’est défendre un principe. Une évidence. Il n’y a pas de rôle que l’on n’ait besoin d’apprendre et d’habiter, ni de création qu’on ne doive féconder. Il se trouve que je butine en ce moment les Carnets d’artiste de Philippe Avron, homme magnifique, qui nous a quittés en 2010. On y comprend de quoi sont faites ces intermittences où l’artiste « ne travaille pas ». La recherche de « l’ascèse du corps » du comédien qui se prépare à jouer Dom Juan : « Tant de tilleuls, tant de bains chauds, de peur de voix cassée, de médicaments pour arriver à la maîtrise du rôle et de la salle. » Et ce travail sur soi-même quand il faut faire entrer le rôle en soi : « Il faudrait que je laisse l’Idiot jouer à ma place, note encore Avron, être habité par Mychkine, vivre Mychkine. » Bien sûr, je ne prends pas là les plus mauvais exemples. Molière, Dostoïevski, Avron… Mais quelle que soit l’œuvre, et quel que soit l’art, le mime, le chant, le trapèze, la création, que ce soit à la Comédie-Française ou dans la rue, l’épreuve est la même. Et puis, il y a les moments de vide absolu. La recherche d’emploi – mot riche ici d’un beau double sens. Une autre forme d’angoisse qui ne laisse pas non plus l’esprit en paix. Ce sont ces vides, et ces temps d’incubation, qu’une société au comble du mercantilisme tente de contester. Certes, en dépit de quelques tentatives patronales, on ne remet pas en cause le régime des intermittents. On ne fait que le rogner, l’user à petit feu, le rendre inopérant et décourageant pour le plus grand nombre possible d’artistes.

Le conflit qui menace aujourd’hui les festivals d’été nous renvoie aussi à une interrogation qui nous est familière dans ce journal, et plus encore depuis les élections européennes : où est la gauche ? Que fait la gauche ? Son attachement à la culture a toujours été une marque de fabrique. La future gauche de gouvernement n’avait pas de mots assez forts, il y a deux ans encore, quand elle était dans l’opposition, pour stigmatiser les projets pusillanimes d’une droite armée de sa seule règle à calcul. En février 2013, Michel Sapin, alors ministre du Travail, avait encore affirmé qu’« un régime pour salariés précaires a forcément un solde négatif ». Façon de dire que la culture ne tient pas dans un tiroir-caisse. Même dit sans trop de poésie, c’était bien. Mais aujourd’hui ? Son collègue François Rebsamen semble s’apprêter à ratifier un texte qui constituerait un nouveau recul pour les intermittents. Comme dans le dossier des retraites, les socialistes auraient-ils pris le relais de la droite ? Laquelle, en 2003, avait élevé à 507 heures de travail tous les dix mois (au lieu de douze mois précédemment) la barre qui ouvre le droit à indemnisation. Le texte du mois de mars que les intermittents contestent ces jours-ci s’y prendrait autrement, mais pour un même résultat. Il attaque sur deux fronts : aggravation de ce qu’on appelle le « délai de carence », soit un demi-mois supplémentaire d’attente pour des gens qui, pour beaucoup, sont des smicards, et augmentation de la cotisation.

La mauvaise foi régnant dans ce dossier, des chiffres tronqués circulent, exagérant du simple au triple le déficit causé par ce régime spécial. C’est au moins le mérite du médiateur nommé par le gouvernement, le député PS Jean-Patrick Gille, de reconnaître le mensonge des chiffres. Mais il faut aussi cesser d’accuser les intermittents de turpitudes dont ils sont le plus souvent victimes. Sans doute y a-t-il parmi eux quelques petits malins qui profitent du système, mais les gros contrebandiers, ce sont les entreprises publiques de radio et de télévision qui allègent leur masse salariale en transformant en intermittents des techniciens ou des « producteurs » qui devraient être des salariés. On aggrave ainsi un déficit tout en précarisant plusieurs catégories de personnel. Si le gouvernement veut faire des économies, c’est peut-être là qu’il doit les chercher. En respectant les particularités des métiers de la culture, et ce qu’ils ont de plus précieux : le temps de la création. Que deviendrait une société qui ne serait plus capable de faire vivre ses artistes ? Et une gauche qui serait complice de cette faillite ?

Nota Bene :

Carnets d’artiste (1956-2010), Philippe Avron, L’Avant-Scène Théâtre, « Quatre Vents figures », 312 p., 20 euros. On y reviendra car ce livre mérite mieux qu’une simple allusion.

Tafta, qui va là ?

Institut de recherche de la FSU

A la veille des élections européennes, deux sigles obscurs (Tafta et TTIP) ont surgi dans la campagne électorale et suscité des débats. Les porteurs du Tafta ont compris que ce serait plus difficile que prévu, et qu’il y avait un risque de perdre cette bataille. Daniel Rallet, Julien Rivoire et Hélène Cabioc’h nous donnent des armes pour que ce risque devienne réalité.

L’ Accord sur la libéralisation du commerce transatlantique (Tafta en anglais) ou sous une autre dénomination le Partenariat Transatlantique pour le Commerce et l’Investissement (TTIP) sont loin des sujets habituellement fréquentés par les médias et dans l’opinion. Mais de nombreux acteurs politiques et sociaux se sont emparés de ces questions ardues, et le succès rencontré sur le terrain par les collectifs locaux contre le Tafta qui se mettent actuellement en place témoigne d’une sensibilité remarquée dans une société où la dynamique des mobilisations est aujourd’hui problématique.

Cette émotion suscitée par le Tafta peut s’expliquer par la convergence de prises de conscience qui se complètent.

Une protestation contre l’absolutisme marchand

Le Tafta n’est pas qu’un accord commercial classique négocié entre partenaires concurrents, c’est fondamentalement un instrument que se donnent les entreprises transnationales désireuses de supprimer les barrières qui régulent et réglementent leurs activités de part et d’autre de l’Atlantique. Ces barrières réglementaires édictées par les pouvoirs publics sont considérées comme une gêne qui restreint leurs profits potentiels.

Qu’est ce qui les gêne ? : les droits des travailleurs, la protection sociale, les règles de sécurité sanitaire des aliments, les réglementations sur l’usage des substances chimiques toxiques, la législation sur la protection des données, la liberté d’accès aux semences agricoles, et même…les nouvelles réglementations bancaires mises en place pour 2008 pour réguler la finance.

Le Tafta vise aussi à créer de nouveaux marchés en ouvrant les marchés publics à la concurrence des sociétés transnationales, ce qui menace de déclencher une nouvelle vague de privatisations, y compris dans la santé et l’éducation.

« Tout ce qui est profitable doit avoir lieu ! » : cette injonction extrémiste portée par les multinationales, celle d’un capitalisme sans limites, apparaît insupportable et dangereuse à de nombreux citoyens et s’attaque à la plupart des secteurs de la société qui ont résisté jusqu’ici à la déferlante néo-libérale.

Cette offensive tous azimuts crée le sentiment d’un destin commun à refuser et d’un autre à construire. Elle crée des conditions favorables à l’émergence de mouvements rassemblant la diversité de la société (agriculteurs, artistes, salariés, consommateurs, usagers des services publics, défenseurs de l’environnement,…) , même si la tactique adverse va chercher à diviser en fragmentant la négociation. Par exemple, en acceptant dés le départ l’exception culturelle, la Commission européenne pensait avoir le champ libre pour le reste.

Une protestation contre le déni de démocratie

Voilà des mesures qui vont avoir une grande importance pour nos vies et qui concernent tous les secteurs de la société. Voici une privatisation et une marchandisation renforcée de la société, une menace radicale sur nos protections collectives. Ce ne sont pas des choses mineures.

Qui décide de cela ? De puissants lobbies économiques qui sont à la manœuvre, qui inspirent les textes (et parfois les écrivent), dans une absence totale de transparence. Les parlementaires et les ministres ne peuvent même pas avoir accès aux dossiers ou avec des précautions (consultation avec interdiction de faire des photocopies) relevant de la guerre froide. Sans compter les soupçons de corruption inévitable avec un tel déséquilibre entre les puissances d’intérêt et le pouvoir politique.

C’est un formidable écho au slogan du mouvement des Indignés « Ils ne nous représentent pas ».

C’est une formidable illustration du concept d’oligarchie quand on voit ces messieurs de l’ »Europe Business » (organisation patronale européenne dont le Medef est membre) discuter avec leurs compères américains de l’AmChan (Chambre de commerce américaine), enfermés dans des grands hôtels en compagnie des négociateurs représentant le gouvernement américain et la Commission Européenne. Tous les lobbies de l’industrie automobile, des banques, de l’industrie pharmaceutique, de l’agroalimentaire, de la chimie, ….sont étroitement associés aux négociations.

Le plus préoccupant , c’est que le Tafta a pour but d’accorder aux investisseurs étrangers un droit nouveau, celui d’entamer des poursuites contre des gouvernements souverains en les traduisant devant des tribunaux arbitraux privés en cas de perte de profit résultant d’une décision publique. Ce mécanisme de « règlement des différents entre investisseur et Etat » concerne toutes les règles publiques (de l’UE, des Etats, des Collectivités locales) et place le capital privé au même rang que les autorités publiques désignées démocratiquement.

Cette violente attaque contre les principes de la démocratie se double d’une autre menace. Le Tafta projette d’introduire sa propre version du principe de « transparence » (cynisme remarquable pour un processus où les négociations sont menées dans le plus grand secret). Il s’agit bien entendu de la « transparence » des Etats qui doivent informer préventivement les entreprises de leurs projets de réglementation, dés lors que ceux-ci peuvent nuire aux profits de celles-ci. C’est ainsi que la Commission européenne propose d’établir un Conseil de Coopération réglementaire qui devrait être informé de toute nouvelle proposition de réglementation supposée défavorable aux entreprises avant même qu’elle ne soit adoptée., accordant ainsi aux entreprises le pouvoir politique de contrôler a priori les Etats.

Ces dispositifs vont très loin puisqu’ils dénient aux pouvoirs publics la légitimité politique.

Une mobilisation de portée internationale

En ces temps où la tentation du repli national devient insistante, le Tafta a ceci d’intéressant qu’il oblige à lever la tête et à construire l’internationalisme.

Certes, on voit déjà comment le Front National essaie de récupérer l’hostilité au Tafta.

Certes, on peut concentrer la critique sur l’impérialisme américain. Et celui-ci est clairement à l’offensive : les Etats-Unis considèrent les normes européennes de sécurité alimentaire comme des obstacles et cherchent à imposer les leurs (poulet congelé et lavé au chlore, viande aux hormones, usage intensif des pesticides, OGM,…), ils attaquent les normes européennes REACH dans le domaine de la sécurité chimique et refusent d’élever leurs normes sociales au niveau minimum demandé par l’OIT.

Mais l’Union européenne est tout autant à l’offensive pour avoir sa part du gâteau. Et on ne peut pas plus se réfugier dans le rejet de l’UE car les grandes firmes françaises sont particulièrement actives dans ces négociations secrètes. Elles rêvent par exemple de forcer l’ouverture des marchés publics américains. C’est la Commission européenne qui a demandé que les réglementations financières introduites depuis 2008 figurent à l’ordre du jour ! La France, le Royaume-Uni, l’Allemagne sont à la manœuvre et sont soutenus par… les banques américaines qui y voient un moyen d’affaiblir les réglementations imposées par l’administration Obama !

Ensuite quand des militants d’Afrique ou d’Amérique Latine nous disent ; » votre campagne contre le Tafta c’est bien, mais tous ces dispositifs sont dans les accords qu’on a signé avec l’UE », on a l’impression qu’ils posent une bonne question. Entre le Nord et le Sud les traités bilatéraux qui ont déjà été signé sont fort inégaux. Les Africains mangent déjà du poulet congelé européen, ce qui a provoqué la disparition de nombreux paysans locaux.

Ce n’est qu’en défendant une mobilisation internationaliste, une mobilisation pour une autre Europe, pour un autre monde qu’on fera de cette lutte un vecteur de l’émancipation. En construisant des convergences entre les peuples, au lieu de les dresser les uns contre les autres. En défendant des positions communes par exemple comme l’Alliance pour un Mandat Commercial Alternatif (http://aitec.reseau-ipam.org/spip.p…), une coalition d’environ 80 organisations européennes de la société civile européenne qui a présenté 9 propositions aux candidats aux élections européennes.

Dans la grande tradition de Seattle (1999), qui a vu l’émergence du mouvement altermondialiste, la mobilisation contre le Tafta est déjà transatlantique, associant les syndicats, les ONG, les associations.

Cette perspective internationaliste concerne particulièrement le syndicalisme à un moment où les salariés du monde entier sont mis en concurrence, où les protections collectives sont affaiblies, où les normes sociales sont tirées vers le bas. Les partisans du Tafta font miroiter les gains en termes d’emploi pour rallier des forces sociales et syndicales à leur projet. Mais cet accord n’est pas fait pour l’emploi ! D’ailleurs, une étude commandée par la Commission européenne dont les hypothèses sont très optimistes avance que l’accord augmenterait de 0,5 % la croissance de l’UE d’ici 2027, soit quasiment rien.

L’expérience d’autres accords comme l’ALENA (entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique) conclu en 1994 montre des effets négatifs en termes d’emploi et de salaires.

Dans cette lutte au long cours qui s’annonce, le barrage médiatique a été franchi. Les porteurs du Tafta ont compris que ce serait plus difficile que prévu, et qu’il y a avait un risque de perdre cette bataille, comme ils ont perdu la bataille de l’ACTA (l’accord commercial anti-contrefaçon rejeté en 2012 par le Parlement européen au motif qu’il menaçait les libertés civiles en exigeant des fournisseurs Internet qu’ils surveillent et divulguent des informations sur les internautes)

Ils sont sur la défensive : le « règlement des différents investisseur-Etat » est sur la sellette, des ministres déclarent qu’il « ne faut pas s’alarmer à tort », qu’il « faut faire de la pédagogie »… Les situations dans lesquelles les puissants sont sur la défensive ne sont si nombreuses aujourd’hui.

Daniel Rallet

TAFTA, un article de l’institut de recherche de la FSU..

Stop tafta ! Potentiels d’une mobilisation à construire

En France, une vaste coalition de plus de 30 organisations s’est constituée en décembre 2013, dans laquelle les organisations syndicales Solidaires, CGT, FSU et Confédération paysanne, sont impliquées, aux côtés d’Attac, de la fondation Copernic, des économistes atterrés, de réseaux écologistes (les amis de terre, Collectifs contre le Gaz de Schiste, collectifs contre les Grands Projets Inutiles, Alternatiba etc…) d’organisations politiques (FdG, EE les Verts, Nouvelle Donne, NPA). Par Julien Rivoire

Des initiatives ont émergé de ce cadre collectif : rassemblement contre la réunion entre de grandes entreprises multinationales, et Karel de Gucht, négociateur duTAFTA, manifestation à Paris lors d’une journée européenne de mobilisation le 17 mai… D’autres sont en préparation, en lien avec les mouvements européens pour le second semestre 2014. Localement, de nombreuses réunions d’information se tiennent, souvent impulsées par Attac ou par des collectifs unitaires en constitution (actuellement 65 sont dénombrés) avec à chaque fois une affluence nettement supérieure aux initiatives prises ces dernières années sur des thématiques altermondialistes et antilibérales. De nombreuses collectivités locales se déclarent zone « Hors Tafta ». L’écoute et l’attente qui s’expriment nous invitent à penser aux campagnes similaires : celles menées contre l’AMI ou l’AGCS, voire dans sa dimension populaire à celle menée contre le TCE, même si la dynamique n’est pour l’instant pas comparable.

Le spectre très large des forces mobilisées fait toute la force de cette mobilisation naissante, et dans le même temps produit des difficultés inhérentes à ce type de mouvement porté par des mouvements qui ne se côtoient que trop rarement. Force du mouvement ancrée autour de problématiques spécifiques, dont la pluralité permet d’embrasser toutes les dimensions des combats sociaux : droits démocratiques, environnementaux, droits des salariés, combats pour des services publics de qualité… Cette diversité est source de dynamiques et de rassemblement pour autant qu’elle soit respectueuse de chacune de ces batailles. Les craintes exprimées par des mouvements « citoyens » de se voir relégués en combats secondaires est l’expression de difficultés récurrentes à articuler plutôt qu’à hiérarchiser les luttes sociales. D’autant que cette méfiance s’accompagne d’incompréhensions réciproques entre mouvements et organisations, incompréhensions liées en partie à des histoires militantes et des approches organisationnelles différentes, plus souvent peut être à des représentations stéréotypées de ces « cultures militantes ».

La construction du cadre unitaire a également fait émerger des débats légitimes et nécessaires, qui sans nécessairement devoir être tranchés pour agir se doivent d’être approfondis.

Comme dans tout mouvement social, la définition de la cible du combat est essentielle, et permet de passer au révélateur les analyses parfois différentes des parties prenantes à la mobilisation. La lutte contre le Tafta n’y échappe pas. Pour certains, ce projet de marché transatlantique met en exergue le projet impérialiste des Etats Unis, et serait le pendant économique de l’OTAN militaire. Un militant comme Raoul Marc Jennar ou le Parti de Gauche sont entre autres porteurs de cette approche. Pour d’autres, comme Attac, la cible principale se doit d‘être les multinationales, premières bénéficiaires des traités de libre échanges, quelque soit leurs nationalités. Au delà de ces débats tactiques se sont aussi des analyses de fond sur la nature du capitalisme européen (sous hégémonie des Etats-Unis versus intégré dans une lutte inter impérialiste), qu’il nous faudrait mener, en lien avec les débats portant sur la crise économique et politique de l’UE.

D’autre part, les débats traversant le syndicalisme européen, notamment au sein de la CES se sont invités au cours de la construction du collectif français. Ainsi, pour une partie de la CGT, l’opposition frontale aux négociations se devait d’être accompagné de propositions « en positif », position proche du compromis trouvé au sein de la CES entre des syndicats des pays Nord-européens, exportateurs parfois favorables au traité de libre échange avec l’espoir qu’il soit créateur d’emplois dans leur secteur d’activité, et des syndicats plus farouchement opposés.

La FSU, bien que présente dans la mobilisation, nationalement et localement, se doit de renforcer son implication dans ce type de mouvement. Pour la richesse des débats que cette mobilisation suscite, l’importance de cette lutte pour notre mouvement syndical opposé à la marchandisation et à la libéralisation du monde, ou car le rassemblement qu’il crée est une opportunité pour reprendre pied dans la bataille idéologique, les raisons ne manquent pas pour s’investir pleinement dans cette campagne.

Julien Rivoire

Intermittents, Unédic, Réformes : tentative de dossier

La LDH soutient les intermittents du spectacle :

Avant de vous plonger dans ce passionnant dossier, nous tenons à expliquer son existence. Quiconque s’intéresse un tant soit peu à la culture, ou aux mouvements sociaux, n’a pu échapper ces derniers mois aux différentes interventions des intermittents. Qui concernent les réformes de l’Unédic par les propositions du Medef. Nous avons souhaité défricher cette question, avec nos moyens, par le prisme des intermittents, mais également celui des chômeurs et précaires qui sont concernés par ces questions.

En résulte un article, dans lequel vous pouvez piocher par question dans des menus déroulants, mais aussi des dessins ludico-humoristiques. À la fin de cet article également, un pdf téléchargeable qui reprendra les dessins ainsi qu’une bibliographie utile. Merci pour votre lecture et votre partage.

Chapitre 1 – Être un intermittent du spectacle.

1---Intermittent-du-spectacle068C’est être un artiste ou un technicien travaillant de manière épisodique et irrégulière pour différents employeurs de l’audiovisuel, du cinéma ou du spectacle vivant. Ils font partie d’un régime spécifique d’indemnisation de l’assurance chômage. Pour pouvoir prétendre à l’ouverture de leur droit, les techniciens doivent cumuler 507 heures de travail sur 10 mois. On parlera plutôt de cachets pour les artistes.

C’est quoi, un intermittent du spectacle ?

 

Pourquoi est-ce d’usage de travailler en CDD ?

Que sont les annexes 8 et 10 ?

Qu’est-ce qu’un cachet ?

 

Chapitre 2 – L’Assurance-chômage et l’Unédic.

L’Assurance-chômage a pour objectif de protéger le salarié lorsque celui-ci perd son emploi et ce, en lui versant une indemnisation. Ce régime est obligatoire pour tout salarié ou entreprise du secteur privé et repose sur ces deux notions fondamentales : la solidarité interprofessionnelle et la mutualisation des risques entre les employeurs et les salariés, qu’importe le secteur ou la catégorie professionnelle.

L’assurance-chômage pour les nuls

 

L’Unédic (« Union Nationale interprofessionnelle pour l’Emploi dans l’Industrie et le Commerce »):


L’Unédic est donc au centre du système de l’assurance-chômage puisqu’elle a pour but principal de le gérer.

L’Unédic pour les nuls

 

2---Unedic065

Chapitre 3 – La réforme pour les nuls.


On crie à l’injustice ! Qu’il y a des privilégiés. Ce sont ces gens, là. Ces intermittents, précaires de la pire espèce, qui creusent un peu plus notre trou à tous. Un trou dans le porte-monnaie de la sécurité sociale. C’est un braquage bien organisé de l’assurance-chômage nourri par l’égoïsme sans fond d’une poignée !
Alors, ces rédempteurs de comptes que sont le Medef ou bien la Cour des comptes, bonnes gens qu’ils sont, se plient en quatre pour la France avec force d’accords.
Il y a cet accord du 22 mars dernier. Un peu trop fripon, on le polira le 17 avril. Quoi ! Ce ne sont pas des bêtes ! Non non, ils ont l’intelligence du chiffre. Du calcul exact. Mais c’est bien là que le problème se pose.
On impute avec largesse le déficit de l’assurance-chômage aux intermittents du spectacle alors que les méthodes de calcul employées sont erronées.
Supercherie donc !
Depuis longtemps dénoncée par les syndicats des intermittents du spectacles, par les économistes, par les analystes et par certains ministres… Ce devrait être un scandale, cela reste une poussière sous un tapis.
Et puis, à force de nous montrer le loup, on en oublierait presque la forêt. Le royaume de l’Unédic est vaste et boisé.
Ayons donc une pensée émue pour ces chômeurs à venir qui, transportés de la joie naïve d’avoir gagné leur procès aux prud’hommes pour licenciement abusif, se verront dans l’obligation de rendre jusqu’à 16 200 euros de dommages et intérêts à Pôle emploi. Merci qui ?

Il est important de rappeler ici qu’il n’existe pas de caisse spécifique des intermittents. Il n’y a qu’une seule caisse pour l’ensemble des salariés et employeurs du privé car l’Unédic repose sur la notion de régime de solidarité interprofessionnelle.

Un peu d’histoire

 

Un déficit, vraiment ?

Les accords du 22 mars 2014 et du 17 avril 2014 :

Vous en avez entendu parler, vous en avez lu des articles au sujet de ces nouveaux accords concernant le système de l’assurance-chômage, touchant aussi bien intermittent qu’intérimaire, précaire ou chômeur. Pourquoi de nouveaux accords ? À cause du déficit. Notamment celui du système d’assurance-chômage des intermittents du spectacle. Encore une fois.
Or, et c’est bien là le nœud du problème, cet argument avancé par le Medef et la Cour des comptes ne tient pas. La méthode employée pour le calcul de ce déficit est fausse. Pourquoi ?
Ce calcul a pour principe de mettre en comparaison le « déficit » des intermittents avec le déficit de l’ensemble de l’assurance-chômage.

Mais, on ne peut parler de déficit des annexes 8 et 10 puisqu’il n’existe aucune caisse spécifique aux intermittents du spectacle. Ceux-ci cotisent à la même caisse d’assurance-chômage que tout autre salarié et employeur du secteur privé.
Dès lors, comment serait-il possible de comparer le « déficit » des annexes 8 et 10 à celui de l’ensemble de l’assurance-chômage ? Les déficits comparés ne sont tout simplement pas de même nature.

Le calcul du déficit de l’Unédic repose sur la différence entre les allocations versées par Pôle emploi aux demandeurs d’emploi indemnisés ET la totalité des cotisations versées par l’ensemble des salariés du secteur privé et leurs employeurs. Il prend donc en compte les cotisations de toute une population active.
Quant au calcul du déficit des intermittents, il s’agit de la différence entre les allocations versées pendant des périodes de chômage ET la totalité des cotisations versées par les mêmes intermittents quand ils travaillent. Ici, seul l’apport des demandeurs d’emploi, eux-mêmes, est pris en compte.

C’est un non-sens et un grave détournement de l’idéologie qui sous-tend le système de l’assurance-chômage, puisque celle-ci repose, martelons-le encore une fois, sur la solidarité interprofessionnelle !

Qui plus est, il a souvent été reproché à l’Unédic (au sujet de ces fameux accords du 22 mars 2014), son manque de transparence puisque celle-ci n’a tout simplement pas communiqué les chiffres officiels sur l’ensemble du coût de l’accord.

différé-1

Quelques changements pour les intermittents et chômeurs :

Outre une augmentation de 2% sur leurs cotisations, les intermittents verront leur différé augmenté, aggravant une condition déjà précaire.
Qu’est-ce qu’un différé ? Il s’agit d’une franchise ou encore d’une carence visant à augmenter le délai ouvrant l’accès aux allocations chômage.
Lorsqu’un salarié intermittent ouvre ses droits, il dispose de 243 jours indemnisés. Il ne s’agit pas d’une période mais d’un capital de jours qui pourront être interrompus, décalés ou même supprimés notamment avec les heures de travail. Ce qui repousse la fin de l’indemnisation et donc la réouverture de nouveaux droits.
Pour le calcul des droits, on prend, comme salaire de référence, la somme des salaires bruts effectués auparavant. Les 7 premiers jours faisant suite à l’ouverture des droits ne sont pas indemnisés. Il s’agit d’un délai d’attente. Puis, un différé peut être appliqué, ce qui vient retarder encore un peu plus le début de l’indemnisation.
Ce deuxième différé s’applique à partir d’un salaire de référence de 8 500 euros (auparavant, c’était à partir de 20 000 euros). Il augmente considérablement pour les salaires bas et moyens.

différé-2

Et le chômeur, ce joyeux trublion ?

 

L’entrée en application de la réforme de l’Unédic devrait avoir lieu le 1er juillet 2014. Précarisant encore les petits revenus, cette mesure fortement contestée au sein des intermittents du spectacle donne déjà lieu à de nombreuses grèves dans le secteur, qui pèse désormais sur les festivals de cet été.

Retrouvez notre dossier sous format pdf pour une meilleure lisibilité des dessins, ainsi qu’une bibliographie – Consultable et téléchargeable ici :

http://imprimerienocturne.com/dossierintermittent.pdf

Politis : Editorial par Denis Sieffert

Par Denis Sieffert4 juin 2014

Le pari de l’espoir

La gauche est-elle capable de faire taire les éternels sceptiques qui vont nous répétant que les querelles de chapelles sont aussi immuables que le Massif central ou les Vosges ?

Comme beaucoup de gens de ma génération, j’ai aimé Yannick Noah tennisman. Et déjà moins le musicien. Mais je n’aime pas du tout le moraliste politique. Celui qui, après les européennes, vient nous dire à la télévision qu’il a « honte » de la France, et qu’il se sent « insulté ». Ces mots, j’aurais peut-être pu les prononcer il y a quinze ou vingt ans. Nous étions nombreux alors à croire que le Front national devait être combattu par des leçons de morale, qu’il fallait jeter l’opprobre sur ses adhérents, et placer en quarantaine ses électeurs pour éviter que notre société ne soit contaminée.

C’était encore le temps de SOS-Racisme. Depuis, nous sommes un peu redevenus matérialistes, au sens philosophique du terme. La situation, il est vrai, nous y a aidés. C’est une évidence aujourd’hui que ce sont aussi des ouvriers qui votent pour le Front national. Et qu’ils ne le font pas par adhésion à une idéologie d’extrême droite, et moins encore fascisante, mais en raison de leur situation sociale et d’un profond désespoir politique. On connaît la fameuse phrase de Marx : « Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience. » Ce qui ne veut pas dire qu’on est mû par sa seule fiche de paie ou par sa feuille d’impôts, mais que notre condition d’être social est un facteur essentiel dans la formation de notre opinion. Mais il y faut ajouter l’espoir ou le désespoir, qui font partie de l’existence sociale telle qu’on la projette. On me pardonnera ce petit détour par une citation surannée. C’est une façon de rappeler à ceux dont la vie est confortable que leurs leçons de morale n’ont aucune prise sur des gens qui sont dans des situations de précarité parfois extrêmes. Non seulement ce « politiquement correct » est inefficace, mais il est contre-productif. Ces deux positionnements – le « moralisateur » et le « un peu matérialiste » – face à la montée du parti de Marine Le Pen et à la droitisation de notre société, c’est ce qui distingue en principe les dirigeants du PS d’une gauche sociale (dans laquelle j’inclus la gauche du Parti socialiste). Les premiers font d’autant plus de morale qu’ils ont oublié de faire du social. Les seconds ont compris – ils y ont parfois mis le temps ! – qu’il ne peut y avoir de raccourci. Et que la seule solution, c’est une politique qui ferait sortir les catégories les plus défavorisées du chômage ou de la peur du chômage.

C’est donc de ce côté qu’il faut chercher l’espoir. À condition, que cette gauche de la gauche sache se rassembler. Est-elle capable de faire taire les éternels sceptiques qui vont nous répétant que les querelles de chapelles sont aussi immuables que le Massif central ou les Vosges ? Nous voulons faire le pari que oui. En vingt ans, et malgré les effets d’optique dus à notre impatience, le paysage a finalement été sérieusement transformé. Les Verts se sont installés, puis le Parti de gauche est apparu, formant avec le Parti communiste une articulation originale, mais tellement perfectible. Politis a accompagné ces évolutions. Et mieux que cela : il y a contribué. Mais voilà qu’aujourd’hui de nouvelles transformations sont indispensables et urgentes. Cela ne se passe jamais dans la sérénité, et presque toujours dans la crise. Signe encourageant : depuis une semaine, les appels fleurissent, et plusieurs personnalités du Front de gauche ont pris la parole pour pointer les erreurs de stratégie et remettre en cause l’architecture actuelle de la coalition. Clémentine Autain, notamment, dans Politis, puis Pierre Khalfa, lundi dans le Monde, ont plaidé pour un rassemblement plus large que le Front de gauche. Même Jean-Luc Mélenchon n’est pas épargné.

L’enjeu d’un assouplissement des structures et d’une plus grande ouverture, c’est évidemment de permettre un rassemblement large de toutes les composantes de la gauche écologiste et sociale : de la gauche du PS au NPA, s’il le souhaite, en passant par la gauche des Verts, Nouvelle Donne, mais aussi le mouvement social et associatif. Le paradoxe, c’est que le Front de gauche, souvent critiqué, et si fragile, apparaît comme le pivot de ce rassemblement. Que les choses se passent autour de lui ou en son sein. Quoi qu’il en soit, la tâche est immense. Car il ne peut s’agir seulement d’un assemblage. Un corps de doctrine commun est à inventer. Il faut passer de nouveau à l’offensive sur les institutions, le temps de travail, la réforme fiscale, oser rompre clairement avec la religion de la croissance… et tant d’autres choses. C’est la raison d’être de Politis que d’œuvrer à cette tâche. C’est-à-dire rendre l’espoir.

Nota Bene :

N. B.

Nous accueillons cette semaine sur Politis.fr un nouveau blogueur, « le Yéti », qui a quitté Rue 89 pour nous rejoindre. Et nous entamerons la semaine prochaine un blog thématique sur la Coupe du monde de football. Enfin, nos excuses à nos lecteurs pour une faute dans l’édito de la semaine dernière. Le passage de dernière minute d’un pluriel en singulier a transformé « fourvoient » en « fourvoit » au lieu, bien sûr, de « fourvoie ». Comme disait notre une : à qui la faute ? Je ne vous le dirai pas…