La section locale de la Ligue de Droits de L’Homme a interpellé, avant le vote de la loi « Immigration », le Président du Sénat sur le recul des droits fondamentaux des enfants qui pourraient être retenus en rétention durant 90 jours et ainsi privés de scolarisation.
Monsieur le Président,
Le projet de loi « Immigration maîtrisée, droit d’asile effectif et intégration réussie » a été adopté par l’Assemblée nationale et ce texte est actuellement en discussion au Sénat.
Au-delà des divergences de vue sur les problèmes de société et sur la façon de les régler que nous pouvons tous avoir les uns et les autres, il est un sujet qui nous rassemble et qui fait « consensus » : c’est notre attachement commun aux valeurs qui forment notre République et à nos volontés communes de les protéger, de les transmettre mais aussi de les valoriser.
Si nous prenons la liberté de vous écrire aujourd’hui, c’est pour vous faire part de nos préoccupations sur la façon dont la majorité actuelle a, au sein de l’Assemblée nationale voté pour adopter ce projet de loi.
Force est de regretter que ce texte sera très rapidement examiné – procédure d’urgence oblige – aussi nous vous présentons nos interrogations pour que vous puissiez d’ores et déjà réfléchir à la portée de certaines décisions déjà prises par vos homologues de l’Assemblée nationale et peut-être (nous l’espérons) ne pas réitérer les « erreurs » qui ont été commises à notre sens par les députés.
Nous avons suivi avec beaucoup d’attention ces trop courts débats qui se sont déroulés au sein de l’Assemblée Nationale et nous avons été particulièrement surpris que ce projet de loi ait pu réunir une majorité de parlementaires pour valider l’enfermement des mineurs accompagnés de leurs parents dans des centres de rétention fermés.
Nous sommes d’autant plus surpris que nos représentants aient pu donner leur aval à une disposition contraire aux traités internationaux (conventions) régulièrement ratifiés par notre pays.
Nous nous sommes plongés dans le recueil des jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’homme et nous avons constaté que les arrêts de la Cour de Strasbourg sont particulièrement sévères à l’endroit des Etats qui contreviennent aux dispositions de l’article 3 de cette convention (cf. documents ci-joints).
De plus, en cas d’enfermement de ces enfants mineurs, même accompagnés de leurs parents pour une durée de 90 jours, ils ne pourront bénéficier d’un quelconque enseignement scolaire et la France se placera dans l’illégalité par rapport à l’article 28 de la Convention internationale des droits de l’enfant, signée par notre pays le 20 novembre 1989.
En supposant que le Sénat reprenne à l’identique les travaux validés par l’Assemblée nationale, comment la France assurera-t-elle l’éducation de ces enfants dans des centres fermés tout au long de cette durée de 3 mois ?
A moins que la majorité parlementaire et le gouvernement décident que notre pays doit se retirer unilatéralement la convention européenne des droits de l’homme – comme il en aurait parfaitement le droit – suivant ainsi les recommandations du Front national, nous n’arrivons pas à comprendre la stratégie que les membres de la majorité parlementaire de l’Assemblée nationale ont suivi.
Dans le cadre de notre association, nous rencontrons fréquemment nos homologues qui oeuvrent eux-aussi dans un domaine d’action similaire au notre (autres sections de la LDH, Cimade, Gisti, Amnesty, etc.) et nos échanges doivent se faire sur des bases composées d’éléments tangibles que doivent nous rapporter directement nos représentants – sans attendre la vision quelquefois tronquée et inexacte que les journalistes peuvent nous apporter.
A cet effet, nous souhaiterions vivement que vous puissiez nous expliquer quel serait l’argument juridique que l’Etat exposerait tant devant les juridictions administratives que devant les juges de Strasbourg pour justifier une telle violation du droit international ?
En l’état actuel du texte, sans aucun retrait de cette disposition arbitraire, vous ne permettrez pas à notre pays d’échapper à une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme.
Que notre pays, initiateur des droits de l’homme par sa déclaration de 1789, elle-même réitérée en 1946 puisse demain être stigmatisé en pays non respectueux de ses propres principes est un fait mais qu’il soit de surcroît en contradiction avec des conventions qu’il a lui-même régulièrement signé aura un effet dévastateur sur notre réputation déjà malmenée par ailleurs sur d’autres dossiers liés aux droits de l’homme.
Si le Sénat adoptait à l’identique le projet de loi, déjà validé par l’Assemblée nationale, comment selon vous, notre pays arriverait-t-il alors à juguler cette perte d’influence dans ce domaine qui, nous devons le constater et le regretter, place notre pays dans une situation délicate ?
Quel sera notre crédit dans ce domaine, tout en sachant que notre pays se permet de faire des observations à certains pays de l’Union qui bafouent les droits fondamentaux eux-mêmes contenus dans le T.F.U.E. ?
L’objet social de notre association va de pair avec la protection de nos libertés et des droits fondamentaux et en votre qualité de Président du Sénat, représe
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