Appel d’intellectuels en soutien au mouvement de décembre 2019 contre la réforme des retraites

GRÈVE DU 5 DÉCEMBRE : PLUS DE 180 INTELLECTUELS ET ARTISTES SOUTIENNENT « CELLES ET CEUX QUI LUTTENT « 

Le 4 Décembre 2019

Défendant « la justice sociale plutôt que la loi du plus fort », un collectif de personnalités, dont Annie Ernaux, Etienne Balibar, Robert Guédiguian et Thomas Piketty, lancent, dans une tribune au « Monde », un appel à s’associer aux mouvements « jaune, vert, rouge, noir ou arc-en-ciel ».

Tribune. Face aux offensives d’un gouvernement néolibéral et autoritaire, nous estimons qu’il est de notre responsabilité d’affirmer que notre présent et notre avenir émergeront des luttes sociales et politiques.

Nombreux sont les mouvements populaires qui traversent notre société et notre monde : ils s’érigent face aux dogmes d’une économie financiarisée qui incite et invite à la consommation déraisonnée ; ils inventent des alternatives aux inégalités sociales, raciales et genrées trop souvent considérées comme des paramètres indépassables ; ils affrontent les semeurs de haine et de peur qui veulent fracturer notre société.

Dans la rue, sur les ronds-points, au sein des associations, des syndicats, des partis, dans les quartiers populaires, dans les villes et dans les campagnes, en famille ou entre amis, les possibles s’échafaudent et se multiplient, les expériences réellement démocratiques se dessinent, les solidarités se font rapports de force.

L’écologie populaire se dote d’une colonne vertébrale idéologique et pragmatique ; les mouvements sociaux embrassent l’ensemble de la société. Aussi, nous devons le réaffirmer aujourd’hui : malgré l’intimidation constante et l’extrême répression devenue système, la démocratie ne doit plus avoir peur du peuple.

La France que nous voulons

La liberté et l’égalité, l’écologie et la justice, tous les fondements essentiels de notre République ne peuvent plus être de vains concepts. Ils doivent alimenter une pensée et une action sans cesse renouvelées, sans cesse débordées, de la France que nous voulons : le partage des richesses, des pouvoirs, des savoirs et des temps que nos services publics réinventés doivent assurer ; la protection professionnelle et sociale pour toutes et tous, tout au long de la vie ; l’égalité politique et sociale des minorités ; l’écologie populaire, seul futur envisageable pour la survie de nos écosystèmes.

« Les mouvements sociaux actuels ne sont une crise que pour la politique gouvernementale », disait déjà l’appel des intellectuels publié dans les colonnes du Monde en décembre 1995.

Les luttes plurielles qui structurent une large partie de la société française sont une possibilité de départ vers la construction et la mise en œuvre de nouveaux paradigmes : le pouvoir vivre plutôt que le pouvoir d’achat ; la mondialité plutôt que la mondialisation ; la justice sociale plutôt que la loi du plus fort ; l’émancipation individuelle et collective plutôt que la réussite individuelle.

C’est pourquoi nous appelons toutes et tous à s’associer à ces mouvements jaune, rouge, vert, noir ou arc-en-ciel, et à la réflexion sur l’avenir de notre société qu’ils engagent. Et, que le jeudi 5 décembre et les jours qui suivront, la colère légitime mais surtout l’espoir retrouvé chantent dans les rues de France, car notre avenir est à la portée de nos intelligences collectives.

Liste complète des signataires :
Christophe Aguiton, sociologue ; Jean-Loup Amselle, anthropologue ; Alexis Anne-Braun, écrivain ; Ariane Ascaride, comédienne ; Patrick Autréaux, écrivain ; Geneviève Azam, économiste ; Marie-Hélène Bacqué, sociologue ; Etienne Balibar, philosophe ; Ludivine Bantigny, historienne ; Christian Baudelot, sociologue ; François Bégaudeau, écrivain ; Nicolas Benies, économiste ; Laure Bereni, sociologue ; Pierre Bergounioux, écrivain ; Florian Besson, historien ; Gisèle Berkman, essayiste ; Laurent Binet, écrivain ; Jacques Bidet, sociologue ; Yves Bonnay, enseignant ; Véronique Bontemps, anthropologue ; Thomas Branthôme, historien du droit ; Rony Brauman, médecin ; Dany Bruet, économiste ; Dominique Cabrera, réalisatrice ; Julia Cagé, économiste ; Robin Campillo, réalisateur ; Laurent Cantet, réalisateur ; Manuel Cervera-Marzal, sociologue ; Bernard Chambaz, écrivain ; Patrick Chamoiseau, écrivain ; Yves Charnet, écrivain ; Sébastien Chauvin, sociologue ; Natacha Chetcuti-Osorovitz, sociologue ; Stéphanie Chevrier, éditrice ; Samuel Churin, comédien ; Hélène Cixous, écrivaine ; Patrice Cohen-Seat, avocat ; Maxime Combes, économiste ; Pierre Cours-Salies, sociologue ; Thomas Coutrot, économiste ; Alexis Cukier, philosophe ; Jocelyne Dakhlia, historienne ; Alain Damasio, écrivain ; Judith Davis, réalisatrice ; Françoise Davisse, réalisatrice ; Jérôme Deauvieau, sociologue ; Laurence De Cock, historienne ; Christine Depigny-Huet, anthropologue ; Rokhaya Diallo, essayiste ; Cyril Dion, réalisateur ; Emmanuel Dockès, juriste ; Nicole Edelman, historienne ; Didier Eribon, philosophe ; Annie Ernaux, écrivaine ; Patrick Farbiaz, auteur ; Eric Fassin, sociologue ; Jacques Fath, essayiste ; Pascale Fautrier, auteure ; Fabrice Flipo, philosophe ; Brigitte Fontaine, poète ; Bernard Foutrier, historien ; Geneviève Fraisse, philosophe ; Bernard Friot, économiste ; Camille Froidevaux-Metterie, philosophe ; Jean Gadrey, économiste ; Isabelle Garo, philosophe ; Didier Gelot, économiste ; Susan George, essayiste ; Jérôme Gleizes, économiste ; Maria Grazia Meriggi, historienne ; Roland Gori, psychanalyste ; Robert Guédiguian, réalisateur ; Janette Habel, universitaire ; Jean-Marie Harribey, économiste ; Ingrid Hayes, historienne ; Clotilde Hesme, comédienne ; Sylvestre Huet, journaliste ; Michel Husson, économiste ; Sabina Issehnanei, économiste ; Pierre Jacquemain, journaliste ; Chantal Jaquet, philosophe ; Samy Johsua, professeur de sciences de l’éducation ; Anne Jollet, historienne ; Juliette, auteure, musicienne ; Leslie Kaplan, écrivaine ; Razmig Keucheyan, sociologue ; Pierre Khalfa, économiste ; Jean-Daniel Magnin, écrivain ; Aïssa Lacheb, écrivain ; Jean-Marie Laclevetine, écrivain ; Geoffroy de Lagasnerie, philosophe ; Bernard Lahire, sociologue ; Nicolas Lambert, cartographe ; Mathilde Larrère, historienne ; Sandra Laugier, philosophe ; Christian Laval, sociologue ; Jean-Louis Laville, sociologue ; Elisabeth Lebovici, critique d’art ; Olivier Le Cour Grandmaison, historien ; Pascal Lederer, philosophe ; Rémi Lefebvre, politologue ; Jérôme Leroy, écrivain ; Edouard Louis, écrivain ; Germain Louvet, danseur étoile ; Corinne Luxembourg, géographe ; Alain Mabanckou, écrivain ; Philippe Mangeot, enseignant ; Philippe Marlière, politologue ; Roger Martelli, historien ; Malte Martin, designer graphique ; Gilles Martinet, géographe ; Christiane Marty, féministe ; Bernard Marx, économiste ; Gustave Massiah, économiste ; Florent Massot, éditeur ; Nicolas Mathieu, écrivain ; Marion Mazauric, éditrice ; Caroline Mecary, avocate ; Dominique Méda, sociologue ; Philippe Meirieu, chercheur ; Meyer, photographe ; Ariane Mnouchkine, metteure en scène ; Claudia Moatti, historienne ; Christian de Monlibert, sociologue ; Chantal Montellier, bédéaste ; Gérard Mordillat, réalisateur ; Toni Negri, philosophe ; Emmanuel Noblet, metteur en scène ; Gérard Noiriel, historien ; Océan, comédien réalisateur ; Nicolas Offenstadt, historien ; Ugo Palheta, sociologue ; Willy Pelletier, sociologue ; Pierre Pelot, écrivain ; Hélène Pereira, philosophe ; Bruno Perreau, politologue ; Thomas Piketty, économiste ; Loucas Pillaud-Vivien, mathématicien ; Pablo Pillaud-Vivien, journaliste ; Michel Pinçon, sociologue ; Monique Pinçon-Charlot, sociologue ; Thomas Porcher, économiste ; Luc Quinton, plasticien ; Makan Rafatdjou, architecte-urbaniste ; Gilles Raveaud, économiste ; Patrick Raynal, écrivain ; Eric Reinhardt, écrivain ; Emmanuel Renault, philosophe ; Robin Renucci, comédien ; Judith Revel, philosophe ; Jacques Rigaudiat, économiste ; Blandine Rinkel, écrivaine ; Michèle Riot-Sarcey, historienne ; Daniel Rome, enseignant ; Pierre Rousset, spécialiste de l’Asie ; Alain Ruscio, historien ; Thomté Ryam, auteur ; Zoé Sagan, écrivaine ; Danièle Sallenave, de l’Académie française ; Anne Salmon, sociologue ; Jean-Marc Salmon, chercheur en sciences sociales ; Gisèle Sapiro, sociologue ; Alexandre Sargos, journaliste ; Réjane Sénac, politologue ; Lucien Sève, philosophe ; Minna Sif, auteure ; Patrick Silberstein, éditeur ; Yves Sintomer, politologue ; Danielle Stéphane, artiste visuelle ; Amanda Spiegel, librairie Folies d’encre ; Philippe Sultan, spécialiste des politiques publiques ; Jean-Pierre Térail, sociologue ; Julien Théry, historien ; José Tovar, essayiste ; Catherine Tricot, architecte-urbaniste ; Aurélie Trouvé, agroéconomiste ; Paco Vallat, éditeur ; Dominique Vidal, essayiste ; Jean Vigreux, historien ; Arnaud Viviant, critique littéraire ; Sophie Wahnich, historienne ; Serge Wolikow, historien ; Alice Zeniter, écrivaine

Manifestation intersyndicale à 10H 30 – Place de Catalogne – à Perpignan – mardi 17 décembre 2019 – pour le retrait du projet de réforme des retraites

La LDH est concernée par le grand mouvement social qui traverse le pays pour le retrait d’un projet de réforme des retraites destructeur du système par répartition basée sur la solidarité entre générations, système né à la Libération. Le gouvernement veut faire travailler les salariés plus longtemps, et ouvrir un espace à la retraite par capitalisation. Cette réforme résulte des décisions libérales de l’Union européenne de réduire les dépenses publiques et la part du PIB consacrée aux pensions, mais aussi des exigences patronales de baisser les cotisations. Défendre tous les droits sociaux, comme le droit à la retraite par répartition, conquête de la Libération, fait partie du combat de la LDH pour les droits humains collectifs, droits sociaux gravement menacés aujourd’hui.

Lire l’appel intersyndical 66  des syndicats CGT-FO-FSU-Solidaires-CGC  – au format PDF

RÉFORME DES RETRAITES – ACTE 4
C’EST TOUJOURS NON UN POINT C’EST TOUT !

Répression au Chili : un rapport accablant d’Amnesty international

Depuis plus de 50 jours le mouvement social continue au Chili contre les hausses de prix et les inégalités, malgré une terrible répression qui a déjà fait plus des dizaines de morts et plus de 2000 blessés. L’armée occupe les villes comme lors de la sinistre dictature de Pinochet dont la constitution anti-démocratique est toujours en vigueur. Tirs tendu des forces armées sur le visage et les yeux, tortures, violences sexuelles contre les manifestants, le rapport d’Amnesty est accablant.

Violences policières: le Chili rejette des accusations d’Amnesty

  • afp, le 22/11/2019

Le gouvernement chilien a rejeté jeudi des accusations contre les forces de l’ordre de la part d’Amnesty International, qui dénonce des violations généralisées des droits de l’Homme lors des protestations antigouvernementales de ces dernières semaines.

Le président chilien Sebastian Piñera a toutefois admis le même jour qu’il était possible que «dans certains cas» les procédures régissant l’activité des forces de l’ordre n’aient pas été respectées. Il a promis que d’éventuelles infractions feraient l’objet de poursuites en justice.

Le mouvement de protestation sociale, qui a débuté le 18 octobre, se poursuit. Des manifestations accompagnées de pillages et d’incendies ont eu lieu jeudi à Santiago et dans d’autres villes.

Dans son rapport publié jeudi, Amnesty International déclare que les forces de l’ordre chiliennes ont adopté une politique de brutalité délibérée contre les manifestants.

«L’intention des forces de l’ordre chiliennes est claire: blesser ceux qui manifestent pour décourager le mouvement de protestation, y compris en arrivant à des extrêmes, en utilisant la torture et la violence sexuelle contre les manifestants», estime l’ONG dans ses conclusions préliminaires à l’issue d’une visite au Chili.

– «Punir» les contestataires –

Le gouvernement du président Piñera a soutenu cette «politique pour punir» les contestataires, a déclaré Erika Guevara, directrice pour les Amériques d’Amnesty International.

L’ONG assure qu’«il ne s’agit pas de faits isolés» et que les violations qu’elle a répertoriées «répondent à un modèle».

Amnesty critique également la décision du gouvernement de faire appel à l’armée au cours des neuf premiers jours de la crise, ce qui a eu selon elle des conséquences «catastrophiques».

Le gouvernement chilien a immédiatement rejeté les conclusions de l’ONG.

«Le gouvernement rejette catégoriquement le dernier rapport d’Amnesty International qui prétend avoir identifié une politique délibérée visant à blesser les manifestants», a déclaré lors d’une conférence de presse la sous-secrétaire chilienne aux Droits de l’Homme, Lorena Recabarren.

La police chilienne a affirmé pour sa part qu’elle n’avait pas eu «l’intention de blesser» des manifestants.

Et les forces armées se sont elles aussi inscrites en faux. «Il n’a existé et il n’existe aucune politique des forces armées pour mener des attaques généralisées ou systématiques contre la population civile», déclare un communiqué conjoint de l’armée de terre, de la marine et de l’armée de l’air.

– 22 morts, 2.000 blessés –

Au cours de ce mouvement social, le plus important au Chili en trois décennies, 22 personnes ont été tuées, dont cinq après l’intervention des forces de sécurité, et plus de 2.000 blessés, dont plus de 200 grièvement touchés aux yeux.

L’Institut national des droits humains (INDH), organisme public, a déposé 384 plaintes pour des violations commises par les forces de l’ordre contre les manifestants.

Quelque 1.100 plaintes pour torture et mauvais traitements ont été déposées au parquet, et 70 dossiers d’agressions sexuelles commises par des représentants des forces de l’ordre sont en cours d’instruction.

Les carabineros (police chilienne) ont fait état pour leur part de 1.600 agents blessés durant les protestations.

Au cours d’une rencontre jeudi avec des journalistes de médias étrangers, le président Piñera a déclaré, comme il l’avait fait pour la première fois dimanche dernier, que si des violences policières étaient avérées, elles seraient sanctionnées.

– Promesse de sanctions –

Il a reconnu qu’il avait pu arriver que les procédures d’intervention ne soient pas observées.

«Si ces procédures n’ont pas été respectées, et je crois qu’il est possible que dans certains cas elles ne l’aient pas été, cela fera l’objet d’une enquête du parquet et cela sera sanctionné par les tribunaux», a assuré M. Piñera.

La police chilienne a annoncé mardi qu’elle suspendait l’utilisation de munitions controversées qui ont provoqué de graves lésions oculaires chez plus de 200 manifestants.

La police affirme que ces munitions sont en caoutchouc mais, selon une étude de l’Université du Chili, elles sont constituées à 20% de caoutchouc et à 80% de silice, de sulfate de baryum et de plomb, ce qui les rend très dangereuses.

Les protestations sociales se sont poursuivies jeudi à Santiago et dans d’autres villes.

– Tortures et incendies –

Plusieurs dizaines de personnes ont manifesté devant le centre commercial Arauco à Quilicura, dans le nord de Santiago, pour protester contre des tortures que des policiers auraient infligées à de jeunes manifestants. Le rassemblement a débouché sur le pillage et l’incendie de plusieurs boutiques.

Des manifestations ont aussi eu lieu sur la plaza Italia, dans le centre de la capitale. Des dizaines de manifestants encagoulés ont affronté la police, qui a utilisé gaz lacrymogène et camions lanceurs d’eau.

Des incidents et pillages ont aussi eu lieu à Antofagasta (nord), Valparaiso (centre) et Concepcion (sud).

Des manifestants affrontent la police anti-émeute lors d’une manifestation contre le gouvernement, à Santiago, le 19 novembre 2019. Le président Sebastian Pinera a condamné dimanche pour la première fois ce qu’il a qualifié d’abus commis par la police dans le cadre de quatre semaines de troubles violents qui ont secoué le Chili et qui a fait 22 morts et plus de 2 000 blessés. Les Chiliens protestent contre les inégalités sociales et économiques, et contre une élite politique bien enracinée, issue notamment d’un petit nombre des familles les plus riches du pays.