Source AFP Publié le 26/10/2023 à 05h53, mis à jour le 26/10/2023
Les dirigeants de l’Union européenne ont réclamé jeudi des « couloirs humanitaires » et des « pauses » dans le conflit pour venir en aide aux habitants de la bande de Gaza assiégée, pilonnée sans répit depuis 20 jours par l’armée israélienne en riposte à l’attaque sanglante du Hamas.
Le mouvement islamiste palestinien a estimé jeudi à « près de 50 » le nombre d’otages tués dans les frappes israéliennes dans la bande de Gaza. Les autorités israéliennes n’ont pas confirmé ce chiffre, que l’AFP n’a pas pu vérifier de manière indépendante.
Selon le Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza, plus de 7.000 personnes ont été tuées dans ces bombardements israéliens depuis le 7 octobre, en majorité des civils dont environ 3.000 enfants.
En Israël, 1.400 personnes, selon les autorités, ont été tuées depuis le début de la guerre, dont un millier de civils morts le jour de l’attaque contre Israël.
La communauté internationale redoute les conséquences d’une possible offensive terrestre d’Israël sur le territoire palestinien, où l’aide internationale n’arrive qu’au compte-gouttes pour les 2,4 millions d’habitants pris au piège dans des conditions humanitaires désastreuses.
Les dirigeants européens, réunis en sommet à Bruxelles, ont exprimé jeudi leur « inquiétude » concernant la dégradation de la situation humanitaire à Gaza, et appelé à la mise en place de « couloirs humanitaires » et de « pauses » pour répondre aux besoins de la population.
Les 27 se sont dits par ailleurs favorables à l’organisation d’une « conférence internationale de paix », qui aurait lieu « prochainement ».
« Le gouvernement est muet »
Le 7 octobre, des centaines de combattants du mouvement islamiste se sont infiltrés sur le sol israélien depuis la bande de Gaza, lors d’une attaque d’une violence et d’une ampleur sans précédent depuis la création d’Israël en 1948.
Selon l’armée israélienne, 224 otages, israéliens, bi-nationaux ou étrangers, ont été enlevés au cours de cette attaque par le Hamas, qui a relâché quatre femmes à ce jour.
Jeudi soir, les familles d’otages ont prévenu à Tel-Aviv être arrivées « au bout de leur patience » et exigé d’être reçues par le gouvernement.
« Depuis vingt jours le gouvernement est muet, nous faisons tout nous mêmes », a déploré Eyal Sheni, le père de Roni Sheni, une soldate de 19 ans otage ou disparue.
Le Hamas a publié jeudi une liste d’environ 7.000 noms de Palestiniens tués selon lui dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre, après que la crédibilité de ses bilans a été remise en question mardi par le président américain Joe Biden.
Le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche, John Kirby, interrogé sur ce point, a déclaré qu’il ne « contesterait pas » le fait que plusieurs milliers de Palestiniens ont été tués. Mais, a-t-il ajouté, « nous ne devrions pas nous fier » aux chiffres avancés par le ministère de la Santé du Hamas.
« Raid ciblé »
Pendant la nuit de mercredi à jeudi, l’armée israélienne a mené un « raid ciblé » avec des chars dans le nord de la bande de Gaza, en prélude à une offensive terrestre annoncée à plusieurs reprises et confirmée mercredi soir par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui a promis « d’anéantir » le Hamas.
Pendant ce raid, les soldats ont « frappé de nombreux terroristes, leurs infrastructures et des positions de lancement de roquettes antichars », avant de « quitter la zone », a annoncé l’armée.
L’armée a diffusé des images en noir et blanc du raid, montrant des véhicules blindés et des bulldozers passant au travers d’un grillage de protection, similaire à celui séparant Israël de la bande de Gaza.
Des vidéos tournées par l’AFPTV depuis Sdérot, dans le sud d’Israël, montrent un énorme nuage de fumée s’élevant au-dessus du nord de Gaza.
Une offensive terrestre serait extrêmement périlleuse dans ce territoire très densément peuplé, truffé de tunnels où le Hamas cache ses armes et ses combattants, et en présence d’otages.
La bande de Gaza, un territoire pauvre de 362 kilomètres carrés, soumis à un blocus israélien terrestre, aérien et maritime depuis que le Hamas y a pris le pouvoir en 2007, est placé depuis le 9 octobre en état de « siège complet » par Israël, qui y a coupé l’eau, l’électricité et l’approvisionnement en nourriture.
Des images satellite publiées jeudi montrent l’ampleur des destructions, avec des quartiers entiers rasés par les bombardements.
Depuis le 15 octobre, l’armée israélienne appelle la population du nord de la bande de Gaza, où les bombardements sont les plus intenses, à évacuer vers le sud. Au moins 1,4 million de Palestiniens ont fui leur foyer depuis le début de la guerre, selon l’ONU.
Mais les frappes continuent aussi de toucher le sud, proche de la frontière égyptienne, où sont massés plusieurs centaines de milliers de civils.
Jeudi, une adolescente a été sortie des décombres d’un immeuble de Khan Younès, une ville du sud du territoire. Elle a été transportée à l’hôpital après 35 heures passées sous les décombres.
« Aucun endroit n’est sûr à Gaza »
« Aucun endroit n’est sûr à Gaza », a affirmé jeudi la coordinatrice des affaires humanitaires de l’ONU pour les territoires palestiniens, Lynn Hastings.
« Où qu’on aille, on mourra », lâche Rahma Saqallah, qui s’apprêtait jeudi à quitter la région de Khan Younès. Cette femme avait fui la ville de Gaza, bombardée par l’armée israélienne, vers le sud, avec son mari et ses quatre enfants.
Elle en est repartie avec sa fille seulement, les autres ayant péri dans une frappe contre une maison dans laquelle ils se croyaient en sécurité.
Le président français Emmanuel Macron a jugé mercredi, au Caire, qu’une offensive terrestre israélienne, si elle devait être « massive », serait une « erreur ». Son homologue égyptien, Abdel Fattah al-Sissi a, lui, appelé à éviter une « invasion terrestre de Gaza ».
Aux Etats-Unis, le président Joe Biden a affirmé mercredi qu’Israël avait « le droit » de se défendre, mais qu’il devait faire tout son possible « pour protéger les civils innocents ».
« Pauses » humanitaires
Pour Washington, un cessez-le-feu « à ce stade ne bénéficierait qu’au Hamas », classé organisation terroriste par les Etats-Unis, l’Union européenne et Israël. La Maison Blanche a suggéré plutôt des « pauses » pour faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire.
Seuls quelques dizaines de camions chargés d’aide sont arrivés à Gaza depuis le 21 octobre via l’Egypte, alors qu’au moins 100 camions par jour seraient nécessaires, estime l’ONU qui réclame d’urgence la livraison de carburant pour faire fonctionner les générateurs dans les hôpitaux, pomper et purifier l’eau.
Ce qu’Israël exclut, affirmant que cela profiterait au Hamas et à ses opérations militaires.
Selon Mohammed Abu Selmeya, le directeur de l’hôpital Shifa dans la ville de Gaza, le plus grand du territoire, « dix hôpitaux sont déjà hors service » et « plus de 90 % des médicaments et des produits sont épuisés ».
Alors qu’une partie de la communauté internationale redoute un embrasement régional, les échanges de tirs sont quotidiens à la frontière nord d’Israël avec le Liban, entre l’armée israélienne et le Hezbollah, soutenu par l’Iran et allié du Hamas.
La tension est très vive aussi en Cisjordanie occupée, où plus de cent Palestiniens ont été tués dans des violences depuis le 7 octobre, selon le ministère palestinien de la Santé.
26/10/2023 23:25:50 – Khan Younès (Territoires palestiniens) (AFP) – © 2023 AFP