Retour sur le Grenelle des violences conjugales

En 2019, plus de 150 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint, victimes de violences conjugales.

Afin de lutter contre cette forme particulière de violence, le gouvernement a lancé le 3 septembre dernier un Grenelle des violences conjugales.

Le 25 novembre dernier, le Premier Ministre, Edouard Philippe, a annoncé la clôture du Grenelle et 30 mesures pour lutter contre les violences conjugales.

Si cette démarche est louable et a permis de sensibiliser l’opinion publique sur la réalité de ces violences et le nombre de femmes victimes, ces mesures restent largement insuffisantes.

Il convient de revenir sur les principales mesures annoncées par le gouvernement:

 

Sur les aspects de protections des femmes victimes de violences

Le gouvernement promet une batterie de mesures visant à protéger les femmes victimes de violence.

 

Une libération de la parole et une meilleure prise en charge des plaintes

Le gouvernement prévoit la diffusion d’information à propos du numéro d’urgence 39/19 et l’ouverture d’ici 2021 de 80 postes supplémentaires d’intervenants sociaux dans les commissariats et gendarmeries, une prise en charge médico-sociale renforcée, une meilleure prise en charge des enfants témoins de ces violences quotidiennes.

Si cette démarche est louable, les moyens financiers sont insuffisants pour mettre en oeuvre une telle politique.

 

« Le 29 juillet dernier, le gouvernement annonçait la création du « Fonds Catherine » d’un million d’euros uniquement destiné aux associations locales de lutte contre ces violences.

Un budget qualifié « d’énorme » par la secrétaire d’Etat, mais qui reste cependant insuffisant selon certaines associations, comme le collectif de lutte contre les violences faites aux femmes #NousToutes qui réclame 1 milliard d’euros pour obtenir une réponse suffisante contre ces violences.

Selon le Haut Conseil à l’Egalité, le budget actuel consacré aux violences conjugales atteindrait 79 millions d’euros.

Source: blog de Médiapart :

« Grenelle des violences conjugales, retour sur la première rencontre »

du 29 octobre 2019

 

Le bracelet anti-rapprochement

Ce dispositif, qui permet de géolocaliser et maintenir à distance les conjoints et ex-conjoints violents par le déclenchement d’un signal en cas de franchissement du périmètre prévu, a fait consensus au sein de l’hémicycle.

Le gouvernement souhaite mettre en place ce dispositif dès le début de l’année 2020, en s’inspirant du modèle espagnol notamment.

Le projet de loi prévoit la généralisation du dispositif pouvant être décidé tant par le juge pénal que le juge civil, sous réserve que le conjoint ou ex-conjoint violent y consente. En cas de refus, d’autres mesures pourraient alors être envisagées (la détention provisoire, l’absence d’aménagement de peine en cas de condamnation, avis immédiat au Procureur de la République si le refus est effectué devant le Juge aux Affaires Familiales etc).

 

L’ordonnance de protection et le téléphone grave danger, des mesures renforcées

L’ordonnance de protection est un instrument juridique introduit dans le code civil en 2010. Elle permet aux femmes victimes de violence d’obtenir une protection judiciaire pour elles et leur enfant, délivrée par un Juge aux Affaires Familiales.

L’objectif affiché par le gouvernement est de généraliser l’utilisation de l’ordonnance de protection, ainsi que le téléphone grave danger, pour que ces dispositifs protègent plus de femmes victimes de violences.

 

Des centres d’hébergements non-mixtes

Une des questions fondamentales posées lors de ce Grenelle portait sur l’accueil des femmes victimes de violences conjugales. Cet accueil se doit d’être effectué en priorité dans des centres spécialisés. Des associations ont émis l’idée d’inscrire les femmes victimes de violences comme prioritaires dans leur demande de logement. Cette hypothèse a été rejetée par le gouvernement.

Toutefois, une avancée majeure est faite. Les femmes victimes de violences devront se rendre dans des centres spécialisés, à défaut de places, elles pourront être hébergées dans des centres généralistes non-mixtes afin d’éviter de côtoyer des hommes.

 

La volonté d’une justice plus protectrice

Une des grandes mesures dont se félicitent la plupart des associations est la fin de la médiation pénale comme alternative aux poursuites en cas de litige devant le juge aux affaires familiales.

D’autres dispositions législatives vont également être modifiées: les enfants n’auront plus à payer pour les besoins d’un père qui aurait assassiné leur mère.

Dans le même sens, l’autorité parentale sera retirée systématiquement lorsque les violences commises par le mari ont entraîné le décès de sa femme.

La possibilité de déroger au secret médical fait également partie des correctifs apportés par le gouvernement. Jusqu’à présent, les médecins qui dénonçaient aux autorités des faits de violences conjugales pouvaient se voir eux-mêmes mis en cause pour violation du secret médical. Dorénavant, sous une procédure strictement encadrée juridiquement, les médecins pourront déroger au secret médical s’ils estiment que la vie de la femme victime de violence est en danger imminent.

Tous ces éléments apparaissent comme des correctifs de lois préexistantes.

La grande nouveauté annoncée par Edouard Philippe tient aux aspects pénaux abordés lors du Grenelle.

 

La notion d’ « emprise conjugale », une définition des violences psychologiques ?

Le Premier ministre annoncé l’inscription dans le code pénal de la notion d’emprise conjugale comme étant « la prise de possession d’un membre du couple par l’autre, de manière progressive et implacable, et qui s’apparente à un enfermement à l’air libre ». Edouard Philippe a ajouté :« on va dire aux femmes qu’elles ne sont pas à l’origine de ce qui leur arrive mais qu’elles en sont victimes et on peut traiter les violences psychologiques comme les violences physiques ». 

Les violences psychologiques sont une notion non juridique encore mal encadré par le droit. Elles  sont très mal reconnues par la justice. En droit, les violences psychologiques au sein du couple sont reconnues comme un délit depuis 2010. Ce délit n’a cessé d’être renforcé avec les modifications législatives récentes (pour l’étendre notamment aux faits commis en présence de mineurs).

Au sens de l’article 222-33-2-1 du code pénal, le fait de « harceler son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin par des propos ou comportement répétés ayant pour objet ou effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni:

  • de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail
  • et de 5 ans et de 75 000 euros d’amende lorsqu’ils ont causé une incapacité totale de travail supérieur à huit jours ou ont été commis alors qu’un mineur était présent et y a assisté »

Ainsi, inscrire le terme d’ « emprise conjugale » dans le code pénal apparaît plus comme un symbole plus qu’une nécessité juridique, les faits entrant dans le champ d’application de l’article 222-33-2-1 du code pénal. Des outils juridiques existent déjà.

 

Le « féminicide » dans le code pénal ?

 

Le « féminicide » est un terme apparu dans les années 1970 sous l’influence de la doctrine féministe anglo-saxonne. La notion est ensuite théorisée en 1992 et renvoie au latin cide « qui tue » et femina « femme ».

Un terme politisé

La notion développée par Russel et Radford va plus loin dans la notion de « féminicide ». Le terme est employé pour mettre en avant l’aspect patriarcal des rapports homme/femme. Le « féminicide » devient alors un outil de maintien et de domination masculine.

Toutefois en son sens premier, le « féminicide » renvoie au fait de tuer une femme parce qu’elle est une femme. La tendance a faire diverger le sens premier du terme « féminicide » est éminemment politique.

Le terme « féminicide » possède en lui-même une part de partialité et une forme de jugement a priori. Il laisse supposer une forme de sexisme, voire de misogynie. La qualification de « féminicide » repose sur une construction sociale qu’il convient de déconstruire.

 

Un terme qui porte atteinte au principe d’égalité

Le « féminicide » ne vise à s’appliquer qu’en faveur des femmes. Une seule catégorie de population est donc visée par cette notion. Un traitement différent sera donc appliqué entre les hommes victimes de violences conjugales et les femmes victimes des mêmes faits.

Cela porte atteinte à un certain nombre de droits et libertés protégés par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales.

 

Une protection juridique suffisante

Juridiquement, le terme « féminicide » n’apparaît pas dans le code pénal . En effet, des dispositions pénales actuelles permettent déjà d’appréhender cette notion.

En ce sens, l’article 222-4 du code pénal dispose:

 » le meurtre est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’il est commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ».

L’article 132-80 du code pénal prévoit également que:

 » dans les cas respectivement prévus par la loi ou le règlement, les peines encourues pour un crime, un délit ou une contravention sont aggravées lorsque l’infraction est commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime, y compris lorsqu’ils ne cohabitent pas.

La circonstance aggravante prévue au premier alinéa est également constituée lorsque les faits sont commis par l’ancien conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. Les dispositions du présent alinéa sont applicables dès lors que l’infraction est commise en raison des relations ayant existé entre l’auteur des faits et la victime ».

Les faits pour lesquels une femme est tuée par son mari sont donc qualifiés juridiquement d’homicide volontaire avec circonstances aggravantes tenant à la relation entre la victime et l’auteur.

Outre ces dispositions , le code pénal prévoit également une série d’incriminations visant à sanctionner les comportements entraînant des faits de violences, notamment:

  • les violences physiques (aux articles 222-8 et suivants du code pénal)
  • le harcèlement moral (à l’article 222-33-2-1 du code pénal)
  • les agressions sexuelles (à l’article 222-22 du code pénal)
  • le viol (à l’article 222-24 du code pénal)

 

Avec redondance, le gouvernement souhaite ajouter un arsenal répressif alors qu’il existe un encadrement juridique approprié à ce type de fait. Cette annonce d’Edouard Philippe s’apparente plus à une volonté de répondre aux nombreuses critiques de l’opinion publique sur la problématique des violences faite aux femmes qu’à une réelle réponse juridique pour faire cesser ce phénomène.

L’adoption du terme féminicide dans le code pénal n’apporte rien à la lutte contre les violences faites aux femmes.

La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a récemment affirmé que:

« l’introduction du terme « féminicide » dans le code pénal ne semble pas opportun pour la CNCDH, dans la mesure où elle comporterait le risque de porter atteinte à l’universalisme du droit et pourrait méconnaître le principe d’égalité de tous devant la loi pénale, dès lors qu’elle ne viserait que l’identité féminine de la victime »

Avis sur les violences contre les femmes et les féminicides, 26 mai 2016

 

Le Grenelle sur les violences conjugales, un bilan en demie teinte

Le succès historique de la manifestation du 23 novembre 2019 témoigne du fait que les violences sexuelles et sexistes ont aujourd’hui trouvé un écho inédit dans l’opinion publique.

Pour le gouvernement, le moment est donc venu de montrer qu’il entend prendre en compte le niveau d’exigence et de mobilisation qui s’est ainsi exprimé partout en France. Les annonces faites après le Grenelle des violences conjugales auraient dû être l’occasion de montrer qu’il s’agit bien de faire de cette question « une grande cause nationale », comme l’avait annoncé le candidat Macron.

Les propositions faites ce 25 novembre 2019 comportent certes des aspects positifs, mais elles restent très insuffisantes. Centrées sur un renforcement de l’arsenal répressif et sur quelques modifications législatives, elles reprennent parfois des mesures déjà existantes et, globalement, s’apparentent davantage à des corrections qu’à une révolution en profondeur des institutions, alors même qu’un récent rapport a mis en lumière les sérieux dysfonctionnements de la justice. On peut notamment regretter que ne soit pas évoquée la question des femmes d’origine étrangère victimes de violences. Il est pourtant indispensable que soient mises en place des dispositions qui permettraient de mieux appréhender toutes les situations de précarité administratives auxquelles celles-ci sont encore confrontées et que l’octroi de l’asile leur soit facilité.

Une fois de plus, le gouvernement s’est tourné vers un renforcement de la répression, en faisant peu de cas de la prévention avant que des violences ne soient commises. Sans tout un travail pluri-professionnel de prévention, le slogan « Pas une de plus » restera un vœu pieu.

La LDH demande que les moyens financiers nécessaires soient effectivement mobilisés pour former l’éventail des professionnels en contact avec les victimes, à commencer dans la police et la gendarmerie pour le moment crucial de la plainte. Il n’est pas nécessaire d’attendre les résultats d’un audit sur le sujet. De même, les moyens financiers importants sont nécessaires pour que la France tienne ses engagements au regard de la Convention d’Istanbul, notamment en matière de création d’hébergements dédiés aux femmes victimes de violences conjugales, de lutte contre les violences économiques ou pour rendre plus large et effectif le recours aux ordonnances de protection. Il convient également de prendre des mesures pour assurer la prise en charge des enfants témoins d’homicides conjugaux. Le soutien aux associations ne doit pas se faire en les mettant en concurrence, ni en leur donnant via l’Etat ce qu’on leur retire via les collectivités territoriales rendues exsangues. Enfin, la justice dans son ensemble doit avoir les moyens de fonctionner convenablement pour que les délais ne soient pas tellement longs qu’ils en deviennent dissuasifs.

Avec les 360 millions de crédits annoncés, on est loin d’un budget de rupture et du milliard d’euros demandé par les associations féministes. S’il y a, dans les annonces du gouvernement, un certain nombre de mesures intéressantes et techniques, on attend encore un projet d’ampleur et transversal, qui se donne les moyens humains et financiers de ses ambitions affichées.

Communiqué du site national, 25 novembre 2019

La section de Nanterre rappelle qu’un

Centre d’Information du Droit des Femmes et des Familles  (CIDFF)

a son siège à Nanterre.

Cette association a pour objectif de sensibiliser sur les problématiques liées aux violences faite aux femmes. Des juristes sont à l’écoute et aident ces femmes à sortir de ce système de violence.

Pour plus d’informations, cliquer ici

 

Rédigé par Cannelle LUJIEN

Décryptage de la résolution dite « Résolution Maillard »

« On ne nourrit pas l’injustice en la dénonçant mais en la taisant. »

Kerry James

La proposition de résolution visant à lutter contre l’antisémitisme n° 2403, dite « Résolution Maillard »,  du nom du député Sylvain Maillard du parti politique La République en Marche,

est un texte ambigu et très controversé.

 

Suite à de nombreux débats, l’Assemblée Nationale avait décidé de repousser l’examen de la proposition de résolution qui devait avoir lieu le 29 mai 2019, pour être de nouveau présenté le 12 novembre 2019. Suite aux votes des députés, cette proposition a été acceptée le 03 décembre 2019.

 

Qu’est-ce qu’une résolution ?

La résolution de l’Assemblée Nationale est un acte par lequel l’Assemblée émet un avis sur une question déterminée. Cette résolution est de faite, non contraignante. Elle est prévue par l’article 34-1 de la Constitution.

 

Cette proposition de résolution qui vise à assimiler l’antisionisme à l’antisémitisme, est intervenu après la déclaration du Président français, Emmanuel Macron, lors de la cérémonie marquant le 75eme anniversaire de la rafle du Vel D’hiv en 2017. Lors de cet événement, il présente l’antisionisme comme la forme moderne de l’antisémitisme.

La définition de l’antisémitisme retenu par la proposition de résolution est celle proposé par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) comme étant une certaine perception des juifs, pouvant s’exprimer par de la haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme sont dirigées contre des individus juifs ou non-juifs et/ou leurs biens, contre les institutions de la communauté juive et contre les institutions religieuses juives.

C’est sur cette définition de l’antisémitisme que la résolution s’appuie pour consacrer l’antisionisme comme la forme moderne de l’antisémitisme, notamment sur la perception qu’il est possible d’avoir à l’encontre de l’Etat d’Israël en ce qu’elle constitue une collectivité composée de citoyen juifs, ce qui pourrait exprimer une haine à leur égard.

Mais il peut être dangereux d’assimiler ces deux notions uniquement parce qu’un groupe d’individus l’utilisent à mauvaise escient. La solution ne serait-elle de se tourner vers l’éducation des citoyens, ou encore vers un débat, plutôt que de pénaliser une forme d’expression à l’encontre de l’Etat Israélien ?

C’est d’ailleurs l’avis de Jean Michel Blanquer, Ministre de l’éducation qui affirme sur Franceinfo le 18 février dernier, qu’il n’est « pas pour aller dans une course permanente vers la pénalisation des choses qui nous déplaisent ».

 

Une définition de l’antisémitisme par l’IHRA qui tend à assimiler antisionisme et antisémitisme

Une définition restrictive au regard de la définition du racisme

 

Cette définition s’avère être restrictive au regard de la définition du racisme dans le sens où, comme le relève la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH), elle définit d’une manière spécifique l’antisémitisme contrairement aux autres formes de racisme.

En France, la loi PELVEN énonce une définition globale et prévoit que le racisme « est une provocation à la discrimination, la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personne en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance, à une ethnie, une race ou une religion déterminée. ».

Le fait de définir spécifiquement cette forme de racisme reviendrait à nier la lutte contre toutes les formes de racisme et les hiérarchiser.

En France, la conception traditionnelle juridique qui prévaut est que la lutte contre le racisme est universelle même si chacune des formes de racisme est différente en fonction de leurs histoires. C’est pour cela que l’adoption de la résolution est aussi controversée car cela reviendrait à dénier le caractère universel de la lutte contre le racisme.

Beaucoup se prononce à l’encontre de cette définition, à l’image de la CNCDH, qui dans son avis consultatif de 2018 alerte sur le fait d’opérer une pareille distinction ce qui reviendrait à ouvrir la boite de pandore et donc la porte à une possible spécialisation du racisme, ce qui impliquerait une disparition de l’essence même de ce terme.

Un appel a d’ailleurs été lancé par 127 intellectuels juifs pour voter contre cette résolution la considérant comme hautement problématique, peu claire et imprécise, et ce malgré les onze exemples de situations prévues par l’IHRA.

 

La création d’amalgames entre critiques d’Israël et antisémitisme

 

La nature des insultes racistes et antisémites est extrêmement choquante. En effet, les citoyens français ont pu être témoin de la violence de ces propos, dans une vidéo montrant un groupe d’individus proférer des insultes antisémites dont certaines antisionistes à l’encontre écrivain, Monsieur Alain Finkielkraut en 2019.

Ce même groupe d’individus a été condamné par la justice française pour les propos tenus, ce qui nous invite à nous demander si la création d’un délit propre à l’antisionisme est-elle bien nécessaire. En effet, la justice, en condamnant la personne qui a proféré ces insultes, disposait déjà d’une base juridique suffisante pour relever que dans les flots d’insultes, se cachaient en réalité des propos antisémites et a donc condamné le suspect à deux mois avec sursis.

Les juges disposent de cette capacité à interpréter, au cas par cas, les insultes antisionistes qui seraient en réalité de l’antisémitisme. Nul besoin de mettre en place une résolution associant ces deux notions, au risque d’empiéter sur la liberté d’expression et d’opinion lorsqu’il s’agirait de critiquer uniquement la politique sioniste de l’Etat d’Israël.

 

Une position bien affirmée par la LDH

La Ligue des droits de l’Homme combat fervemment l’antisémitisme car, rappelons-le, sa création intervient à la suite de l’affaire Dreyfus pour justement condamner l’injustice et le racisme qu’il a dû subir. Elle dénonce régulièrement toutes les insultes et attaques antisémites et s’efforce de sensibiliser le public face à toutes ces insultes racistes.

Néanmoins elle s’est également prononcée contre le projet de résolution Maillard, dans une lettre ouverte du 31 octobre 2019 pour plusieurs raisons et notamment le fait que la France se doit de protéger l’espace de la liberté d’expression et la liberté de critiquer la politique israélienne.

Communiqué de la LDH nationale – Cliquer ici

 

Les possibles répercussions de cette résolution

Au niveau interne : le délit d’opinion

 

Tout d’abord la résolution dite Maillard peut restreindre l’expression d’une opinion qui vise à dénoncer la politique colonialiste de l’Etat d’Israël ce qui peut s’assimiler à un délit d’opinion. En ce sens, en ce qu’elle constitue une restriction à la liberté d’expression, cela peut s’assimiler à un délit d’opinion.

Le délit d’opinion, n’est pas reconnu en tant que tel en France. Il peut être défini comme « la répression des idées ou des opinions qui mettent en cause les valeurs ou les idées jugées fondamentales par un société » (Patrice Rolland, du délit d’opinion dans la démocratie française).

La liberté d’expression est énoncée à l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) qui prévoit que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ».

L’article 11 de la DDHC poursuit et précise : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi »

La liberté d’opinion et la liberté d’expression sont deux libertés qui sont intrinsèquement liées dans un régime démocratique comme le nôtre et une restriction à l’une de ces libertés ne peut se faire de façon anodine.

Il est vrai qu’il existe déjà des restrictions justifiées à la liberté d’expression comme le délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard de personnes à raison de leur appartenance ou non à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

Les propos antisémites rentrent déjà dans cette catégorie de délit en ce qu’ils constituent une provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, à l’encontre de personnes de religion juives.

De plus d’après l’historien Dominique Vidal, l’adoption de cette résolution pourra permettre de contrer en partie, le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanction), à l’encontre des produits importés d’Israël. Déjà, en 2015, la France avait condamné des personnes qui militaient au nom du BDS à l’encontre des produits importés d’Israël en assimilant ces actes à un délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence. L’affaire est pendante devant la Cour européenne des droits de l’Homme, et les requérants ont notamment invoqué le non-respect de l’article 10, en se fondant sur le principe de la liberté d’expression.

 

Au niveau de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’Homme

 

Au sein du droit de l’Union européenne, la Cour de justice de l’Union considère dorénavant, que les denrées alimentaires originaires d’un territoire occupé par l’Etat d’Israël doivent porter non seulement la mention du territoire israélien mais également la mention de la localité ou d’un ensemble de localités constituant une colonie israélienne à l’intérieur dudit territoire.

Cette nouvelle jurisprudence affirme que l’Union européenne prend en compte le droit international humanitaire conformément à l’article 3 du Traité sur l’Union Européenne, et considère que les consommateurs doivent pouvoir avoir conscience de la provenance des produits importés des colonies.

En ce qui concerne la protection offerte par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme dont la France est partie prévoit dans un article 10 que la « liberté d’expression qui englobe la liberté d’opinion, de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière ».

La Cour européenne des droits de l’Homme, dans une affaire CICAD contre Suisse du 7 juin 2016, (Requête n°17676/09) prévoit dans un point 55, que malgré la situation particulièrement compliquée au Moyen-Orient, on ne saurait restreindre le discours sur des questions d’intérêt général sans raisons impérieuses. Elle poursuit en constatant que les propos énoncés par l’auteur tels que « il est parfaitement vain de considérer qu’Israël est un Etat comme les autres, ses mains sont liées par la définition qu’il s’est donné à lui-même » n’étaient pas injurieux ou insultants pour le peuple juif.

On voit bien que les juges de Strasbourg ne considèrent pas ces propos comme étant antisémites, mais bien comme une critique de l’Etat Israélien, qui relève de la liberté d’expression.

 

La France, avec l’adoption de cette résolution qui fonde sa définition de l’antisémitisme sur l’IHRA pourra par la suite, si les éléments de la résolution sont repris dans un acte contraignant tel qu’une loi, la France pourrait s’exposer à une non-conformité de la Convention européenne des droits de l’Homme, et particulièrement en violation de l’article 10 de la Convention.

 

Retrouvez la lettre ouverte aux députés français de 39 ONG et associations françaises contre la proposition de résolution sur l’antisémitisme/antisionisme

Cliquer ici

 

Article rédigé par Lina ZEID

 

La Ligue des Droits de l’Homme à Nanterre

A Nanterre, la section oeuvre pour la protection et l’effectivité des droits humains.

C’est pourquoi, nous avons ouvert une permanence d’aide administrative / accès au droit à Nanterre Ville.

Cette permanence est organisée chaque mois pour aider les nanteriens dans leurs démarches administratives.

 

VOUS HABITEZ A NANTERRE ET VOUS SOUHAITEZ VOUS INVESTIR DANS UNE ASSOCIATION ?

 

La section de Nanterre agit dans différents domaines au niveau local:

  • D’une part, la section permet un accueil et une écoute des habitants  à travers la permanence d’aide administrative / accès au droit
  • D’autre part, nous développons des réflexions sur des thèmes. Nous essayons de faire prendre consciences et sensibiliser les habitants de Nanterre sur des diverses problématiques à travers événements  (atelier-débat / ciné-débat / projection de films etc)
  • De plus, nous participons aux activités de la vie associative de la ville
  • Enfin, nous animons des ateliers auprès de lycéens ou jeunes adultes de sensibilisation contre les discriminations

Et plus encore …

Vous pouvez nous contacter par:

  • téléphone au 07.66.40.44.43 du lundi au vendredi (de 10h à 12h / 14h à 17h): n’hésitez pas à laisser un message avec vos coordonnées pour que nous puissions vous rappeler.
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  • courrier adressé au 27 rue Sadi Carnot
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Pour mettre en place tous ces projets, nous avons besoin de vous !