UNE VISITE A PARAY, Anthony Favier (27/10/2017)

 

Une visite à Paray

27 Octobre 2017 , Rédigé par Anthony_Favier Publié dans #Courage, #Paray-le-Monial

Le 25 octobre dernier, j’ai participé, aux côtés d’Anne Soupa, à une conférence à Paray-le-Monial. Organisée par la Ligue des Droits de l’homme, elle portait sur les discriminations de genre et à l’orientation sexuelle.

Nous voulions réfléchir avec les citoyens de la ville intéressés à ces questions sur ce que la théologie, les sciences humaines et sociales ainsi que le droit peuvent dire sur les « camps » au contenu plus que douteux organisés dans la ville. Le stage « Optimum » cherche en effet à re-viriliser les hommes victimes du féminisme contemporain et la session « Courage » à imposer l’absence de vie affective et sexuelle aux personnes LGBT (1).

Il est rare que je fasse des conférences dans des petites villes, malheureusement. Les centres LGBT se trouvent souvent dans les métropoles. C’est donc avec une certaine joie que j’ai accepté cette invitation. C’est une bonne chose que toute la société cherche à comprendre les racines croisées du sexisme et de l’homophobie pour se donner les moyens de lutter contre.

La réalité de ce que j’ai découvert m’a complètement dépassé et m’a poussé à écrire ces quelques lignes.

Crédit : Germaine Lemétayer (2017), Y. D. (2017).Crédit : Germaine Lemétayer (2017), Y. D. (2017).
Crédit : Germaine Lemétayer (2017), Y. D. (2017).
L’après mariage pour tous au sud de la Bourgogne
Ce soir-là, la petite salle municipale a finalement peu à être convaincue de l’importance de la lutte contre l’homophobie et le sexisme dans leur version catho 2.0. Dans les échanges, même s’il est impossible de sonder les cœurs de chacun, je découvre une société plutôt tolérante et ouverte. Loin d’être unanime sur des questions de bio-éthique plus complexes (PMA, GPA), l’assistance n’en fait pas le motif de guerres culturelles. Comme souvent dans ce genre de situations, plusieurs personnes viennent me voir à la fin de la conférence pour me confier un témoignage sur un neveu, une belle-soeur, un petit-fils vivant positivement son homosexualité à Paray ou à proximité.

La loi Taubira sur l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe avait été révélatrice localement d’une homophobie fortement politisée. « On aurait organisé ça il y a deux ans, trois cars de la Manif pour tous seraient venus et des exaltés vous auraient empêché de parler » me confie une personne à la fin de la conférence. Le plus dur de la crise est passé et la situation est plus apaisée désormais. « Les gens se marient et sont heureux, on n’est pas différents de la ville ici sur ce point ». Plus qu’ailleurs, on a un cœur aimant à Paray.

Une autre question déroute nous autres conférenciers venus nous exprimer sur les discriminations et ce que peut en dire la Bible ou le Magistère : « dîtes-nous ce qu’on peut faire concrètement contre l’emprise de ces catholiques sur la ville qu’on aime ? Leurs idées ne nous représentent pas ! » . Les débats nous déportent vers un autre terrain auquel nous n’étions pas vraiment préparés. Nous sommes en réalité interrogés sur la coupure qu’un mouvement majeur du catholicisme d’identité français est en train de créer entre une ville et sa population.

A. Favier (2017).
A. Favier (2017).
Des habitants dépossédés de leur ville ?
Dur ne de pas voir dans cette cité bourguignonne bien des maux de la société française contemporaine où le pacte social se délite. Les gens ne parviennent plus à vivre dans un projet commun malgré leurs différences de convictions et de positions sociales. J’avais déjà lu des récits sur des villes du littoral breton où « les Parisiens » délogeaient les locaux qui occupent des emplois de salariés du tertiaire ou de l’industrie. Je n’aurais pas pensé le retrouver avec autant de force dans cette petite ville. « Regardez d’où ils viennent : ils sont tous immatriculés dans le 69, le 92, le 78 et le 75. On ne peut pas suivre pour les prix. Ils possèdent 35 % de la ville et on ne peut plus acheter ! ». Plus surprenant à Paray-le-Monial, un phénomène socio-économique connu se mêle avec la problématique spécifique des catholiques d’identité.

Depuis son installation au milieu des années 1970, un groupe charismatique a fait son trou dans cette ville située entre Moulin et Mâcon. Loin des centres d’opinion, de la presse, les forces progressistes et les lanceurs d’alerte sont peu nombreux. De surcroît avec le déclin de l’industrie. La Ligue des Droits de l’homme, la CGT, le PCF et une poignée de citoyens engagés tiennent courageusement les positions du camp républicain, laïc et humaniste. Mais il y a peu de relais localement. La presse a-t-elle peur de perdre les annonces locales ? Le monde typique des militants français, des lycéens aux étudiants, en passant par les classes moyennes engagées ou les intellectuels, est ténu localement. Et les politiques ? Ils semblent comme anesthésiés par l’argent d’une ville qui, comme Lourdes, s’est spécialisée dans le tourisme religieux. Dans l’assemblée, on relativise vite dans les échanges l’apport économique des charismatiques à la communauté locale : « Rien n’est acheté sur place, tout vient de l’extérieur en gros camions. Ils ne mangent pas en ville, tout au plus, ils prennent un pot dans les cafés. C’est un monde fermé avec sa cantine et son bivouac de type militaire ».

Les langues se délient inexorablement durant mon séjour, comme si rien ne pouvait empêcher cette vague de s’abattre sur moi. Le sentiment de dépossession domine. Les cadres moyens de la ville « en font partie » : directeurs de structures sociales ou chefs d’entreprises locales. Ils privilégieraient l’emploi entre eux et flirteraient aux limites de ce que permet la laïcité. Un trentenaire en recherche d’emploi témoigne : « l’autre fois, je tombe sur une annonce d’emploi : on demandait comme compétence une bonne connaissance de la culture chrétienne, c’est quoi ce pré-requis ? » Le quotidien est même touché. L’été, l’espace public est occupé par des personnes qui ne représentent plus le tissu social local dans sa diversité. Des traits communautaristes évidents sont visibles. Une auditrice s’emporte : « je ne vais plus dans le centre-ville : marre qu’on me tracte sur la Vierge Marie et mes péchés ! ». La ville du Sacré-Coeur serait-elle celle d’une laïcité non apaisée ? Tout porte à le croire, malgré les discours iréniques visiblement tenus sur place et la bonne entente affichée par les édiles. « Les semaines d’été, je ne viens plus : ça chante tout le temps et ils bouchent les rues ! Les croyants d’une autre religion feraient un quart de ce qu’ils se permettent de faire sur un terrain municipal, les gendarmes les sortiraient » s’emporte un Parodien.

Les personnes qui fréquentent le sanctuaire sont souvent issus de la sociologie avantageuse du catholicisme français : les professions libérales, les officiers supérieurs, les cadres des activités rémunératrices de l’économie mondialisée. Ils vivent dans les grandes villes et profitent du TGV qui place Le Creusot à 1h20 de Paris. En deux heures, il est facile de gagner Paray depuis Paris… encore faut-il avoir les moyens de s’acheter les billets qui peuvent atteindre les 200 euros pour un aller-retour durant un week-end.

Jan Sokol, Wikicommons.Jan Sokol, Wikicommons.
Jan Sokol, Wikicommons.
Une cité oublieuse de son histoire ?
Paray a construit sa popularité autour de la dévotion au Sacré-Cœur. La genèse de ce culte est complexe. Les visions d’une mystique aux mortifications édifiantes au 17e siècle (2), la phrase plus ou moins apocryphe du Christ à cette voyante : « voilà ce cœur qui a tant aimé les hommes » et les jésuites ont fait le succès d »un pèlerinage qui s’est constitué autour d’un monastère des Visitandines. Cela s’est greffé sur un noyau historique plus ancien qui donne à la ville son plus beau monument : une basilique en style roman clunisien construite au Moyen-Age pour abriter les tombeaux des comtes de Châlons.

Avant de devenir le petit Lourdes de la Bourgogne, la ville a connu une relative prospérité proto-industrielle. A la veille de la Révolution, outre les importants revenus que génèrent les biens agricoles de l’abbaye, on trouve au bord de la rivière de la Bourbince des tanneries et des filatures. Elles exportent vers Lyon et Paris de nombreuses productions. Ce passé riche ne manque pas de donner au centre-ville de jolis édifices et un pittoresque de carte postale.

Je dois reconnaître que, jusqu’à présent, j’avais une connaissance fort sommaire de ces événements. En tant qu’historien contemporanéiste, je voyais surtout dans le culte du Sacré-Cœur la dévotion par excellence du catholicisme intransigeant. De la pieuse histoire de Louis XVI montant à l’échafaud en consacrant son royaume au cœur de Jésus à la construction de la basilique du Sacré-Coéur sur la colline de Montmartre à Paris après la guerre de 1870, en passant bien sûr par le symbole rouge des Chouans en Vendée, le culte, à mes yeux, s’est surtout constitué comme en emblème du conservatisme politique français. Ceci même malgré des tentatives plus spiritualisantes pour le faire vivre à l’époque contemporaine. Je pense par exemple à Madeleine-Sophie Barrat et aux « dames » du Sacré-Coeur.

Sous la conduite de Germaine Lemétayer, docteure en histoire et spécialiste de la ville à l’époque moderne (3), je découvre une tout autre récit. Paray-le-Monial, avant la révocation de l’édit de Nantes à la fin du règne de Louis XIV (1685), peut être tenu comme une bourgade « multi-culturelle » (si on assume l’anachronisme). Catholiques et protestants, malgré leurs différences confessionnelles, vivaient et collaboraient ensemble en relative harmonie. Les moines faisaient par exemple gérer leurs biens par des familles protestantes, alors que ces dernières prospéraient dans le négoce. Ils partageaient certains éléments de piété en commun qui combinent les influences d’Erasme, de François de Sales voire des Lumières plus tardivement.

On trouve même une dévotion au cœur de Jésus chez des visitandines d’origine protestante. Pas vraiment celle des monarchistes et des catholiques intransigeants nostalgiques du régime que la Révolution engloutira avec elle. Plutôt une piété simple sur le coeur de Jésus qui aime tous les humains… sans s’arrêter aux étiquettes confessionnelles. Le Sacré-Coeur, emblème de la reconquête chrétienne, contre les idées modernes, est en quelque sorte une interprétation restrictive et ultérieure.

Le parti dévot puis, ensuite, ceux qui ne supportent pas la présence des réformés, décortiqueront, morceau par morceau, et non sans acrimonie, cette expérience inédite. La tolérance reste, en effet, rare dans une société d’Ancien Régime où la liberté d’opinion et de conscience ne s’est pas encore nationalement organisée.

Dans les années 1660-1670 (à Paray), catholiques et protestants enclenchent une dynamique irénique aménagée sur une série d’innovations : la prévalence d’un théocentrisme ou d’un christocentrisme réduisant les différends théologiques à la question eucharistique, la suppression des marqueurs confessionnels de la presque totalité des testaments, la liberté de conscience concernant les dévotions particulières, la mixité confessionnelle (…), une éthique commune fondée sur la charité et, enfin, l’unanimitas, une union de cœur proche de l’amour d’amitié de François de Sales (…) Engageant (…) les bénédictins, le monastère de la Visitation, le pasteur, le notaire protestant, le notaire catholique (…) et la grande majorité des familles, cette expérience induit le ralliement des catholiques à un humanisme chrétien, qui, à Paray-le-Monial comme au Parlement de Bourgogne, rassemble les familles fidèles à la tradition salésienne et opposées à l’autoritarisme de certains évêques et aux nouvelles exigences belliqueuses (…) du rigorisme. »

Germaine Lemétayer, Les Protestants de Paray-le-Monial, 2016, p. 808
A. Favier (2017).
A. Favier (2017).
A vrai dire la ville possède quelques traces de cette histoire pour qui sait les lire comme Germaine : les restes d’un temple, des façades de maisons de familles réformées où sont inscrites des sentences pieuses, des petits éléments architecturaux et patrimoniaux.

Force est d’avouer que ce passé de tolérance n’est pas du tout valorisé. La mise en tourisme des sites ne prend pas en compte la profondeur de l’histoire de la ville. Le visiteur déambule surtout, sans mise à distance, dans une ville de pèlerinage catholique sans avoir accès aux autres éléments nécessaires à la compréhension du site. Un congressiste nous aborde avec sourire alors que nous devisons surement trop librement à son goût : « regardez la vidéo ! ». Il nous désigne alors un document pieux, réalisé à des fins d’édification, diffusé dans une vitrine d’un office religieux…

Le catholicisme d’identité conduit même à un révisionnisme de type historique. La ville est comme vidée de son identité, dans sa complexité, pour devenir, avec sa bimbeloterie et ses infrastructures de pèlerinage, une sorte de parc d’attraction des dévotions catholiques les plus caricaturalement sulpiciennes. Tout atteste de la force d’un projet politique ancien qui, sans vergogne, se déploie aujourd’hui sur la ville.

Paray, la base arrière d’une reconquête catholique identitaire ?
Visiter Paray-le-Monial, plus que renouer avec un passé chrétien, c’est se plonger dans le grand bain du catholicisme d’identité d’aujourd’hui. Sous cette catégorie, on désignera ici des militants qui, outre des pratiques « restitutionnistes » autour des dévotions et de la liturgie, ont ré-investi le terrain politique et idéologique (4). Particulièrement visibles au moment des polémiques sur le genre et l’opposition au Mariage pour tous, ces identitaires en religion développent désormais une mentalité de « forteresse assiégée » et s’organisent dans l’espace politique.

les catholiques d’identité qui à tort ou à raison se pensent comme minoritaires, ont développé une nouvelle forme de présence au monde. Ils ont de fait rompu radicalement avec la stratégie d’enfouissement de leurs aînés et cultivent volontiers leur visibilité. Souvent issus des milieux bourgeois, ils accordent une réelle importance aux signes religieux (…) Ils dénoncent une société sécularisée qui, selon eux, les ignore, voire les méprise (…) ces « catholiques virtuoses » ne sont pas seulement des pratiquants mais également des militants dont l’engagement s’est déployé dans l’espace public et le réinvestissement du politique. Ils sont présents dans les principaux champs d’intervention qui sont les leurs (bioéthique, famille, genre, culture, caritatif et humanitaire…) et recourent à un vaste répertoire d’actions (manifestations, pétitions, blogs, réseaux sociaux, lobbying parlementaire, savoir-faire événementiel).

Bruno Dumons et Frédéric Gugelot, Catholicisme et identité, 2017, p. 7
A Paray, il ne me semble pas qu’on soit dans une situation conjoncturelle mais bel et bien devant un phénomène structurant pour la société française. Il ne s’agit pas d’un simple lieu de pèlerinage d’une vieille chrétienté en décomposition qui aurait, çà et là, des accents nostalgiques. Nous sommes plutôt face au ré-armement d’un catholicisme intransigeant qui s’est doté d’une base arrière loin des grands centres et à l’abri des regards indiscrets.

La ville est un laboratoire. Une stratégie pastorale, dont il faudrait évaluer le degré de conscience chez ceux qui l’ont mis en place, est adoptée par les cadres locaux du mouvement. Elle consiste à édifier une société religieuses aux liens serrés entre des semblables. Ces derniers sont appelés à avoir des pratiques virtuoses tant dans le domaine de la piété que celui des mœurs. Ils tendent à se positionner comme différents dans un monde où ils deviennent minoritaires et dont ils ne supportent pas le caractère sécularisé, le nécessaire pluralisme que cela induit et son devenir multi-culturel.

Cela dépasse désormais la sphère des pratiques spirituelles pour accéder à celui de la vie politique. Le scénario que René Rémond esquissait à l’orée de l’an 2000 dans le Christianisme en accusation ou Mgr Dagens dans sa Lettre aux catholiques de 2009 semble s’accomplir de manière sinistre. En devenant minoritaire, le catholicisme français retomberait dans ses penchants qui le poussent à se constituer en contre-société. Il est à craindre qu’à Paray mitonne une bien amère potion anti-républicaine.

Durant la conférence, Anne Soupa prend ses distances avec le devenir identitaire du catholicisme français, rappelant que l’Evangile appelle à habiter le temps tel qu’il est et ne pas figer la foi dans une expression historiquement construite à une époque. Espérons qu’elle soit entendue. Que des personnes, au nom de la liberté de conscience et d’opinion, aient des pratiques liturgiques émotionnelles et des dévotions aux accents doloristes, peu m’importe, c’est leur liberté absolue. Mais qu’elles instrumentalisent les fractures de territoire national, qu’elles participent au détricotage du pacte laïque et républicain dans les territoires et qu’elles prétextent de l’histoire pour le faire, c’est insupportable. Cela demande une réaction forte, sereine et collective.

***

De cet événement, qui se poursuit avec l’action que continue de mener la Ligue des Droits de l’homme, je garderai deux choses :

La première c’est l’importance qu’il faut accorder aux sciences historiques. Ce sont elles qui nous protègent des appropriations abusives de mémoires, des simplifications identitaires et des maltraitances patrimoniales de notre passé commun.
La seconde c’est que, certes j’ai rencontré beaucoup de catholiques identitaires mais également de vrais humanistes. Ces derniers ne se font pas piéger dans le révisionnisme historique, ni la nostalgie mortifère ni le marketing lénifiant des religions de l’émotion.
Qu’il leur soit rendu modestement ici hommage. Ce sont eux.elles qui ont un coeur qui aime vraiment tous les hommes.

hommemodel.blogspot.co.uk via Pinterest.
hommemodel.blogspot.co.uk via Pinterest.
Notes :

(1) « la Ligue des Droits de l’homme, n’a eu de cesse de dénoncer les discriminations de genre, homophobie et anti-féminisme promues par les Parcours homosexualité et les Camps optimum organisés à Paray par la Communauté de l’Emmanuel », « Conférence-débat autour des discriminations de genre », Journal de Saône-et-Loire (version Charolais-Brionnais), 25 octobre 2017.

(2) Jacques DUBOIS, « Marguerite-Marie ALACOQUE, sainte (1647-1690) », Encyclopædia Universalis, site : universalis.fr, adresse URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/marguerite-marie-alacoque/ (page consultée le 29 octobre 2017).

(3) Germaine LEMETAYER, Les Protestants de Paray-le-Monial, de la cohabitation à la diaspora (1598-1750), Paris : Honoré Champion, 2016, 888 p.

(4) Bruno DUMONS et Frédéric GUGELOT (dir.), Catholicisme et identité, regards croisés sur le catholicisme français contemporain (1980-2017), Paris : Karthala, 2017, 331 p.