Lettre ouverte au Maire de Saint Malo
La Ligue des
droits de l’Homme s’inquiète du dispositif de « citoyens référents », lancé par
votre municipalité en application d’une circulaire du 30 avril 2019 du
Ministère de l’Intérieur.
Selon ce
dispositif, 17 habitants vont être désignés en 2021 et seront officiellement
chargés d’informer les forces de l’ordre de toute activité qu’ils ou elles
estimeront « suspectes » dans leur voisinage.
Avec d’autres associations et de nombreux citoyens et citoyennes de Saint-Malo,
la LDH s’alerte des dérives possibles de ce réseau de surveillance de
voisinage. Présenté comme relevant d’une « participation citoyenne », il instaure de fait un climat de défiance et
de suspicion entre habitants.
L’opération
va enrôler des malouins, dont on ne sait
comment ils seront choisis, pour des missions de renseignement qui en feront
les yeux et les oreilles des forces de
l’ordre. Tout leur voisinage sera soumis
à cette surveillance de tous les
instants. Mais qui dira quels sont les
actes « suspicieux » et les personnes à
porter à la connaissance des autorités ?
Ce flou entraîne un risque de discrimination et de ciblage de populations différentes dans
l’espace public – groupes de jeunes,
SDF, personnes à la rue – et dont les
comportements ordinaires – faut-il le rappeler ? – ne relèvent pas d’une action policière.
Le choix de «
citoyens réferents » entretient un réflexe sécuritaire en faisant participer la
population à des actions de maintien de l’ordre. Cette opération porte la même
philosphie du soupçon que des dispositifs tels que les « Voisins vigilants »
que la LDH a déjà combattu, comme à
Quimper, et qui ont été depuis remis en question. Que le dispositif des «
citoyens référents » soit porté par des
acteurs publics ne change pas sa nature.
L’absence de
réel débat à Saint-Malo, avec la population et les associations, ou les Comités
de quartier, a fait surgir des craintes sur les objectifs de cette action, qui
a déjà provoqué des polémiques dans le passé, ici et ailleurs. Aucune évaluation rigoureuse et indépendante
de ces dispositifs n’a été faite, ce qui fait que l’on peut aussi s’interroger sur leurs effets dissuasifs et
leur utilité réelle.
L’opération
des « citoyens référents » privatise le renseignement policier et témoigne du
désengagement d’un Etat en manque de moyens et de liens avec la population. Le
recours à des bénévoles transformés en auxiliaires de police ne pourra
remplacer les investissements humains nécessaires pour recréer de la
solidarité et du lien social dans les
quartiers, lutter contre les
incivilités, y compris par une vraie police citoyenne de proximité et un
travail coordonné avec les acteurs des politiques sociales et de la ville.
Un large
débat démocratique et citoyen sur ces sujets est indispensable, avec les
habitants et dans le respect des droits de tous.
La Ligue des droits de l’Homme de Saint Malo, 1er février 2021