Loi séparatisme : il est encore temps
Alors que le projet de loi «confortant le respect des principes de la République» revient à l’Assemblée, un collectif d’associations et de personnalités dénonce une surenchère sécuritaire et appelle le gouvernement et les députés à réaffirmer leur confiance dans le monde associatif.
Source : Libération /
Le projet de loi «confortant le respect des principes de la République» est à nouveau examiné par l’Assemblée nationale, après l’échec de la commission mixte paritaire et une version durcie par le Sénat. Nous alertons solennellement sur ce texte de division et de surenchère sécuritaire qui met gravement en péril l’équilibre réalisé par les grandes lois laïques de 1882, 1901 et 1905, avec des mesures dans tous les sens, soit imprécises, soit disproportionnées, qui sont dangereuses pour les libertés publiques de toutes et tous.
Nous nous alarmons de ce projet qui vient encore fragmenter la société française et jette une suspicion généralisée à l’encontre des personnes de confession musulmane, comme sur toutes les associations et les citoyennes et citoyens engagés.
Tirer les leçons
Il est encore temps pour les députés, le gouvernement et le président de la République d’écouter toutes les inquiétudes exprimées, les vives critiques de la Défenseure des droits, du Conseil d’Etat, de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, du Haut Conseil à la vie associative, les fortes réserves de la communauté internationale, comme dernièrement celles du rapporteur général sur la lutte contre le racisme et l’intolérance du Conseil de l’Europe.
Il est encore temps de tirer les leçons de la censure du Conseil constitutionnel sur la loi «pour une sécurité globale», qui a sanctionné l’article polémique sur le droit de filmer les forces de l’ordre plutôt que de le recycler sous une forme tout aussi douteuse dans ce projet.
Il est encore temps de refuser cette voie de tension et de défiance, un retour à une logique concordataire, une remise en cause de l’autonomie des collectivités territoriales, de la liberté associative et de la liberté d’expression.
Il est encore temps, en cette période de grave crise sanitaire et sociale, de renoncer à importer dans les entreprises privées liées par une commande publique des obligations qui relèvent par nature de l’Etat et de l’administration, en obligeant une neutralité politique et religieuse à des millions de salariés en dépit du droit européen qui interdit toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la religion ou les convictions au sein des entreprises.
Il est encore temps de réaffirmer une confiance envers le monde associatif, essentiel à la cohésion sociale et à la solidarité, plutôt que de le fragiliser en imposant un «Contrat d’engagement républicain» décrété par le seul gouvernement, qui ouvre à l’arbitraire et aux contrôles abusifs par des élus locaux délégués à un pouvoir de police morale et de la pensée.
Ce projet de loi, s’il était adopté, porte les germes de sombres perspectives que nous refusons.
Nous appelons, au contraire, à une démocratie vivante et pacifiée, à un dialogue social et civil riche de notre diversité, restant tous profondément attachés aux principes fondamentaux de notre République solidaire, démocratique et sociale et à des libertés publiques égales pour toutes et tous.
Parmi les 50 premières organisations et 54 personnalités signataires : Ligue des droits de l’homme (LDH), Confédération générale du travail (CGT), Fédération syndicale unitaire (FSU), ATD Quart Monde, la Cimade, Emmaüs France, France nature environnement (FNE), Médecins du monde, le Planning familial, Secours catholique – Caritas France, Jean Baubérot, historien et sociologue français, spécialiste de la sociologie des religions et fondateur de la sociologie de la laïcité ; Miguel Benasayag, psychanalyste et philosophe ; Jean-Paul Benoit, président de la Fédération des mutuelles de France ; Laurent Cantet, cinéaste ; Monique Chemillier-Gendreau, professeure émérite de droit public et sciences politiques à l’université Paris-Diderot ; Jean-Michel Ducomte, maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Toulouse ; Mireille Fanon Mendès-France, ancienne experte de l’ONU, présidente de la Fondation Frantz Fanon ; Didier Fassin, professeur à l’Institute for Advanced Study de Princeton et titulaire de la chaire annuelle de santé publique du Collège de France ; Françoise Lorcerie, directrice de recherche émérite au CNRS, spécialiste des questions scolaires ; Barbara Stiegler, professeure des universités en philosophie politique.
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