Lettre aux Préfets de Région, des Yvelines et du Val d’Oise

Les Collectifs de la Confluence

Membres du Réseau AMY, Accueil des Migrants en Yvelines

et des EGM, Etats Généraux des Migrations                                  

 Monsieur le Préfet de Région 

Messieurs les Préfets des Yvelines et du Val d’Oise

Copie à : 

Mme la Défenseure des Droits

M. le Sous-Préfet de Saint-Germain en Laye

MM. les Maires de Conflans et de Neuville

Mme Le commissaire de Conflans Ste Honorine

M. le DDSP des Yvelines

M. le commissaire de Cergy

M. le DDSP du Val d’Oise

Objet : Evacuation du campement de Neuville sur Oise le 25 juin 2020, accompagnée d’atteintes graves et caractérisées aux libertés individuelles.

Monsieur le Préfet de Région,

Messieurs les Préfets des Yvelines et du Val d’Oise,

En tant que membres du Réseau AMY, nous, Collectifs de la Confluence, avons assisté aux opérations d’évacuation, organisées par la préfecture du Val d’Oise, d’une soixantaine de demandeurs d’asile Tibétains d’un campement installé sur la commune de Neuville sur Oise, le 25 juin 2020 au matin.

L’évacuation s’est déroulée initialement sans difficulté puisque les lieux ont été vidés de leurs occupants : les Tibétains ont pris leurs effets personnels et se sont mis en mouvement sur la seule voie carrossable, Quai du Confluent, menant aux moyens de transport publics les plus proches, à savoir la gare RER de Conflans fin d’Oise et la gare routière y attenante.

Les lieux du campement sont, en effet, situés dans une enclave au niveau de l’accès par la route, ce qui imposait aussi bien pour les forces de police venant du Val d’Oise que des Yvelines d’utiliser la même route venant de Conflans Ste Honorine sise dans le département des Yvelines.

La difficulté, survenue alors que l’évacuation avait été menée à bien puisque les demandeurs d’asile avaient quitté les lieux, résulta de l’intervention intempestive des forces de l’ordre venant de Conflans Ste Honorine s’opposant à ce que les demandeurs d’asile accèdent au département des Yvelines et/ou se maintiennent au niveau du Pointil où ils pensaient pouvoir attendre de recevoir par SMS les détails du lieu d’hébergement fourni par le 115 du Val d’Oise. Les policiers nous ont précisé qu’ils avaient pour ordre du maire de Conflans selon une ordonnance qui n’a pas été présentée “d’interdire aux Tibétains d’entrer dans Conflans Ste Honorine”, ce qui constitue une mesure manifestement discriminatoire. 

/…

Les forces de l’ordre des Yvelines ont en effet entrepris de refouler manu militari les demandeurs d’asile tibétains se trouvant en chemin ou arrivés au pointil, vers leur point de départ où les forces de l’ordre du Val d’Oise s’opposaient à ce qu’ils s’y maintiennent.

Dans une grande confusion et un surcroît de stress et de fatigue pour les demandeurs d’asile qui n’étaient pas en mesure de comprendre les bizarreries de l’appareil administratif, s’en est suivie une situation particulièrement pénible qui laissait les demandeurs d’asile entre deux forces de police aux ordres contradictoires tandis que la forte chaleur ( au-delà de 30° ) faisait craindre pour leur sécurité. 

En ce qui concerne l’implication des autorités dans la recherche d’une décision, nous pouvons relater l’intervention, sur site, de respectivement le chef de cabinet du préfet du Val d’Oise, de commissaires de police pour chacun des départements concernés, de représentants des deux municipalités, ce qui confirme que les arbitrages ont été rendus à un niveau hiérarchique des plus éminents.   

Pourtant, à l’issue de ces très longues tractations, il en est ressorti la décision de constituer, dans un recoin au bord de la route, une zone de rétention administrative improvisée, qui a été maintenue en place pendant 5 heures sous le contrôle direct de la police. 

Le maintien de personnes sous la contrainte administrative pendant plusieurs heures par une forte chaleur en attendant que se dénoue une difficulté inhérente aux incapacités à coordonner l’action des services de l’Etat, nous semble bien relever des traitements inhumains et dégradants tels qu’ils sont évoqués par la CEDH dans son article 3.

En tant que citoyens, adhérents pour certains à la Ligue des droits de l’Homme, nous ne pouvons que déplorer une situation particulièrement grave et attentatoire aux libertés individuelles. La rétention pendant plusieurs heures de personnes ne présentant aucune menace contre quiconque et auxquelles il n’était pas reproché quoi que ce soit doit être relevée.

Nous souhaitons notamment attirer l’attention des autorités sur le fait que la commission d’actes attentatoires à la liberté individuelle commis arbitrairement par une personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions constitue un délit passible de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende. ( article L432-4 du code pénal ).

De surcroît, la mesure initiale de quasi interdiction de séjour, prise à l’encontre des demandeurs d’asile Tibétains sur le territoire de Conflans Ste Honorine, outre son caractère discriminatoire, s’est révélée sans aucune pertinence dès lors que les lieux d’hébergement alloués par les services du 115 comprenaient au moins un  hôtel situé à Conflans.  

De tels dysfonctionnements auraient pu et auraient dû être évités, et nous souhaiterions que des rencontres soient organisées, en amont de toute évacuation, avec les associations, collectifs et tous les intervenants en vue de rechercher des modalités d’intervention qui rendent compatibles l’exécution des décisions administratives et le respect des droits et libertés.

Le traitement judiciaire des faits susmentionnés ne peut cependant d’emblée être écarté. 

Nous vous prions de croire, Messieurs les Préfets,  à notre attachement aux principes de fraternité et de solidarité et d’agréer l’expression de notre respect républicain. 

Pour les Collectifs de la Confluence,

 T. Arti-Auffret, S. Cambien, G. Girardon, S.Tissot

 M. Béharel, G. Casson, O. Roy,

 membres de la section LDH Conflans,

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