Bettencourt : la mise en examen de Sarkozy est régulière selon le parquet
Mediapart
Mauvaise nouvelle pour Nicolas Sarkozy. Dans un réquisitoire de 19 pages, daté du 31 mai, dont Mediapart a pris connaissance, le parquet général près la cour d‘appel de Bordeaux se prononce pour un rejet de la demande d’annulation de la mise en examen de l’ex-président, déposée le 24 avril par son avocat. Après avoir été renvoyée le 25 avril (ce qui était le but des demandes déposées la veille de l’audience), l’affaire doit être examinée jeudi 6 juin devant la chambre de l’instruction.
Dans sa requête en nullité, l’avocat de Sarkozy, Thierry Herzog, estimait que Nicolas Sarkozy avait été mis en examen le 21 mars dernier pour « abus de faiblesse » dans une version de l’article du Code pénal qui ne serait pas applicable aux faits visés.
Les trois juges d’instruction de l’affaire Bettencourt ont en effet notifié à l’ex-président sa mise en examen en visant l’article 223-15-2, qui réprime l’abus de faiblesse, infraction commise lorsque (chez la victime) une « déficience physique ou psychique est apparente ou connue de son auteur ». Or selon Thierry Herzog, c’est une version antérieure cet article du Code pénal qu’il fallait appliquer pour des faits commis en 2007 : les juges auraient dû écrire « apparente et connue », et non pas « apparente ou connue », ce qui serait une qualification pénale plus sévère selon l’avocat de Sarkozy.
Mais le parquet général de Bordeaux n’est pas du tout de cet avis, et estime au contraire que cette « erreur de rédaction » bénigne ne fait pas grief à la personne mise en examen. « Il n’est pas contestable que Nicolas Sarkozy a été précisément informé des faits sur lesquels les magistrats souhaitaient qu’il s’explique, tant lors de l’interrogatoire de première comparution que lors du second interrogatoire à l’issue duquel il a été mis en examen », écrit l’avocat général Pierre Nalbert dans son réquisitoire
« Dans ces conditions, que l’appréciation cumulative – ou alternative – de l‘apparence de l’état de vulnérabilité, comme de la connaissance qu’il ait pu en avoir, soit retenue, il a de toutes façons été mis en mesure de s’expliquer sur ces deux éléments, l’erreur de plume de la mention « ou » n’étant pas déterminante, au stade de l’information, dans une qualification susceptible de modification, voire d’être, in fine, abandonnée si les preuves devaient se révéler insuffisantes ».
Le magistrat poursuit. « A ce stade de l’instruction, il n’y a pu avoir méconnaissance ou méprise quant aux faits justifiant l’audition comme témoin assisté de Nicolas Sarkozy d’abord, la mise en examen ensuite. Le simple défaut de rédaction ne saurait faire grief alors que les faits sont détaillés dans leurs éléments constitutifs, qu’ils sont exactement qualifiés, que les textes de répression (auxquels le demandeur et ses conseils peuvent se référer) sont justement précisés, et alors qu’il ne s’agit pas, à ce stade, de qualifier des charges dont la personne aurait à répondre devant une juridiction de jugement ».
Et l’avocat général de conclure : « ce moyen d‘annulation sera donc rejeté ».
Des attaques ciblées sur le juge Gentil
Nicolas Sarkozy avait aussi demandé, pour des raisons de procédure, l’annulation de trois actes liés aux expertises médicales de Liliane Bettencourt : une ordonnance de transport des juges datée du 31 mai 2011, un procès-verbal de transport du 10 juin, et une ordonnance de commission d’expert du 1er juin. La aussi, l’avocat général Pierre Nalbert estime que la procédure a été respectée, et que ces demandes de Nicolas Sarkozy doivent être rejetées.
Autre requête de Thierry Herzog : l’annulation de la saisie des agendas de Nicolas Sarkozy. L’avocat a soulevé que cette saisie était irrégulière, car certains des agendas se trouvaient dans un cabinet d’avocat, d’autres bénéficieraient selon lui de l’immunité pénale conférée au président par la Constitution, et d’autres enfin seraient protégés par le secret-défense.
Là encore, ces arguments sont balayés par le parquet général, pour qui aucun des trois cas de figure ne s’applique : Nicolas Sarkozy n’était pas avocat au moment des faits, certains faits sont antérieurs à son mandat présidentiel, d’autres sont détachables de sa fonction, et enfin aucun agenda n’a été saisi dans un lieu couvert par le secret-défense.
En dehors de cette bataille procédurale, la défense de Nicolas Sarkozy (et de plusieurs autres mis en examen) s’est également lancée dans une attaque frontale contre la personne du seul Jean-Michel Gentil : accusé publiquement d’avoir des liens privés avec l’un des médecins-experts qui a examiné la milliardaire, le magistrat instructeur devrait se voir visé très bientôt par des demandes visant à le faire dessaisir du dossier Bettencourt. Douze avocats, représentant sept mis en examen de l’affaire ont ainsi demandé lundi à Christiane Taubira de saisir l’Inspection des Services Judiciaires.
Le but recherché étant d’empêcher le juge de rédiger son ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, ou à tout le moins de gagner du temps.
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