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Le projet de loi antiterroriste vise Internet

Mediapart.fr

14 septembre 2014 | Par Jérôme Hourdeaux

 

Au nom de la lutte contre les « loups solitaires » et le départ de Français pour le djihad en Syrie, les députés s’apprêtent à voter un projet de loi qui, en voulant censurer des sites faisant « l’apologie du terrorisme » et sanctionner « la préparation » d’un attentat sur internet, restreindra aussi les libertés numériques et offrira de nouveaux pouvoirs aux forces de police.

 

C’est en urgence que les députés entament, lundi 14 septembre, l’examen d’un projet de loi de lutte contre le terrorisme destiné à lutter contre le nouvel « ennemi intérieur », « sans doute la menace la plus importante » pesant sur la France, au prix d’un coup de canif sans précédent dans les libertés numériques. Un texte qui a de fortes chances de passer sans coup férir malgré la mobilisation d’un collectif rassemblant La Quadrature du net, la Ligue des droits de l’homme, Reporters sans frontières, le Syndicat de la magistrature… et les fortes réserves du Conseil national du numérique.

Face à la multiplication des faits divers impliquant des « loups solitaires », ce terroriste isolé, auto-radicalisé sur internet et ayant combattu à l’étranger, le ministre de l’intérieur a en effet demandé une procédure accélérée pour ce texte présenté comme vital pour arrêter le départ à l’étranger de Français partis pour combattre avec les islamistes. Tout d’abord incarné par Mohamed Merah, l’auteur des tueries de Toulouse de 2012 et formé aux côtés d’al-Qaïda en Afghanistan, ce terroriste d’un nouveau type est devenu, avec l’enlisement de la guerre en Syrie, la priorité numéro un du gouvernement. « Nous n’avons jamais été confrontés à un tel défi », martelait le 3 juin dernier le premier ministre Manuel Valls.

Ces derniers mois, quasiment pas une semaine ne passe sans que la presse relate le cas d’un de ces Français partis mener le djihad contre le régime de Bachar al-Assad. Au mois d’avril dernier, à l’occasion de la libération des quatre journalistes retenus en otages en Syrie, le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius affirmait ainsi que plusieurs de leurs geôliers parlaient « français ». Le 6 juin, plusieurs médias révélaient que l’un d’entre eux ne serait autre que Mehdi Nemmouche, auteur du quadruple meurtre du Musée juif de Bruxelles du 24 mai dernier. Et le lendemain, Libération affirmait même qu’il projetait  de commettre « une attaque à la Merah » 14 juillet dernier, une information toutefois démentie par le ministère de l’intérieur.

Difficile de connaître le danger réel que représentent pour la France ces djihadistes. Régulièrement, le gouvernement avance des chiffres parfois très précis et souvent incohérents. Au mois de janvier, Manuel Valls les estimait à 700, dont 150 en transit. Au mois d’avril, Laurent Fabius évoquait quant à lui le chiffre de 500 combattants français. En juin, Manuel Valls avançait cette fois « le nombre de 800 Français ou citoyens résidant en France qui sont concernés par la Syrie, soit parce qu’ils y combattent, soit parce qu’ils y sont morts – une trentaine –, soit parce qu’ils en sont revenus, soit parce qu’ils veulent y aller ». « Il s’agit de surveiller des centaines et des centaines d’individus français ou européens qui aujourd’hui combattent en Syrie », poursuivait le ministre qui se disait convaincu qu’il y a, en France « plusieurs dizaines de Merah potentiels ».

Le 22 juillet dernier, le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve donnait aux parlementaires une comptabilité plus détaillée : « En six mois, les effectifs combattants sont passés de 234 à 334, comprenant au moins 55 femmes et 7 mineurs ; le nombre des individus plus généralement impliqués dans les filières djihadistes, en incluant les personnes en transit, celles qui sont de retour en France et les individus ayant manifesté des velléités de départ, est passé de 567 à 883 sur la même période, soit une augmentation de 56 %. Ces chiffres sont comparables à ceux constatés dans d’autres pays de l’Union européenne ; ils montrent la gravité du phénomène ; ils nous obligent à prendre les mesures qui s’imposent pour l’endiguer. »

Le ministre de l'intérieur Bernard CazeneuveLe ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve © Reuters

Face cette menace aussi diffuse que médiatisée, le gouvernement a décidé de s’attaquer à ce qui serait l’un des outils vitaux de ces nouveaux terroristes : internet. C’est en effet sur des sites islamistes que ces jeunes Français s’auto-radicaliseraient et c’est sur des forums que les recruteurs de l’État islamique les enrôleraient. Internet – où l’on peut si facilement apprendre à fabriquer une bombe et commander des produits explosifs – serait également devenu incontournable dans la préparation même des attentats.

Ainsi, sur les dix-huit articles que compte le projet de loi une moitié d’entre eux visent, directement ou indirectement, internet.

L’article 4 s’attaque plus globalement à la liberté d’expression en proposant de réformer la loi de 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse prévoyant un régime spécial pour certaines infractions. Désormais, les infractions d’apologie et de provocations aux actes de terrorisme seront sanctionnées par un nouvel article du code pénal, le 421-2-5, par une peine de cinq années d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Cet article, comme d’autres du projet de loi, pose le problème de la relativité de la notion « d’apologie » du terrorisme. Si les cas médiatiques mis en avant par le gouvernement relèvent incontestablement du terrorisme, ce texte s’appliquera à bien d’autres groupes radicaux qu’islamistes. Or, en fonction des régimes, même démocratiques, la définition de « terroriste » peut très sensiblement varier. Un site de soutien au groupe de Tarnac, un blog indépendantiste ou de soutien à un mouvement palestinien pourraient très bien être considérés par certains responsables politiques comme faisant « l’apologie du terrorisme ». Outre les dangers qu’il représente en matière de liberté d’expression et de droit l’information, ce texte menace plus particulièrement internet où les peines sont aggravées et passent à sept années de prison et 100 000 euros d’amende.

 

« L’entreprise terroriste individuelle » et « l’apologie du terrorisme »

 

 

L’article 5 consacre la figure du « loup solitaire » en ajoutant un autre article au code pénal, le 421-2-6, sanctionnant « l’entreprise terroriste individuelle ». Celui-ci est censé permettre l’interpellation du suspect dès la phase de « préparation » de l’attentat. Dans la première version du texte, le législateur avait défini cette notion particulièrement vague par « le fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ». Mais devant les risques de voir sanctionnés des internautes ayant effectué de simples recherches sur internet, la commission des lois a amendé l’article. Désormais, pour matérialiser l’infraction, il faudra un deuxième élément : « recueillir des renseignements relatifs à un lieu, à une ou plusieurs personnes », recevoir « un entraînement ou une formation » « au maniement des armes », « à la fabrication ou à l’utilisation d’explosifs » ou « au pilotage d’aéronefs » mais également « consulter habituellement un ou plusieurs services de communication au public en ligne provoquant directement à la commission d’actes de terrorismes ou en faisant l’apologie ».

Ainsi, une personne qui aurait visité régulièrement des sites considérés par les autorités comme faisant « l’apologie du terrorisme » et possédant chez lui des produits chimiques pouvant servir à la fabrication d’explosif tomberait sous le coup de cet article. Or, de nombreux produits chimiques entrant dans la composition d’explosifs artisanaux sont en vente libre et utilisés pour d’autres applications, comme le peroxyde d’hydrogène, utilisé dans l’imprimerie, l’agriculture, l’aéronautique ou encore comme désinfectant.

Visiblement conscients des risques en terme de droit à l’information qu’implique l’article 5, les députés ont exclu de son champ d’application les consultations de sites qui résultent « de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou est réalisée afin de servir de preuve en justice. Ainsi, ce nouveau délit ne pourra entraver le travail des journalistes ou des chercheurs universitaires », précise l’exposé des motifs du texte. Restent les cas des « non professionnels », juste passionnés ou curieux. Enfin, cet article pose la question de la pénalisation d’une simple intention et de l’arrestation préventive d’une personne en vertu d’une liste de signes extérieurs de culpabilité, au risque de placer dans l’illégalité de nombreux internautes simplement curieux, ou passionnés cherchant uniquement à s’informer ou à se documenter.

L’article 9 relance un débat récurrent, celui du blocage des sites internet faisant l’apologie du terrorisme par une autorité administrative sur le modèle du dispositif existant pour les sites pédophiles. Le projet de loi prévoit la création d’une autorité administrative chargée d’établir une liste des sites qu’elle considère comme faisant l’apologie du terrorisme et dont elle souhaite voir interdire l’accès depuis la France. Pour cela, cette autorité sera aidée par une personne qualifiée désignée par la Cnil (commission nationale de l’informatique et des libertés) et qui sera chargée « de vérifier que les contenus dont l’autorité administrative demande le retrait ou que les sites dont elle ordonne le blocage sont bien contraires aux dispositions du code pénal sanctionnant la provocation au terrorisme, l’apologie du terrorisme ou la diffusion d’images pédopornographiques ». Ce représentant de la Cnil n’aura qu’un pouvoir de recommandation mais pourra « saisir la juridiction administrative » « si l’autorité administrative ne suit pas » son avis.

Cette disposition est sans doute celle qui est la plus critiquée, et pas seulement par les associations de défense des libertés. Saisi au mois de juin dernier par Bernard Cazeneuve, le Conseil national du numérique (CNNum) avait rendu, au mois de juillet, un avis sévère sur cet article, dénonçant un dispositif « techniquement inefficace », « inadapté aux enjeux de la lutte contre le recrutement terroriste » et n’offrant pas « de garanties suffisantes en matière de libertés ». Le CNNum soulignait par ailleurs qu’il existe « des alternatives plus efficaces et protectrices ». Le 10 septembre, le directeur général de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), Guillaume Poupard, s’est lui-même dit « très réservé sur ces mesures d’un point de vue technique » et a affirmé avoir « signalé le problème de l’efficacité de ces mesures ».

L’article 10  modifie les règles régissant l’accès à un système informatique dans le cadre d’une perquisition en ajoutant un alinéa à l’article 57-1 du code de procédure pénale afin de permettre à la police de saisir les données stockées hors du domicile du suspect, par exemple sur un « cloud ». Jusqu’à présent l’accès à « des données intéressant l’enquête en cours » devait se faire depuis « un système informatique sur les lieux où se déroule la perquisition ». Désormais, cet accès peut se faire depuis « un système informatique implanté dans les locaux d’un service ou d’une unité de police ou de gendarmerie ».

L’article 11 offre de nouveaux pouvoirs aux policiers face au chiffrement des données, pratique permettant de communiquer et de stocker ses données en toute sécurité, particulièrement en vogue depuis les révélations d’Edward Snowden. Le texte autorise les officiers de policier judiciaire à faire appel à « toute personne qualifiée pour mettre au clair des données chiffrées ».

L’article 12 sort de la stricte lutte contre le terrorisme en aggravant les peines prévues contre les hackers. Le texte introduit la qualification « en bande organisée » comme circonstance aggravante des atteintes aux systèmes automatisés de données. La crainte des hacktivistes est que cette nouvelle infraction permette de réprimer, comme des terroristes, les militants qui, tels les Anonymous, s’organisent pour bloquer l’accès à un site lors de manifestations virtuelles.

L’article 15, enfin, modifie le code de la sécurité intérieure pour porter de 15 à 30 jours la durée de conservation des interceptions de sécurité dont le régime avait été fortement étendu par la loi de programmation militaire.

 

 

Un «tournant dans l’institution de sociétés de la suspicion»

 

 

Ce tour de vis sécuritaire sans précédent sur internet a suscité la mobilisation des principales associations de défense des libertés sur internet : La Quadrature du net, la Ligue des droits de l’homme, Reporters sans frontières, le Syndicat de la magistrature ou encore l’April. Réunies au sein d’un collectif, elles ont lancé au début du mois de septembre une « campagne citoyenne » accompagnée d’un site, Presumes-terroristes.fr, proposant une analyse détaillée du projet de loi et incitant les internautes à contacter leur député.

Celui-ci a également été l’objet de vifs débats à l’Assemblée nationale au sein de la Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique, composée de parlementaires et de personnalités du monde de l’internet. Dans une contribution publiée sur l’édition participative de Mediapart consacrée aux travaux de cette commission, « Libres enfants du numérique », le cofondateur de la Quadrature du net, et membre de la commission, Philippe Aigrain s’est livré à une analyse, article par article, du texte. « Le risque principal qui pèse sur le débat en séance plénière sur le projet de loi terrorisme à venir à l’Assemblée nationale est celui d’une prise d’otage de la délibération du fait de l’invocation d’une urgence sécuritaire », écrit-il. « Le projet de loi manifeste une exploitation de la situation pour faire passer des dispositions réclamées depuis longtemps par certains services de sécurité et de police, en particulier en matière du contournement du judiciaire », poursuit Philippe Aigrain. « Il met par ailleurs en place une dissuasion et une répression préventive des « parcours de radicalisation » qui est un véritable tournant dans l’institution de sociétés de la suspicion. (…) Il est non seulement légitime mais indispensable de prendre en compte les dérives qui peuvent résulter des dispositions proposées, dans d’autres situations dépassant leur objet initialement affiché. C’est pourquoi il me paraît nécessaire d’appeler les députés qui auront à débattre du PJL terrorisme à la mi-septembre à prendre le recul indispensable sur ce texte. La représentation nationale ne peut être contrainte par l’invocation d’un impératif sécuritaire à accepter d’adopter des mesures contestables dans leur efficacité et inacceptables dans leurs conséquences. »

 

Ce véritable réquisitoire a valu à Philippe Aigrain une réponse virulente du président socialiste de la commission des lois de l’Assemblée nationale, Jean-Jacques Urvoas. « Est-il encore possible de légiférer sereinement pour adapter le dispositif judiciaire français de lutte antiterroriste ? » se plaint le député, dénonçant une « accumulation de tant de formules polémiques, d’explications dogmatiques et d’analyses simplificatrices, parfois même simplistes ». Au-delà du débat juridique, l’élu, ardent défenseur du projet de loi, assume les restrictions de libertés contenues dans ce texte. Et les justifie par les nouvelles menaces que feraient peser sur la sécurité nationale ces nouveaux terroristes. « Si nos adversaires s’adaptent en permanence en faisant évoluer les modalités de leurs interventions, à la fois pour se dissimuler, pour échapper à nos services de sécurité, et par conséquent à la justice », affirme Jean-Jacques Urvoas, « il semble logique, si nous voulons être efficaces, que nous adaptions nos propres outils. » « La démocratie est à la fois forte et fragile », estime-t-il. « Forte de la vitalité inépuisable de ses principes et fragile face aux messages sans paroles que sont les attaques terroristes (…). Nous ne saurions donc les affronter avec une main liée dans le dos. »

Cette approche sécuritaire d’internet est largement partagée sur les bancs de l’Assemblée nationale. Et il y a de fortes chances pour que le projet de loi sur le terrorisme soit adopté sans modification substantielle, comme le fut au mois de décembre dernier la loi de programmation militaire qui avait déjà élargi l’accès des services de renseignements français aux données des opérateurs de communications électroniques, des fournisseurs d’accès à Internet et des hébergeurs de sites. Malgré, déjà, une forte mobilisation des associations, des réticences du CNNum et l’opposition de quelques députés, le texte avait finalement été adopté par 164 voix contre 146.

Un espoir subsiste cependant concernant le blocage des sites internet, sujet sur lequel l’exécutif aurait été sensible aux multiples critiques. En fin d’année 2013, le gouvernement avait déjà tenté d’imposer ce filtrage de sites internet dans le cadre de l’examen du projet de loi de lutte contre la prostitution. Mais il avait finalement fait marche arrière en retirant cette mesure à la dernière minute. Deux amendements visant l’article 9 ont déjà été déposés. L’un déposé par des députés du groupe écologiste vise tout simplement à annuler cette disposition. L’autre, déposé les élus UMP Lionel Tardy et Laure de La Raudière, propose de réintroduire le juge judiciaire dans la décision de blocage. « Seul un juge doit pouvoir ordonner le blocage d’un site internet à l’issue d’un débat contradictoire, qui peut très bien être mené en urgence en la forme des référés », suggèrent les députés.

 

Premières leçons de Gaza

Mediapart.fr

13 septembre 2014 | Par Dominique Vidal

 

Malgré un soutien diplomatique important, Israël n’a clairement pas remporté ses cinquante jours de guerre contre le Hamas. La démonstration ayant été faite qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit, comment avancer vers une paix durable ? Éléments de réponse par le journaliste et historien Dominique Vidal.

 

Interrogé dans les années 1970 sur l’impact de la Révolution française, le premier ministre chinois Chou En-lai répondit : « Il est trop tôt pour se prononcer. » C’est dire qu’il serait a fortiori absurde de prétendre dresser déjà un bilan exhaustif de l’offensive israélienne contre Gaza. Plusieurs leçons s’en dégagent néanmoins, qui valent d’être tirées.

Que 75 % des Palestiniens considèrent le Hamas comme le vainqueur de la guerre de cet été n’a rien de surprenant (selon un sondage publié dans le Times of Israel). Plus étonnants sont les résultats d’une enquête d’opinion de l’autre côté : 53 % des Israéliens estiment que leur pays l’a perdue. Ce jugement tient évidemment beaucoup à la confusion soigneusement entretenue par le gouvernement de Benjamin Nétanyahou sur le but de l’opération. Vengeance des trois jeunes colons enlevés et assassinés ? Réoccupation de la bande de Gaza et renversement du pouvoir du Hamas ? Destruction des tunnels creusés par ce dernier sous la frontière ? Restauration du « calme » ? Démilitarisation de Gaza ? C’est en fonction de l’objectif le plus ambitieux que l’opinion a jugé l’aboutissement du bras de fer estival, aux dépens du premier ministre qui, plébiscité en juillet, s’est retrouvé fin août en chute libre dans les enquêtes d’opinion.

Ville de Gaza, 13 juillet 2014.Ville de Gaza, 13 juillet 2014. © Reuters

Quoi qu’il en soit, ces cinquante jours ne se soldent effectivement pas par une victoire pour Israël. Comme les trois attaques précédentes contre la bande de Gaza depuis le retrait de 2005 (et comme la guerre contre le Liban de 2006), celle-ci démontre une fois encore que l’armée israélienne, malgré sa puissance, ne parvient décidément pas à venir à bout d’une milice, qu’il s’agisse du Hamas ou du Hezbollah. En revanche, le déchaînement de violence – selon le Bureau de la coordination des Affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), 2 131 morts dont 1 473 civils parmi lesquels 501 enfants, 18 000 immeubles détruits ou très endommagés, 108 000 personnes sans logis – a porté un nouveau coup à l’image d’Israël dans le monde, déjà très négative. On attend avec intérêt le prochain sondage mondial de la BBC : le dernier plaçait Israël, juste devant l’Iran et la Corée du Nord, dans le trio des États dont la politique paraît la plus négative…

L’État juif a pourtant bénéficié d’un soutien diplomatique, explicite ou tacite, sensiblement plus solide que lors des précédentes attaques. Comme à l’ordinaire, la plupart des gouvernements occidentaux se sont alignés sur Tel-Aviv, au nom du « droit d’Israël à se défendre ». Mais, fait plus rare, d’importants États émergents en ont fait autant : la Russie, de manière spectaculaire, et, plus discrètement, la Chine et l’Inde. Quant au monde arabe, il s’est divisé, certaines capitales s’opposant ouvertement au Hamas – Égypte et Arabie saoudite en tête. Seuls les pays d’Amérique latine se sont rangés aux côtés des Palestiniens : la plupart ont même rappelé leur ambassadeur en Israël.

Ailleurs, il a fallu l’ampleur des pertes des Gazaouis pour que la « communauté internationale » finisse par dénoncer le « massacre »… Le président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France), Roger Cukierman, a d’ailleurs immédiatement écrit à François Hollande afin de l’« alerter » sur « l’utilisation des termes “carnage” et “massacre” pour qualifier les opérations de l’armée israélienne à Gaza. Le caractère disproportionné de ces termes, poursuivait-il, a suscité de l’incompréhension et une vive émotion chez les Juifs français ».

Sans doute ce revirement verbal s’explique-t-il aussi par la mobilisation croissante des opinions publiques. De nombreuses capitales ont connu, en plein été, de grandes manifestations de solidarité pour Gaza : ce fut le cas, entre autres, à Londres, Bruxelles, Toronto, Sidney et même New York. Et Paris a vécu quelques-uns de ses défilés de solidarité avec la Palestine les plus massifs de son histoire – la colère s’exprima aussi dans plusieurs dizaines de villes de France. En revanche, le rassemblement de soutien à Israël organisé le 31 juillet par le Crif attira moins de 5 000 personnes (la Région parisienne compte plus de 200 000 Juifs). Certes, les trois quarts des Français (74 %) n’expriment de sympathie pour aucune des deux parties en conflit, mais, pour le reste, deux fois plus se déclarent favorables aux Palestiniens (17 %) que favorables à Israël (9 %), selon un sondage réalisé fin août ([1]).

« C’est comme la Nuit de cristal, une Intifada en plein Paris », avait commenté le député centriste Meyer Habib. « Ils vont tuer des juifs. » Car ce sont, expliquait-il, « non pas des centaines, non pas des milliers, mais des dizaines de milliers de personnes [qui] crient “Mort aux Juifs” ». Ce genre de délire a servi de prétexte, en France, à une tentative, rapidement avortée, d’interdiction des initiatives de solidarité avec les Gazaouis. Et pour cause : les faits évoqués étaient imaginaires. L’« attaque » contre la synagogue de la rue de la Roquette, le 13 juillet, n’en était pas une, mais une provocation de la Ligue de défense juive (LDJ). Mais Sarcelles connut, une semaine plus tard, un grave dérapage, avec destruction de commerces tenus par des Juifs et jets de cocktails Molotov contre une synagogue…

 

Quel enseignement le Hamas en tirera

 

 

Encore faut-il analyser ce qui peut entraîner de tels dérapages. Nul doute que les images, des semaines durant, des horreurs infligées à la population gazaouie suscitent une profonde émotion. En outre, en soutenant inconditionnellement Tel-Aviv, le Crif, qu’il le veuille ou non, alimente l’amalgame entre Juifs français et Israéliens. De même, le tournant pro-israélien pris par le président de la République et le premier ministre accrédite l’idée d’un « lobby » suffisamment puissant pour infléchir la politique de la France. Autant de facteurs favorables aux odieux discours antisémites tenus par Dieudonné et autre Soral comme par certains groupes islamistes. Marginale, cette évolution n’en appelle pas moins des responsables du mouvement de solidarité avec la Palestine une meilleure vigilance : racisme et communautarisme constituent pour ce dernier un véritable poison.

On se demandait ce qui l’emporterait dans l’opinion palestinienne : la fierté pour la résistance du Hamas ou la douleur des deuils et des destructions ? D’autant que, selon les observateurs, rien n’a vraiment changé à Gaza : le blocus est à peine allégé. Pourtant les premiers sondages réalisés après le cessez-le-feu tranchent nettement : non seulement le mouvement islamiste remporterait des élections législatives (par 46 % contre 31 % au Fatah), mais il arriverait aussi en tête d’un scrutin présidentiel, y compris si Ismaïl Haniyeh se voyait opposer Marwan Barghouti. Cette enquête d’opinion inverse le rapport de force tel qu’il apparaissait dans les sondages antérieurs à l’opération « Bordure protectrice ».

La bande de Gaza, début septembre 2014.La bande de Gaza, début septembre 2014. © Mohammed Salem/Reuters

Tout le problème est de savoir quel enseignement le Hamas en tirera. Respectera-t-il l’accord qui avait permis, le 23 avril, la création d’un gouvernement d’union nationale avec le Fatah et les autres composantes de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) ? Et en appliquera-t-il toutes les clauses, y compris le transfert du pouvoir à Gaza à cette nouvelle équipe ? Ou bien préférera-t-il refaire cavalier seul, voire tenter un coup d’État, comme Mahmoud Abbas l’en a accusé ?

De la réponse dépend non seulement le maintien de la crédibilité du président de l’Autorité, mais aussi une possible nouvelle initiative diplomatique palestinienne. Car les États-Unis et aussi bien l’Union européenne avaient accepté de traiter avec le gouvernement d’union, au grand dam d’Israël. Sans doute est-ce même la raison qui avait conduit Tel-Aviv à déclencher cette nouvelle guerre : « Pour Israël, l’ennemi, c’est la négociation »observe, à juste titre, le militant anticolonialiste Michel Warschawski.

Paradoxalement, la principale leçon de cette nouvelle guerre est la confirmation que le conflit israélo-palestinien n’a pas de solution militaire. Si elle s’affiche plus nationaliste que jamais, la société israélienne n’est pas prête pour autant à payer le prix, très élevé, qu’impliquerait l’écrasement des Palestiniens. Et ces derniers savent qu’ils n’ont pas les moyens militaires de vaincre Israël. Bref, seul l’établissement d’un État palestinien indépendant dans les frontières de 1967 et avec Jérusalem-Est pour capitale peut assurer durablement la sécurité des deux peuples, en asséchant le terreau des radicalisations de part et d’autre. Mais, pour relancer, au-delà des négociations sur le cessez-le-feu, un (véritable) « processus de paix », plusieurs conditions doivent être réunies.

 

Et la première, c’est l’existence d’un interlocuteur palestinien uni, faute de quoi Israël pourra continuer à jouer à sa guise sur les divisions opposant Fatah et Hamas. La deuxième, c’est la détermination de la communauté internationale (sans guillemets) à imposer le cadre formé par le droit international, quitte à recourir aux sanctions nécessaires pour ce faire. L’expérience des accords d’Oslo montre en effet que rien ne peut sortir du face-à-face entre pot de fer et pot de terre, même « arbitré » par les États-Unis. La troisième, enfin, c’est, sachant la difficulté qu’éprouve l’exécutif américain à exercer des pressions sur Israël, la capacité de l’Europe à poursuivre, sur la lancée de ses « lignes directrices », son offensive contre la colonisation.

Car quelque chose commence à faire bouger les lignes autour de la campagne boycott-désinvestissement-sanction (BDS). Le mouvement de solidarité s’est emparé, dans le monde entier, de cette initiative lancée en 2005 par un grand nombre d’ONG palestiniennes. Mais celle-ci a aussi inspiré des démarches bien au-delà des cercles militants : des gouvernements, des fonds de pension, des banques, de grandes entreprises l’ont imitée en boycottant les produits des colonies ou en y désinvestissant. Deux informations récentes l’attestent: l’entreprise Sodastream, « ciblée » par les boycotteurs, envisage de fermer son usine de Cisjordanie ; et les producteurs de viande et de volailles des colonies ont renoncé à exporter leurs marchandises vers l’Europe. Bref, BDS devient une clé dont chacun peut se servir pour peser en faveur de la paix.

 

La boîte noire :Dominique Vidal est journaliste et historien. Il a longtemps collaboré au Monde diplomatique et vient de diriger avec Bertrand Badie Nouvelles Guerres – L’État du monde 2015 (La Découverte, 2014). C’est son premier article pour Mediapart.

Communiqué de l’AEDH sur la position de l’UE dans le conflit israélo-palestinien.

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The European Association for the Defence of Human Rights (Association Européenne pour la défense des Droits de l’Homme – AEDH) consists of associations and leagues defending human rights in the countries of the European Union. For more information, visit http://www.aedh.eu/.

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Bruxelles, le 3 Septembre 2014

L’Association européenne pour la  défense des droits de l’Homme (AEDH) regrette vivement que l’Union européenne se soit contentée lors de la réunion du Conseil du 30 août 2014 d’une déclaration attentiste sans effet  alors que l’on compte plus de 2000 morts et 10 000 blessés palestiniens et qu’une issue durable et négociée directement reste toujours aussi incertaine. Il convient que les organisations internationales qui pensent représenter la « communauté internationale » – dont l’UE se targue de faire partie – prennent enfin la mesure du danger que fait planer la poursuite de la politique israélienne. Si la sécurité de l’Etat d’Israël est au prix d’offensives aussi meurtrières, dont témoigne le déséquilibre des morts, c’est parce que les droits de tous les peuples de la région ne sont pas considérés comme de même valeur. Si une tentative de résolution peut un jour déboucher sur une paix réelle, ce ne peut être que dans le respect du droit international, des résolutions de l’ONU, un accord mutuel de reconnaissance entre deux Etats souverains, la fin du blocus de Gaza, l’arrêt de de la colonisation et le retrait de toutes les colonies israéliennes qui rendent illusoire la viabilité d’un état palestinien.

Le 22 juillet 2014, le Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne s’était contenté de choisir une position d’évitement avec comme axe central : « Tous les groupes terroristes dans la bande de Gaza doivent désarmer » tout en accordant que « l’opération de l’armée israélienne doit être proportionnée et conforme au droit international humanitaire ». Le Conseil du 30 août évolue mais avec beaucoup de prudence et appelle « les deux parties » à « aboutir à une amélioration fondamentale des conditions de vie des Palestiniens dans la bande de Gaza par la levée du bouclage et demande qu’il soit mis un terme à la menace que le Hamas et les autres groupes radicaux actifs à Gaza constituent pour Israël ». Il demande au « gouvernement palestinien de consensus » d’exercer « l’ensemble de ses responsabilités à la fois en Cisjordanie et dans la bande de Gaza », il demande un « accès humanitaire immédiat et sans entrave ». Il est aussi rappelé que l’UE est prête à contribuer à une solution globale et durable renforçant la sécurité, le bien-être et la prospérité des Palestiniens comme des Israéliens » et le conseil se prononce pour « un accord définitif reposant sur une solution fondée sur la coexistence de deux Etats pour instaurer « une paix et une stabilité durables ». Le Conseil rappelle que « la bande de Gaza fera partie d’un futur Etat de Palestine ».

L’AEDH considère que cette analyse même si elle manifeste une certaine évolution positive, ne représente pas la réalité, mais justifie une prudence  de l’Union européenne. S’il est justifié de condamner la violence du Hamas, cela n’a de sens que si dans le même temps le  recours à une invasion militaire destructrice est dénoncé comme tel. Sinon, il s’agit d’un texte qui a pour fonction de ne pas risquer de mettre en contradiction les principes de démocratie, de primauté du droit, d’universalité et d’indivisibilité des droits qui ont présidé à la construction de l’UE, et la poursuite de l’accord d’association signé en 1995 avec l’Etat d’Israël et dont l’article 2 précise que les relations entre les deux parties doivent être fondées sur le respect des droits de l’Homme et sur les principes démocratiques qui régissent leurs politiques intérieures et internationales. L’AEDH considère que l’accord d’association qui lie l’UE et l’Etat d’Israël aurait dû être immédiatement suspendu, comme le permet son article 2 dès le début de l’offensive militaire sur Gaza.

En 2002, le Parlement européen avait adopté une résolution demandant avec raison la suspension de cet accord et prévoyait même l’envoi d’une « force internationale d’interposition et d’observation » au Proche-Orient sous l’égide des Nations-Unies. Douze ans plus tard, les droits de l’Homme sont encore moins respectés par le gouvernement israélien. Douze ans plus tard, le respect des droits pour tous reste à imposer.

L’AEDH considère que le Conseil européen du 30 août aurait dû être le moment pour l’UE de sortir de son équilibrisme qui revient à privilégier un compromis provisoire au détriment de  la recherche de la justice. L’AEDH attend de l’UE qu’elle fasse usage de tous les moyens de pression dont elle dispose pour obliger le gouvernement israélien à adopter une politique de respect du droit international qui sorte de l’oppression, de la colonisation, de l’occupation militaire et de la guerre et du blocus de Gaza qui interdit à la population palestinienne tout moyen de vivre.

Contact:

Dominique Guibert, Président

AEDH, Association Européenne pour la défense des Droits de l’Homme

33, rue de la Caserne. B-1000 Bruxelles

Tél : +32(0)25112100 Fax : +32(0)25113200 Email : info@aedh.eu

 

L’Association Européenne pour la Défense des Droits de l’Homme (AEDH) regroupe des ligues et associations de défense des droits de l’Homme des pays de l’Union Européenne.  Pour en savoir plus, consultez le site www.aedh.eu.

Prochaine réunion du Comité Régional Aquitaine à Villeneuve sur Lot le samedi 13 septembre.

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Villeneuve sur Lot

SAMEDI 13 SEPTEMBRE

Tous les membres du Lot et Garonne sont conviés à un repas au restaurant le samedi 13 septembre à Villeneuve sur Lot.

Une réunion de travail aura lieu en suivant.

Inscriptions et renseignements complémentaires :

ldh-aquit-dr@orange.fr

06 41 89 41 22

 

C’est la rentrée… du concours des « Écrits pour la fraternité » !

 

GABARIT-LDH-SECTIONS

 

En cette rentrée scolaire, nous souhaitons attirer votre attention sur le concours « Écrits pour la fraternité » organisé chaque année par la LDH. Pour cette nouvelle édition, le thème porte sur : « Je suis, tu es, nous serons… ».

Le concours s’adresse aux enfants et aux jeunes des classes de grande section de maternelle, de primaire, de collège, de lycée, et d’institut médico-éducatif, mais aussi aux individuels.

Les sections et fédérations de la LDH travaillent localement avec les enseignant(e)s et éducateurs/trices. Ainsi, chaque année, des établissements scolaires, instituts médicaux spécialisés, associations, centres de loisirs, conseils municipaux des jeunes… proposent ce pari à de jeunes poètes en herbe.

Le respect du thème est primordial mais les œuvres, individuelles ou collectives, peuvent prendre plusieurs formes :

– les œuvres écrites : textes en prose ou en vers, scènes de théâtre, textes de chanson, etc., qui sont réparties en plusieurs catégories d’âges ;

– les « autres œuvres » : chansons en musique, œuvres vidéographiques, objets et œuvres graphiques, etc. Pour ces derniers, nous vous invitons à veiller à ce que leur taille reste raisonnable.

Concernant les échéances :

– pour les sections, n’oubliez pas d’envoyer au plus tôt vos fiches d’inscription. Celles-ci nous permettent d’évaluer la participation au concours et d’établir un fichier de contacts préalable ;

– pour les participants, vous avez jusqu’au 1er avril 2015 pour envoyer vos textes aux représentants locaux de la LDH (sections) ;

– toutes les œuvres devront nous parvenir au siège impérativement avant le 25 avril 2015. Nous devons laisser le temps nécessaire aux membres du jury d’examiner les œuvres avec attention et, pour l’intérêt de tous et notamment des jeunes participants, nous vous serions gré de respecter ces délais.

La réunion du jury se tiendra en mai et la cérémonie de remise des prix aura lieu en juin 2015.

Vous pourrez retrouvez toutes ces informations dans la plaquette de présentation, ainsi que les fiches d’inscription et de participation, en PJ et sur le site Internet de la LDH :http://www.ldh-france.org/suis-tu-es-serons/.

Des plaquettes sont disponibles au siège de la LDH, merci de contacter le service communication (communication@ldh-france.org) si vous souhaitez disposer d’exemplaires supplémentaires.

 En espérant que vous serez nombreux à participer activement au concours « Écrits pour la fraternité », nous restons à votre disposition pour tout renseignement.

Bonne rentrée à toutes et à tous !

 

 

Service communication

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138 rue Marcadet – 75018 Paris

Tél. 01 56 55 51 00 – Fax : 01 42 55 51 21

ldh@ldh-france.org – www.ldh-france.org

 

Calendrier Fédération de la Gironde du 09-09-14 au 30-09-14

GABARIT-LDH-SECTIONS

EVENEMENTS LDH

Mardi 9 septembre à 19h00 : la section LDH de Bordeaux ouvre la boite ! appel à projets ou initiatives, discussion ouverte sur les thèmes de mobilisation, organisation des activités, mobilisation des troupes pour les mois à venir  ; réunion ouverte aux adhérents et sympathisants (Athénée Joseph Wresinski, Place Saint Christoly à Bordeaux)

Mardi 16 septembre à 19h00 : réunion de la section LDH de Bordeaux ; le point sur les activités et échanges sur l’actualité (Athénée Joseph Wresinski, Place Saint Christoly à Bordeaux)

Lundi 22 septembre à 9h00 : réunion mensuelle du comité fédéral LDH Gironde (24 place du Palais à Bordeaux)

Vendredi 26 septembre de 18h30 à 19h30 : émission mensuelle »En toutes libertés »  de la LDH  Gironde sur RIG (90.7) et Aqui FM (89.0)

Dimanche 28 septembre de 10h00 à 18h30 : stand LDH Bordeaux dans la cadre du Salon Cap Associations (Hangar 14 à Bordeaux)

 

EVENEMENTS AVEC PARTENARIAT LDH33

Mardi 2 septembre à 20h30 : projection débat autour du film « Hippocrate », sur l’hôpital au quotidien, organisée par la Coordination girondine Santé Solidarité, au cinéma Utopia de Bordeaux.

Samedi 6 septembre de 10h00 à …. tard : stand LDH Gironde dans le cadre du Festival Planète, Esplanade François Mitterrand à Lormont (cf. flyer joint) ; APPEL A VOLONTAIRES POUR INSTALLATION ET TENUE DU STAND

Mardi 9 septembre à 11h30 : réunion du Collectif égalité filles-garçons, au siège de l’OCCE (22 rue des Sablières à Bordeaux)

Mercredi 10 septembre à 16h00 : rassemblement organisé par le Collectif girondin pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens, contre la présence de sociétés d’armement israéliennes dans le cadre du salon sur les drones  UAV Show Europe (devant l’église de Beutre à Mérignac, cf. pièce jointe)

Jeudi 11 septembre à 18h00 : réunion de la Coordination Santé Solidarité Gironde, au siège de la MUTAMI (cours de la Marne à Bordeaux)

Mardi 16 septembre à 10h00 : réunion du groupe de liaison « Alerte logement Gironde », au siège de l’Union régionale de la CFDT à Pessac

 

AUTRES EVENEMENTS POUR INFORMATION

Du lundi 15 septembre au dimanche 21 septembre : semaine du Revenu de base avec activités du groupe local de Bordeaux, dont projection-débat autour du film « Un revenu pour la vie« , en présence du réalisateur Michaël Le Sauce, le lundi 15 septembre à 20h30

Samedi 11 et dimanche 12 octobre : Alternatiba Gironde, village des alternatives et des utopies concrètes, quartier Sainte Croix à Bordeaux

Les honnêtes gens et le sale boulot

Mediapart

Pour l’universitaire Didier Fassin, l’analyse sociologique de l’affaire du lynchage d’un jeune Rom en banlieue parisienne, en juin, permet d’aller au-delà de l’événement et de sa dénonciation émotionnelle pour engager une réflexion plus large et penser la responsabilité collective plutôt que la seule culpabilité des auteurs ou même la complicité des responsables politiques.


Dans un article célèbre de 1962 intitulé Good People and Dirty Work, le sociologue Everett Hughes s’interrogeait, à propos de l’Allemagne des années 1940, non pas sur les raisons expliquant que « la haine raciale y ait pu atteindre un tel niveau », mais plutôt sur le fait que « ces millions de gens ordinaires aient pu vivre au milieu d’une telle cruauté et de tant de crimes sans qu’il y ait un soulèvement général contre ceux qui en étaient les auteurs ». Il relate une conversation à ce sujet avec un architecte allemand en 1948. « J’ai honte pour mon peuple chaque fois que j’y pense. Mais nous n’en savions rien », s’excuse son interlocuteur, qui ajoute : « Les Juifs étaient un problème. Ils venaient de l’est. Vous auriez dû les voir, en Pologne. Des gens de la condition la plus basse, pleins de poux, sales et pauvres, circulant dans leurs ghettos dans leurs tenues immondes. Et puis, ils sont venus ici et se sont enrichis avec des procédés incroyables. » Et de conclure : « Bien sûr, ce n’était pas la bonne façon de régler le problème, mais il y avait bien un problème et il fallait qu’il soit réglé d’une manière ou d’une autre. »

Commentant ces propos, l’auteur en élargit la signification à divers contextes, y compris dans les États-Unis de son époque, dans lesquels la majorité se dissocie à la fois d’une certaine catégorie de population, décrite comme radicalement autre au point qu’elle rend la cohabitation impossible, et de ceux, souvent des déclassés eux-mêmes, qui seront les exécuteurs des basses œuvres à leur encontre. Ainsi les « honnêtes gens » peuvent ignorer le « sale boulot » qu’accomplissent par procuration les seconds au détriment des premiers. Le problème n’est donc pas simplement : on ne savait pas. C’est plutôt, pour paraphraser l’expression du déni selon Octave Mannoni : on ne savait pas, mais quand même.

Cette forme de délégation des tâches les moins honorables, voire les plus indignes, opérée par la majorité en toute bonne conscience et avec une série de justifications est devenue un paradigme important des sciences sociales contemporaines : plus que l’extrême et terrible singularité de l’Allemagne nazie, c’est la signification générale de la division, tant sociale que morale, du travail à l’égard des indésirables que l’on retient.

L’histoire de Gheorghe C. (pourquoi ne pas, au moins, lui restituer sa véritable identité ?), l’adolescent rom soupçonné de cambriolage et lynché par des voisins, gagnerait assurément à être pensée à la lumière de cette analyse sociologique. En exprimant – tardivement – son « indignation » devant « ces actes innommables et injustifiables qui heurtent tous les principes sur lesquels notre République est fondée », le chef de l’État a trouvé les mots de convenance nécessaires. Mais il a fait plus que condamner « les auteurs de cette agression », il a dit aux Français qu’ils n’avaient rien à voir avec ces derniers. Nous voici donc rassurés et, comme le Premier ministre l’a affirmé, « les responsables de cet acte inacceptable », probablement des résidents de la cité voisine du taudis où habitait la victime, devront en rendre compte devant la justice.

Ainsi seront punis les coupables, des jeunes de milieu populaire si différents de la majorité de nos concitoyens, tandis que nos responsables jusqu’au sommet de l’État pourront continuer à stigmatiser les Roms, que nos édiles pourront se faire l’écho de l’exaspération de leurs administrés pour légitimer leur hostilité à l’encontre de ces corps étrangers, que nos préfets pourront ignorer la moitié des collectivités locales qui ne respectent pas l’obligation légale d’aménager des aires d’accueil pour les gens du voyage, que nos forces de l’ordre pourront poursuivre les évictions des occupants de camps improvisés au nom d’une loi qui n’est invoquée que pour réprimer ces derniers et que notre appareil judiciaire pourra encore fermer les yeux sur les incendies et les agressions qui les ciblent, et ce d’autant plus facilement qu’ils ne portent bien sûr pas plainte devant des institutions qui ne savent que les punir. Comme l’indique la procureure de la République, la « barbarie » du lynchage relève de la « vengeance privée ». Ni les pouvoirs publics ni le public français ne sont donc impliqués en aucune manière.

Les choses peuvent-elles changer ? Il arrive que l’exemple vienne d’en bas. Dans la maison d’arrêt où j’ai conduit une enquête au cours des cinq dernières années, les Roms roumains et bulgares étaient largement surreprésentés parmi les détenus, souvent condamnés pour des délits mineurs, y compris des vols de poules. Les surveillants manifestaient à leur égard une certaine considération car, disaient-ils, ils ne posaient jamais de problème et se montraient les plus durs au travail, les maigres revenus qu’ils tiraient de leur activité étant destinés à nourrir leur famille à l’extérieur. Le poste le plus sensible de la prison assurait l’entrée et la sortie des marchandises entre la cour de livraison et les ateliers : il était tenu par un Rom, à qui l’administration manifestait ainsi sa confiance.

C’est dire que le personnel pénitentiaire, le plus mal aimé de la République, paraissait plus enclin à en respecter les principes que ceux qui gouvernent en son nom. Au lieu de réitérer des préjugés séculaires sur ces populations, il les jugeait sur pièce. Il faut dire qu’il était à leur contact quotidiennement et avait appris à les connaître pour ce qu’ils étaient : des travailleurs honnêtes dès lors qu’on leur donnait du travail et qu’on leur autorisait l’honnêteté. Sûrement y a-t-il là une leçon pour nos décideurs et nos élus, l’ironie étant qu’elle leur est fournie par une catégorie professionnelle que l’on considère comme accomplissant justement la part ingrate du travail de l’État.

Au fond, ce qu’Everett Hughes peut nous apprendre, ce n’est ni que la société française est comparable à la société allemande d’il y a soixante-dix ans, ni que la description que l’on donne des Roms d’aujourd’hui ressemble étrangement à la description que l’on donnait alors des Juifs, eux aussi venus « de l’est ». C’est plutôt que les mêmes disqualifications, les mêmes justifications, le même silence, la même cécité permettent aux « honnêtes gens » de déléguer le « sale boulot », ici aux policiers et aux gendarmes que les évacuations de familles misérables ne valorisent guère, là aux citoyens dont on tolère qu’ils se fassent justice eux-mêmes, tout en conservant les mains propres et l’esprit serein. Espérons que l’insupportable traitement fait à Gheorghe C., déjà en train de tomber dans l’oubli médiatique, ne soit pas simplement réglé par la sanction de ses auteurs, mais soit l’occasion de penser la responsabilité collective dans ce qui l’a rendu possible.

Didier Fassin est professeur de sciences sociales à l’Institute for Advanced Study de Princeton. Il a notamment dirigé Les nouvelles frontières de la société française (La Découverte).

Retour au Parlement

Par Denis Sieffert3 juillet 2014

On avait perdu l’habitude d’assister dans l’hémicycle à de vrais affrontements qui ont un sens pour nos concitoyens.

La rue est calme en ces premiers jours de juillet. La seule rumeur qui monte parfois jusqu’à nos oreilles de citadins vient des amateurs de football, « franco-français » ou « franco-algériens » – n’en déplaise à Marine Le Pen, au maire de Nice, Christian Estrosi, et à quelques autres, toujours dominés par les vieux démons. Au plan social, la grève de la SNCF est terminée, celle de la Société nationale Corse Méditerranée est, comme son nom l’indique, trop localisée pour plonger le pays dans la crise, quant aux intermittents, ils ne sont pas assez nombreux pour prendre la Bastille, ni même l’Opéra Bastille… Ce qui n’empêche pas leur combat d’avoir une forte portée symbolique.

Apparemment donc, la lutte de classes est en sommeil, anesthésiée par le sentiment d’impuissance et les opiacés sportifs. Et pourtant, le malaise est là, profond, incurable. Le nombre des chômeurs ne cesse de grimper, et la fameuse croissance, comme le Messie, ne vient jamais. Tant et si bien que, pour le gouvernement, il serait plus sage de cesser d’y croire pour retrouver un peu d’agilité d’esprit. Est-ce donc vraiment qu’il ne se passe rien ? Gare aux effets d’optique ! Car si la rue est calme, l’Assemblée nationale ne l’est pas, et les allées du pouvoir ne le sont pas non plus. On avait perdu l’habitude d’assister dans l’hémicycle à de vrais affrontements qui ont un sens pour nos concitoyens. Il y avait bien, de temps à autre, quelques incidents théâtralisés à l’excès, des claquements de porte pour un mot de trop. Du mauvais vaudeville, quoi. L’événement de ces jours-ci est peut-être là : il se passe quelque chose à l’Assemblée en rapport avec la vie des gens. Même le Sénat n’est pas insensible à cette conjoncture. C’est l’honneur des députés « frondeurs » du PS, des parlementaires Front de gauche et de quelques écolos (pas tous, hélas !) de faire revivre les palais de la République. La bataille parlementaire est rude, même si l’un des acteurs majeurs du débat, le Medef, n’est pas présent ès qualités. Il compte assez de relais dans l’hémicycle, à droite et à gauche, pour peser lourdement sur le contenu des séances, et même sur leurs rythmes.

Il ne se prive pas non plus d’intervenir par presse interposée. Dimanche, à la veille de la reprise du débat parlementaire, Pierre Gattaz et sept de ses acolytes adressaient au président de la République et au Premier ministre un appel aux accents comminatoires  [1]. Le lendemain, il montait encore d’un cran, lançant à François Hollande et à Manuel Valls ce qu’il faut bien appeler un ultimatum : vous répondez « cette semaine à nos questions » ou bien nous boycotterons la conférence sociale des 7 et 8 juillet. Dans la forme, il y a quelque chose de pathétique à voir un président de la République et un Premier ministre traités de la sorte. À avoir tout cédé, notre couple exécutif a fini par rompre un équilibre essentiel qui est la condition même de son pouvoir. Ce n’est plus seulement un gouvernement « de gauche » qui a failli, c’est un État qui a renoncé à sa position arbitrale. Pierre Gattaz l’a compris. Il s’adresse désormais à ses féaux. Il « ne veut pas » entendre parler de cette histoire de pénibilité au travail, en tout cas, pas avant 2016. Il « veut » sur les trois prochaines années « des trajectoires de baisse du coût du travail ». Il « ne veut plus » quoi que ce soit qui renforce les contrôles ou les sanctions sur les entreprises ou sur les entrepreneurs. Il « veut », que dis-je, il exige des « réformes structurelles ». Le patron du Medef recense les « 25 verrous à lever ». On imagine après cela dans quel état serait notre droit du travail. Ce ton en dit long sur le rapport de force qui résulte des multiples renoncements de François Hollande depuis deux ans. C’est peu dire que la position du chef de l’État est inconfortable. En effet, s’il ne résiste guère à la pression du Medef, d’autres résistent pour lui. Car les députés « frondeurs » tiennent parole. Ils mènent une courageuse bataille d’amendements pour transformer le fameux pacte de responsabilité. Tout le contraire de ce qu’exige le Medef !

La sommation patronale a donc aussi un sens politique. L’exécutif est prié de se débarrasser, d’une façon ou d’une autre, de ces gêneurs. Et si l’on en croit les signaux donnés lundi soir  [2], au cours du débat sur le budget rectificatif de la Sécu, le gouvernement ne va pas rester sourd à la menace patronale. Il semblait tout près d’imposer un vote bloqué pour faire taire la dissidence. Il ne faut donc pas s’y tromper, la bataille qui se mène au Parlement et dans les allées du pouvoir est lourde de toutes les violences sociales. Ce n’est rien de moins qu’un nouvel épisode de l’affrontement entre le capital et le travail. Dans la logique patronale, il s’agit de placer le salarié face à un choix infernal : renoncement à ses acquis sociaux ou chômage ? De sorte que, dans tous les cas, il est perdant. C’est l’essence même du credo libéral.

[1] Appel publié dans le JDD du 29 juin.

[2] Voir l’article de Michel Soudais, pages 6 et 7.