Roms : les associations dénoncent «une politique absurde»

Libération

27 juin 2013 à 10:58
Des Roms evacués d'un campement de Saint-Denis sont installés sur un campement de fortune dans une rue à Paris, en septembre 2011.

Des Roms evacués d’un campement de Saint-Denis sont installés sur un campement de fortune dans une rue à Paris, en septembre 2011. (Photo Miguel Medina. AFP)

Retour sur Le collectif Romeurope, qui vient en aide aux populations roms, regrette que la circulaire du 26 août dernier ne soit pas appliquée.

Par MARIE PIQUEMAL

L’été dernier, ils croyaient au changement. La circulaire interministérielle du 26 août 2012 encadrait enfin les évacuations des campements illicites des populations roms. Toute expulsion devait s’accompagner «d’un diagnostic et de la recherche de solutions d’accompagnement» pour, entre autres, reloger les familles et permettre la scolarisation des enfants. Les associations, le collectif Romeurope en tête, étaient optimistes. «Nous avions un espoir avec cette circulaire que nous appelions de nos vœux», résumait mercredi Pascale Quivy, membre du collectif, lors de la présentation du rapport annuel.

Dix mois plus tard, le constat est abrupt. Rien n’a changé. «La circulaire n’est pas appliquée par les préfets, assure Laurent El Ghozi, membre fondateur du collectif. Il y a toujours autant d’expulsions, les diagnostics quand ils sont faits, sont bâclés en trois jours et on entend toujours des discours très stigmatisants envers les populations roms au plus haut sommet de l’Etat.» Bref, conclut-il, «la politique menée aujourd’hui est absurde, vaine, destructurante.»

Situation sanitaire dramatique

Toutes les associations du collectif, présentes ce mercredi1, partagent ce même constat. Les conditions de vie des Roms sont toujours précaires, l’accès aux droits élémentaires ne sont souvent pas garantis. La santé d’abord, comme l’explique Jean-François Corty, de Médecins du monde. «La situation sanitaire est dramatique. 50 à 60% des enfants n’ont pas leurs vaccins à jour. Pas parce que leurs parents ne veulent pas, mais parce qu’ils n’y ont pas accès. Se rendre dans un centre PMI n’est pas évident. Ils ont peur de se faire arrêter quand leurs papiers ne sont pas en règle, il y a aussi la barrière de la langue. Les obstacles sont nombreux.»

Chez les adultes, près de 40% retardent au maximum le moment de se faire soigner. «Ils ont d’autres priorités. Savoir où ils vont dormir, ce qu’ils vont pouvoir manger. Quand on est expulsé 30 ou 40 fois dans l’année, on a d’autres préoccupations que de se faire soigner», poursuit-il. Comme beaucoup d’acteurs de terrain, il s’insurge surtout contre ces évacuations à répétition inutiles et «qui détruisent tout le travail social que l’on essaie de mettre en place». Un exemple tout bête : comment mener à bien une campagne de vaccination, qui nécessite souvent des rappels au bout de deux mois, quand les familles sont expulsées tous les quatre matins ?

Aménager le terrain plutôt que d’expulser

Quelle est la solution ? Pragmatique, d’abord. «Plutôt que d’expulser dans la commune voisine, il vaut mieux améliorer les conditions du campement, soutient Pascale Quivy. Bien évidemment, nous ne sommes pas pour la pérennisation de bidonvilles mais plutôt que d’expulser sans cesse, il est préférable que les familles restent sur un même terrain, avec un accès à l’eau, des sanitaires et un raccordement électrique.»

«Ceci en attendant de leur donner accès à des logements sociaux comme toutes les personnes en difficulté», enchaîne Laurent El Ghozi, farouchement opposé aux politiques visant spécifiquement les populations roms, comme les villages d’insertion tentés ici et là. «D’abord, parce que pour ces programmes, on ne sélectionne que quelques familles. Pour elles, bien sûr, ces villages sont mieux que des campements. Mais ils ne sont qu’un petit nombre à en profiter. On les parque dans un lieu, gardé, c’est contraire aux libertés. Et puis, cela coûte 25 à 30 000 euros par famille chaque année, c’est très cher. Il suffirait de leur donner des autorisations de travail pour qu’ils puissent subvenir à leurs besoins et se payer un logement !»

C’est le nœud du problème. Jusqu’au 31 décembre, des mesures transitoires empêchent tous les Roumains et Bulgares d’accéder pleinement au marché du travail. Ils doivent demander des autorisations de travail en préfecture, des démarches administratives longues et compliquées. «Cela fait des années que l’on demande la levée de ces mesures transitoires. Tant qu’ils ne pourront pas travailler, la situation ne pourra pas se débloquer.»

Quant à la circulaire, les associations ne désespèrent pas qu’elle soit enfin appliquée. «Il manque juste du courage politique, c’est tout», jugent-ils, rappelant que la population rom en France n’est pas bien importante et stable depuis des années : entre 16 000 et 20 000 personnes.

1 Le collectif Romeurope regroupe de nombreuses associations. Etaient représentées lors de la conférence de presse : Médecins du monde, le Secours catholique, CCFD-terre solidaire, Rencontres tsiganes et Fnasat-Gens du voyage.