Comment la droite catho identitaire se régénère
Mediapart.fr
Réveillée par le mariage pour tous, la droite catholique identitaire tente de rebondir en s’appropriant le mouvement de contestation sociale. Création d’une myriade de collectifs, actions coup de poing, mobilisation d’intellectuels et d’écoles d’action, omniprésence sur Internet : cette nébuleuse manifeste ce week-end, en attendant une grande mobilisation le 26 janvier. Avec quels débouchés politiques?
Les droites sont dans la rue. Samedi, une manifestation « contre le matraquage fiscal », seulement annoncée sur Facebook, est prévue à Paris, à l’appel d’une myriade de collectifs informels (« Tondus », « Abeilles », « Dindons »). Le lendemain, « Stop.a.hollande » appelle à un grand rassemblement contre le « ras-le-bol fiscal » et pour la démission de François Hollande, dans plusieurs villes de France. Sur les forums, militants UMP, FN, anti-mariage pour tous, citoyens de droite, ultralibéraux, se mêlent. Ces collectifs n’ont pour l’instant aucune réalité militante. « Chacun a lancé des initiatives dans son coin. Ce week-end, on ne sait pas trop combien on sera, admet Pascal Blat, photographe nordiste et ex-militant UMP qui a lancé « Stop.a.hollande » il y a un mois seulement. Mais dans les semaines à venir, nous allons être amenés à fusionner pour faire quelque chose ensemble. »
Car cette mobilisation est un tour de chauffe avant une grande manifestation à Paris, le 26 janvier, décrété « Jour de colère ». Le mot d’ordre ? La « convergence des luttes » : fiscalité, école, défense de la famille et de la filiation. Derrière ce « Jour de colère », le « Printemps français », la branche radicale issue de la Manif pour tous. Loin d’avoir disparu, le mouvement anti-mariage pour tous s’est musclé depuis un an. Une partie s’est radicalisée et multiplie les actions coup de poing : sur les plages cet été, au défilé du 14-Juillet et à la commémoration du 11-Novembre de François Hollande, à chaque déplacement d’un ministre phare. Aujourd’hui, ce noyau catholique identitaire tente de rebondir en s’appropriant le mouvement de contestation sociale.
Le politologue Jean-Yves Camus, spécialiste des extrêmes droites et chercheur associé à l’Iris, décrit « un système poupée gigogne avec, au départ, le grand mouvement « Manif pour tous » ». Selon lui, « les manifestants ont bien compris que si l’UMP revenait au pouvoir, elle n’abrogerait pas cette loi » et « tentent de rebondir sur autre chose : la situation économique compliquée, les faiblesses de la communication de l’exécutif, le ras-le-bol fiscal ». Le chercheur observe « une circulation de militants passés dans toutes les chapelles » et un « noyau dur de 50 personnes qui se greffe à toutes les révoltes, en passant d’un point d’appui à un autre selon l’actualité » dans une « stratégie de harcèlement du gouvernement ».
Il n’y a qu’avec les Bonnets rouges que la greffe n’a pas pris. « La dimension sociale du mouvement breton ne peut être récupérée par le « Printemps français », qui est socialement conservateur », analyse Jean-Yves Camus. Leur leader, le maire divers gauche de Carhaix, a dénoncé cette récupération de l’extrême droite, après avoir vu fleurir plusieurs déclinaisons du mouvement : bonnets coiffés du logo de la Manif pour tous, bonnets d’autres couleurs, un site bonnets-rouges.org lancé par Réseau Identités ou encore Jean-Marie Le Pen lui-même coiffé du fameux bonnet, dans son journal de bord vidéo.
Mais pour le reste, le mouvement issu de l’opposition au mariage pour tous prospère en réactivant les réseaux catholiques traditionalistes. « Ces réseaux catholiques ronronnaient dans leur milieu sans trouver de points d’accroche pour en sortir. Après la lutte contre le divorce et contre l’avortement, le créneau de la christianophobie, ils ont trouvé le sujet qui leur permet de faire monter des gens de province à Paris pour manifester », explique Jean-Yves Camus. Chercheur associé au Cevipol à Bruxelles, et proche de l’aile gauche du PS, Gaël Brustier décrit le « réveil » d’une droite qui « se pense menacée dans ses valeurs ».
« Ils ont été frustrés par cinq ans de Sarkozy, car il est évidemment difficile d’être de droite autrement sous un pouvoir de droite. Et aujourd’hui ils se disent “Ça y est, on est enfin en première ligne face à la gauche”, explique le politologue, qui multiplie les entretiens avec ces militants dans le cadre de la préparation d’un livre. Cela aurait pu se déclencher sur autre chose, mais c’était le sujet idéal. Au lieu de diviser la droite comme le pensait la gauche, il a surtout réveillé une droite endormie. »
L’année dernière, la tentative de récupération du mouvement par l’UMP l’avait scindé en deux. D’un côté, la mouvance autour de la médiatique Frigide Barjot ; de l’autre la tendance plus radicale du « Printemps français », fondée par l’ex-para Philippe Darantière (lire notre enquête), la fondatrice du « Collectif pour la famille » Béatrice Bourges, proche de Christine Boutin, l’avocat et ancien leader du GUD (Groupe Union Défense) Frédéric Pichon. Aujourd’hui, une myriade de micro-mouvements coexistent, « sans centre décisionnel unique », souligne Gaël Brustier. Il y a ceux qui ne veulent pas se mêler de politique et ceux qui veulent débarquer les socialistes ».
Derrière ces mouvements, un même «populisme identitaire»
Rebaptisée “L’avenir pour tous”, la mouvance Frigide Barjot, mal en point, a tenté de relancer une manifestation anniversaire du premier rassemblement des anti-mariage, le 17 novembre. Elle a dû se contenter d’un petit meeting dans le XIIIe arrondissement de la capitale. De son côté, la Manif pour tous, désormais présidée par Ludovine de la Rochère, est revenue sur le devant de la scène le 23 novembre avec une manifestation à Nantes. Plus de sweats avec le fameux logo, mais des bonnets roses inspirés des bonnets rouges bretons. Sur leur site, ces « bonnets roses » se définissent comme défenseurs du « mariage homme-femme » et de « la filiation biologique ».
Amputé d’une partie de ses membres et miné par les dissensions internes, le « Printemps français » veut quant à lui rebondir avec le site « Jour de colère ».
Autour de lui gravitent plusieurs collectifs qui multiplient les actions coup de poing et dont la filiation saute aux yeux sur les réseaux sociaux (ici , là, ou encore là). Comme le « Camping pour tous », créé en mars, qui se prolonge aujourd’hui dans un autre collectif : « Hollande-démission ». Derrière ces deux mouvements, un même leader : David Van Hemelryck, polytechnicien de 34 ans, catholique pratiquant, proche de l’UMP et de l’UNI (Union nationale interuniversitaire). Un seul programme pour lui, un référendum sur la destitution du président.
Depuis plusieurs mois, il enchaîne les happenings : distribution de 150 sifflets pour huer Hollande lors de la cérémonie du 14-Juillet, tournée des plages en ULM avec une banderole “Hollande démission”, arrestation à bord d’une voiture « anti-Hollande », organisation d’un attroupement lors de la commémoration du 11-Novembre, avec un bonnet rouge.
Ce jour-là, le petit rassemblement est très hétéroclite. On y croise des personnalités du FN, des militants de l’Action Française (maurrassiens), ou du Renouveau français (national-catholique et pétainiste), des profils comme Liane d’Argelier : ancienne responsable du RPF de Christian Vanneste, elle côtoie désormais Philippe Vardon, leader des Identitaires à Nice, dans son collectif « Islamisation basta ! ».
Mais aussi Anne-Laure Blanc et son collectif « Solidarité pour tous ». Membre du Club de l’Horloge, think tank réunissant des intellectuels de droite et d’extrême droite qui vise à l’union de « toutes les droites », elle est aussi la femme de Jean-Yves Le Gallou. Cet ancien du FN et du MNR, qui a théorisé la préférence nationale au parti lepéniste, aujourd’hui à la tête de la fondation Polémia, est très actif au sein de l’extrême droite identitaire.
À côté de ces collectifs politiques, des mouvements spiritualistes, qui « n’en veulent pas au gouvernement d’être socialiste, mais d’être à l’avant-garde d’un certain libéralisme, d’une société où tout est marchandisé », rappelle Gaël Brustier. C’est le cas des « Veilleurs », ces opposants à la loi Taubira apparus en avril dans la nébuleuse Manif pour tous.
Si le mouvement s’est essoufflé nationalement, il a fait des petits : de nombreuses déclinaisons locales et un autre collectif, les Sentinelles, ces « veilleurs debout » rassemblés devant les ministères.
Parallèlement, des mouvements se sont créés avec un créneau anti-Femen. Les Homen, opposants masqués et torse nu, mais aussi les Antigones, encore actives aujourd’hui. On y retrouve Mathilde Gibelin, responsable de la communication presse de Polémia, et issue de l’organisation de scoutisme Europe jeunesse, proche du Grece (Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne).
Anne-Laure Blanc, Mathilde Gibelin : ces deux personnages étaient présents parmi les militants qui ont déployé une banderole lors du vote du mariage pour tous, en avril. La présence de ces figures de la mouvance païenne dans ces mouvements catholiques n’est pas anodine. « C’est la jonction entre catholicisme et identité. Ce retour au catholicisme aujourd’hui est un retour identitaire », commente Jean-Yves Camus.
Si ce magma hétéroclite héritier de la Manif pour tous ne s’éteint pas, c’est qu’il s’est décliné dans des comités régionaux, qui prennent des formes très différentes selon les villes : tantôt composé de catholiques, de catholiques traditionalistes, ou même de skinheads néo-nazis, comme à Marseille.
Derrière ces différents mouvements, « politiques » ou « spiritualistes », Gaël Brustier voit une même « idéologie de crise », faite de « peurs du déclin », de « demande d’identité, de sécurité, d’autorité ». Ce « populisme identitaire » n’est pas sans rappeler le Tea party. Mais pour le chercheur, le parti américain est « protestant et anti-État », tandis que le mouvement français est « catholique, croit en l’unité et donc en l’État »: « Philosophiquement, cela change tout. »
Intellectuels, médias, écoles d’encadrement: les réseaux réactivés
Ces manifestations ont fait émerger un nouveau réservoir de militants, issus de milieux catholiques traditionalistes, étudiants en droit et engagés à l’UNI, pas encartés au FN même s’ils peuvent en partie voter pour le parti lepéniste. « Un noyau d’activistes a éveillé au militantisme des gens qui ont entre 20 et 35 ans », explique Jean-Yves Camus.
« C’est toute une société catholique qui se retrouve, qui était au sein du MPF de Philippe de Villiers, en partie à l’UDF ou au FN. Beaucoup de jeunes se sont engagés pour des raisons sociologiques. Avec la crise, cette bourgeoisie catholique traditionaliste perd un rang économique, ils défendent un certain mode de vie, le dimanche les parents les ont encouragés à aller manifester », explique-t-il en soulignant l’« entre-soi » de ce milieu où l’on se connaît et se reconnaît.
Pour le chercheur Gaël Brustier, la droite est aujourd’hui « en situation de domination culturelle ». « En un an, ses capacités d’encadrement se sont considérablement développées, estime-t-il. Ces militants sont très connectés sur le Net, certains sont des activistes rodés. »
Des écoles d’action ont encadré tout cela. D’abord l’UNI : née en réaction aux mouvements de mai 1968, cette organisation proche de l’UMP – mais plus à droite – fédère des étudiants et des enseignants et se révèle hyperactive dans l’opposition au gouvernement. « L’UNI possède un encadrement, une imprimerie à eux, ils peuvent sortir 4 000 tracts rapidement, fournir des cadres, explique Gaël Brustier. Ils repèrent des types de droite puis les incitent à créer un comité. »
Autre école d’encadrement, les maurrassiens de l’Action française, qui agissent en sous-marin mais sont apparus au grand jour lors du rassemblement du 11-Novembre, où trois de ses membres ont été interpellés. Enfin, chez les mouvements spiritualistes, les militants ont été formés dans les associations caritatives et le scoutisme. « Ils sont issus de milieux plutôt favorisés, travaillent dans la communication, dans la logistique, cela leur a servi pour s’organiser », souligne Gaël Brustier.
Pour exister, ces mouvements se sont appuyés sur les réseaux catholiques traditionalistes et se sont entourés d’intellectuels. Le cercle Charles Péguy, fondé à Lyon, a été lancé à Paris en octobre avec un but : « contribuer à la reconstruction d’une droite authentique » et « apporter une formation intellectuelle à tous les esprits libres ». On y retrouve l’ex-UDF Charles Millon (élu en 1998 président de la Région Rhône-Alpes avec les voix du FN), la philosophe Chantal Delsol – engagée contre le mariage pour tous –, les essayistes Gérard Leclerc, qui officie sur France catholique et Radio Notre-Dame, et Jacques de Guillebon qui plaide pour « une droite authentique d’inspiration chrétienne ».
Ces intellectuels sont autant de relais d’opinion. Dans une tribune publiée dans Le Monde, Chantal Delsol affirme que « la gauche a perdu le peuple » et évoque « l’exaspération du peuple de droite, désormais nombreux et persuadé de n’être jamais écouté, pire encore, d’être considéré comme criminel (lepéniste) avant même d’avoir parlé ». Un « sentiment » qui s’est « propagé » lors des « grandes manifestations de 2012 », estime la philosophe, qui met en garde : « À l’injure ne peut répondre que la violence. »
Côté médias, un journal se fait le miroir de leurs mots d’ordre : Valeurs actuelles. Très engagé dans les manifestations contre le mariage pour tous, soutien des Bonnets rouges, l’hebdomadaire enchaîne les unes provocatrices (la liste est ici) :
Son directeur, Yves de Kerdrel, est arrivé fin 2012 avec l’idée de « faire émerger de nouvelles idées à droite ». Il est accusé de rouler pour Patrick Buisson, ancien patron de Minute et conseiller ultradroitier de Sarkozy. Une partie de ses journalistes vient d’ailleurs de Minute. Le Monde rappelle aussi les connexions de Valeurs actuelles avec des sarkozystes comme Camille Pascal, qui fut la plume de l’ex-président. Gilles-William Goldnadel, secrétaire national de l’UMP et avocat de Patrick Buisson, y est chroniqueur depuis septembre.
Autre vecteur, le magazine Spectacle du Monde, versant intellectuel de Valeurs actuelles, qui fait la jonction entre catholiques traditionalistes et identitaires. « Dans une partie de la presse de droite, il y a un effet d’amplification de ce mouvement », explique Jean-Yves Camus. Mi-novembre, Le Figaro Magazine consacre sa une à « la grande jacquerie ».
D’autres médias de la réacosphère jouent un rôle de réseaux non négligeable, comme les sites Nouvelles de France – dirigé par Guillaume de Thieulloy, l’assistant parlementaire du vice-président de l’UMP Jean-Claude Gaudin –, ou Salon Beige.
Quels débouchés politiques?
Mais quelle traduction politique pour cette nébuleuse ? Historien des droites au CRAPE, Gilles Richard explique qu’il ne faut pas sous-estimer « les liens personnels qui ont été tissés pendant les manifestations » : « Ils sont importants, cela a rapproché tous ces gens qui se connaissaient de loin. » Mais pour l’universitaire, « le problème reste le débouché politique ».
Jean-Yves Camus « ne voi(t) pas le débouché pratique de tout cela » non plus. « Il y aura des conseillers municipaux Manif pour tous – par exemple à Versailles, Rambouillet, Strasbourg –, mais pas d’influence sur le pouvoir décisionnel. » Pour le politologue, « l’agenda politique de toutes ces mouvances est différent, cette stratégie de harcèlement du gouvernement ne fait pas gagner les élections ». « Ils restent donc une minorité d’activistes, rien de nouveau », explique le chercheur en citant les manifestations régulières des intégristes contre l’avortement devant des cliniques, comme devant l’hôpital Tenon (les images ici).
Si ces mouvements échouent à se constituer en force politique, sont-ils exploitables par les partis de droite et d’extrême droite ? Certaines formations tentent de surfer sur cette vague pour se renouveler. À l’UMP, Hervé Mariton puis Marc Le Fur font figure de poissons-pilotes.
Plus à droite, Christine Boutin a tenté de récupérer le réservoir “Manif pour tous”. En juillet, elle avait annoncé en fanfare des listes pour les européennes « dans toutes les circonscriptions », entourée de Béatrice Bourges, du secrétaire général du MPF Patrick Louis, et de l’ancien vice-président du Front national Jean-Claude Martinez. Le 12 novembre, elle est apparue à ses côtés, voilée, sur une chaîne iranienne, pour fustiger François Hollande et le mariage pour tous (voir la vidéo).
À l’extrême droite, l’ex-FN Jacques Bompard, député et maire d’Orange, s’empare du créneau de la « christianophobie ». Le 26 novembre, il a interpellé Manuel Valls dans une question écrite sur les « nombreux cimetières et lieux de culte chrétiens » qui seraient « pris pour cible par des groupes extrémistes ».
Au FN, Marion Maréchal-Le Pen, encouragée par Jean-Marie Le Pen, soigne la frange catholique et se voit en porte-parole de cette génération qui lui ressemble, d’après son staff. La députée frontiste s’exprime dans Présent, quotidien d’extrême droite catholique traditionaliste, a été de nombreuses manifs contre le mariage pour tous et a été ovationnée au pélerinage catholique de Chartres, en mai.
Car après s’être lancé dans la conquête du Nord, de l’Est et du Sud-est, le FN table sur une progression dans l’Ouest catholique, où il possède son plus grand réservoir de voix. Marine Le Pen mise sur l’intellectuel Aymeric Chauprade, qui bénéficie de solides relations dans les milieux militaires mobilisés dans le « Printemps français », pour capter les manifestants. Le géopoliticien fait le tour des médias pour distiller ses théories sur la « menace » du multiculturalisme, l’extension des « droits des minorités sexuelles » et la nécessité de créer une « plate-forme de partis populistes ». Le Pen vient d’en faire son conseiller sur les questions internationales et sa tête de liste en Ile-de-France pour les européennes.
« Cette nouvelle génération de militants de droite, présente à l’UDI, à l’UMP, au FN, doit être prise avec précaution, tempère Jean-Yves Camus. C’est un réservoir de militants en jachère pour une UMP refondée, avec un seul chef et une ligne “Droite forte”. Cela dépend donc de l’évolution de l’UMP, qui pour l’instant ne se droitise que par de petites phrases mais pas par des mesures concrètes, estime le chercheur, qui note qu’il n’y a pas de « véritable passage à l’immigration zéro, ni à la préférence nationale », propositions phares de l’extrême droite.
« Récupération électorale, oui, récupération militante, non », répond Gilles Richard en rappelant le « désaveu très fort des partis politiques ». « La seule formation qui pourrait profiter de tout cela, c’est le FN, car l’UMP est dans une crise trop profonde, elle est très écartelée » (lire à ce sujet notre entretien). « À court terme, pas grand-monde ne peut tirer parti de ce réservoir de militants, estime aussi Gaël Brustier. Le chercheur pense en revanche qu’« à moyen terme, certaines zones peuvent basculer », notamment « l’Ouest catholique et ses 13 départements ».
Dans plusieurs villes, cette frange s’organise pour être élue, parfois sur des listes différentes. À Versailles, les discussions avancent quotidiennement. Deux fondateurs du Printemps français tentent de se faire élire : Béatrice Bourges et Frédéric Pichon. La première pourrait se présenter sur une liste indépendante, le second sur une liste Rassemblement bleu marine.
La boîte noire :Gaël Brustier est politologue et chercheur associé au Cevipol à Bruxelles. Il est proche de l’aile gauche du PS. Il a publié Voyage au bout de la droite (Mille et une nuits, 2011) et La guerre culturelle aura bien lieu (Mille et une nuits, 2013), un ouvrage sur la déliquescence intellectuelle et politique de la gauche face à la droitisation de la société et ce qu’il nomme l’« idéologie de la crise ».
Jean-Yves Camus est politologue spécialiste des extrêmes droites, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).
Gilles Richard est historien spécialiste des droites, professeur à Sciences-Po Rennes, membre du CRAPE (Centre de recherche sur l’action politique en Europe, UMR-CNRS). Il vient de publier la première Histoire de l’UDF : 1978-2007 (Presses universitaires de Rennes), et prépare une Histoire des droites en France, de l’Affaire Dreyfus à nous jours (Éditions Perrin, 2014).
Ajout, samedi 20h: Après la parution de l’article, Pascal Blat, du mouvement « Stop à Hollande », cité dans l’article, nous a fait parvenir un message, à lire sous l’onglet « Prolonger ».
Partager la publication "Comment la droite catho identitaire se régénère"