Moins de familles en rétention mais toujours autant de «mineurs isolés»
Mediapart.fr
François Hollande avait promis qu’il n’y aurait plus d’enfants enfermés dans les centres de rétention administrative. Promesse non respectée pour les « mineurs isolés », perpétuellement « présumés suspects », observent les associations dans leur rapport annuel.
C’était l’une des promesses fortes de la campagne présidentielle de François Hollande : il n’y aurait plus d’enfants enfermés dans les centres de rétention administrative (CRA) au cours de son mandat. Cet engagement a pour l’instant été variablement tenu concernant les familles, mais il ne l’a pas du tout été à l’égard des « mineurs isolés », perpétuellement « présumés suspects », observent les cinq associations de défense des droits des étrangers intervenant dans les centres de rétention.
Dans leur rapport annuel publié ce mercredi 4 décembre (le consulter dans son intégralité), l’Assfam, Forum réfugiés, France terre d’asile, la Cimade et l’Ordre de Malte regrettent globalement l’absence de rupture par rapport à la politique menée précédemment et l’incessant report de la réforme législative désormais annoncée pour 2014. En 2012, 43 746 personnes sont passées par la case rétention (en métropole et en Outre-mer), soit une baisse de 15 % par rapport à 2011, et 56 225 ont fait l’objet d’un éloignement (y compris les « aides au retour volontaire »). Le taux d’éloignement effectif depuis la rétention a augmenté de 40 % en 2011 à 49,6 % en 2012.
En hausse constante jusqu’en 2010, le nombre de familles en rétention a enregistré pour la première fois une « chute importante » en 2012 en métropole. « Cette baisse marque un premier pas », notent les associations. Ce recul correspond à la mise en œuvre de la circulaire du 6 juillet 2012 qui a prévu que les familles soient assignées à résidence pour éviter d’être placées en rétention dans le cadre d’une mesure d’éloignement. Autrement dit, les personnes concernées n’échappent pas à l’expulsion, mais les conditions de retour sont aménagées afin de ne pas contrevenir à l’intérêt supérieur de l’enfant, notion inscrite dans une multitude de textes de droit internationaux, européens et français.
Cette protection est appliquée à l’ensemble des enfants… sauf à ceux de Mayotte. Les instructions de la circulaire, en effet, ne les concernent pas. Des milliers d’entre eux (pas moins de 2 575 en 2012) ont ainsi transité en toute connaissance de cause dans ces lieux d’enfermement caractérisés par des conditions matérielles particulièrement dégradées.
D’autres écarts sont soulignés par rapport à cette circulaire, présentée comme un geste humanitaire par le gouvernement, mais constituant en réalité une réponse juridique obligée à une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), découlant de l’arrêt Popov du 19 janvier 2012). Dans l’Hexagone, quelques placements ont eu lieu dans des locaux de rétention (LRA) nullement habilités à recevoir les familles. Entre le 6 juillet et le 31 décembre 2012, malgré la circulaire, deux familles ont été enfermées en France métropolitaine en septembre : une mère et sa fille d’origine congolaise au centre de Metz et une famille d’Afghans au Mesnil-Amelot.
Dans tous les cas, l’éclatement des familles n’a pas cessé. Le rapport observe même une « montée inquiétante de l’enfermement de l’un des membres de la famille (père, mère, conjoint, concubin) séparé des autres ». Et s’interroge : les pères et mères seraient-ils les victimes collatérales de la circulaire ? Cette pratique, qui n’est pas nouvelle, se serait « considérablement développée » depuis l’été 2012. Elle semble correspondre « à une stratégie des préfectures consistant à renvoyer le père en espérant que la mère et les enfants suivent ». « Les personnes se retrouvent désemparées sans le soutien de leur proche placé en rétention, insiste le rapport. La situation est d’autant plus éprouvante que les visites pour les familles ne sont pas toujours aisées : centres de rétention éloignés et mal desservis par les transports, peur de l’interpellation, etc. Dans bien des cas, le père de famille repartira sans avoir même pu dire au revoir à sa famille. »
Les associations réprouvent un autre phénomène « plus choquant encore » : l’augmentation de l’enfermement de mères dont les enfants se retrouvent seuls à l’extérieur sans présence d’une personne jouissant de l’autorité parentale. « Plusieurs cas sont à déplorer dans les CRA de Vincennes, de Toulouse ou encore de Strasbourg », indiquent-elles.
Par ailleurs, 2012 a été une mauvaise année pour les conjoints de Français et pour les personnes sur le point de se marier avec un ou une Française. Elle a enfin été catastrophique pour les « mineurs isolés », c’est-à-dire les enfants non accompagnés. Alors que le code de l’entrée et du séjour des étrangers interdit l’expulsion et a fortiori le placement en rétention d’enfants seuls, en 2012, 300 personnes retenues se sont déclarées mineures auprès des associations. Toutes ont vu leur minorité remise en question par les autorités locales et ont été considérées comme majeures pour la plupart sur la base d’expertises osseuses connues pour être d’une « fiabilité déficiente », selon un avis du 19 décembre 2012 du Défenseur des droits. « Un climat de méfiance semble s’être progressivement instauré à l’égard des jeunes se déclarant mineurs, regrette le rapport. Concrètement, nos associations constatent que le doute ne leur profite jamais alors même qu’il devrait s’agir d’un principe en matière de protection de l’enfance. » Elles proposent d’inverser la tendance « afin de passer d’une présomption de fraude à une présomption de minorité ».
Partager la publication "Moins de familles en rétention mais toujours autant de «mineurs isolés»"