TAFTA, un article de l’institut de recherche de la FSU..

Stop tafta ! Potentiels d’une mobilisation à construire

En France, une vaste coalition de plus de 30 organisations s’est constituée en décembre 2013, dans laquelle les organisations syndicales Solidaires, CGT, FSU et Confédération paysanne, sont impliquées, aux côtés d’Attac, de la fondation Copernic, des économistes atterrés, de réseaux écologistes (les amis de terre, Collectifs contre le Gaz de Schiste, collectifs contre les Grands Projets Inutiles, Alternatiba etc…) d’organisations politiques (FdG, EE les Verts, Nouvelle Donne, NPA). Par Julien Rivoire

Des initiatives ont émergé de ce cadre collectif : rassemblement contre la réunion entre de grandes entreprises multinationales, et Karel de Gucht, négociateur duTAFTA, manifestation à Paris lors d’une journée européenne de mobilisation le 17 mai… D’autres sont en préparation, en lien avec les mouvements européens pour le second semestre 2014. Localement, de nombreuses réunions d’information se tiennent, souvent impulsées par Attac ou par des collectifs unitaires en constitution (actuellement 65 sont dénombrés) avec à chaque fois une affluence nettement supérieure aux initiatives prises ces dernières années sur des thématiques altermondialistes et antilibérales. De nombreuses collectivités locales se déclarent zone « Hors Tafta ». L’écoute et l’attente qui s’expriment nous invitent à penser aux campagnes similaires : celles menées contre l’AMI ou l’AGCS, voire dans sa dimension populaire à celle menée contre le TCE, même si la dynamique n’est pour l’instant pas comparable.

Le spectre très large des forces mobilisées fait toute la force de cette mobilisation naissante, et dans le même temps produit des difficultés inhérentes à ce type de mouvement porté par des mouvements qui ne se côtoient que trop rarement. Force du mouvement ancrée autour de problématiques spécifiques, dont la pluralité permet d’embrasser toutes les dimensions des combats sociaux : droits démocratiques, environnementaux, droits des salariés, combats pour des services publics de qualité… Cette diversité est source de dynamiques et de rassemblement pour autant qu’elle soit respectueuse de chacune de ces batailles. Les craintes exprimées par des mouvements « citoyens » de se voir relégués en combats secondaires est l’expression de difficultés récurrentes à articuler plutôt qu’à hiérarchiser les luttes sociales. D’autant que cette méfiance s’accompagne d’incompréhensions réciproques entre mouvements et organisations, incompréhensions liées en partie à des histoires militantes et des approches organisationnelles différentes, plus souvent peut être à des représentations stéréotypées de ces « cultures militantes ».

La construction du cadre unitaire a également fait émerger des débats légitimes et nécessaires, qui sans nécessairement devoir être tranchés pour agir se doivent d’être approfondis.

Comme dans tout mouvement social, la définition de la cible du combat est essentielle, et permet de passer au révélateur les analyses parfois différentes des parties prenantes à la mobilisation. La lutte contre le Tafta n’y échappe pas. Pour certains, ce projet de marché transatlantique met en exergue le projet impérialiste des Etats Unis, et serait le pendant économique de l’OTAN militaire. Un militant comme Raoul Marc Jennar ou le Parti de Gauche sont entre autres porteurs de cette approche. Pour d’autres, comme Attac, la cible principale se doit d‘être les multinationales, premières bénéficiaires des traités de libre échanges, quelque soit leurs nationalités. Au delà de ces débats tactiques se sont aussi des analyses de fond sur la nature du capitalisme européen (sous hégémonie des Etats-Unis versus intégré dans une lutte inter impérialiste), qu’il nous faudrait mener, en lien avec les débats portant sur la crise économique et politique de l’UE.

D’autre part, les débats traversant le syndicalisme européen, notamment au sein de la CES se sont invités au cours de la construction du collectif français. Ainsi, pour une partie de la CGT, l’opposition frontale aux négociations se devait d’être accompagné de propositions « en positif », position proche du compromis trouvé au sein de la CES entre des syndicats des pays Nord-européens, exportateurs parfois favorables au traité de libre échange avec l’espoir qu’il soit créateur d’emplois dans leur secteur d’activité, et des syndicats plus farouchement opposés.

La FSU, bien que présente dans la mobilisation, nationalement et localement, se doit de renforcer son implication dans ce type de mouvement. Pour la richesse des débats que cette mobilisation suscite, l’importance de cette lutte pour notre mouvement syndical opposé à la marchandisation et à la libéralisation du monde, ou car le rassemblement qu’il crée est une opportunité pour reprendre pied dans la bataille idéologique, les raisons ne manquent pas pour s’investir pleinement dans cette campagne.

Julien Rivoire