En marge des affaires..
Morale, Droit et Politique
Comme tous les Français, les militants de la LDH éprouvent un sentiment de stupeur devant les comportements de J. CAHUZAC. Pour autant, il convient de ne pas céder à des emballements moralisateurs dangereux : l’appel à la moral en effet ouvre les portes à tout et n’importe quoi, y compris à des dérives telles que la demande de “purification éthique”.
Ce qui doit entrer en ligne de compte c’est le respect de la légalité : les pratiques de telle ou telle personne sont légales ou non et la justice en décide. Tout le reste ouvre la porte aux dérives arbitraires et on sait bien que tous les régimes autoritaires ont un jour ou l’autre utilisé la morale pour se débarrasser de leurs opposants.
Ce que doivent exiger les militants de la LDH c’est une législation qui assure l’indépendance des procureurs et la transparence financière.
Dans le contexte d’une crise économique majeure et d’une politique de rigueur marquée par la réduction des dépenses budgétaires et une forte augmentation de la pression fiscale, le ministre chargé de mettre en œuvre cette politique, après avoir menti aux plus hautes autorités de l’Etat, avoue qu’il n’a cessé depuis 20 ans de faire en sorte d’échapper à ses obligations fiscales. C’est incontestablement une faute morale, une trahison politique et une grave atteinte aux valeurs démocratiques et républicaines.
Au-delà de l’indignation légitime et des condamnations sans appel, il serait choquant que les responsables politiques de gauche se contentent de fustiger une » faute morale » et ceux de droite d’exploiter l’affaire contre le gouvernement et le Président de la République.
Remarquons tout d’abord qu’il ne s’est trouvé personne pour fustiger le travail de Médiapart comme le fit en son temps B Hortefeux parlant des méthodes fascistes de ces journalistes. Il ne s’est trouvé aucun procureur pour entraver le travail des juges comme le fit le procureur Courroye. Le respect de la liberté de presse et de l’indépendance de la justice par l’exécutif est donc mieux assuré. Il est impératif de conforter cette évolution par une réforme du CSM assurant l’indépendance des procureurs. Le vote de cette réforme par les sénateurs et les députés de tous les partis politiques serait de nature à redonner confiance dans notre démocratie.
D’autre part, il est évident que les paradis fiscaux et le secret bancaire ont été mis en place pour permettre aux entreprises et aux plus fortunés d’échapper à l’impôt en toute impunité. Il est vain d’espérer que ces outils ne seront pas utilisés par tous ceux qui y ont intérêt, y compris les responsables politiques et cela quelles que soient leurs orientations politiques.
Il faut donc aller au-delà de la nécessaire moralisation de la vie politique que propose le président de la République L’indignation des uns et des autres n’aura donc de crédibilité que s’ils s’attaquent sérieusement aux paradis fiscaux et au secret bancaire.
L’évasion fiscale est massive et, jusqu’à présent, la France et les institutions internationales ont échoué à y mettre un terme. De la déclaration du G20 en 2009 proclamant la fin du secret bancaire aux accords d’entraide passés avec les paradis fiscaux (dont un accord entre la France et la Suisse), les outils restent défaillants au point que, comme l’explique G. Zucman (Le Monde le 5 mars 2013) « les plus hautes autorités de l’Etat n’ont aucun moyen de savoir que le ministre du budget a un compte offshore sur la base du seul accord franco-suisse. Personne ne l’aurait jamais su si, il y a dix ans de cela dans le Lot-et-Garonne, une conversation privée n’avait été captée fortuitement sur le répondeur d’un téléphone portable, alimentant une enquête judiciaire indépendante ».
Comme le souligne G Zucman dans le même article, il existe une solution simple et définitive : « l’échange automatique d’informations bancaires entre pays, sur le modèle de ce qui existe en France entre l’administration fiscale et les banques françaises et qui rend la fraude impossible. Ainsi les banques luxembourgeoises ou chypriotes seraient tenues d’envoyer au fisc la liste des ressortissants français qu’elles ont pour clients, avec le montant de leurs avoirs et de leurs revenus, qui apparaîtraient ainsi dans les déclarations d’impôts. Rien ne s’y oppose : ni la technologie, qui permettrait de traiter les informations obtenues, ni la volonté des paradis fiscaux de défendre leur secret bancaire, qui ne pèserait rien contre une coalition des grandes économies européennes, France et Allemagne en tête. A terme, l’échange automatique, étendu aux pays du monde entier, mettrait un point final à la fraude fiscale offshore ».
Au cours de sa campagne, F Hollande avait déclaré que la finance était son ennemie. C’est plus que jamais vrai et cela rend d’autant plus indispensable des initiatives fortes en ce domaine. La France doit prendre les initiatives indispensables pour mettre réellement fin au secret bancaire et du coup au sentiment d’impunité qui règne parmi les fraudeurs.
Vincent Lelièvre Président de la section LDH de Chancelade-Isle-Beauronne en Périgord Membre du Comité Régional Aquitaine de la LDH
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