Mariam, 10 ans, enfant de sans papiers, prix de poésie de la LDH

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Mariam, CE2,  écrit de la poésie sans papiers

Mariam Mamoï, 10 ans, sans papiers, gagne avec ses camarades de CE2 un prix de poésie de la Ligue de Droits de l’Homme

Le samedi 22 juin, au Théâtre 12 (Paris), avait lieu la remise des prix du concours « Ecrits pour la fraternité » organisé par la Ligue de Droits de l’Homme. Parmi les lauréats, Mariam, 10 ans, accompagnée par sa mère, sans papiers. Avec l’une de ses camarades, elle a fait le voyage de Lyon pour représenter les trois classes de CE2 de son école qui se sont illustrées avec une production poétique collective sur le thème « Un toit pour toi, un toit pour nous, un toit pour eux ».

Les histoires de toit, la famille Mamoï connaît bien.

Les parents de Mariam, Nane et Amo, sont originaires d’Azerbaïdjan. Ils ont fui les bombardements en 1992 et, fuyant en Ukraine puis en Russie, ils ont reçu des obligations de quitter le territoire dans chacun de ces deux pays. Leurs deux enfants Mariam et Atar sont nés en Russie. Le 1er septembre 2010, la famille arrive en France, à Lyon. Elle dépose une demande d’asile, qui est rejetée, puis fait une demande de titre de séjour. Celle-ci est également rejetée et une obligation de quitter le territoire est délivrée en février 2012. Quitter le territoire. Pour aller où ?

Ni Nane ni Amo n’ont de traces de leurs familles respectives.

Après avoir été hébergés en CADA, les Mamoï connaissent l’épreuve de la rue par grand froid, puis logent dans un bungalow à Vénissieux, jusqu’à la fin de l’hiver 2012.

Nés en Russie, Mariam et Atar n’ont jamais vécu sur un territoire acceptant leur présence. Aujourd’hui ils ont 10 ans et 8 ans. Ils n’ont jamais eu le droit d’être nulle part. Ils ont dormi dans la rue. Ils ont connu le froid. Mais ils sont allés à l’école, tous les jours. Depuis leur arrivé en France en 2010, ils sont scolarisés et assidus. L’école organise un parrainage républicain pour soutenir la famille. Ils parlent Français. C’est évident, c’est ici que Mariam et Atar peuvent planter des racines. C’est ici qu’ils ont un entourage bienveillant et familial, au sens large. C’est ici qu’il peuvent grandir. Leur famille, c’est l’ensemble des personnes, adultes et enfants, qui les entourent ici.


A la fin de l’hiver 2012, la famille Mamoï est à la rue. Mais avec leur avocate, elle est l’une des premières familles à gagner un référé liberté hébergement. La Préfecture est mise dans l’obligation de les loger. Excédée, c’est peut-être à ce moment-là qu’elle décide d’entamer un bras de fer, en guise de funeste exemple.

 

Le 10 avril 2012, la Préfecture indique à la famille l’adresse de l’hôtel où elle doit se rendre. Le jeudi 12 avril, 7h du matin, Nane m’appelle pour me dire que la police est là, dans la chambre. Elle les emmène au centre de rétention, à Saint Exupéry. La famille, y compris les enfants, passe la nuit au centre de rétention. Le 13 avril, la famille est libérée et placée dans un autre hôtel. Plus de soixante personnes ont assisté à l’audience et l’affaire est évoquée dans plusieurs médias.

Avec les changements politiques du printemps 2012, la famille Mamoï espère des jours meilleurs. Pourtant, le bras de fer de la Préfecture continue. L’assignation à résidence est renouvelée pour quarante-cinq jours supplémentaires. Courant juillet, la Préfecture dépose un recours pour contester à nouveau le droit à l’hébergement de la famille. Le recours est rejeté immédiatement par ordonnance par le Tribunal Administratif de Lyon.

Le 28 juillet, une nouvelle assignation à résidence est notifiée par la Préfecture. Du jamais vu, et pour cause, l’assignation à résidence ne peut être légalement renouvelée qu’une fois.

Le 2 août, la famille apprend qu’elle est convoquée au service consulaire de l’ambassade d’Azerbaïdjan à Paris pour examiner la possibilité de délivrer des laissez-passer et organiser le départ. Depuis cet entretien, la famille vit encore et toujours dans la peur en attendant la réponse des autorités azerbaïdjanaises quant à la délivrance des laissez-passer.

Mais Nane et Amo ont encore la force d’obtenir leurs diplômes de Français DELF A1, Mariam et Atar mènent une scolarité assidue, Nane et Atar chantent dans la chorale des Sans Papiers de Lyon, Mariam entre en conservatoire de Lyon en danse Jazz.

Au-delà de l’épuisant combat administratif, Nane, Amo et leurs enfants ont pris des coups. En plus des traumatismes du passé, ils ont connu la souffrance physique en dormant dans la rue et en luttant pour se nourrir correctement. Mais les mots aussi ont frappé. Les mots si durs entendus lors des audiences au tribunal. Des propos leur reprochant souvent de mettre eux-même en danger leurs enfants et de se mettre volontairement dans cette situation difficile.

La famille Mamoï souhaite simplement trouver un endroit où elle ait le droit d’exister. Mariam et Atar souhaitent simplement ne pas être envoyés là où ils n’ont jamais vécu, en Azerbaïdjan, et continuer leur scolarité. Amo souhaite simplement ne pas aller là où il sera considéré comme déserteur et condamné. Nane souhaite simplement arrêter de courir et ne pas retourner à la case départ après vingt ans de course, une case départ où pour elle tout a volé en éclat, où son passé a brûlé. Un pays dont elle ne maîtrise même pas la langue.

L’honneur de la France est d’accueillir la famille Mamoï dignement En attendant, Mariam écrit, et le plus beau prix qu’elle pourrait gagner est un titre de séjour.

Martin Galmiche

RESF Lyon

29 juin 2013