Entre un président de la République qui tend la main aux catholiques, voire leur dicte leur attitude, et un ministre de l’Education nationale qui confond laïcité et exclusion, il est bien difficile de distinguer la logique qui guide nos autorités publiques.
Le président de la République veut « réparer » « le lien entre l’Eglise et l’Etat » et le ministre de l’Education nationale veut interdire aux femmes musulmanes portant un voile d’accompagner les sorties scolaires. Après avoir nommé le énième comité théodule sur la laïcité dont la composition partisane n’a pas manqué de produire ses premiers effets si l’on en juge par la retranscription de ses débats par Mediapart, le ministre s’en prend une nouvelle fois aux musulmans. Entre un président de la République qui tend la main aux catholiques, voire leur dicte leur attitude, et un ministre de l’Education nationale qui confond laïcité et exclusion, il est bien difficile de distinguer la logique qui guide nos autorités publiques.
Il ne faut pas s’y tromper, la nouvelle charge du ministre de l’Education nationale qui le conduit à se priver du concours de parents d’élèves parce qu’elles ne dissimulent pas leur manière de vivre leur foi musulmane n’aura pas d’autres effets, au-delà de rendre plus difficile l’accompagnement des sorties scolaires, que de renforcer les préjugés contre nos concitoyennes musulmanes et de les mettre un peu plus à l’écart de la communauté nationale.
Quoi de plus radical, quoi de plus humiliant que de se voir signifier que votre foi est incompatible avec le fait d’être mise en présence d’enfants, de ses enfants ?
On pourra gloser à l’infini sur les débats juridiques qui amèneraient, selon certains, à admettre ce signe dans les établissements scolaires lorsque ces femmes siègent dans leurs instances mais à leur interdire le même signe lorsqu’elles sont dans la rue avec des enfants. Ce qui est ici en cause, ce n’est pas seulement un débat juridique, largement biaisé depuis la loi de 2004, c’est tout simplement notre capacité à admettre l’altérité et à avoir confiance en la force de nos principes.
On peut penser, et dire, tout le mal que l’on veut du voile et de son signifiant. Comme on peut dire tout le mal que l’on veut du rapport aux femmes de l’Eglise catholique, des juifs qui prient séparés, comme les musulmans, etc. Au jeu de la critique des religions et de leurs pratiques, aucune d’entre elles n’y échappe.
Mais en tirer comme conséquence qu’il faut exclure de la vie sociale ceux et celles qui acceptent les règles de leur foi sans pour autant violer les règles communes, c’est entrer dans le processus dangereux de la construction d’une fausse « foi laïque » qui s’imposerait à tous. Non comme une règle de fonctionnement mais comme une opinion obligatoire.
Demander à la mère d’une des victimes de Merah d’ôter son voile lorsqu’elle vient expliquer à des élèves pourquoi en tant que musulmane elle n’accepte pas les agissements de l’assassin de son fils est tout simplement glaçant et imbécile.
Cela revient, en effet, à nier jusqu’à l’identité de cette femme tout en lui signifiant que sa foi est incompatible avec le refus de la monstruosité qui lui a été infligée.
En adoptant cette posture, le ministre de l’Education nationale ne peut ignorer qu’il donne ainsi satisfaction à une forme de rejet des musulmans qui n’a déjà que trop d’échos en France comme en Europe.
Qu’il le fasse dans le cadre de l’école, là où un enfant se verra expliquer que sa mère n’est pas digne de lui tenir la main ou celle de ses copains en raison de sa manière de pratiquer sa religion, c’est faire de la discrimination une règle et organiser le ressentiment.
Michel Tubiana (le 20 avril 2018)
Président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme (LDH)
Partager la publication "« Des mères indignes d’accompagner leurs enfants » ? Tribune de Michel Tubiana (LDH) publié dans Médiapart"