Publié sur Franceinter.fr
publié le 6 mai 2019
Le rapport de l’IPBES (Nations unies) publié ce lundi dresse un constat très alarmant : l’activité humaine provoque un effondrement sans précédent de la biodiversité. Seuls des changements en profondeur peuvent enrayer ce déclin.
La réserve de Scandola, en mer Méditerranée, au large de la Corse, réserve de biodiversité. © Getty / Alexis Rosenfeld
Un million d’espèces animales et végétales seraient aujourd’hui menacées d’extinction, selon le rapport de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) placée sous l’égide de l’ONU, dévoilé ce lundi. Autrement dit, une espèce sur huit pourrait disparaître à moyen terme si l’humanité ne réagit pas rapidement et la nature qui permet à l’humanité de vivre est condamnée à poursuivre son déclin à moins d' »un changement profond » des modèles de production et de consommation des hommes.
Tous les voyants de la biodiversité sont ainsi au rouge d’après ce pavé de 1 800 pages, évaluation scientifique la plus récente et complète de l’état de la nature depuis 15 ans, sorte de « Giec de la biodiversité ». Le rapport ne prend pas de détours et parle d’un “dangereux déclin de la nature” avec un taux d’extinction “sans précédent” ces cinquante dernières années et qui, en plus, s‘accélère. Il ajoute que “la réponse mondiale actuelle est insuffisante et que des changements transformateurs sont nécessaires pour protéger la nature, que les intérêts particuliers doivent être dépassés pour le bien de tous”.
La biodiversité marine particulièrement touchée
Selon le rapport, les trois-quarts de l’environnement terrestre sont altérées par l’activité humaine. Depuis 1900, les espèces locales dans la plupart des grands habitats terrestres ont diminué d’au moins 20 % en moyenne.
Plus de la moitié de l’environnement marin a lui aussi été altéré par l’Homme. 40 % d’espèces d’amphibiens, 33 % des récifs coraux et, au total, plus d’un tiers de tous les mammifères marins seraient ainsi menacés. Tortues marines, oiseaux, mammifères marins, au total 267 espèces sont touchées. De même, les principaux stocks de poissons marins disparaissent en raison de la surpêche : un tiers des stocks de poissons marins a été exploité à des niveaux non durables.
Les auteurs s’attardent d’ailleurs sur les diverses sources de pollution de l’eau et l’insuffisance des systèmes d’épuration des eaux usées. La pollution plastique a par exemple été multipliée par dix depuis les années 80. Entre 300 et 400 millions de tonnes de métaux, lourds, solvants, boues toxiques et autres déchets issus des sites industriels sont également déversés chaque année dans les eaux du monde. Quant aux engrais qui arrivent dans les écosystèmes côtiers, ils ont produit plus de 400 “zones mortes” dans les océans : une superficie de 245 000 kilomètres carrés, grande comme le Royaume-Uni.
“Cette perte est la conséquence directe de l’activité humaine”
“Le tissu vivant, de la terre, essentiellement interconnecté, s’effiloche de plus en plus”, juge le Professeur allemand Josef Settele qui a co-présidé cette évaluation. “Cette perte est la conséquence directe de l’activité humaine”.
Concernant les insectes, le rapport estime que 10 % des espèces sont menacées. Quant aux races domestiquées de mammifères utilisées pour l’alimentation et l’agriculture, 9 % avaient disparu en 2016 alors qu’aujourd’hui 1000 races supplémentaires sont en danger.
Cinq facteurs contribuent à la chute de la biodiversité
Le rapport cite en effet cinq facteurs qui contribuent à la chute brutale de la biodiversité. Le changement d’utilisation des terres est un phénomène essentiellement lié à l’expansion de l’agriculture. Aujourd’hui, un tiers de la surface terrestre dans le monde sert à l’agriculture et à l’élevage, et 75% des ressources en eau douce y sont consacrées. Mais aussi à l’urbanisation, la superficie des zones urbaines ayant doublé depuis 1992. En conséquence, des forêts, des zones humides (85 % des zones humides mondiales ont disparu) et des prairies sont remplacées par béton et goudron.
Les autres facteurs sont la surexploitation des ressources à travers la chasse et la pêche, le changement climatique, la pollution et les espèces invasives. Il y a, en toile de fond la croissance démographique (11,4 milliards d’habitants attendus en 2100) et la hausse de la consommation, alors que les classes moyennes des pays émergents adoptent les modes de consommation des pays riches. Le tourisme et le transport aérien sont également pointés du doigt avec, pour le tourisme, un bond de son empreinte carbone de 40 % entre 2009 et 2013.
Trois ans de recherches, 145 experts mobilisés
Pendant trois ans, 145 experts de 50 pays ont épluché 15 000 études pour élaborer ce rapport, et pour fournir l’évaluation la plus exhaustive de ce type. Pour la première fois dans ce type de synthèse, les savoirs des peuples autochtones ont également été pris en compte. “Le rapport d’évaluation mondiale de l’IPBES présente les meilleures connaissances scientifiques disponibles pour aider à éclairer ces décisions, politiques et actions – et fournit la base scientifique pour la protection de la biodiversité et les nouveaux objectifs décennaux”, estime le président de l’IPBES, Sir Robert Watson.
“La santé des écosystèmes dont nous dépendons, ainsi que toutes les autres espèces se dégrade plus rapidement que jamais”, poursuit-il. “Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier”.
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