Birmanie : 100 000 personnes dans la rue bravent les militaires au pouvoir.

Partout dans le pays la population descend dans la rue et demande la libération de Aung San Suu Kyi et de toutes les autres personnes arrêtées ainsi que le départ des militaires du pouvoir. La LDH-66 soutien cette courageuse et impressionnante mobilisation en Birmanie pour les libertés, les droits et la démocratie. L’ONU doit se libérer des pressions de la Russie et de la Chine et dénoncer clairement ce coup d’état.

Birmanie : nouvelles manifestations, près d’une semaine après le coup d’Etat militaire

Publié sur lemonde.fr le 7 février 2021

Des dizaines de milliers de personnes se sont notamment rassemblées dans la ville de Rangoun, malgré la censure partielle d’Internet et les arrestations par les militaires.

Des dizaines de milliers de personnes sont à nouveau descendues dans les rues de Rangoun, dimanche 7 février, malgré la censure d’Internet et les arrestations, pour protester contre le coup d’Etat qui a renversé le gouvernement civil d’Aung San Suu Kyi en début de semaine.

Les manifestants, quelque 100 000 selon diverses estimations, étaient réunis près de l’hôtel de ville de la capitale économique, où des policiers anti-émeutes ont été déployés en nombre. Aucun affrontement n’a été rapporté.

D’autres rassemblements, qui drainaient également des foules très importantes, se tenaient dans plusieurs villes du pays, selon des journalistes de l’AFP. Il s’agit des plus grosses manifestations depuis la « révolution de safran » de 2007, au cours de laquelle des dizaines de personnes avaient été tuées par les militaires. Les généraux n’ont fait aucun commentaire sur ces rassemblements.

« Nous continuerons à nous rassembler jusqu’à ce que nous obtenions la démocratie. A bas la dictature », a déclaré Myo Win, un manifestant de 37 ans, sous un concert de coups de klaxons. « La dictature est enracinée dans notre pays depuis trop longtemps », a déploré Myat Soe Kyaw, alors que la Birmanie a déjà vécu près de cinquante ans sous le joug de l’armée depuis son indépendance en 1948.

« Libérez Mother Suu »

Non loin de là, des contestataires criaient : « Respectez notre vote », « Libérez Mother Suu », en référence à Aung San Suu Kyi. D’autres agitaient des drapeaux, aux couleurs de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), et faisaient le salut à trois doigts, un geste de résistance inspiré par le film Hunger Games.

Malgré la peur, dans un pays habitué aux répressions sanglantes comme en 1988 et 2007, des habitants sont de nouveau sortis dans les rues aux premières heures de la journée pour « chasser les démons », les militaires, en tapant sur des casseroles. Un autre rassemblement se tenait à Mandalay (centre). « Nous ne pouvons accepter ce coup d’Etat totalement illégal », a déclaré à l’AFP Win Mya Mya, un député de la région.

Samedi, des dizaines de milliers de personnes avaient déjà manifesté dans plusieurs villes pour condamner le putsch du 1er février qui a mis un terme à une fragile transition démocratique de dix ans. Les militaires ont instauré l’état d’urgence pour un an, arrêté Aung San Suu Kyi, ainsi que des dizaines de responsables politiques et des activistes.

Premier ressortissant étranger arrêté

Après avoir été perturbées depuis plusieurs jours, les connexions Internet ont été partiellement restaurées dimanche, a-t-on appris auprès d’une ONG spécialisée. Les connexions ont été partiellement rétablies à partir de 14 heures (6 h 30 à Paris), a précisé Netblocks.

L’armée avait ordonné, ces derniers jours, aux fournisseurs d’accès de bloquer Facebook, outil de communication pour des milliers de Birmans et d’autres réseaux sociaux comme Twitter ou Instagram. Dans les premières heures après le coup d’Etat, des appels à « la désobéissance civile » avaient, en effet, été lancés sur ces plate-formes, rejoints par des avocats, des fonctionnaires et des médecins.

Malgré les ordres de blocage d’Internet et des réseaux sociaux par l’armée, le rassemblement de dimanche était retransmis en ligne sur Facebook où les messages de soutien affluaient.

Les arrestations se poursuivent. Plus de 160 personnes ont été interpellées, selon l’Association d’assistance aux prisonniers politiques, installée à Rangoun. Un conseiller économique de l’ex-dirigeante de 75 ans, l’Australien Sean Turnell, était retenu dans son hôtel.

« Je suis actuellement détenu et peut-être accusé de quelque chose », a déclaré samedi à la BBC ce professeur de l’Université Macquarie en Australie. Il s’agit de la première arrestation connue d’un ressortissant étranger depuis le putsch.

Aung San Suu Kyi « en bonne santé »

Aung San Suu Kyi, très critiquée il y a encore peu par la communauté internationale pour sa passivité dans la crise des musulmans rohingyas, reste adulée dans son pays. Elle a été inculpée pour avoir enfreint une obscure règle commerciale et se trouve « assignée à résidence » dans la capitale Naypyidaw, « en bonne santé », d’après un porte-parole de la LND.

Les autorités « doivent garantir que le droit de réunion pacifique est pleinement respecté et que les manifestants ne seront pas soumis à des représailles », a tweeté le bureau des droits de l’homme des Nations unies après les manifestations de samedi.

L’ONU a appelé à la libération de tous les détenus mais n’a pas condamné formellement le coup d’Etat dans sa déclaration commune, Pékin et Moscou, soutiens traditionnels de l’armée birmane aux Nations unies, s’opposant à cette formulation. Les Etats-Unis et l’Union européenne font de leurs côtés planer la menace de sanctions.

Pour justifier son passage en force, le chef de l’armée, Min Aung Hlaing, qui concentre désormais l’essentiel des pouvoirs, a allégué d’« énormes » fraudes aux législatives de novembre, massivement remportées par la LND. En réalité, les généraux craignaient de voir leur influence diminuer après la victoire d’Aung San Suu Kyi, qui aurait pu vouloir modifier la Constitution, très favorable aux militaires. Ces derniers ont promis des élections libres à la fin de l’état d’urgence.