Tribune collective concernant la lutte contre les violences faites aux femmes au travail.
Ce mercredi 2 juin, le gouvernement discute en Conseil des ministres un projet de loi de ratification de la convention de l’organisation Internationale du Travail (OIT) contre les violences et le harcèlement dans le monde du travail. Une bonne nouvelle ? Oui bien sûr car c’est grâce à notre mobilisation collective que cette première loi mondiale contre les violences sexistes et sexuelles au travail a été adoptée en 2019, dans la foulée de #MeToo. Cependant, nous ne pouvons nous satisfaire du projet car, en l’état, cette ratification ne changera pas fondamentalement la situation en France. Pourquoi ? Parce que le gouvernement a décidé de ratifier à minima : il refuse de faire évoluer la loi pour y intégrer les recommandations de l’OIT. La lutte contre les violences faites aux femmes vaut pourtant mieux qu’un symbole.
D’ailleurs, on ne peut pas dire que notre situation soit reluisante : 30 % des femmes sont victimes de harcèlement sexuel au travail et la quasi-totalité des employeurs n’a toujours aucun plan de prévention pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles. Notre soi-disant « arsenal » législatif ne fait donc pas peur à grand monde ! La loi doit être renforcée et des moyens humains et financiers débloqués pour enfin bannir les violences sexistes et sexuelles.
70 % des victimes de violences au travail déclarent n’en avoir jamais parlé à leur employeur[2]. Et pour cause, quand elles le font, 40 % estiment que la situation s’est réglée en leur défaveur, par une mobilité forcée voire un licenciement. Il faut garantir à toutes le droit à être accompagnées en renforçant les moyens et les prérogatives des référents du personnel harcèlement, et en augmentant leur nombre. Il faut également rompre l’isolement des 35 % de salarié·e·s qui travaillent dans des entreprises sans représentant·e·s du personnel en permettant aux conseillers du salarié de les accompagner face à l’employeur en cas de harcèlement sexuel. L’ensemble des professionnel·le·s, des représentant·e·s du personnel et des salarié·e·s doivent être formé·e·s et sensibilisé·e·s pour lutter contre ces violences. Il est également urgent d’en faire un sujet obligatoire de négociation à tous les niveaux sous peine de sanction pour les employeurs.
La Convention de l’OIT pointe la nécessité d’accorder une attention particulière aux facteurs de risques exposant à la violence, comme le travail isolé, de nuit, et aux personnes en situation de vulnérabilité -les salariées lesbiennes sont par exemple deux fois plus victimes de violences sexistes et sexuelles -. Nous pensons que la ratification doit être l’occasion d’adopter des mesures spécifiques pour protéger notamment les personnes migrantes, les personnes handicapées, les personnes LGBTQI+ ainsi que les travailleur·euse·s précaires.
Le monde du travail constitue aussi un levier potentiel pour atténuer l’impact de la violence domestique, notamment parce que les victimes peuvent y chercher un soutien et de l’aide. Actuellement, aucune disposition n’existe en France pour sécuriser l’emploi des 230 000 femmes victimes alors que c’est leur indépendance économique qui est en jeu. Il y a urgence à mettre en place, comme en Nouvelle Zélande, au Canada ou en Espagne le droit à des aménagements d’horaires, de poste, à des absences rémunérées pour effectuer des démarches juridiques ou sociales, la possibilité d’une mobilité fonctionnelle ou géographique choisie et l’interdiction du licenciement des victimes de violences conjugales. Comme le recommande l’OIT, il convient aussi de garantir l’accès à une prise en charge médico-sociale et psychologique des victimes sans frais.
Nos propositions sont précises, simples à mettre en œuvre. Alors où est le problème ? Le patronat refuse, par principe, toute nouvelle obligation, et considère que des bonnes pratiques suffisent. Et le gouvernement refuse, par principe aussi, d’imposer quoi que ce soit au patronat… Nous sommes en colère, lassées des doubles discours et de l’instrumentalisation de la cause de l’égalité femmes-hommes. Nous, syndicats, ONGs et associations féministes, appelons le gouvernement à concrétiser ses engagements : une ratification ambitieuse à travers ces réformes doit être un signal donné en amont du Forum Génération Égalité, accueilli par la France dans quelques semaines. Nous appelons les parlementaires à prendre leurs responsabilités et à faire voter sans attendre ces dispositions. Les travailleuses ne peuvent plus attendre d’être véritablement protégées!
Premières signataires (Prénom, Nom, qualité, organisation)
Alyssa Ahrabare, porte-parole d’Osez le Féminisme !
Stacy Algrain, Présidente du média Penser L’après
Ana Azaria, présidente de Femmes Egalité
Maryline Baldeck, déléguée générale de l’AVFT
Sadia Benhamou, Présidente de l’association « Les Ateliers du Travail »
Marie-Claude BERTRAND, Présidente Conseil National des Femmes Françaises CNFF
Sophie Binet, dirigeante de la CGT en charge des droits des femmes
Claire Charlès, porte-parole de l’association Les effronté-es
Geneviève COURAUD, présidente d’honneur d’Elu·es Contre les Violences faites aux Femmes
Caroline De Haas, militante féministe #NousToutes
Monique Dental, présidente fondatrice du Réseau Féministe « Ruptures »
Claire Desaint, co-présidente de Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir
Catherine Sophie Dimitroulias, Presidente de l’ Association des Femmes de l’Europe Meridionale (AFEM)
Gabrielle Dorey, co-présidente du Collectif pour une Parentalité Féministe
Chantal Girard, co-présidente CEL MARSEILLE
Murielle Guilbert, co-déléguée de l’Union Syndicale Solidaires
Sigrid Gerardin, secrétaire nationale FSU, co animatrice du secteur droits des femmes
Jacqueline Julien, présidente de l’association Bagdam Espace lesbien, Toulouse
Séverine Lemière, présidente Association FIT une femme un toit
Philippe Lévêque, directeur général de CARE France
Yveline Nicolas, coordinatrice de l’association Adéquations
Marianna REY , CMPDF
Suzy Rojtman, porte parole du Collectif National pour les Droits des Femmes
Roselyne Rollier , Présidente Maison des Femmes Thérèse Clerc – Montreuil
Laurence ROSSIGNOL, présidente de l’Assemblée des Femmes
Sabine Salmon, présidente de femmes solidaires
Muriel Salmona, présidente de l’Association Mémoire Traumatique et Victimologie
Jacqueline Spire, présidente de Valeurs de femmes
Léa Thuillier, porte-parole d’En avant toute(s)
Anna van der Lee, initiatrice du collectif étudiant #PasSansLaVraie190
Françoise Vinson, vice-présidente d’Action Aid France
Youlie Yamamoto, co-animatrice du Collectif féministe les Rosies
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