Perpignan : marche blanche en hommage à Othmane, ce jeune SDF retrouvé pendu au grillage du centre d’hébergement

Cette marche était initiée par l’association Au coeur de l’Humanité, à la quelle se sont jointes d’autres organisations dont la LDH-66. De nombreux SDF meurent dans la rue chaque année en France. A Perpignan : Françoise morte en 2020 après 6 ans de vie dans la rue; François SDF tué à l’arme blanche en 2019,…Pour la LDH, un toit c’est un droit d’urgence.

Publié sur lindépendant.fr le 25/10/2021 

Le décès d’un jeune SDF, retrouvé pendu dans la nuit de ce samedi à dimanche devant le centre d’hébergement d’urgence sociale (CHUS), implanté à proximité de l’hôpital de Perpinan, suscite l’émotion des sans-abri qui l’avaient côtoyé et de l’association Au cœur de l’humanité. Laquelle organise une marche blanche ce mercredi 27 octobre pour « sensibiliser à la situation extrêmement tendue dans la rue depuis l’épidémie de Covid, notamment pour les jeunes femmes, face à la saturation des centres d’accueil et la violence croissante ».

« La situation est catastrophique, on ne s’en sort plus. C’est le désespoir », déplore Sarah Houcine, une des responsables d’Au cœur de l’humanité 66, structure d’aide et de soutien aux plus démunis après le drame qui s’est noué dans la nuit de samedi à dimanche. Vers 2 h 30, Othmane, un jeune sans domicile fixe de 31 ans d’origine marocaine, en situation irrégulière, a été retrouvé pendu au « grillage du mur d’enceinte de l’hôpital, à l’arrière du centre d’hébergement de la Croix rouge », précise les services de police. Une enquête a été ouverte, confiée aux services de police du commissariat. Même si le suicide ne semble pas poser question, une autopsie a été ordonnée et devrait être pratiquée dans les prochains jours pour confirmer les causes exactes de la mort.

Dans l’attente, son décès suscite l’émoi chez les autres pensionnaires. Selon certains, Othmane était père de trois enfants. Il serait arrivé d’Espagne, de Gérone plus précisément, voilà quatre mois à la suite de difficultés familiales. Il serait alors tombé dans la toxicomanie médicamenteuse, notamment un antiépileptique et anxiolytique détourné à usage de drogue. 

Samedi vers 20 h 30, racontent certains témoins, un incident aurait éclaté. Le trentenaire, malgré le règlement, aurait été en possession d’une bouteille de soda contenant des médicaments interdits. Une autre résidente en aurait bu et aurait été prise de vomissements, alertant les responsables du centre. Le jeune Marocain aurait ainsi été évincé de la structure, en raison de « son comportement agressif ».

Il serait néanmoins resté aux abords et serait revenu vers 22 h 30 s’allonger au sol, dans la rue, sur ses affaires roulées en boule. Les forces de l’ordre ont été appelées une première fois afin de l’éloigner. Que s’est-il passé après ? À nouveau dans le secteur, il aurait vraisemblablement sauté la barrière avant qu’un « papy » hébergé au centre, ne sorte comme à son habitude au milieu de la nuit et ne découvre le malheureux.

Covid, violence, drogue et manque d’hébergement

« Ce n’est pas le premier suicide parmi les sans-abri et lui, apparemment, il a annoncé ce soir-là qu’il allait se tuer », s’attristent quelques compagnons de galère. « Ça écœure vraiment. Il y a d’énormes tensions. On est 5 à 6 filles, tout le reste ce sont des hommes, ajoute une jeune fille de 19 ans, abritée au centre. Depuis l’été, ils ont bloqué le nombre de places à 42 en raison d’un problème de punaises de lit. Tous les lundis, ils nous ont imposés un jour de carence où il fallait que l’on dorme une nuit dehors. Et puis, au moindre écart au règlement, on est viré, garçon ou fille, malade ou pas ».

« Pour rendre hommage à Othmane mais aussi à Stan, un autre jeune SDF de 20 ans, mort le 6 octobre dernier d’une overdose dans la rue à Perpignan et qui ne peut pas encore être inhumé dignement », l’association Au cœur de l’humanité a décidé d’organiser une marche blanche ce mercredi 27 octobre 2021 à partir de 14 heures depuis la place Cassanyes. Le cortège marchera jusqu’à la préfecture où Sarah Houcine et la présidente Flora solliciteront un entretien auprès du préfet. Les bénévoles entendent surtout réclamer que « l’on sorte toutes les jeunes femmes de 18 à 25 ans de la rue »,  dénoncer « le manque de places d’hébergement » mais aussi  « la violence accrue dans la rue à Perpignan » générée, selon Sarah Houcine, « par la crise du Covid, l’arrivée massive de migrants et le fléau de cette drogue ». « On ne peut plus faire face. Et nous vivons ces décès comme un échec ». Contacté ce lundi, le responsable de la Croix rouge n’a pas donné suite à nos sollicitations. 

Laure Moysset