Publié sur radiofrance.fr avec AFP le jeudi 9 juin 2022
Après la plainte déposée en octobre par un ancien cadre de la centrale drômoise, une information judiciaire a été ouverte pour « non-déclaration d’incident ou d’accident », « mise en danger d’autrui » et « faux et usage de faux ». Elle porte sur une douzaine d’infractions potentielles.
Des incidents survenus à la centrale nucléaire entre 2017 et 2021 de Tricastin ont-ils été étouffés ? Une juge d’instruction va se pencher sur la question. Le parquet de Marseille a confirmé ce jeudi l’ouverture d’une information judiciaire contre X pour « obstacle au contrôle des enquêteurs« , « non-déclaration d’incident ou d’accident », « mise en danger d’autrui » , « faux et usage de faux », après la plainte déposée en octobre 2021 contre EDF par un cadre de la centrale.
Une douzaine d’infraction potentielles
Cette information judiciaire porte au total sur une douzaine d’infractions potentielles au Code pénal et au Code de l’environnement, dont le « déversement dans l’eau par violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence d’une substance entraînant des effets nuisibles », et des faits de « harcèlement moral ».
« Cette décision, qui intervient à l’initiative du procureur de la République, traduit l’extrême gravité des faits dénoncés par notre client qui avait alerté en vain son employeur et averti le ministère de l’Écologie« , selon les avocats du cadre d’EDF, Vincent Brengarth et William Bourdon. Leur client, Hugo (prénom d’emprunt), a déposé une plainte simple en octobre 2021 contre EDF et sa hiérarchie, les accusant de l’avoir placardisé pour avoir dénoncé une « politique de dissimulation » d’incidents de sûreté ces dernières années. Il demande depuis le statut de lanceur d’alerte.
Des anomalies non déclarées à l’Autorité de sûreté nucléaire ?
Entré à EDF en 2004, Hugo est devenu chef de service à Tricastin en septembre 2016. D’après l’ingénieur, diverses anomalies, comme une surpuissance du réacteur n°1 en juin 2017, ou encore une inondation interne le 29 août 2018 sur la tranche n°3, n’auraient pas été déclarées à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Ou l’auraient été de façon à « minimiser les événements ».
Cette information judiciaire « ouvre la voie à une reconnaissance par la justice des faits dénoncés et ayant valu à notre client, lanceur d’alerte, de traverser un véritable calvaire depuis plusieurs années », ont ajouté Mes Brengarth et Bourdon. « Ce qu’il dénonce, c’est une culture du secret qui s’épaissit à mesure que les incidents se multiplient » ajoute William Bourdon, interviewé sur franceinfo. « Et en plus, on l’engueule, on l’insulte, on lui demande de se taire. C’est ça qui est absolument insupportable. »
En février 2021, l’ASN a ouvert la voie à la poursuite de l’exploitation des plus vieux réacteurs, dont ceux de Tricastin, au-delà de quarante ans, enjoignant à EDF de réaliser des travaux pour améliorer leur sûreté.
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