Publié sur Reporterre le 16/12/2021
Quatre réacteurs ont été mis à l’arrêt par EDF, à la centrale de Civaux et à celle de Chooz, en raison d’un risque de défaillance sur une pièce essentielle en cas d’accident. De nombreuses incertitudes persistent sur les conséquences de cette découverte.
Les quatre réacteurs nucléaires français les plus puissants (1 450 MW), les derniers à avoir été mis en service (entre 1996 et 1999), sont désormais tous hors service. EDF a annoncé mercredi 15 décembre avoir détecté un problème de corrosion et de fissuration dans les circuits d’injection de sécurité — une pièce vitale en cas d’accident — des deux réacteurs de Civaux (Vienne). Le groupe a mis à l’arrêt la centrale de Chooz (Ardennes), équipée du même type de réacteurs, pour vérifier ses équipements de sécurité.
Corrosion, fissuration, circuit d’injection de sécurité? Des termes bien techniques pour évoquer un problème sur une pièce maîtresse de la sûreté nucléaire. Revenons au fonctionnement d’un réacteur. Le combustible nucléaire, qui produit la chaleur à l’origine de la vapeur entraînant les turbines, est installé dans la cuve. Ces deux entités composent ce qu’on appelle le «cœur» du réacteur. «Le cœur du réacteur est normalement refroidi par l’eau qui circule dans le circuit primaire du réacteur, écrit l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) à Reporterre. En cas de brèche sur le circuit primaire, celui-ci va progressivement se vidanger, et ne pourra à terme plus assurer sa fonction de refroidissement du cœur.» S’ensuivent alors une surchauffe du combustible et, à terme, l’accident avec fusion du cœur. C’est ce qui s’est produit pour les pires accidents nucléaires jamais enregistrés, à Fukushima, au Japon, en 2011, à Tchernobyl, en URSS, en 1986 et à Three Mile Island, aux États-Unis, en 1979. À moins que le cœur ne puisse être refroidi en urgence par un autre moyen : un circuit de secours. «Dans une telle situation, le circuit d’injection de sécurité permet d’injecter de l’eau borée dans le circuit primaire, afin de continuer à refroidir le cœur et, par l’effet du bore, d’étouffer la réaction nucléaire», explique l’ASN.
Or, c’est précisément ce circuit qui est abîmé à Civaux. Le 21 octobre dernier, à la suite de contrôles par ultrasons réalisés lors de visite décennale du réacteur 1 de Civaux, EDF a indiqué à l’ASN avoir découvert des corrosions et des fissurations sur des soudures des coudes de la tuyauterie raccordant le système d’injection de sécurité au circuit primaire principal du réacteur. Ces défauts pourraient empêcher le système de sauvetage du cœur de bien fonctionner en cas d’accident. «La corrosion réduit la résistance mécanique des tuyauteries concernées. Celles-ci pourraient alors rompre à la suite d’une sollicitation mécanique (par exemple un séisme) ou de l’utilisation du système d’injection de sécurité. Ces tuyauteries étant directement connectées au circuit primaire, l’eau du circuit primaire se vidangerait alors via la ou les tuyauteries rompues alors que le circuit d’injection de sécurité serait partiellement ou totalement inopérant (il fonctionne sur le principe de deux voies redondantes)», indique l’ASN.
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