A Perpignan plus de 2000 manifestants. (voir lindépendant.fr)
Reportage lemonde.fr par *-
Selon les organisateurs de la « Marche du siècle », plus de 100 000 manifestants ont défilé à Paris, contre 36 000 d’après la préfecture de police, et 350 000 en France.
Avec son gilet jaune sur le dos et une plante à fleurs en guise de chapeau, France Le Marc illustre la mobilisation du samedi 16 mars, du moins telle que l’ont pensée ses organisateurs : une journée de « révolte globale » en faveur de la justice climatique et sociale, mais également de la lutte contre le racisme et les violences policières.« Les “gilets jaunes” ne luttent pas seulement pour le pouvoir d’achat mais contre les injustices sociales et la prédation des multinationales qui épuisent les ressources de la planète », assure cette fonctionnaire.
Un « même combat » qui a rassemblé plus de 100 000 personnes à Paris, dans un cortège surnommé la « Marche du siècle », et plus de 350 000 dans 220 villes de l’Hexagone, selon les organisateurs. Les préfectures de police, elles, évoquent 36 000 manifestants dans la capitale, 8 000 à Montpellier, 2 500 à Marseille, 2 000 à Rennes ainsi qu’à Strasbourg. A Lyon, le cortège a réuni 18 000 personnes selon les autorités, 30 000 selon les organisateurs.
A Perpignan plus de 2000 manifestants.
Quels que soient les chiffres, la mobilisation reste forte au lendemain de la grève scolaire pour le climat, qui a rassemblé 168 000 jeunes dans le pays, et plus de 1 million dans le monde.
Dans la capitale, la manifestation s’est tenue dans une ambiance calme et joyeuse, au son du traditionnel slogan « Et un, et deux, et trois degrés, c’est un crime contre l’humanité », rassemblant des militants écologistes, des familles et des jeunes, ensuite rejoints par des « gilets jaunes ». Une mobilisation pacifique, contrastant avec la dix-huitième journée de mobilisation de ces derniers, marquée par des violences et des incendies.
« On peut éviter le pire »
« Je considère que notre priorité numéro 1 devrait être le climat. C’est déjà trop tard pour ne pas connaître les graves conséquences du dérèglement climatique, mais on peut éviter le pire », assure Margaux, 27 ans, qui travaille dans la communication. Catherine, 50 ans, qui évolue dans la mode – « une position un peu schizophrène » –, fait sa première marche pour son fils, Noé, 10 ans, le dernier de ses quatre enfants. « J’ai peur pour eux ; je cherche le bon équilibre pour les sensibiliser à l’environnement tout en évitant des messages trop anxiogènes », confie-t-elle. Noé, lui, veut « avoir un meilleur climat », faute de quoi « plein d’espèces vont disparaître, de même que les Indiens d’Amazonie ».
Tous l’assurent, les responsables tant de la crise climatique que sociale sont les mêmes : le capitalisme avec la « complicité » de l’Etat. « Dire aux gens de prendre des douches plus courtes ne va pas changer les choses quand on voit les milliards d’euros de subventions aux énergies fossiles », remarque Julie Pereira, étudiante à Sciences Po et HEC, qui a fait la marche des jeunes la veille.
Sur la place de l’Opéra noire de monde, où les manifestants dansent sur les basses de musique techno d’un bus de la « rave pour le climat », son compagnon Luca Ganassali, élève de l’Ecole polytechnique, se félicite d’une « mobilisation de plus grande ampleur » grâce à la présence de « gilets jaunes ». « Ceux qui ont le moins de ressources sont les plus taxés », reconnaissent-ils.
« Ce n’est pas de l’égoïsme mais de la survie »
Les quatre cortèges de la manifestation (aux mots d’ordre variés : la justice climatique et sociale, la biodiversité, les transports et les solidarités) sont de fait rapidement rejoints par des « gilets jaunes ». Une convergence programmée pour certains, improvisée pour d’autres. « Aux Champs-Elysées, c’était la guerre ce matin, alors on est venus ici », témoigne Christophe Garrido, un « gilet jaune » toulousain de 44 ans, animateur d’école, qui assure que « les deux combats se rejoignent ». « Tous les “gilets jaunes” sont écolos au fond d’eux, ils ne veulent pas d’un monde pourri pour leurs enfants », abonde Kévin Durrieu, mécanicien dans l’aéronautique.
Des revendications communes émergent, telles que la nécessité de privilégier les circuits courts et la consommation de produits locaux et de saison. « Quand notre viande de qualité fait quatre fois le tour du monde avant qu’on ne la consomme, ça coûte cher et ça pollue, s’agace Brice Grégory, « gilet jaune » âgé de 41 ans, qui travaille dans la restauration et dans l’industrie dans les Vosges. Pareil pour les légumes : les nôtres partent à l’étranger et nous, on mange ceux qui viennent d’Espagne, qui sont plus pollués. »
Mais pour une partie d’entre eux, les difficultés sociales restent la priorité. « Beaucoup ne se rendent pas compte de la gravité du changement climatique car ils pensent d’abord à remplir leur frigo. Ce n’est pas de l’égoïsme mais de la survie », assure Davy Loron, sous-traitant dans l’aéronautique « On nous dit qu’il faut acheter des voitures électriques, mais quand tu habites en HLM, tu l’accroches où et tu la paies comment ? », interroge Zohra, auxiliaire de vie à Saint-Michel-sur-Orge (Essonne), un ballon jaune à la main.
« La taxe carbone était un enfumage, on nous disait que c’était pour le climat alors que pas du tout », dénonce Sébastien, opérateur commande numérique, « gilet jaune » à « Saint-Barth’», en fait Saint-Barthélémy, à côté de Pontivy (Morbihan). Julie Pereira et Luca Ganassali, les deux étudiants de grandes écoles, estiment au contraire qu’il faudra « taxer le carburant à terme », mais après avoir taxé le kérosène et en « attribuant toutes les recettes à la transition écologique ».
« Amplifier la mobilisation »
« On a besoin d’un changement radical de société. Huit Français sur dix demandent qu’on taxe beaucoup plus lourdement les entreprises les plus polluantes. On est de plus en plus nombreux à être prêts, le but est de le signifier dans la rue et amplifier la mobilisation », assure le réalisateur et écrivain Cyril Dion, lors d’une conférence de presse avant le départ de la marche.
Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France, se félicite d’un moment exceptionnel de mobilisation. « Il doit y avoir un avant et un après. Il y a eu le recours juridique contre l’Etat, l’“affaire du siècle” [le recours en justice de quatre ONG contre l’Etat pour « inaction climatique »], la mobilisation des jeunes qu’on n’avait jamais connue sur les questions climatiques et cette “Marche du siècle” », énonce-t-il.
L’enjeu, pour les associations engagées dans la bataille climatique, est désormais de « durcir le mouvement face au gouvernement ». Elodie Nace, la porte-parole d’Alternatiba France, évoque la grande opération de désobéissance civile programme le 19 avril pour « bloquer la république des pollueurs », opération qui réunira ANV-COP21, les Amis de la Terre et Greenpeace. Jean-François Julliard rappelle aussi qu’il y aura le G7 à Biarritz fin août, le G7 des ministres de l’environnent à Metz début mai. Avant les élections européennes, une nouvelle grande initiative, à l’image de la grève pour le climat, est programmée pour le 24 mai.
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