Justice : Camille Halut, observatrice de la LDH, devant le tribunal correctionnel
Publié le jeudi 12 décembre 2019 21:40 – Daphné ARTHOMAS
Il aura fallu près de 5 heures… 5 heures ce jeudi 12, pour éclairer le tribunal correctionnel de Montpellier chargé de répondre à une question : l’observatrice de la ligue des Droits de l’Homme (LDH), la montpelliéraine Camille Halut, 26 ans, a t-elle commis une infraction lors de la manifestation des Gilets Jaunes le 21 septembre dernier ?
La jeune femme, étudiante en droit, était soupçonnée de s’être rebellée alors qu’un policier lui demandait de lui remettre le masque qu’elle portait autour du cou pour se protéger des éventuelles diffusions de gaz lacrymogènes.
À l’audience, le policier affirme : “elle refusait de me donner son masque et ne cessait de crier sa qualité d’observatrice de la LDH pour attirer l’attention. Alors que je tentais de la calmer, j’ai reçu un coup de pied à la cheville”. Il admet cependant : “elle a porté un seul coup pour se soustraire à l’interpellation, pas pour me blesser. D’ailleurs, je reconnais avoir davantage été outré et vexé que blessé”. Un CRS, témoin de la scène, confirme devant les juges avoir vu le coup de pied porté au policier mais il admet également “je pense que c’était intentionnel mais je n’en suis pas tout-à-fait certain”.
Invention
Camille Halut quant à elle, reconnaît le refus de donner son masque mais elle nie le coup porté. Elle avance : “je pense que ce policier a inventé ce coup de pied pour avoir une raison de m’interpeler. En tant qu’observatrice de la LDH, je filme les actions des forces de l’ordre lors des manifestations des gilets jaunes depuis plusieurs mois. Je sais que ça ne leur plaît pas”.
Un magistrat l’interroge : “le fait d’être observatrice de la LDH vous exempte t-il de respecter les lois et les règlements ?”. Camille Halut répond par la négative. “Alors pourquoi refusez-vous de remettre votre masque aux policiers ?”. Elle s’explique : “le policier sait que sans mon masque, je ne peux pas remplir ma mission d’observatrice et je dois quitter la manifestation. Il voulait que je m’en aille”.
Empreintes
La seconde infraction dont est soupçonnée Camille Halut, c’est d’avoir, lors de sa garde à vue qui aura duré pas moins de 23 heures, refusé de donner ses empreintes digitales. “Pourquoi ce refus ?” l’interroge le président du tribunal Fabrice Parisi. “Je n’ai pas refusé, j’ai dit que je ne savais pas” affirme sans sourciller Camille Halut.
“Comment ça vous ne saviez pas… vous avez donné vos empreintes oui ou non ?” insiste le juge. Elle admet : “non, je ne l’ai pas fait. Mais je n’ai pas refusé, j’ai juste dit que je ne savais pas”. Le juge qui, visiblement, ne comprend pas, fronce les sourcils et demande à être davantage éclairé : “vous ne saviez pas quoi ?” s’agace t-il. L’étudiante en droit précise : “je ne savais pas si la loi Française s’était mise en conformité avec la Convention européenne des droits de l’homme sur la prise des empreintes digitales”.
Film
Le procureur Jacques-Philippe Redon requiert qu’une peine d’amende de 2000 euros soit prononcée à l’encontre de Camille Halut. Il relève : “puisque habituellement vous filmez les pratiques policières, pourquoi, alors que vous dites avoir été victime d’un complot, mettez-vous votre main pour cacher votre caméra ? Sur le film que vous produisez, nous avons le son et nous entendons vos cris, mais la seule chose que nous pouvons voir, c’est votre main. Cette vidéo vous aurait pourtant permis de prouver que la police avait menti, c’est dommage”.
Démocratie
Pour Michel Tubiani, l’avocat de la LDH et de Camille Halut : “que les bénévoles de la LDH s’interrogent et observent les pratiques des policiers pendant les manifestations, c’est un service qu’ils rendent à la démocratie et nous continuerons à être des empêcheurs de tourner en rond”.
Décision rendue le 16 janvier 2020 à 14h.
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