Ordonnance du Juge des référés du Tribunal administratif de Paris :
l’État doit prendre ses responsabilités et fermer tous les centres de rétention
Le 27 mars 2020, le Conseil d’Etat, saisi d’une demande de fermeture de l’ensemble des CRA de France, avait rejeté la requête (requête n° 439720).
Les associations requérantes, dont le SAF, le GISTI et l’ADDE, avaient pourtant pointé du doigt le risque de création, par l’administration, de foyer infectieux, étant rappelé que du fait des fermetures des frontières, l’administration n’est plus en mesure de procéder à des mesures d’éloignement et des étrangers sont placés en rétention pendant une durée anormalement longue, les exposant d’autant plus à des risques de contamination dans des lieux mal équipés et dans lesquels il est impossible d’assurer la sécurité de toutes et tous.
Deux semaines et demi plus tard, l’évidence s’imposaient : les CRA, lieu d’enfermement inutiles, sont des clusters en puissance et exposent les étrangers retenus et les agents intervenants sur place au danger d’une infection. Après avoir été informés d’un cas de contamination au COVID 19 au sein du centre de rétention de Vincennes à la fin du mois de mars, l’ADDE, le SAF et le GISTI, ainsi que plusieurs retenus du CRA ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris d’une demande visant à faire fermer le CRA de Vincennes. Le tribunal administratif vient de rendre une importante décision le 15 avril 2020.
Après une audience au cours de laquelle la préfecture a reconnu à demi-mots que le CRA de Vincennes était devenu un foyer de contamination (selon l’administration, au moins une quinzaine d’agents de la PAF avaient été infectés par le coronavirus), le juge des référés du tribunal administratif de Paris a notamment enjoint à l’administration de ne plus admettre de nouveaux entrants, pour l’exécution de mesures de rétention.
Au-delà du dispositif, ce sont les motifs exposés dans la décision qui doivent retenir l’attention des autorités administratives et juridictionnelles. À l’instar de l’ensemble des requérants, le juge des référés constate en effet que « l’utilité du maintien de l’ouverture du centre reste par ailleurs très marginale compte tenu du ralentissement de fait des procédures d’éloignement ».
Il remarque qu’en période d’état d’urgence sanitaire, en prolongeant l’ouverture du CRA de Vincennes alors même que plusieurs retenus, et agents, ont été contaminés, « le préfet de police (…) entretient le foyer de contamination qui a été récemment identifié au sein de ce centre, et méconnaît de ce fait les impératifs de santé publique qui s’imposent à lui en vertu de l’état de catastrophe sanitaire mettant en péril la santé de la population, déclaré par la loi du 23 mars 2020 d’urgence sanitaire ».
Ce sont là très précisément les craintes que l’ADDE, le SAF et le GISTI avaient exprimé devant le juge des référés du Conseil d’Etat, dans le cadre de la procédure antérieurement menée pour obtenir la fermeture de l’ensemble des centres de rétention administrative. D’ailleurs elles ont été jugées suffisamment sérieuses pour que le Contrôleur général des lieux de privation de libertés décide de se rendre dès hier au centre de rétention de Vincennes et au Mesnil Amelot dans les prochains jours.
Nous exigeons désormais que les autorités administratives prennent conscience des responsabilités qui sont les leurs et agissent, enfin, conformément aux objectifs de protection de la santé publique qui pèsent sur elles, en fermant l’ensemble des CRA.
- ADDE (Avocats pour la défense des droits des étrangers)
- Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigré.es)
- SAF (Syndicat des avocats de France)
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