une réforme du Code du travail inadaptée
paru dans la la revue Hommes & Libertés N° 174 Juin 2016 ACTUALITES Loi travail
Le projet de loi de réforme du Code du travail a été adopté le 12 mai en première lecture par l’Assemblée nationale1. Quelques éléments pour mieux en comprendre le contenu et les enjeux.
Michel Miné, membre du Comité central de la LDH*,
professeur de droit du travail au Cnam
* dernier ouvrage publié : droits des discriminations dans l’emploi et le travail, Larcier, juin 2016
Le projet de loi (PJL) de réforme du Code du travail a été adopté selon une procédure autoritaire. Cette procédure, légale, prévue par la Constitution (art. 49, alinéa 3), permet d’interrompre le débat.
En revanche, ce PJL n’a pas été précédé d’une concertation préalable avec les acteurs sociaux, en vue de l’ouverture d’une éventuelle négociation, comme le prévoit la loi du 31 janvier 2007 sur le dialogue social. Ainsi, le gouvernement ne respecte pas le Code du travail au sujet d’un texte de réforme de ce Code censé accroître la place de la négociation collective. La procédure suivie apparaît conforme à l’objet du PJL, qui véhicule une conception autoritaire des relations sociales. Or, si le conflit social ne peut pas s’exprimer dans la langue du droit, il finit par prendre le chemin de la violence.
Pour comprendre la portée de ce PJL (de deux cent vingt-deux pages), il convient de ne pas se limiter à sa lecture. Il faut l’examiner dans son environnement juridique et au regard des évolutions du droit du travail, notamment sur le plan législatif. Trop de critiques ignorent ce qui existe déjà dans le Code du travail et reprochent à ce PJL des dispositions en vigueur en droit du travail (il en est ainsi, en particulier, pour la pétition «Loitravailnonmerci ».
Une nouvelle architecture inadéquate
Avec le nouveau modèle envisagé de fabrication des règles du droit du travail, les dispositions du Code du travail devraient être réparties en trois catégories :
– règles d’ordre public (fixées par la loi) ;
– règles relevant du champ de la négociation collective (en priorité d’entreprise ou, à défaut, de branche) ;
– règles supplétives applicables en l’absence d’accord (ces règles seraient fixées par la loi ou par l’employeur).
L’objectif essentiel du PJLconcerne ainsi la mise à l’écart généralisée du «principe de faveur». Ce principe juridique signifie que quand plusieurs sources de droit (loi, décret, accord de branche, accord d’entreprise, usage…) portent sur la même question, c’est la source la plus favorable au salarié qui s’applique. Ce principe de faveur, construit progressivement depuis le Front populaire (loi du 24 juin 1936), est la colonne vertébrale de «l’ordre public social».
Ainsi, des accords d’entreprise et d’établissement sont signés en France, de longue date, prévoyant des dispositions plus favorables que la loi et même que les accords de branche (loi de 1950). Cependant, des accords de branche (depuis 1982) et d’entreprise (depuis Delebarre 1986, Seguin 1987) peuvent «déroger» à la loi, en matière de temps de travail, en prévoyant des dispositions pas forcément plus favorables, voire défavorables, au
salarié; cette possibilité a été étendue à tous les thèmes de négociation mais en permettant aux branches de prévoir des verrous (loi Fillon de 2004).
Il convient d’examiner ce que signifie donner la priorité aux accords d’entreprise, dans ce contexte juridique particulier. Avec ce PJL, l’exception deviendrait la règle, et les verrous sauteraient. Cette priorité à la négociation d’entreprise…
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