Un des objectifs essentiels de la LDH est de dénoncer toute répression et toute atteinte aux Droits de l’Homme. Nous constatons aujourd’hui une répression disproportionnée du mouvement des Gilets Jaunes de par l’ampleur des effectifs des forces de l’ordre mobilisés et des moyens depuis deux mois (89 000 policiers et gendarmes). Les armes dont disposent les forces de l’ordre peuvent être très dangereuses: grenades GLI-F4 a effet de souffle (lacrymogènes et déflagrantes dites de « désencerclement » qui contiennent 25 grammes de TNT). Le nombre de personnes placées en garde à vue est un triste record (4770 personnes), celui des blessés est encore imprécis (autour de 1500).
Voici un premier bilan de la répression publié
le 4 janvier 2019« Gilets jaunes : 4570 personnes placées en garde à vue en un mois, un triste record
Le mouvement des gilets jaunes bat tous les records en nombre d’interpellations, de personnes déférées en justice et de peines de prison ferme. Si l’arrestation et le placement en garde à vue le 2 janvier d’Eric Drouet, l’un des leaders du mouvement, ont été très médiatisés, loin des caméras, détentions et sanctions pleuvent. En un mois, du 17 novembre au 17 décembre 2018, 4570 personnes ont été placées en garde à vue (1567 à Paris et 3003 en région), selon les chiffres du ministère de la Justice révélés le 3 décembre par RTL. 697 comparutions immédiates ont déjà eu lieu, pendant que 825 dossiers ont été classés sans suite [1].
A Paris, sur 214 comparutions immédiates, vingt-six peines de prison ferme ont été prononcées avec mandat de dépôt, ce qui signifie que les personnes condamnées ont été directement incarcérées. Dans les autres régions, 483 comparutions immédiates avec 190 mandats de dépôt ont été recensées [2]. Des centaines d’audiences sont encore prévues dans les prochaines semaines.
A Valence, des peines de prison ferme « pour l’exemple » ?
Parmi les personnes condamnés à de la prison ferme, figure le vidéaste Stéphane Trouille. Il a été interpellé, avec trois autres personnes lors de la mobilisation des gilets jaunes à Valence le 8 décembre, accusés de « violences en réunion sur personne dépositaire de l’autorité publique ». Tous les quatre assurent ne pas se connaître et ont un casier judiciaire vierge. Avant le procès, Basta ! avait relayé le témoignage de leurs familles. Le 26 décembre, le verdict est tombé : Stéphane Trouille est condamné à dix-huit mois de prison dont six avec sursis. Les trois autres sont respectivement condamnés à douze mois dont six avec sursis pour Tom, dix mois dont six avec sursis pour Dylan, et neuf mois dont six avec sursis pour Maria. Tous les quatre sont frappés d’une interdiction de manifester pendant trois ans.
Que reproche t-on aux prévenus ? Comme le rapporte le Canard Enchainé dans son édition du 2 janvier, « alors qu’un homme ceinture un manifestant au sol, des gilets jaunes s’attroupent. Un individu s’interpose. Ils interviennent, échangent quelques coups avec les deux sans gilet. Pas de chance, c’étaient deux policiers en civil ! Celui qui est à terre est le directeur départemental et l’autre est son chauffeur. Leurs brassards « police » étaient-ils visibles ? Sur la vidéo projetée à l’audience, ça ne saute guère aux yeux. »
Dans une lettre rendue publique au lendemain du jugement, Stéphane Trouille écrit : « Durant toute cette scène, qui dure environ 22 secondes, je n’ai à aucun moment entendu les policiers s’identifier et je n’ai à aucun moment vu leur brassard, pour le moins discret et difficilement décelable. Alors OUI, j’ai bien exercé une violence sur un individu, pour protéger des Gilets jaunes, pour faire fuir des personnes que j’avais identifiées comme des agresseurs. Non, je n’ai pas, nous n’avons pas « cassé du flic », « bouffé du flic », « foutu en l’air du flic », comme les mass-médias le martèlent depuis le rendu du jugement, reprenant largement les termes dramatiques du procureur. »
Stéphane Trouille, l’un des condamnés, fait appel de sa décision
Quant à Maria, militante communiste de la Drôme, il lui est reproché de s’être emparée du bonnet du commissaire. Selon l’Humanité, elle l’a fait, s’est-elle défendue, dans le but de « détourner son attention pour qu’il ne sorte pas son arme ». « Je n’ai jamais donné de coup à qui que ce soit. » Selon son avocat, le « contexte national » a « joué » dans ces lourdes condamnations. Comme le note le Canard enchainé, le procureur a d’ailleurs commis des rapprochements avec des scènes de violences vues à Paris.
Pour rappel, la ministre de la Justice a fait parvenir aux procureurs une circulaire, en date du 22 novembre, « relative au traitement judiciaire des infractions commises en lien avec le mouvement de contestation « dit des Gilets jaunes » ». Il est notamment proposé d’alourdir les peines prononcées en y ajoutant l’« interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique […] pour une durée ne pouvant excéder 3 ans ». Des consignes de grande fermeté qui semblent avoir été suivies à la lettre par le Tribunal de Grande Instance de la Drôme.
Stéphane Trouille a pour sa part décidé de faire appel de la décision qui lui paraît « complètement démesurée par rapport aux faits réels, ne prenant aucunement en compte la plaidoirie de la défense malgré quatre heures d’audience. Il est difficile de ne pas la considérer comme une sanction pour l’exemple, pour étouffer l’ardeur et les contestations actuelles contre l’État et les politiques menées par le gouvernement », déplore t-il [3]. Dans l’attente de ce procès, un festival en soutien aux quatre inculpés de Valence est prévu du 11 au 13 janvier à Saillans (plus d’informations ici). Quant à Eric Drouet, il sera jugé le 15 février pour « organisation d’une manifestation sans déclaration ». Il risque une peine pouvant aller jusqu’à six mois d’emprisonnement et 7500 euros d’amende. »
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Lire aussi au sujet des armes dangereuses l’article publié déjà en 2016 sur le monde.fr:
« Les grenades de désencerclement, arme controversée du maintien de l’ordre »
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