Un collectif de plus de mille membres issus principalement de la recherche et de l’enseignement, parmi lesquels Eric Fassin ou François Héran, mais aussi des personnalités comme la romancière Annie Ernaux, prend position en défense de la philosophe Sophie Djigo, cible de menaces de l’extrême droite qui ne supporte pas son engagement en faveur des migrants.
Publié sur le monde.fr le 5 décembre 2022
Tribune de soutien signée par la LDH
Notre collègue Sophie Djigo est philosophe et chercheure, enseignante en classes préparatoires, autrice de plusieurs ouvrages de référence sur la question des migrations et fondatrice de l’association Migraction59 pleinement engagée dans le soutien aux migrants à Calais.
Elle est actuellement la cible des attaques de plusieurs mouvements d’extrême-droite, sur les réseaux sociaux desquels son nom, sa photo, les vidéos de ses interventions et son adresse professionnelle sont diffusés et exposés à la vindicte et au lynchage médiatique. Elle reçoit depuis des semaines des insultes, des harcèlements et des menaces de mort explicites, dont la montée en puissance l’a conduite hier, suite à une nouvelle escalade, à demander la protection fonctionnelle le 28 novembre.
Un communiqué de presse du Rassemblement National la désigne explicitement comme corruptrice de la jeunesse par son activité enseignante, criminalisant par là la simple action pédagogique de sensibilisation aux pratiques solidaires, qui fait pourtant partie intégrante et reconnue d’une éducation à la citoyenneté.
Des chercheurs et des enseignants sont ainsi régulièrement exposés à la violence de ces réseaux et à leurs manœuvres d’intimidation, par des collusions entretenues entre le pouvoir politique et les puissances d’extrême droite, largement représentées à l’Assemblée Nationale où elles introduisent une banalisation de la violence xénophobe et raciste.
La brutalité des insultes et des intimidations subies par notre collègue atteste d’une véritable offensive coordonnée et décomplexée, plus particulièrement dans le Nord en ce moment, où d’autres collègues universitaires subissent collectivement des attaques similaires.
Sophie est à la fois une philosophe et une militante, dont l’action solidaire, particulièrement efficace et déterminée, est liée à une profonde réflexion de chercheure et à une activité enseignante intellectuellement exigeante, reconnue et de haut niveau dans le système de l’enseignement public supérieur. Et le rectorat a du reste ici décidé de la soutenir en portant plainte pour diffamation.
Et pourtant, elle a dû renoncer à l’organisation d’une rencontre entre ses élèves et les bénévoles de l’Auberge des Migrants à Calais, par crainte d’une descente violente des associations xénophobes qui en ont divulgué la date. Et cette forme d’intimidation constitue un véritable bâillon culturel.
La violence qui atteint actuellement Sophie est une côte d’alerte des dérives qui nous atteignent tous, et dont la défense des exilés constitue un emblème. C’est en ce sens à un refus collectif des politiques xénophobes et liberticides que nous appelons, par le soutien inconditionnel qui doit lui être manifesté.
Nous n’exigeons donc pas seulement une réponse gouvernementale claire à des attaques aussi dangereuses qu’inacceptables du point de vue même du droit tel qu’il s’inscrit dans la Constitution, permettant la défense de notre collègue et de tous ceux qui les subissent. Mais nous exigeons par là aussi qu’il soit mis fin aux collusions implicites ou explicites qui font de l’idéologie fasciste un véritable facteur d’imprégnation des mentalités, et constituent par là même un danger massif à tous les niveaux de la décision étatique.
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