Intervention de Claude-Valentin Marie, vice-président de la Halde

10h45  –  Claude-Valentin MARIE, Vice Président de la HALDE (Haute Autorité pour la Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité)

1 – manière dont  cet enjeu a pris corps,

2 – discriminations et étrangers,

3 – justification de la création de la HALDE et de son utilité

Historique

Enjeu : dans la société, il y a exigence d’égalité (au sens d’égalité de traitement), ce qui entraîne une rigueur d’expression formelle. Le premier qui doit y veiller, c’est l’Etat, qui doit vérifier, ou/et réparer que nul ne soit lésé dans l’exercice de ses droits. Il faut veiller à l’égalité de droits et de traitements, il faut lutter contre l’impunité de ceux qui bafouent ces droits, l’impunité qui légitime, fait douter de la valeur de l’état de droit et de la république, et accentue les inégalités sociales car on peut constater un processus de déni de la discrimination.

La création de la HALDE s’inscrit dans cette réalité du déni : cette jurisprudence est très récente ; la France était très en retard dans la prise en compte de ces discriminations. Dans les années fin 80/90, des luttes ont eu lieu pour reconnaître ou faire reconnaître ce déni. S’est posée la question du racisme envers les étrangers (la lutte contre le racisme n’est pas la lutte contre les discriminations même si les instruments utilisés sont les mêmes)

La marche des ‘beurs’ : dénomination/appellation qui discrédite cette marche, car c’était en fait une marche pour l’égalité, une marche contre les inégalités qui existaient entre les étrangers et nationaux : pas seulement une inégalité de traitements mais aussi une inégalité de droits.

En 1982, au même moment, mouvement des jeunes ultramarins en métropole qui dénonçaient des discriminations, des inégalités de traitements, à droit égal. (Les Antillais ne se reconnaissaient pas dans la marche pour l’égalité de droits et de traitements).

Cela montre que le fait d’avoir la nationalité ne protégeait pas de l’inégalité de traitements. Ce qui met en valeur 2 sujets de réflexion/action : lutte contre l’inégalité de droits et lutte contre les inégalités de traitements.

TACHES DE LA HALDE : 3 mots ! Réparer, prévenir, recommander.

L’action de la HALDE ne consiste pas à demander la création de nouvelles lois ou nouveaux décrets, mais de faire appliquer les lois et décrets et veiller à l’effectivité des instruments juridiques.

La 1ère tâche de la HALDE est de réparer.

La 2ème tâche de la HALDE est de prévenir, pour qu’il n’y ait pas de répétition de préjudices.

La 3ème tâche est de recommander et agir auprès du gouvernement pour changer le texte de loi (illégitime et facteur de discrimination, illégitime dans la période actuelle, même si légitime au moment de leur parution).

Démarche de la HALDE

Pression de la base qui monte, appui sur les textes de loi, pour faire pression sur l’état.

L’enjeu est de redonner à l’Etat son état de droit : il faut que les acteurs s’approprient les textes juridiques pour agir.

L’Etat ne doit pas partager, saucissonner : exemple de discrimination = « l’émigration positive «. Autre exemple, la loi Hortefeux sur les tests ADN.

La dynamique de la HALDE n’est pas la remise en cause de la constitutionalité de la loi, mais de vérifier si elle est en conformité avec les libertés internationales ; pour cela, elle se saisit des textes. Dans les années 2000, durant le gouvernement de Jospin, Martine AUBRY a donné les premiers éléments d’action pour lutter contre les discriminations. Mais il faut noter l’insuffisance des structures ; ce n’était pas une juridiction, seulement des moyens qui permettaient l’application des droits.

La Commission STASI et la loi 2004 a permis de créer la HALDE, autorité indépendante, et non une association (comme la CNIL, la CNDS…) il y a eu un texte de loi qui définit les compétences et les champs de compétences de cette entité : ce n’était pas la création d’une juridiction (elle travaille à droits constants) mais si on ne met pas en mouvement le droit, le droit n’existe pas.

Le but de la HALDE est de passer d’une égalité formelle des droits à une réalité vécue. Cela met en valeur la nécessité d’une culture juridique de tous les acteurs de lutte. Par exemple, les injures racistes ne sont pas des discriminations, parce qu’elles ne sont pas des pratiques discriminatoires, il y a confusion entre racisme et pratiques discriminatoires.

Au sein des différentes organisations, telle la LDH, il faut apprendre à lire un dossier de discrimination : cela demande une bonne connaissance des différents instruments juridiques, pour qu’il y ait effectivité de la réparation. Il y a eu une trop grande propension à assimiler discrimination et exclusion, discrimination et précarité.

L’enjeu de la lutte est conceptuel et pratique, il est nécessaire de bien clarifier l’objet dont on parle, le champ utilisé : il existe 18 motifs de discrimination reconnus par la loi (sexe, orientation, religion…) mais pas la pauvreté, l’inégalité sociale.

La HALDE est compétente dans la mesure où le motif fait partie de ces 18 motifs de discrimination.

Toute personne qui s’estime victime de discrimination peut porter réclamation à la HALDE, dans le cadre de ‘saisines’ qui présente

1 – la raison d’être de la discrimination,

2 – légitime la parole de la victime.

L’enjeu de la HALDE est de tenir pour légitime la parole de la victime et sa subjectivité car on assiste à 2 violences : la violence de la discrimination et la violence du déni.

A ce jour, on totalise 10 000 réclamations dont 75% ne sont pas de la compétence de la HALDE (car souvent, elles relèvent de l’inégalité sociale et la pauvreté).

——————–

Débat : Indépendance de la HALDE ?

Au moment de sa création, volée de bois vert des collèges et commissions constitués, des institutions (Barreau …) au prétexte du démembrement de l’Etat. La caractéristique de la HALDE est son indépendance car ses membres sont irrévocables et irremplaçables pendant leur mandat. Elle a un pouvoir particulier : elle ne peut se porter partie civile, mais peut supporter des observations à l’audience.

Par exemple, les travailleurs saisonniers de Marseille dont les contrats ont été reconduits pendant plus de 20 ans ; façon de rendre permanent de façon irrégulière le contrat précaire ou comment on peut se servir du droit pour défendre un dossier. (en France, on a la propension de penser au seul droit  pénal pour régler un différend qui peut se résoudre pas le droit civil).

———————————-