Intervention de Dominique Guibert sur le droit des étrangers

14h15  –  Le droit des étrangers, par Dominique GUIBERT, Secrétaire Général de la LDH

Attention à la définition des mots discrimination/exclusion et étrangers car ce sont des termes mal identifiés, des mots-valises. Il faut donc veiller à la justesse du mot, afin d’éviter le mélange des concepts, et veiller à l’efficacité : bien définir la cible, la stratégie, la tactique (quelles institutions ou procédure à cibler).

Quand on parle de précarité et exclusion, on ne parle pas d’inégalités sociales qui ont été produites par cette société dans laquelle nous vivons, société marquée par son immédiateté, plutôt que pour son avenir visible, qui marque les gens. (ref. « La France du travail » aux éditions de l’Atelier).

Même chose quand on parle des étrangers. De qui parle-t-on ?

1 – des jeunes nés en France, déjà Français ou appelés à être français mais qui vivent des discriminations,

2 – des émigrés  qui ont le statut d’étrangers qui déterminent s’ils ont des droits.

1 – déjà français : 2 cas possibles : les Français d’origine, les européens.

2 – émigrés : avec titre de séjour, ou ne bénéficiant pas de titre de séjour.

3 – cas DOM TOM : assimilation à des étrangers, ce qui ajoute à la complexité du terme.

Il y a donc nécessité de retour au droit commun. Les patchs législatifs (CMU, DALO, droit au logement, droit opposable) ne répondent plus à la réalité. Dans les faits, on constate que le droit commun, le droit républicain, la loi de la république n’est plus appliqué aux gens.

Il y a nécessité d’identifier les catégories pour permettre de choisir les bonnes cibles. Il ne faut pas constituer des fichiers, mais faire des statistiques ad hoc : certaines catégories échappent à la Constitution.

Jean-Pierre Chevènement : « la loi de la République est la même pour tous ».

Dominique Guibert pense que « l’intervention sociale est au moins aussi importante que les éléments juridiques ».

Pour la LDH, l’idée est de fonder le problème des étrangers sur cet ordre : s’ils ont un statut légal, ils bénéficient de droits, s’ils n’ont pas de statut légal, ils doivent bénéficier de droits.

Il faut bouleverser cet ordre, le prendre à contresens, renverser les choses, ne pas attendre du droit lui-même la possibilité de changer le statut des étrangers (trouver des arguments objectifs).

Il faut partir du droit de l’homme et des enfants, et des migrants (Charte non signée par la France). Ce qui amènera un changement.

Il faut une mobilisation sociale, citoyenne en prenant comme cible les enfants et tous les parents des enfants scolarisés en France (impossible dans les conditions actuelles).

Donc il faut parler des lois de la République, du droit à l’école et donc du droit des parents (à s’occuper de leurs enfants – droit de la famille). C’est alors que la politique de l’émigration est inversée.

Tout le monde sait que de nombreux secteurs fonctionnent sur la présence des sans-papiers : dans les Chambres de Commerce qui ne peuvent pas ne pas être au courant, dans les agences d’intérim (embauchés sous contrat, à la tâche). Les Chambres Patronales ne peuvent pas ne pas être au courant  de même, dans le domaine de la sécurité, de l’aide aux personnes âgées. Le système qui existe est le système du pas vu, pas pris. Les dernières années, 2 vagues d’action de régularisation d’environ 1000 sans-papiers mais le nombre est toujours le même (ref. Emmanuel Terray, LDH).

Il faut renverser la démarche : on part de l’idée que ce sont des travailleurs comme les autres donc ils ont les mêmes droits (or on les oblige à travailler dans des conditions de non-droit). Pour agir, il faut une double intervention : une intervention sociale militante, et une intervention pour faire connaître le droit (ne pas penser que le droit est la seule arme possible).

Questions :

1 – Le problème des Roms à Brest, reconduits chez eux, avec prime au retour.

Réponse : C’est un nouvel exemple de déni de droit, car les Roms sont des citoyens européens. Quel est leur droit à la liberté de circulation et d’installation ? Actuellement, sorte d’entre-deux illégal, entre liberté de circulation et liberté d’installation.

2 – Cas d’une famille de Roms du Kosovo à Rennes et problème des charters d’illégaux et de leur renvoi dans leur pays.

Réponse : Ici doit intervenir la notion de pays de renvoi sûr. La LDH doit lutter pour faire éclater la réalité des choses, en trouvant les moyens juridiques. (réalité : droit d’asile, acceptation, régularisation : 12 000 par an sur 38 000 demandes).

3 – en cas d’expulsion, devant « l’inefficacité », des actions politiques et actions coup de poing sont-elles envisageables ?

Par exemple, « des amis de Leo » (naturalisation) des enfants adoptés par des français. Que faire ?

Réponse : il faut utiliser le droit quand on peut le faire (attention à une survalorisation du droit par rapport à ce qu’on peut faire) et utilisation de toutes les armes.

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