La Ligue des Droits de l’Homme à Nanterre

A Nanterre, la section oeuvre pour la protection et l’effectivité des droits humains.

C’est pourquoi, nous avons ouvert une permanence d’aide administrative / accès au droit à Nanterre Ville.

Cette permanence est organisée chaque mois pour aider les nanteriens dans leurs démarches administratives.

 

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La section de Nanterre agit dans différents domaines au niveau local:

  • D’une part, la section permet un accueil et une écoute des habitants  à travers la permanence d’aide administrative / accès au droit
  • D’autre part, nous développons des réflexions sur des thèmes. Nous essayons de faire prendre consciences et sensibiliser les habitants de Nanterre sur des diverses problématiques à travers événements  (atelier-débat / ciné-débat / projection de films etc)
  • De plus, nous participons aux activités de la vie associative de la ville
  • Enfin, nous animons des ateliers auprès de lycéens ou jeunes adultes de sensibilisation contre les discriminations

Et plus encore …

Vous pouvez nous contacter par:

  • téléphone au 07.66.40.44.43 du lundi au vendredi (de 10h à 12h / 14h à 17h): n’hésitez pas à laisser un message avec vos coordonnées pour que nous puissions vous rappeler.
  • mail à : ldh.section.nanterre@gmail.com
  • courrier adressé au 27 rue Sadi Carnot
  • facebook en nous laissant vos coordonnées

 

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Débat sur la loi asile immigration

DEBAT SUR LA LOI ASILE IMMIGRATION

[Compte rendu des débats]
Le jeudi 4 octobre 2018, s’est tenu à l’Agora de la ville de Nanterre un débat. Ce débat portait sur la loi dite  » asile -immigration » adoptée le 10 septembre 2018.
L’organisation d’une réunion pour décrypter cette loi et ses conséquences est une véritable nécessité dans le contexte actuel. En effet, cette réforme a fait polémique chez les divers patriciens et intervenants dans le droit des étrangers. Pourtant, peu d’articles de presse ont abordé ce texte dans sa totalité. Les journalistes ont préféré se concentrer sur ce que certains appellent le « délit de solidarité ». Cela s’explique par l’aspect éminemment procédural de la cette loi.
Néanmoins, parce que de la procédure dépend l’effectivité d’un droit, ce texte législatif revêt une importance considérable.
Ce débat organisé par la LDH de Nanterre a donc permis d’avoir une vision globale de la politique migratoire actuelle.

Contexte entourant l’élaboration de la loi asile immigration

Madame Claire Jacquin, coordinatrice nationale du mouvement des Jeunes Générations, est intervenue en premier lieu. Elle a abordé le contexte qui a entouré l’élaboration de cette loi. Ce contexte particulier a eu un impact sur son contenu.
Avec la montée du nationalisme, le sujet de l’asile et de l’immigration a été au cœur des préoccupations. L’exemple le plus frappant est la célèbre affaire de l’Aquarius. Cette loi a parfois été qualifiée comme progressiste. Elle est prônée comme une politique européenne de lutte contre les partis politiques extrêmes et populistes. En réalité, elle s’inscrit dans le mouvement de la « circulaire Collomb » du 12 décembre 2017. Cette circulaire instaure un contrôle et une hiérarchie dans l’immigration. Elle permet notamment de recenser les migrants en hébergement d’urgence selon leur droit de séjour.
Pourtant, selon Madame Jacquin, ce débat migratoire est présenté comme prioritaire face à un contexte d’insécurité et d’insuffisance de moyens. Cependant, la France a en réalité la possibilité d’accueillir migrants et réfugiés. La problématique ne serait donc pas française dès lors qu’un accueil digne est possible. La problématique serait donc européenne car d’autres pays connaissent cette même problématique, notamment la Grèce.
Claire Jacquin conclut en abordant plusieurs pistes de réflexions pour que le droit des étrangers soit davantage en accord avec les droits et libertés fondamentaux. Il conviendrait notamment selon elle de revoir le « règlement Dublin III ». Ce règlement prévoit que le pays européen d’arrivée de l’individu étranger est celui où ce dernier doit rester et effectuer sa demande d’asile. Il faudrait également redéfinir le statut de réfugié pour qu’il soit adapté à la crise écologique actuelle. Cela implique de reconnaître l’existence des « réfugiés climatiques ». Enfin, la sécurisation des voies migratoires serait désormais une nécessité qu’il convient urgemment d’envisager.

Une loi qui s’insert dans un contexte législatif répressif

Maitre Henri Braun, avocat au barreau de Paris, spécialisé en droit des étrangers, prend ensuite la parole. Tout d’abord, il résume le feuilleton législatif qui caractérise le domaine migratoire.
La fermeture des frontières a été décrétée dans les années 70. Depuis, il est visible selon lui que la politique d’immigration devient de plus en plus répressive.
Parmi les événements qui ont marqué la France en la matière, on note la création des centres de rétention administrative (CRA) en 1984.
Pourtant, Maitre Braun souligne que la situation migratoire que connait l’Etat français n’a pas radicalement changé. La perception de l’immigration a quant à elle évolué. En effet, le contexte actuel a conduit a effectuer des liens et amalgames entre immigration, insécurité et terrorisme. Cela expliquerait ce mouvement répressif.
Face à cet arsenal législatif, les avocats compétents en droit des étrangers ont pour outil de défense les textes internationaux et européens. Parmi eux, on trouve la Convention européenne des droits de l’Homme. On retrouve également la directive européenne « retour » adoptée le 9 décembre 2008. Cette directive a été surnommée par certaines associations la « directive de la honte ». L’utilisation actuelle de ce dernier texte comme outil de défense est selon Maitre Braun une illustration de la sévérité accrue du droit des étrangers.

Les changements apportés par la loi

Maitre Henri Braun aborde ensuite certains changements apportés par cette nouvelle loi. Elle permet le recours systématique à des visioaudiences. Ce procédé constitue, selon lui, une forme de déshumanisation de la justice.
Puis, d’un point de vue procédural, un mouvement de raccourcissement des délais est visible. Ce raccourcissement conduit à empêcher d’avantage d’individus à effectuer des demandes d’asile. En effet, le délai pour déposer une demande d’asile devant l’OFRPA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) est réduit. Le délai passe de 120 à 90 jours dès l’entrée sur le territoire français du demandeur.
De plus, la durée maximale de rétention en CRA a été considérablement allongée.  Il est désormais de 90 jours, soit deux fois plus longue que celle fixée antérieurement. Ce délai contraste radicalement avec le délai initialement fixé à 12 jours lors de la création de ces centres. Or, il s’agit d’établissements qui sont certes administratifs, mais dont les conditions sont comparables aux conditions de détention. Cela renvoie concrètement à une sanction subie par des individus qui n’ont pourtant pas été condamnés pénalement.
Cette loi s’ancre dans un mouvement de complexification du droit des étrangers. Ainsi le droit des étrangers devient difficilement lisible, y compris pour les spécialistes. Ainsi  la taille et le contenu du code d’entrée et de séjour des étrangers et des demandeurs d’asile (CESEDA) a triplé en quelques années.
Maitre Braun conclut son intervention en estimant que face à une telle situation, il convient de modifier cette politique. Selon lui, il faut commencer par se questionner vis-à-vis de son fonctionnement, mais également de son coût, et en réaffirmant les libertés de circulation et d’installation.

L’impact concret de cette loi en matière sociale

Le troisième et dernier intervenant de ce débat est Monsieur Laurent Bala. Il est travailleur social dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA). Il nous a pu résumé la situation que vivent concrètement les étrangers sur le territoire français au sein des CADA.
Créés en 1991, le développement de ces centres s’effectue dès 2003. Actuellement, il existe environ 300 CADA en France pour plus de 100 000 demandeurs d’asile. Seulement un tiers d’entre eux sont actuellement en hébergement.
Cela signifie que les deux tiers de ces individus sont sans hébergement, ni accompagnement social ou juridique. Cela diminue évidemment leurs chances d’obtenir gain de cause devant l’OFRPA et la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) selon M. Bala.
Selon ce travailleur social, cette loi de 2018 entre en continuité avec la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile, d’ores et déjà répressive. En effet, depuis cette loi de 2015, l’allocation mensuelle de subsistance anciennement versée en CADA disparaît. L’allocation pour demandeur d’asile (ADA) l’a remplace. Cette aide est directement gérée et versée par l’OFII. Cela conduit en pratique a des dysfonctionnements s’agissant des versements.
Selon Monsieur Bala, la loi de 2018, quant à elle, a eu des conséquences directes dans les CADA. L’accélération de la procédure pose des difficultés pratiques aux travailleurs sociaux pour préparer correctement les individus aux audiences, qui nécessitent un récit structuré. A ces difficultés s’ajoutent des restrictions budgétaires de ces centres.

Délit de solidarité, qu’en est-il ?

Suite à cette présentation globale de la loi asile et immigration, le public a pu poser plusieurs questions aux intervenants, ce qui a permis d’orienter le débat dans d’autres directions.
Plus particulièrement, le public a demandé si le « délit de solidarité » existait toujours.
Ce délit correspond juridiquement au délit d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour des étrangers, réprimé à l’article L622-1 du CESEDA, et existant depuis le décret-loi Daladier de 1938. Ce même code prévoit pour cette infraction des immunités pénales pour l’aide au séjour irrégulier, et notamment une immunité familiale, mais aussi une immunité humanitaire. Cette dernière correspond classiquement à l’aide au séjour apportée aux étrangers à travers des conseils ou prestations, et ce sans aucune contrepartie financière ou autre, directe ou indirecte.
En réalité, la loi de 2018 n’a en rien supprimé ce délit, mais a modifié l’immunité humanitaire. En effet, celle-ci a été en l’étendue à l’aide à la circulation, ce qui a constitué une avancée. Cette modification entre en conformité avec l’importante décision du Conseil constitutionnel du 6 juillet 2018 statuant sur cette infraction à l’occasion de la célèbre l’affaire impliquant Cédric Herrou et Pierre-Alain Mannoni, et qui a donné au principe de fraternité valeur constitutionnelle.
Néanmoins, comme l’a souligné Maitre Braun, l’autre modification depuis 2018 qu’est l’exigence d’une aide apportée « dans un but exclusivement humanitaire » pose un problème d’interprétation, en particulier vis-à-vis des militants politiques.
Pour plus d’informations – cliquer ici pour consulter l’article consacré au délit de solidarité

Qu’en est-il de la liste des pays dits « sûrs » ?

Pour clôturer cette réunion, un intervenant a enfin posé la question des conditions nécessaires pour bénéficier du droit d’asile, et notamment au regard de la catégorisation de certains pays dits « pays d’origine sûrs ».
Il existe des décrets d’application qui érigent une liste des pays qui sont dits « d’origine sûrs » selon le Conseil d’administration de l’OFPRA en application de l’article L722-1 du CESEDA. Cette liste, qui mentionne notamment l’Albanie, le Bénin, ou encore la Serbie, conduit à ce que l’OFPRA instruise automatiquement les demandes émanant de ressortissants de ces pays dans le cadre de la procédure accélérée. Concrètement, il s’avère que procédure diminue les chances de succès devant l’OFPRA et la CNDA, d’où l’existence de recours devant le Conseil d’État afin de modifier cette liste.
Néanmoins, il convient de souligner qu’une exception permet de déroger à ce placement en procédure accélérée. En effet, lorsqu’un demandeur d’asile affirme avoir fait l’objet de persécutions en raison de son appartenance à un groupe social au sens des Conventions de Genève. Dans ce cas, la demandeur d’asile pourra effectué une demande en « procédure normale ».
La Ligue des Droits de l’Homme de Nanterre remercie ces intervenants pour leur intervention.
Cliquer ici pour télécharger le communiqué de la Ligue

Fin du délit de solidarité ?

Dans sa décision 2018-717/718, le Conseil constitutionnel consacre la valeur constitutionnelle du principe de fraternité.

 

Saisi le 11 mai 2018 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a consacré le principe de fraternité. Le Conseil constitutionnel devait s’interroger sur  la conformité des droits et libertés issus de la Constitution et des articles L.622-1 et L.622-4 du CESEDA.

 

 

Les articles L.622-1 et L.622-4 du CESEDA en cause

En application de ces deux articles, le CESEDA prévoyait une sanction pénale pour le fait d’aider directement ou indirectement un étranger à entrer, circuler ou séjourner irrégulièrement en France.  Ce délit était puni de 5 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.

L’article L.622-4 dudit code prévoyait plusieurs exceptions à ce principe. Cet article prévoyait notamment l’immunité pénale à toute personne physique ou morale ayant apporté une telle aide à un étranger lorsque cet acte n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toue autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci.

 

Conciliation des droits et libertés

Le Conseil constitutionnel a du examiner si les dispositions citées ne méconnaissaient pas le principe de fraternité. En effet, les exceptions de l’article L.622-4 du CESEDA ne s’appliquent qu’à l’entrée ou la circulation d’un étranger en situation irrégulière sur le territoire français. Il ne prévoit aucune disposition relative à l’aide au séjour irrégulier pour tout acte purement humanitaire, n’ayant pas donné lieu à un contrepartie directe ou indirecte.

 

Solution des Sages

Pour la première fois, le Conseil constitutionnel a jugé que la fraternité est un principe à valeur constitutionnelle. Pour ce faire, il rappelle la devise républicaine « Liberté, Egalité, Fraternité ». Les Sages précisent également que la Constitution se réfère également à terme « fraternité ».

La fraternité, entendue comme un principe à valeur constitutionnelle, découle de la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire. Cette aide doit être entendue sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national. En outre, l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière est fondé sur la sauvegarde de l’ordre public, objectif à valeur constitutionnelle. Les Sages doivent donc concilier le principe de fraternité et la sauvegarde de l’ordre public.

Par conséquent, le Conseil constitutionnel a censuré une partie de l’article L.622-4 du CESEDA. Les termes « séjour irrégulier » sont considérés comme une forme de répression de l’aide aux personnes en situation irrégulière. Les Sages précisent que cette décision ne permet pas une extension ou une incitation à l’aide à l’entrée irrégulière.

Les Sages émettent également une réserve d’interprétation dans cette décision. Ils précisent que l’article L.622-4 du CESEDA instaure effectivement une immunité pénale pour les individus aidant au séjour irrégulier. Cependant, cette immunité n’est valable que si l’aide apportée entre dans un but humanitaire.

 

Le délit de solidarité, abrogé ?

La réponse est non. La décision du Conseil constitutionnel a étendu au délit d’aide à la circulation irrégulière des étrangers les exemptions concernant l’aide au séjour. Cependant, les Sages ont interdit que ces exemptions jouent pour l’aide, même humanitaire, à l’entrée irrégulière.

 

 

Pour télécharger le Guide Pratique sur le délit de solidarité – Cliquer ici