Dans sa décision 2018-717/718, le Conseil constitutionnel consacre la valeur constitutionnelle du principe de fraternité.
Saisi le 11 mai 2018 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a consacré le principe de fraternité. Le Conseil constitutionnel devait s’interroger sur la conformité des droits et libertés issus de la Constitution et des articles L.622-1 et L.622-4 du CESEDA.
Les articles L.622-1 et L.622-4 du CESEDA en cause
En application de ces deux articles, le CESEDA prévoyait une sanction pénale pour le fait d’aider directement ou indirectement un étranger à entrer, circuler ou séjourner irrégulièrement en France. Ce délit était puni de 5 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
L’article L.622-4 dudit code prévoyait plusieurs exceptions à ce principe. Cet article prévoyait notamment l’immunité pénale à toute personne physique ou morale ayant apporté une telle aide à un étranger lorsque cet acte n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toue autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci.
Conciliation des droits et libertés
Le Conseil constitutionnel a du examiner si les dispositions citées ne méconnaissaient pas le principe de fraternité. En effet, les exceptions de l’article L.622-4 du CESEDA ne s’appliquent qu’à l’entrée ou la circulation d’un étranger en situation irrégulière sur le territoire français. Il ne prévoit aucune disposition relative à l’aide au séjour irrégulier pour tout acte purement humanitaire, n’ayant pas donné lieu à un contrepartie directe ou indirecte.
Solution des Sages
Pour la première fois, le Conseil constitutionnel a jugé que la fraternité est un principe à valeur constitutionnelle. Pour ce faire, il rappelle la devise républicaine « Liberté, Egalité, Fraternité ». Les Sages précisent également que la Constitution se réfère également à terme « fraternité ».
La fraternité, entendue comme un principe à valeur constitutionnelle, découle de la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire. Cette aide doit être entendue sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national. En outre, l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière est fondé sur la sauvegarde de l’ordre public, objectif à valeur constitutionnelle. Les Sages doivent donc concilier le principe de fraternité et la sauvegarde de l’ordre public.
Par conséquent, le Conseil constitutionnel a censuré une partie de l’article L.622-4 du CESEDA. Les termes « séjour irrégulier » sont considérés comme une forme de répression de l’aide aux personnes en situation irrégulière. Les Sages précisent que cette décision ne permet pas une extension ou une incitation à l’aide à l’entrée irrégulière.
Les Sages émettent également une réserve d’interprétation dans cette décision. Ils précisent que l’article L.622-4 du CESEDA instaure effectivement une immunité pénale pour les individus aidant au séjour irrégulier. Cependant, cette immunité n’est valable que si l’aide apportée entre dans un but humanitaire.
Le délit de solidarité, abrogé ?
La réponse est non. La décision du Conseil constitutionnel a étendu au délit d’aide à la circulation irrégulière des étrangers les exemptions concernant l’aide au séjour. Cependant, les Sages ont interdit que ces exemptions jouent pour l’aide, même humanitaire, à l’entrée irrégulière.
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