Festival « Etonnants Voyageurs » : pour un principe d’hospitalité

Etonnants voyageurs 2018

« L’appel de Saint-Malo » par les écrivains, réalisateurs et artistes présents au festival de 2018 des « Etonnants voyageurs »

« L’urgence de construire un principe d’hospitalité opposable aux États »

« Face au désastre humanitaire qui accompagne des migrations d’une ampleur sans précédent, les surenchères répressives qui tiennent lieu de politique des migrations sont un déni de réalité. Les écrivains, artistes et réalisateurs réunis à Saint-Malo appellent la Communauté internationale à mettre en place une gouvernance mondiale nourrie de nos traditions multiséculaires et de nos imaginaires. L’urgence est à la construction d’un principe d’hospitalité qui deviendrait opposable aux États.

Le point de départ est le constat d’interdépendance. Comme l’a reconnu l’Assemblée Générale des Nations Unies en 2016 « aucun État ne peut à lui seul « gérer des déplacements massifs de réfugiés et de migrants ». Les conséquences, qu’elles soient « politiques, économiques, sociales, développementales ou humanitaires » atteignent non seulement les personnes concernées et les pays d’origine mais les pays voisins et ceux de transit, ainsi que les pays d’accueil.

Comme pour le climat, l’interdépendance appelle un devoir de solidarité qui mobilise de multiples acteurs bien au-delà du dialogue interétatique. Des scientifiques (les climatologues sont remplacés par démographes et anthropologues) deviennent lanceurs d’alerte et veilleurs. Des collectivités territoriales (États fédérés et grandes villes) s’engagent. Des partenariats s’organisent avec les migrants et les diasporas et plus largement avec la société civile dans sa diversité : ONG et syndicats, citoyens spontanément solidaires malgré les risques de poursuite pénale.

Il reste à mettre en œuvre les responsabilités « communes et différenciées » des États. Communes parce que les objectifs sont les mêmes : des migrations « sûres, ordonnées et régulières ». Différenciées parce qu’elles varient nécessairement d’un pays à l’autre selon des critères à définir : quantitatifs, comme la population, le PIB, le nombre moyen de demandes, ou le taux de chômage ; qualitatifs comme le passé historique ou la situation socio-économique.

La force, et la faiblesse, de ce modèle de gouvernance mondiale est qu’il repose essentiellement sur la bonne volonté des acteurs. Pour être efficace, il doit être pleinement reconnu en termes de légitimité. La célébration des 70 ans de la Déclaration universelle des droits de l’homme, en décembre 2018, est l’occasion de cette reconnaissance. À l’image du développement durable qui a permis de pondérer innovation et conservation, le principe d’hospitalité, régulateur des mobilités humaines, permettrait de pondérer exclusion et intégration et d’équilibrer les droits et devoirs respectifs des habitants humains de la Maison commune.

Les écrivains, réalisateurs et artistes présents au festival

Film & Débat « Democracy » de David Bernet

La LDH St Malo et ATTAC St Malo / Jersey vous invitent à une projection-débat de

« DEMOCRACY, » un documentaire  de David Bernet

Le film sera suivi d’un débat animé par Maryse ARTIGUELONG (LdH) Vice-présidente de la FIDH, co-animatrice de l’Observatoire des libertés et du numérique et un représentant de ATTAC

Les données personnelles sont devenues une source de profit incommensurable. A l’heure où l’Europe et son fonctionnement sont si décriés, le film retrace deux années de lutte politique, semées d’obstacles, pour l’adoption d’une nouvelle législation afin de garantir les libertés et la protection des citoyens européens dans le futur numérique.

Mardi 14 novembre 2017, 20h00

Cinéma Le Vauban 1 (Bd de la Tour d’Auvergne. St Malo.)
Entrée : 5 €

La bande-annonce du film

De l’Etat de droit à l’état de surveillance

Mireille Delmas-Marty « Nous sommes passés de l’état de droit à l’état de surveillance »

L’accumulation de textes sur la sécurité inquiète la juriste Mireille Delmas-Marty. ­ Elle dénonce une quasi-fusion entre le droit d’exception et le droit commun

Propos recueillis par Anne Chemin et Jean-Baptiste Jacquin. (Source : Le Monde 10.11. 2017 https://goo.gl/PxAf1a )

Mireille Delmas-Marty est juriste, professeure émérite au Collège de France. Elle a notamment publié Aux quatre vents du monde. Petit guide de navigation sur l’océan de la mondialisation (Seuil, 2016). A l’occasion du projet de loi antiterroriste, qui a été adopté à l’Assemblée nationale mercredi 11 octobre, elle analyse, ici, les dérives sécuritaires depuis le 11 septembre 2001.

Quel regard portez-vous sur les lois ­antiterroristes adoptées en France ­ces dernières années?

Quand on compare le débat sur la loi Sécurité et liberté présentée par Alain Peyrefitte, au ­début des années 1980, à ce qui s’est passé ­depuis une quinzaine d’années, on a l’impression d’avoir changé d’univers : à partir des ­années 1970, la montée en puissance des droits de l’homme semblait irréversible et l’Etat de droit un dogme inébranlable. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, un repli ­sécuritaire et souverainiste semble avoir levé un tabou : il légitime jusqu’à la torture aux Etats-Unis et déclenche un peu partout une spirale répressive qui semble accompagner une dérive sans fin de l’Etat de droit.

Peut-on reconstituer la généalogie de ce changement de monde?

L’Etat de droit a commencé sa dérive avec le Patriot Act, qui a été adopté aux Etats-Unis après les attentats du 11 septembre 2001. L’exemple américain a encouragé d’autres pays démocratiques, y compris en Europe, à faire de même : en ce début du XXIe siècle, des pays comme l’Allemagne ou la France ont abandonné peu à peu des garanties qui paraissaient pourtant définitivement acquises. En Allemagne, la Cour de Karlsruhe a ainsi ­accepté en 2004 la réactivation d’une loi nazie de 1933 sur les internements de sûreté qui n’avait pas été abrogée mais qui était longtemps restée inactive.

En France, une loi de 2008 a introduit une ­rétention de sûreté conçue sur le modèle allemand de 1933. La dérive s’est ensuite accélérée après les attentats de Paris commis en 2015. Il était légitime de proclamer l’état d’urgence mais les prolongations qui ont suivi ne s’imposaient pas. D’autant que, simultanément, la France a adopté plusieurs lois sur la sécurité, dont la loi sur le renseignement de juillet 2015 qui légalise des pratiques restées en marge de la légalité. Cette accumulation n’a pas de précédent dans l’histoire du droit pénal français.

Décèle-t-on, dans les années qui ­précèdent, les germes de ce mouvement de dérive de l’Etat de droit?

En France, ce mouvement est tangible dès la loi sur la rétention de sûreté de 2008, qui ne ­concerne pas le terrorisme mais la criminalité à caractère sexuel. C’est à cette époque que l’on voit naître l’idée d’une dangerosité détachée de toute culpabilité. En vertu de ce texte, un simple avis de dangerosité émis par une commission interdisciplinaire suffit pour que le juge pénal ordonne la rétention d’une personne ayant déjà exécuté sa peine, et ce pour une ­période d’un an renouvelable indéfiniment.

Depuis 2007, les discours politiques sur la ­récidive suggéraient de transposer le principe de précaution, jusqu’alors réservé aux produits dangereux. Cette démarche repose sur une vision anthropologique nouvelle. Auparavant, la justice s’inspirait de la philosophie des Lumières, qui est fondée sur le libre arbitre et la responsabilité. Avec le principe de précaution, on entre dans une philosophie déterministe : la personne étiquetée dangereuse est comme prédéterminée à commettre le crime. C’est une forme de déshumanisation qui me semble très dangereuse.

Cette loi de 2008 a-t-elle inspiré les lois ­antiterroristes?

La notion de dangerosité est en effet très présente dans les textes de ces dernières années. En matière de terrorisme, la police administrative ne connaît qu’une seule limite : une formule standard qui prévoit que l’autorité administrative peut agir si elle a des « raisons sérieuses de penser » qu’une personne constitue une menace pour l’ordre public. Cette formule magique est beaucoup trop vague : ­répétée de loi en loi, elle dispense de démontrer en quoi le comportement de l’intéressé constitue une menace.

Pourtant, c’est précisément la notion de ­limite qui caractérise l’Etat de droit dans une démocratie. La justice pénale est ainsi limitée par le principe de la légalité des délits et des peines et par la présomption d’innocence, qui impose de prouver la culpabilité avant de prononcer une peine. Avec la notion de dangerosité, on entre dans une logique d’anticipation qui, par définition, n’a pas de limites. Comment savoir où commence et où se termine la dangerosité? Comment une personne peut-elle démontrer qu’elle ne passera jamais à l’acte? Il ne peut pas y avoir de « présomption d’innocuité » car nous sommes tous potentiellement dangereux : nous sommes donc tous des suspects en puissance.

Diriez-vous que les lois antiterroristes ­menacent fortement l’Etat de droit?

C’est tout l’ensemble qu’il faut considérer pour mesurer à quel point les garanties se sont affaiblies : en quelques années, nous sommes passés de l’Etat de droit à un Etat de surveillance, voire à une surveillance sans Etat au niveau ­international. Il faut nuancer, bien sûr : après 2015, la France n’a pas instauré la torture, ni ­remis en cause l’indépendance de la justice – nous ne sommes ni en Turquie ni en Pologne.

L’Etat de droit, au confluent de la séparation des pouvoirs et du respect des droits de l’homme, est d’ailleurs un horizon que l’on n’atteint jamais complètement, comme la ­démocratie. Mais cette avalanche sécuritaire nous en éloigne et l’on peut craindre que le mouvement continue. Le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, a précisé que le projet en discussion « est loin d’épuiser le sujet .

Alors que la loi sur le renseignement de 2015 restreint déjà fortement le droit au respect de la vie privée, certains de ses dispositifs réservent encore des surprises, notamment les ­fameux algorithmes de détection des profils suspects, qui n’ont pas encore été expérimentés en France. Avec ces algorithmes, la surveillance ciblée sur les individus risque de basculer vers une surveillance de masse. Le tri des suspects potentiels pourrait se faire par une sorte de « pêche au chalut » à partir d’une masse de données indifférenciées, les big data, que des logiciels automatiques auraient la possibilité d’interpréter.

Plus largement, les lois antiterroristes instituent une confusion générale des pouvoirs alors que l’Etat de droit repose, au contraire, sur la séparation des pouvoirs. En matière de terrorisme, la police administrative, qui est traditionnellement préventive, devient ­répressive : le ministre de l’intérieur ou le préfet peuvent ainsi imposer des assignations à résidence qui ressemblent à une peine, le suivi sociojudiciaire. A l’inverse, la justice ­pénale, qui est traditionnellement répressive, devient préventive, puis prédictive, voire divinatoire : en invoquant la notion de dangerosité, on remonte à des intentions qui n’ont aucun commencement d’exécution.

Les lois antiterroristes du gouvernement font entrer certaines des dispositions de l’état d’urgence dans le droit commun. Craignez-vous un phénomène de ­contamination?

On est au-delà de la contamination, il y a presque fusion entre le droit d’exception et le droit commun : on ne voit plus très bien ce qui les distingue! Le rapporteur de l’Assemblée nationale a d’ailleurs expliqué que les nouveaux pouvoirs de l’autorité administrative étaient « inspirés » par l’état d’urgence. Et le projet durcit le droit commun en étendant les ­contrôles de police dits « aux frontières » par un amalgame douteux entre terrorisme et migrations irrégulières.

Comment caractériseriez-vous la période que nous vivons?

Je parlerais à la fois de confusion et de fusion. Confusion entre terroristes et étrangers, ­entre mesures administratives et mesures pénales, entre droit commun et droit d’exception. Mais aussi fusion entre paix et guerre. George W. Bush, après les attentats du 11 septembre, a proclamé l’ « état de guerre », mais il n’y avait pas d’autre moyen, aux Etats-Unis, pour transférer des pouvoirs à l’exécutif : la Constitution américaine ne prévoit pas d’état d’exception.

En 2015, la France était en revanche dans une autre situation : il n’était pas nécessaire de ­déclarer la guerre pour appliquer la loi de 1955 sur l’état d’urgence, et pourtant, les discours officiels ont usé et abusé de l’expression « guerre contre le terrorisme », et pas seulement comme un argument rhétorique ou une simple métaphore. La France a mené des opérations militaires dans plusieurs pays étrangers et elle y a ajouté des opérations de police, puis des « attentats ciblés » et autres « exécutions extrajudiciaires » qui marquent une nouvelle confusion des rôles : le chef d’Etat déclare la culpabilité, prononce la peine et la fait exécuter.

Comment résister à cet affaiblissement de l’Etat de droit?

Ce qui m’inquiète le plus, c’est la résignation apparente d’une grande partie de la société qui s’est habituée aux dérives de l’Etat de droit. La France semble atteinte d’une espèce d’anesthésie générale, un assujettissement consenti. Suivra-t- elle la voie américaine du repli souverainiste qui conduit au populisme? Je crains en tout cas de voir un jour l’avènement de ce que Tocqueville [1805-1859] appelait le « despotisme doux » : il fixe, écrivait-il, « les humains dans l’enfance et réduit chaque nation à n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux dont le gouvernement est le berger . Il est vrai que les dernières élections ont prouvé que l’espérance pouvait aussi changer la donne, y compris sur le destin de l’Europe. Ma réponse à votre question est peut-être de garder l’esprit critique et de refuser d’être gouvernés par la peur. Puisque le Parlement est décidé à voter le texte, prenons ses promesses au sérieux et interprétons les ambiguïtés de la nouvelle loi comme un tremplin pour résister aux dérives sécuritaires

Et si c’était le bon moment pour rejoindre la ligue des droits de l’Homme ?

Vous y avez pensé ? Face aux injustices, aux discriminations, aux atteintes aux droits, vous voulez agir ? Vous faire entendre ?

La Ligue des droits de l’Homme vous en dit un peu plus sur elle, ses combats et ses adhérent-e-s.

Avec l’aide de STORYCIRCUS, nous vous proposons d’apprendre à nous connaitre à travers cette vidéo qui retrace l’histoire de notre association plus que centenaire, au gré des évolutions et des révolutions de notre société.

Découvrez nos combats quotidiens, les initiatives en faveur des libertés et des droits fondamentaux, que nous portons avec l’aide de nos 10 000 adhérent-e-s, et notre actualité.

Pour défendre les droits et les libertés partout et pour toutes et tous, nous avons toujours besoin de votre aide !

Je veux adhérer

Communiqué : le combat d’Anne Bert pour le droit à mourir sereinement

Anne Bert, écrivaine, est décédée le 2 Octobre 2017 en Belgique, apaisée et entourée des siens comme elle l’avait souhaité.

Souffrant de la maladie de Charcot, elle avait largement médiatisé son combat pour que chacun sache que la loi française sur les conditions de la fin de vie conduit chaque année au suicide solitaire et violent des centaines de malades désespérés qui ne souhaitent pas impliquer leurs proches dans cette démarche car ils seraient passibles d’une condamnation pour non assistance à personne en danger.

Certains, mieux informés, peuvent bénéficier de la loi belge qui dépénalise l’aide à mourir, ou s’exilent en Suisse, moyennant finances, pour bénéficier d’une mort douce, et dans les deux cas, en présence de leurs proches.

Le livre d’Anne Bert sortira le 3 Octobre en librairie. Nul doute qu’il nous éclairera sur les profondes convictions et motivations qui l’ont amenée à choisir le moment et la manière de quitter une vie qui la condamnait à brève échéance à une complète dépendance.

Le groupe santé de la Ligue des Droits de l’Homme de Saint-Malo exprime sa profonde sympathie à tous ses proches et souhaite que cette démarche courageuse fasse avancer nos droits à mourir sereinement.

 

Soirée débat « La démocratie au XXie siècle »

Ligue des droits de l’Homme Section de Saint-Malo vous invite à la réunion débat :

La démocratie au XXIème siècle. Vers un nouveau contrat social ?

…EN DÉBATTRE avec
Alain COURBOULÈS, professeur de philosophie
Daniel GADBIN,  professeur émérite de droit public – Université Rennes 1

JEUDI 8 JUIN 2017 – 18h00
Grande Passerelle – 4ème lieu.

Entrée libre et gratuite.

Dans la limite des places disponibles.
Informations : 06 72 51 07 39

Flyer