Le processus est pourtant quasi-bouclé. Les trois acteurs de la vente, la Communauté d’agglomération de Mantes-En-Yvelines (Camy), la ville et l’Asscociation des musulmans de Mantes-sud (AMMS), sont convoqués chez le notaire ce jeudi pour signer la vente définitive. Joint par Libération, Cyril Nauth a prévenu qu’il sécherait ce rendez-vous. Au risque de voir l’affaire portée devant les tribunaux administratif et de grande instance, comme l’envisage l’AMMS. «Confiant», l’élu, mis en contact par le FN avec un avocat, dit «avoir trouvé une solution» pour échapper aux dommages et intérêts et à une éventuelle demande d’exécution forcée. Mais joue le mystère : «Je n’ai pas envie de trop en dire pour l’instant.» Pour Saïd Benmouffok, conseiller municipal (PS), le maire n’a «pas de réponse juridique. Il veut faire un geste politique, quitte à en payer le prix».

«Pas un centime à la ville»

C’est que Nauth est convaincu de devoir son élection – face à une gauche déchirée – à son opposition à la «salle de prière-mosquée». Pendant la campagne, le frontiste accusait l’ex-maire, Monique Brochot, d’«électoralisme communautariste» : «Elle a voulu manipuler les musulmans en leur proposant des mosquées en échange d’un vote à l’élection, ça a échoué.»

Le projet remonte pourtant à 2008, au début du mandat de Monique Brochot. La socialiste commence alors à travailler avec la communauté musulmane qui demande depuis vingt ans un lieu pour exercer son culte. Depuis 2002, un bâtiment lui est prêté puis loué mais le pavillon de 70m2, trop exigu, n’est pas conforme aux normes de sécurité et d’hygiène. En 2011, ils s’accordent sur un lieu, l’ancienne trésorerie municipale, proche du quartier des Merisiers, qui peut accueillir jusqu’à 690 personnes et que l’AMMS souhaite acheter.

Le bien appartient à la Camy mais l’intercommunalité préfère passer par l’intermédiaire de la municipalité qui détient la compétence «culte». Une opération immobilière classique : il est convenu de vendre la salle à la ville, qui la revend illico à l’association. «C’est une opération blanche pour la ville, qui ne lui coûte pas un centime, ni TVA ni frais de transaction», souligne Abdelaziz El Jaouhari, président de l’AMMS.

«Les adhérents FN n’ont pas de permanence»

Des délibérations sont votées à l’automne 2013 en conseil municipal et au sein de la communauté d’agglomération débouchant sur la promesse de vente, signée en décembre. L’association obtient aussi le permis de construire et le feu vert de la commission départementale de sécurité. Et réunit, via des dons et des prêts aux fidèles, les 650 000 euros qu’elle dépose chez le notaire début mai. Ne manquait qu’une ultime signature. Entre-temps, la commune de 20 000 habitants est passée à l’extrême droite.

Nauth n’en démord pas : le projet de vente masquait la construction d’une mosquée. Il en veut pour preuve le visuel mis en ligne sur le site de l’AMMS, représentant l’actuelle trésorerie surmontée d’une mini-coupole et d’un minaret. Il critique aussi l’emplacement choisi, le «manque de concertation» et maintient que «des mosquées existent déjà dans le Mantois» : «Les adhérents FN aussi sont nombreux et on n’a pas de permanence !»

«Mais nous payons nos impôts ici !», proteste Abdelaziz El Jaouhari, qui rappelle que les autres religions disposent de lieux de culte. Quant à un minaret, il assure que le projet, «loin d’être ostentatoire», n’en comporte pas : «Que le maire consulte le permis de construire, il n’en est pas question.» Depuis leur entretien mi-avril, le président de l’AMMS n’a pas de nouvelles de l’élu FN.

Cyril Nauth contre-attaque en évoquant les querelles entre El Fethe, la première association qui a piloté le projet et l’AMMS, créée en octobre 2013. Dénonçant une «manipulation politique», il accuse El Jaouhari soit de rouler pour le PS soit d’être proche de Pierre Bédier, président du conseil général (UMP) des Yvelines. Peu importe : «De toute façon c’est l’UMPS.» «Il n’est même pas mantevillois», balance encore Nauth… qui réside toujours à Mantes-la-Jolie. «Tout ça c’est pour se défiler et esquiver les vraies questions : les musulmans n’ont-ils pas droit à un lieu de culte ? La ville est-elle engagée par des actes de vente qu’elle doit honorée ?», réplique El Jaouhari. Son association compte manifester devant la mairie vendredi pour être reçue par Cyril Nauth.

Laure EQUY