LA CITADELLE ASSIEGEE, LA CRECHE, WAUQUIEZ, NESMES ET LES AUTRES…(17/12/2017)

LA CITADELLE ASSIEGEE, LA CRECHE, L.WAUQUIEZ, J.M. NESMES, D. REY  ET LES AUTRES….Des crèches des maries de Lyon, Paray et Roanne au projet de grand spectacle du château de Saint Vidal en Haute-Loire, se discerne le militantisme hyperactif d’élus identitaires cathos ou « ultra-cathos ». Pendant la période de Noël, les plus radicaux d’entre eux s’offrent des coups de communication gratuits en instrumentalisant les crèches de Noël et en narguant la justice en violation flagrante de la loi de 1905, contre le vivre-ensemble, contre l’égale liberté de culte et de conscience des citoyens, contre la séparation des Eglises et de l’Etat. On peut le constater au Conseil Régional d’Auvergne-Rhône-Alpes qui expose une collection de santons et de crèches, à la mairie de Paray où un médaillon catholique représentant une crèche a été mis en vitrine à côté d’un sapin et sur la place de l’hôtel de ville de Roanne qui expose une crèche …payée par les contribuables. Cet activisme catholique se manifeste aussi à travers certains projets de grands spectacles genre Puy du Fou, tel celui du château de Saint Vidal, en Haute-Loire: Dans ce lieu, un propriétaire ultra catho, Vianney d’Alençon, fabriquant de médailles pieuses soutenu par Laurent Wauquiez, obtient 1,2 millions d’euros de fonds publics de l’agglomération du Puy, du département et de la région pour financer un projet privé de reconstitution historique sans aucune garantie…une histoire sélectionnée en fonction de critères très idéologiques: les croisades et les guerres de religion à l’avantage de la  Ligue (les ultras- catholiques de l’époque) contre les protestants, contre Henri IV, le pacificateur de la France, c’est, avec la bénédiction de Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon…et habitué de Paray-le-Monial, l’instrumentalisation de la peur et l’apologie des guerres de religion. Selon le propriétaire, l’idée est « le retour aux racines », « la « redécouverte de l’histoire…il faut raconter intelligemment l’épopée de ces châteaux immuables ».(Valeurs Actuelles, 6/8/2017; la Montagne, 13/2/2017, le Monde, 13/12/2017)).

Tous ces faits sont à mettre en relation avec la recomposition en cours de la droite et de l’extrême-droite au profit des identitaires catholiques. Inexistants dans la sphère politique il y a quarante ans, ils ont connu une ascension fulgurante et très discrète mais restent inconnus du grand public. Qui sont-ils au juste? Deux ouvrages publiés par les historiens des religions , « Métamorphoses catholiques » de Philippe Portier et Céline Béraud (2015) et « Catholicisme et identité » de Bruno Dumons et Frédéric Gugelot en 2017 permettent de discerner trois caractéristiques essentielles:

1- D’abord leurs objectifs : sous l’impulsion de Jean-Paul II, les catholiques d’identité visent à réaliser, dans une Europe considérée comme une citadelle assiégée par l’islam, le rêve de Compostelle, c’est-à-dire une Europe chrétienne. Dans ce but, une contre-réforme se met en place, articulée autour de 3 pôles : une « nouvelle évangélisation » qui vise à rétablir une observance stricte des pratiques anciennes (l’assistance à la messe, la confession, la communion…) et nouvelles (louanges, chants, musique, guérisons, miracles) largement inspirées du pentecôtisme américain. Il s’agit de relancer un processus de sainteté et de vocation qui fourniront les nouveaux héros et les nouveaux saints de cette reconquête. Le second est une visibilité dans l’espace public ; ainsi la mission de l’Avent à Paris en 2014 a-t-elle compté plus de 500 manifestations publiques, des processions qui avaient disparu, celle de la Fête-Dieu, du Chemin de croix, mais aussi des pèlerinages remis en vigueur. Cette visibilité s’affirme aussi dans les écoles, écoles privées catholiques anciennes ou nouvelles, hors contrat avec de nouveaux statuts en 2013 qui donnent la priorité à la recatholicisation et à l’évangélisation.

2-Contrairement aux catholiques d’ouverture qui prennent en compte de manière positive les changements de la société en s’impliquant dans sa construction, les identitaires s’opposent fermement à la modernité libérale. Dans cette confrontation à la fois culturelle et politique, la gestion des corps de la conception à la mort occupe une place centrale. Traditionnellement dépendant de la nature et du magistère de l’Eglise, la naissance, le mariage et la mort leur échappent désormais, grâce aux progrès de la biologie et aux nouvelles lois de la seconde moitié du XXème siècle. En passant, selon Denis Pelletier, du registre du salut et de la nature à celui de la santé, de l’intime et du contrat, le corps est devenu un enjeu capital de l’émancipation collective et plus particulièrement de celle des femmes, qui… signe la perte d’emprise de l’Eglise , voire, selon Danièle Hervieu-léger, une forme « d’exculturation » . En réaction à cette révolution familiale de type libérale qui fait prévaloir l’autonomie des individus et des familles, les principes de liberté et d’égalité, les catholiques d’identité diabolisent, au nom de ce qu’ils considèrent comme une culture de mort, ou une contre-nature, les lois votées successivement en faveur du planning familial, de la contraception, de l’autorité parentale, de l’IVG, du PACS, de la mort assistée médicalement, du Mariage pour tous, de l’égalité réelle et de la parité en les associant à l’immoralité, à la déconstruction et à la décadence d’une société qu’ils n’hésitent pas à représenter par le Titanic ou la figure de l’homosexuel. Pour diffuser cette idéologie très contestatrice de ces lois sociétales, ils multiplient les associations militantes du type Veilleurs, Antigones, Vigiles debout, Sentinelles, qui utilisent l’approche culturelle dans l’espace public ou sur les réseaux sociaux, pour protester contre la PMA, la GPA, la garde alternée, les progrès de la bioéthique, le téléthon, la loi de 1905, la loi Taubira etc… Très exigeante pour ses militants, cette contre-réforme suscite une forme de virtuosité d’un engagement familial polyvalent, à base de division sexuelle et qui a pour but de rapporter le plus de voix et de pouvoir de décision au mouvement dans le circuit des partis politiques et des associations en particulier familiales et de parents d’élèves. (Sophie Retif).

3-A Paray-le-Monial s’élabore, on l’a compris, un modèle de société qui n’est pas seulement d’essence religieuse mais politique. Depuis 2009, on assiste en effet au déplacement d’une identité catholique de type confessionnelle à la France tout entière, l’idée s’impose que « le vrai peuple, ce sont les catholiques car les racines de la France sont chrétiennes »(Du Cleuziou) ; en 2012, une nouvelle étape est franchie avec la montée en puissance des engagements politiques anti-libéraux à travers un « cadrage populiste » qui considère selon Thomas Jefferson- cité par Marie Balas, que « quand l’injustice devient loi (comprendre « la culture de mort »), la rébellion devient devoir » . Tandis que Sens Commun est créé en 2013, que Marion Maréchal Le Pen est invitée par les Veilleurs de Versailles et au colloque de Dominique Rey à la Sainte Baume en 2015, la Manif Pour Tous se transforme en parti politique la même année. Aux élections présidentielles de 2017, les Primaires de la Droite présentent Jean-Frédéric Poisson et François Fillon qui investissent une partie de leurs idées, tandis qu’Hervé Mariton est écarté en dernière minute. Aujourd’hui , en proposant une plate-forme commune avec le courant identitaire du FN, Sens commun participe à l’extrême-droitisation de LR…tandis que Laurent Wauquier qui avait été adoubé par la Manif Pour Tous aux élections régionales de 2016 est élu président de LR le 10 décembre 2017. On mesure le chemin fait depuis 40 ans.
Sur le plan de l’action politique, considérant que le désordre voire le chaos sont établis par la loi quand elle soutient une « culture de mort » ou lorsqu’elle va à l’encontre de la nature, les catholiques d’identité combattent donc la société libérale et sa logique libertaire en passant aux actes. Comme on le constate dans le fonctionnement du CR d’Auvergne Rhône Alpes, ils transgressent la loi de 1905 (crèche dans le hall du Conseil Régional), augmentent les subventions aux écoles privées catholiques sous contrat ou hors contrat (260 000 euros à Espérance Banlieues) en visant à une prétendue égalité avec le public, ils diminuent d’un tiers celles du planning familial, ils modulent celles destinées aux associations en fonction de leur orientation politique et contreviennent aux règles élémentaires de la démocratie dans le fonctionnement de l’assemblée régionale (pas d’informations à l’opposition) et en intégrant des journalistes d’influence dans l’équipe de direction (Le Progrès). L’expérimentation d’une politique identitaire catholique dans la région Auvergne Rhône-Alpes met en relief, pour l’instant, 3 priorités : la mise en place d’un état qui veut s’afficher catholique et peu respectueux de la démocratie ; l’affaiblissement de l’école publique et le contrôle de la presse.

https://www.valeursactuelles.com/…/lincroyable-pari-de-vian…

http://www.lemonde.fr/…/e65fa01259311da7e5222da0257f8ce4_52…

http://www.lejsl.com/…/comme-l-an-dernier-le-maire-de-paray…