Enfants avant migrants

CP commun : À Paris, les mineurs isolés étrangers primo-arrivants ne sont pas pris en charge

L’intérêt supérieur de l’enfant et la sauvegarde de ses droits sont des principes largement reconnus en droit français et par de nombreux traités internationaux signés par la France. Un système de prise en charge et de mise à l’abri des mineurs isolés étrangers a été mis en place par l’État français.

Il en résulte des obligations de mise à l’abri incombant à différents services de l’État dont les commissariats de police. Ces obligations ont notamment été définies dans une note d’information interne qui doit être affichée dans les commissariats de police parisiens.

Aux termes de cette note, « tout mineur isolé venant d’arriver sur le territoire parisien doit être pris en charge par les forces de police pour être transféré – sur la base du principe déclaratif de son âge – dans un foyer de l’Aide Sociale à l’Enfance, pour être mis à l’abri avant d’entrer en processus d’évaluation ».

Pourtant, et malgré de multiples alertes adressées par les associations parisiennes aux institutions compétentes sur la situation des mineurs isolés étrangers, ce devoir de prise en charge n’est pas respecté par les commissariats parisiens et ce, depuis de trop nombreuses années.

Des principes juridiques essentiels tels que la présomption de minorité et les principes de protection de l’enfance sont constamment bafoués dans les commissariats parisiens. Il en résulte des situations intenables pour ces mineurs qui se retrouvent à la rue la nuit et en situation de grande insécurité.

Aujourd’hui, après un an d’observations par nos équipes de bénévoles, il apparaît que cette situation ne s’améliore pas. Elle s’aggrave même en dépit de nos alertes sur ces dysfonctionnements et les atteintes aux droits de ces mineurs.

Nous comptabilisons plus d’une centaine de refus contraires au droit de la part du seul commissariat du 18e arrondissement de Paris ainsi que des services l’ASE. Par ailleurs, de nombreuses déclarations anti-étrangers et autres comportements malveillants ont été relevées de la part des agents de police parisiens, exposant ces mineurs à de sérieux risques pour leur intégrité physique et psychique.

Il nous paraît aujourd’hui indispensable que soit rappelé, aux pouvoirs publics, le principe fondamental trop souvent ignoré selon lequel « l’intérêt supérieur des enfants doit primer ». Les orientations de la politique de maîtrise des flux migratoires doivent tenir compte du fait qu’un « mineur isolé étranger est avant toute chose un mineur, un mineur vulnérable qui, accessoirement, se trouve être de nationalité étrangère ».

Pour cette raison, nous sollicitons le défenseur des droits et alertons une nouvelle fois les autorités publiques face à ces comportements et ces violations répétées des lois internationales et nationales. Le 14/04/2019, le défenseur des droits demandait une inspection des commissariats parisiens du fait de consignes discriminatoires. Nous appelons aujourd’hui le défenseur des droits à constater cette même discrimination face à des enfants.

Logo Utopia 56 Logo LDH Fédération de Paris

 

Enfants avant migrants

Tribune collective : Mineurs isolés étrangers : la Croix-Rouge doit respecter ses propres principes

Monsieur le président,

Nous tenons à vous alerter sur la situation critique des mineurs isolés étrangers à Paris. Nous, associations et bénévoles présents sur le terrain, sommes les témoins quotidiens de situations intolérables tant sur les plans humain, médical et juridique. Nous constatons chaque jour des conditions d’accueil et d’évaluation contrevenant à la réglementation française, aux recommandations du Défenseur des droits et aux principes internationaux régissant les droits de l’enfant. Ces observations concernent le dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers (Demie), dont la gestion a été confiée à la Croix-Rouge française par la mairie de Paris. Les dysfonctionnements de ce service sont la source de souffrances qui s’ajoutent aux parcours chaotiques de ces jeunes en demande de protection.

Humanité, impartialité, indépendance et neutralité, ces principes fondent l’action de la Croix-Rouge. Pourtant, à Paris, nous constatons un écart considérable entre ces principes et la pratique de vos services en matière d’accueil des mineurs isolés.

Vous avez dit «humanité» ?

Ce principe, qui vise à alléger les souffrances, est certainement le plus important d’entre tous. Mais où est l’humanité quand des mineurs passés par le Demie se retrouvent sans aucune aide ? Les mineurs isolés doivent bénéficier du même traitement que les autres mineurs en situation de danger et en particulier d’un hébergement, d’un accès à la santé et à la scolarisation. En pratique, nous constatons qu’entre la date de son évaluation par le Demie et la date de la décision de placement du juge des enfants, un mineur isolé peut passer entre deux et dix-huit mois à la rue. Pour ces adolescents, ces mois perdus ont des conséquences catastrophiques (traumatismes, retard de scolarisation, perte de chance de régularisation, etc.).

En 2017, l’antenne des mineurs du barreau de Paris a recensé 509 cas de jeunes qui se sont adressés au Demie et qui n’ont pu accéder à la procédure d’évaluation ni obtenir de mise à l’abri. De son côté, sur la même période, la permanence interassociative de l’Adjie (Accompagnement et Défense des jeunes isolés étrangers) a également comptabilisé 221 cas de refus d’accès. Ces adolescents, vous le savez, ne peuvent accéder au dispositif d’hébergement d’urgence réservé aux adultes. Seuls des collectifs de bénévoles et des particuliers leur viennent parfois en aide. A titre d’exemple, l’association Paris d’Exil a fourni, en deux ans, 21 600 nuitées dans son réseau d’hébergeurs solidaires, pour des jeunes qui, pour près de la moitié d’entre eux, seront, quelques mois plus tard, reconnus mineurs et protégés par le juge des enfants. L’association Médecins sans frontières a quant à elle mis à l’abri plus de 800 jeunes dans les six premiers mois de 2018. Alors qu’en France et partout dans le monde, votre institution soutient des personnes vulnérables, comment la Croix-Rouge française peut-elle participer à un dispositif qui laisse tant de jeunes à la rue sans protection ?

Vous avez dit «impartialité» ?

Vos services se contentent souvent d’une gestion routinière des flux et des arrivées en dénaturant entièrement les textes sur la protection de l’enfance. De nombreux jeunes que nous suivons témoignent ainsi de pratiques arbitraires du Demie : refus d’évaluation purs et simples, entretiens sommaires, questions déstabilisantes, remise en cause de la validité des documents présentés, absence d’interprètes, etc.

Avec des entretiens de moins de trente minutes, menés par un seul évaluateur dont l’avis repose essentiellement sur l’apparence physique du jeune, est-il possible de soutenir sérieusement que les évaluations réalisées par le Demie sont «empreintes de neutralité et de bienveillance» comme l’exige la réglementation ? Par ailleurs, si la décision finale revient aux services du département, vous ne pouvez ignorer que les rapports d’évaluation du Demie débouchent le plus souvent sur des refus impersonnels et stéréotypés.

Vous avez dit «indépendance et neutralité» ?

En acceptant une délégation de service public pour réaliser des évaluations, votre institution est devenue un prestataire de la collectivité parisienne, sans questionner le bien-fondé de sa politique en matière d’accueil des mineurs isolés et les conditions d’exercice de cette mission. Manifestement, la collectivité parisienne n’a pas mis à disposition du Demie des moyens suffisants pour proposer à tous les mineurs qui se présentent des conditions d’accueil et d’évaluation conformes à la réglementation, aux recommandations du Défenseur des droits et aux principes internationaux régissant les droits de l’enfant (mise à l’abri systématique, temps de répit avant évaluation, entretiens multiples et approfondis, dépistage des traumatismes, etc.), mais pourtant, vous avez accepté cette mission. Dans ces conditions, peut-on encore véritablement parler d’indépendance et de neutralité de la Croix-Rouge française ?

Vous ne devez plus servir de caution

A partir d’observations menées pendant plusieurs mois début 2018, l’ONG Human Rights Watch est arrivée à la conclusion que «le traitement réservé à de nombreux mineurs non accompagnés à Paris, qui cherchent à obtenir la confirmation de leur statut, est arbitraire, nie leur droit à être entendus équitablement et ne respecte pas l’obligation de donner la priorité à l’intérêt supérieur de l’enfant». Elle considère en particulier que «leur droit à vivre dans la dignité et à bénéficier, en tant qu’enfants, d’une protection et d’une assistance spécifiques, parmi d’autres droits, est fragilisé ou bafoué». Ce constat accablant fait suite à beaucoup d’autres, notamment du Défenseur des droits qui a émis de sévères critiques à l’égard de la politique parisienne relative à l’accueil des mineurs isolés.

Manifestement, l’engagement de la Croix-Rouge française dans le dispositif parisien – à la suite de l’association France terre d’asile, qui avait essuyé les mêmes critiques – n’a pas permis d’améliorer sensiblement la situation ni même de limiter les atteintes les plus graves aux droits de ces enfants. Dans ce contexte, il nous semble urgent que la Croix-Rouge française mette ses pratiques en accord avec ses principes fondamentaux ou, au contraire, qu’elle cesse de cautionner par sa présence ce dispositif inique et qu’elle renonce à y participer.

En espérant que vous saurez nous entendre, et dans l’attente d’une réponse, veuillez agréer, monsieur le président, nos salutations distinguées.
Par un collectif d’associations et d’ONG Admie (Association pour la défense des mineurs isolés étrangers), association Encrages Baam (Bureau d’accueil et d’accompagnement des migrants), collectif les Midis du MIE, CGT Croix-Rouge française, CPMJIE (Collectif parisien pour la protection des jeunes et mineurs isolés étrangers), Fasti (Fédération des associations de solidarité avec les travailleur·euse·s immigré·e·s), Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigré·e·s), LDH 18 (Ligue des droits de l’homme 18), Mrap (Mouvement contre le racisme et l’amitié entre les peuples), Mrap fédération Paris, Médecins sans frontières, Médecins du monde, Paris d’exil, Syndicat national des personnels de l’éducation et du social 75 (SNPES-PJJ/FSU 75), Timmy, Utopia 56, RESF (Réseau éducation sans frontières), Saje (Soutien et accompagnement des jeunes en exil).

Affiche pour le film «Libre»

Ciné-débat autour de « Libre » « De la frontière à Paris, l’accueil des exilés en France »

Au cinéma Louxor (métro Barbès-Rochechouart ligne 4 et 2) à 20h le lundi 19 novembre 2018

Projection du film « Libre » de Michel Toesca suivie d’un débat animé par la LDH Paris 18 avec comme invitées :

— Martine Landry, militante d’Amnesty, récemment arrêtée et jugée à Nice pour ses activités bénévoles d’aide aux exilés

— Alix Geoffroy, coordinatrice de terrain à Paris pour Utopia 56

— Espérance Minart de la Timmy, Team Mineurs Exilés pour l’aide et la mise à l’abri citoyenne des mineurs isolés étrangers présents à Paris.

Cette séance est au tarif habituel des séances du Louxor.