C’est l’histoire d’un village exemplaire, en ces temps de rejet des Roms et de polémiques jusqu’au sommet de l’Etat, sur fond de reconduites à la frontière. Tout commence en 2009, quand une cinquantaine de caravanes débarquent à Indre, une commune de 4 000 habitants située dans la banlieue de Nantes (Loire-Atlantique). «Ils étaient dans un état de misère innommable», raconte un bénévole de l’association Romsi (Rencontre Ouverture Métissage Solidarité à Indre), qui s’occupe quotidiennement de l’intégration des Roms dans la commune. Le maire de la ville, Jean-Luc Le Drenn (divers gauche), décide alors de faire face, de trouver des solutions localement. L’élu est soutenu par son équipe municipale. Il s’occupe de dispatcher les familles dans les communes voisines et d’en prendre cinq chez lui.

Il dispose d’un terrain où il fait installer des bungalows. L’affaire n’est pas simple : des réunions houleuses ont lieu avec les habitants. Un bon tiers de la population est très remonté contre cette installation. «Il fallait un certain courage, explique Gilles Olivier, directeur de cabinet du maire. L’élu est celui qui s’en prend plein la gueule.» Pas question pour autant de verser dans l’angélisme. «C’est du donnant-donnant», précise-t-il. Il dit même que les Roms «ont d’abord et avant tout des devoirs». Et de lister : «Apprendre à parler le français, envoyer les enfants à l’école, saluer la maîtresse, ne pas chaparder, ne pas mendier au marché, etc.» Des règles qu’ils ont dû intégrer et qui leur sont rappelées autant de fois que nécessaire. Actuellement, un autre problème se pose : celui du mariage. Deux adolescentes doivent aller habiter dans leur belle-famille et laisser tomber l’école. «C’est un point d’achoppement. Mais nous ne transigeons pas : elles devront d’abord terminer leur scolarité», affirme Gilles Olivier.

«Copines». Le village de la solidarité est à l’entrée de la commune, juste en face de la mairie. Cet après-midi-là, on peut surtout voir des femmes, sur le pas de leur porte, en train de balayer la cour. Deux hommes reviennent de la pêche, apparemment bredouilles. Le travail, c’est la préoccupation majeure des hommes. Ils sont employés temporaires dans le maraîchage ou la vigne, tandis que les femmes font des ménages et du repassage. «Seul l’emploi leur permettra d’avoir accès à un titre de séjour et, partant, au logement social», explique Gilles Olivier. Car ces bungalows exigus ne seront sans doute pas de taille suffisante lorsque les enfants auront grandi. L’idéal de ces Roms est simple et banal : ils rêvent d’une petite maison avec un jardin.

Le 9 octobre 2013. Indre, banlieue de Nantes.<br /><br />
Village de la solidarité ou sont relogés cinq familles Roms en solution transitoire pour les accompagner dans leur parcours d'intégration.<br /><br />
COMMANDE N° 2013-1158

(Photo Thierry Pasquet. Signatures)

Anniversaire. L’autre volet de l’intégration, c’est le travail de terrain des bénévoles de l’association Romsi qui le réalisent. Ils donnent des cours quotidiens d’alphabétisation, de cuisine et enseignent le b.a.-ba des démarches administratives. «Ils sont rassurés d’être ici, explique Jeanne Gantier, présidente de Romsi. Ils le disent, ils ont vécu tellement d’expulsions auparavant.» Les bénévoles trouvent les Roms d’Indre «bien intégrés». Aux plus jeunes, «il arrive d’être invités pour un anniversaire». Maria, 18 ans, qui fait une formation d’assistante de milieu familial et collectif, confirme : «Avant, les autres élèves me disaient « tu es Roumaine, alors tu voles ». Maintenant non, je suis moins timide, j’ai des copines.»

Les bénévoles remarquent que les Roms ont un rapport au temps différent. «Le temps pour eux, c’est maintenant et demain. Ils sont dans cette précarité : un rendez-vous assez loin, ils l’oublient.» Elles trouvent les femmes «très physiques, très charnelles». Les bénévoles sentent de la reconnaissance. «Quand j’avais des soucis de santé, raconte Claude, ils ont prié [les Roms d’Indre sont évangéliques, ndlr] pour que j’aille mieux.» Il leur arrive de les accompagner dans le tram et d’apercevoir des regards «bienveillants» de la part des autres habitants. «Le récit qu’on fait de notre vie avec les Roms, cela les normalise», affirme Claude. En revanche, lorsque les bénévoles essaient de les éveiller à la citoyenneté, l’indépendance de la femme c’est une autre paire de manche. «Les hommes sont très machos, les femmes sont cantonnées aux tâches ménagères et à l’éducation des enfants.» Mais, doucement, ces Roms d’Indre ont l’impression de faire leur place dans la cité. «On est presque connus ici, dit Florina, 30 ans, et quatre enfants. On emmène nos enfants à l’école tous les matins. Ils ont des copains et ils jouent ensemble.»

Didier ARNAUD envoyé spécial à Indre (Loire-Atlantique)