Davantage que par sa portée pénale, le geste avait choqué par sa dimension symbolique. Le 16 janvier, peu avant 22 heures, Laurent P., un riverain de la place de la République, avait répandu un mélange de savon noir et de javel sur le matelas d’un couple de Roms afin de les inciter à quitter le trottoir situé en-dessous des fenêtres de son appartement. L’enquête n’a pas permis de démontrer la dangerosité du produit déversé, mais les victimes ont affirmé à l’audience le 7 avril que leurs biens laissaient apparaître des traces de corrosion laissant à penser que le liquide projeté par Laurent P. contenait un acide. C’est aussi la version portée par des maraudeurs d’une association d’aide aux Roms qui ont révélé l’affaire.

Ce lundi, l’homme a été relaxé. «En l’état des investigations», il n’est pas établi que le prévenu a jeté «un liquide corrosif», et le tribunal correctionnel de Paris a estimé que l’infraction de violences volontaires sans ITT (incapacité totale de travail) avec préméditation n’est pas constituée, a expliqué la présidente de la 29e chambre. Le parquet avait requis une peine de trois mois de prison avec sursis et 1 500 euros d’amende.

Schizophrénie politique

Quelques semaines avant ce procès, Laurent P. avait raconté son parcours à Libération: il n’avait que 10 ans lorsqu’il participait en 1983 avec ses parents, un couple de militants syndicaux, à sa première manifestation : la Marche des Beurs, qui donna naissance à SOS Racisme. Diplômé de Sciences-Po en 1994, encarté au PS trois ans plus tard, Laurent P. a ensuite passé dix ans dans la fonction publique, dont une période comme chargé de mission au ministère des Finances.

Devant les juges Laurent P., mesurant la forme de schizophrénie politique qui entoure son geste, a expliqué avoir compris qu’il avait «touché un symbole très fort dont je n’ai pas mesuré l’importance, et j’en suis désolé. Vouloir blesser ces personnes aurait été en totale contradiction avec mon éducation. Mais est-ce parce qu’on défend des valeurs humanistes, qu’on est sensible aux questions d’accueil et d’intégration, qu’on doit tout accepter, notamment de tels problèmes d’environnement ?» Allusion à la présence régulière, dit-il, d’excréments et d’urine «au bas de chez lui».

L’ancien militant socialiste est devenu très soucieux de la propreté et de la sécurité de sa rue. Ces deux dernières années, il a appelé quatre fois le commissariat du IIIe arrondissement au sujet des sans-abri ou d’un coursier roulant en sens interdit. Laurent P. n’est pas tranquille : «Il y a trois jours, des personnes m’ont poursuivi en criant « savon, savon! » et en montrant le sol. J’ai appelé la police, mais faute d’interruption temporaire de travail, je n’ai pas pu porter de plainte.»

Fabrice TASSEL