Après cinquante-quatre ans à l’hôtel de ville de Bayonne, la famille Grenet s’apprête à lâcher la rampe. Jean, le fils, 74 ans, ne rempilera pas pour un quatrième mandat lors de l’élection municipale de mars 2014. «Il faut savoir s’arrêter. J’ai eu une vie bien remplie et j’ai horreur du sentiment d’appropriation. C’est normal de céder la place», confie celui qui avait succédé en 1995 à son père Henri, lui-même élu en 1959. Bayonne, c’est le radicalisme municipal à l’œuvre : consensus, tempérance et empathie. Jean Grenet se voit d’ailleurs comme un maire «œcuménique». «Mon père et moi avons toujours eu le soutien de 12% à 15% de voix de gauche», explique l’ancien chirurgien.

Membre du parti radical valoisien, Grenet espère que Jean-René Etchegaray, son premier adjoint, saura reprendre le flambeau, sous la bannière de l’UDI, du Modem et de l’UMP. Avec une inconnue de taille : Bayonne, aux dernières élections nationales, a voté largement à gauche. Jean Grenet pose lui-même les termes du débat : «Le capital de confiance dont je bénéficie est-il transmissible à la liste de Jean-René Etchegaray ?»

Les forces en présence

Les deux principaux candidats se sont efforcés de rassembler dès le premier tour. Jean-René Etchegaray, avocat de 61 ans, a été investi par l’UDI. Sylvie Durruty, d’abord choisie par l’UMP, a finalement décidé de lui apporter son soutien. Un signe fort : l’élection se jouera au centre. A Bayonne, les thèmes chers à une partie de la droite — insécurité, «ras-le-bol fiscal» — portent peu. Sylvie Durruty le reconnaît à sa manière : «De toute façon, quand on connaît la sociologie de la ville…»

A gauche, Henri Etcheto, professeur d’histoire de 42 ans, se présente avec l’onction du PS, du PC et d’Europe-Ecologie les Verts. «Cette année, la gauche est unie et ancrée dans son territoire. C’est une gauche très bayonnaise, peut-être plus que la droite», avance-t-il. Ses adversaires, eux, critiquent son «inexpérience» et son «étiquette». «C’est le candidat d’un appareil», pointe Jean-René Etchegaray. Qui s’amuse de la tendance d’Etcheto à se présenter comme le meilleur successeur de Grenet-le-pater-familias : «Il a bien le droit de trouver qu’il a un bon bilan. Mais ce bilan, c’est un peu le mien !»

Jean Grenet, de son côté, refuse tout excès de confiance. «Ça sera une élection serrée», dit-il. S’il soutient Etchegaray – «un homme compétent et expérimenté» –, il reconnaît quelques qualités à l’opposant socialiste : «C’est un garçon intelligent, honnête et respectable. Le problème, c’est de savoir s’il sera d’abord bayonnais ou socialiste.» Autre inconnue : Etcheto, qui a passé un accord avec les écolos et communistes, aura-t-il les réserves de voix nécessaires au second tour ? Il pourrait en tout cas bénéficier du soutien de la gauche de la gauche, qui présente une liste indépendante «contre l’austérité gouvernementale». Dernière invitée sur la ligne de départ, la liste des abertzale de gauche, qui revendique une plus grande affirmation de l’identité basque.

Le cœur du débat

Oubliez toutes les polémiques sur les Roms ou l’insécurité galopante. La campagne électorale bayonnaise se jouera sur le thème de… l’intercommunalité. Tous les candidats le répètent à l’envi, tel Henri Etcheto : «Les contraintes budgétaires futures vont pousser à davantage de mutualisation.» Le constat est partagé : les cinq villes membres de la communauté d’agglo – Anglet, Bayonne, Biarritz, Bidart et Boucau – ne travaillent pas assez ensemble, tant au niveau des transports que du logement. «Les Bayonnais, surtout les plus jeunes, ont l’impression d’appartenir à un bassin de vie plus large que les simples frontières de la commune», explique Etchegaray. Le candidat UDI se félicite du rapprochement effectué avec ses collègues de centre-droit d’Anglet et de Biarritz, en vue d’un «programme commun».

L’opposant socialiste milite en faveur de «centre-villes plus denses et d’un meilleur maillage des réseaux de transports». Il reprend à son compte certains projets du maire sortant, comme un projet de réseau de bus en site propre ou de tram-train vers la périphérie plus lointaine. Henri Etcheto demande également «la poursuite des efforts sur le logement social». Bayonne est plutôt bon élève dans ce domaine, avec un taux de 27% – la loi impose un minimum de 20%. Martine Mailfert, militante Front de gauche et candidate en 2008, regrette néanmoins une certaine disparité géographique. «La répartition de ces logements sociaux ne permet pas réellement aux personnes à petits salaires, aux chômeurs, d’habiter en centre-ville», juge-t-elle.

Le candidat à surveiller

Jean-Claude Iriart, 50 ans, conduira la liste «Baiona 2014». Composée d’abertzale de gauche, qui revendiquent à des degrés divers l’affirmation de l’identité basque, cette liste intégrera également des «personnalités engagées sur le plan environnemental, syndical, associatif». S’il met l’accent sur l’intercommunalité, Iriart a aussi ses marottes : transition énergétique, démocratie participative et promotion de la langue et de la culture basque.

«Aujourd’hui, 36% des enfants du primaire sont dans des filières bilingues ou immersives. L’offre est inférieure à la demande.» Il souhaite que les pouvoirs publics privilégient, dans leur communication, l’usage des langues régionales. En 2008, cette famille politique avait obtenu plus de 7% des voix. Peut-elle faire mieux en mars prochain ? Iriart y croit : «On n’est pas favoris, mais on peut espérer être qualifiés au second tour. On peut viser 10% des voix, peut-être même plus.»

La fiche technique

Population
46 191 habitants au 1er janvier 2013

Taux de chômage
9,6% dans la zone d’emploi bayonnaise au deuxième trimestre 2013 (Insee)

Résultats au second tour de la présidentielle 2012
François Hollande : 59,26%, Nicolas Sarkozy : 40,74%

Résultats au second tour des législatives 2012
PS : 56,47%, UMP : 43,53%

Sylvain MOUILLARD envoyé spécial à Bayonne (64)