Catégorie : Presse

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Retour au Parlement

Par Denis Sieffert3 juillet 2014

On avait perdu l’habitude d’assister dans l’hémicycle à de vrais affrontements qui ont un sens pour nos concitoyens.

La rue est calme en ces premiers jours de juillet. La seule rumeur qui monte parfois jusqu’à nos oreilles de citadins vient des amateurs de football, « franco-français » ou « franco-algériens » – n’en déplaise à Marine Le Pen, au maire de Nice, Christian Estrosi, et à quelques autres, toujours dominés par les vieux démons. Au plan social, la grève de la SNCF est terminée, celle de la Société nationale Corse Méditerranée est, comme son nom l’indique, trop localisée pour plonger le pays dans la crise, quant aux intermittents, ils ne sont pas assez nombreux pour prendre la Bastille, ni même l’Opéra Bastille… Ce qui n’empêche pas leur combat d’avoir une forte portée symbolique.

Apparemment donc, la lutte de classes est en sommeil, anesthésiée par le sentiment d’impuissance et les opiacés sportifs. Et pourtant, le malaise est là, profond, incurable. Le nombre des chômeurs ne cesse de grimper, et la fameuse croissance, comme le Messie, ne vient jamais. Tant et si bien que, pour le gouvernement, il serait plus sage de cesser d’y croire pour retrouver un peu d’agilité d’esprit. Est-ce donc vraiment qu’il ne se passe rien ? Gare aux effets d’optique ! Car si la rue est calme, l’Assemblée nationale ne l’est pas, et les allées du pouvoir ne le sont pas non plus. On avait perdu l’habitude d’assister dans l’hémicycle à de vrais affrontements qui ont un sens pour nos concitoyens. Il y avait bien, de temps à autre, quelques incidents théâtralisés à l’excès, des claquements de porte pour un mot de trop. Du mauvais vaudeville, quoi. L’événement de ces jours-ci est peut-être là : il se passe quelque chose à l’Assemblée en rapport avec la vie des gens. Même le Sénat n’est pas insensible à cette conjoncture. C’est l’honneur des députés « frondeurs » du PS, des parlementaires Front de gauche et de quelques écolos (pas tous, hélas !) de faire revivre les palais de la République. La bataille parlementaire est rude, même si l’un des acteurs majeurs du débat, le Medef, n’est pas présent ès qualités. Il compte assez de relais dans l’hémicycle, à droite et à gauche, pour peser lourdement sur le contenu des séances, et même sur leurs rythmes.

Il ne se prive pas non plus d’intervenir par presse interposée. Dimanche, à la veille de la reprise du débat parlementaire, Pierre Gattaz et sept de ses acolytes adressaient au président de la République et au Premier ministre un appel aux accents comminatoires  [1]. Le lendemain, il montait encore d’un cran, lançant à François Hollande et à Manuel Valls ce qu’il faut bien appeler un ultimatum : vous répondez « cette semaine à nos questions » ou bien nous boycotterons la conférence sociale des 7 et 8 juillet. Dans la forme, il y a quelque chose de pathétique à voir un président de la République et un Premier ministre traités de la sorte. À avoir tout cédé, notre couple exécutif a fini par rompre un équilibre essentiel qui est la condition même de son pouvoir. Ce n’est plus seulement un gouvernement « de gauche » qui a failli, c’est un État qui a renoncé à sa position arbitrale. Pierre Gattaz l’a compris. Il s’adresse désormais à ses féaux. Il « ne veut pas » entendre parler de cette histoire de pénibilité au travail, en tout cas, pas avant 2016. Il « veut » sur les trois prochaines années « des trajectoires de baisse du coût du travail ». Il « ne veut plus » quoi que ce soit qui renforce les contrôles ou les sanctions sur les entreprises ou sur les entrepreneurs. Il « veut », que dis-je, il exige des « réformes structurelles ». Le patron du Medef recense les « 25 verrous à lever ». On imagine après cela dans quel état serait notre droit du travail. Ce ton en dit long sur le rapport de force qui résulte des multiples renoncements de François Hollande depuis deux ans. C’est peu dire que la position du chef de l’État est inconfortable. En effet, s’il ne résiste guère à la pression du Medef, d’autres résistent pour lui. Car les députés « frondeurs » tiennent parole. Ils mènent une courageuse bataille d’amendements pour transformer le fameux pacte de responsabilité. Tout le contraire de ce qu’exige le Medef !

La sommation patronale a donc aussi un sens politique. L’exécutif est prié de se débarrasser, d’une façon ou d’une autre, de ces gêneurs. Et si l’on en croit les signaux donnés lundi soir  [2], au cours du débat sur le budget rectificatif de la Sécu, le gouvernement ne va pas rester sourd à la menace patronale. Il semblait tout près d’imposer un vote bloqué pour faire taire la dissidence. Il ne faut donc pas s’y tromper, la bataille qui se mène au Parlement et dans les allées du pouvoir est lourde de toutes les violences sociales. Ce n’est rien de moins qu’un nouvel épisode de l’affrontement entre le capital et le travail. Dans la logique patronale, il s’agit de placer le salarié face à un choix infernal : renoncement à ses acquis sociaux ou chômage ? De sorte que, dans tous les cas, il est perdant. C’est l’essence même du credo libéral.

[1] Appel publié dans le JDD du 29 juin.

[2] Voir l’article de Michel Soudais, pages 6 et 7.

Entre affaires et Sarkozy, l’UMP est KO debout

Mediapart.fr

22 mai 2014 | Par Ellen Salvi

 

À trois jours du scrutin européen, l’opposition peine à faire parler d’elle pour autre chose que les affaires. La question du maintien de Copé à la tête du parti est posée. L’UMP tente de minimiser la casse prévisible du vote de dimanche, tandis que Sarkozy profite de la brèche ouverte.

« Grâce à Sarkozy, on parle vraiment de l’Europe. » En une phrase, Brice Hortefeux a résumé sur iTélé la problématique rencontrée par l’UMP depuis une semaine. À trois jours des élections européennes, la tribune de l’ancien chef d’État publiée dans Le Point n’était pas de trop pour espérer reprendre la main sur le débat public. Car dans une campagne déjà très resserrée, et lancée en ordre dispersé, le parti d’opposition fait une nouvelle fois l’actualité sur un sujet que ses principaux responsables ont coutume de mettre sous le tapis : les affaires.

Entre les nouvelles révélations de Libération sur l’affaire Bygmalion, la garde à vue d’Isabelle Balkany dans le cadre de l’enquête pour blanchiment de fraude fiscale qui les vise, elle et son mari, et l’information judiciaire ouverte sur des soupçons de détournement des dotations versées au groupe UMP au Sénat, difficile pour les ténors de la droite et les candidats aux européennes d’éviter de se prononcer sur l’avenir de leur parti. Fin mars, à quelques jours du premier tour des municipales, Nicolas Sarkozy s’était déjà exprimé dans Le Figaro pour répondre aux informations de Mediapart concernant les sept écoutes judiciaires effectuées sur la ligne téléphonique ouverte par ses soins sous une fausse identité.

Dans sa nouvelle tribune, l’ancien président de la République ne fait nulle mention aux affaires, mais se concentre sur l’Europe, répondant ainsi à la demande de plusieurs ténors de l’UMP qui l’appelaient depuis quelques semaines à prendre la parole pour fixer la ligne du parti et faire taire les voix discordantes.

L’ancien président de la République y prône notamment la suspension immédiate des accords de « Schengen I » – qui régissent les flux migratoires dans l’Union européenne – et leur remplacement « par un Schengen II auquel les pays membres ne pourraient adhérer qu’après avoir préalablement adopté une même politique d’immigration ». Sur ce point, le Sarkozy de 2014 ressemble au Sarkozy de 2012 qui avait menacé, en pleine campagne présidentielle, de suspendre la participation de la France aux accords de Schengen. « Les accords de Schengen ne permettent plus de répondre à la gravité de la situation, ils doivent être révisés, avait-il déclaré à Villepinte le 11 mars 2012Si je devais constater que dans les douze mois qui viennent il n’y avait aucun progrès sérieux dans cette direction, alors la France suspendrait sa participation aux accords de Schengen jusqu’à ce que les négociations aient abouti. »

Nicolas Sarkozy à Villepinte, le 11 mars 2012.
Nicolas Sarkozy à Villepinte, le 11 mars 2012. © Reuters

Deux ans plus tard, l’UMP avait retranscrit mot pour mot cette proposition dans la première mouture de son projet pour les européennes, avant de se rappeler qu’elle était désormais dans l’opposition et qu’elle ne pouvait, de fait, suspendre la participation de la France aux accords de Schengen, mais seulement « demander » cette suspension. La phrase a été rectifiée avant que le programme ne soit diffusé.

« Les propositions de Sarkozy pour l’Europe se trouvaient déjà dans notre programme, reconnaît le sénateur des Hauts-de-Seine et vice-président de l’UMP Roger Karoutchi. Nous n’avons pas de personnalité assez forte pour les porter. En ce sens, cette tribune est un vrai coup de pouce pour le parti. » Une façon de souligner l’un des principaux problèmes rencontrés par l’opposition depuis la défaite du 6 mai 2012 : l’absence de leader, les divisions qui l’accompagnent et qui profitent à l’ancien président de la République. De son côté, François Fillon a profité de l’occasion pour se démarquer une nouvelle fois de Nicolas Sarkozy, arguant qu’une « réforme » de l’espace Schengen serait préférable à sa suspension.

Convaincus que la première tribune de l’ex-chef d’État avait déjà joué sur le succès des municipales, les sarkozystes se réjouissent de cette nouvelle prise de parole qui aura, ils l’espèrent, un impact positif sur le scrutin de dimanche. Face à la menace de se voir reléguée à la deuxième place derrière le Front national, l’UMP a multiplié les appels à la mobilisation lors de son meeting national pour les élections européennes, organisé mercredi soir à Paris. Mobiliser les électeurs tentés par le vote frontiste, ceux qui comptent s’abstenir ou encore ceux qui envisagent de plébisciter les listes de l’alternative UDI-MoDem…

Le parti d’opposition se voit contraint de brasser bien plus large qu’aux élections de 2009, où la majorité s’était présentée sur des listes uniques. Le tout dans un contexte qui sent « le moisi », pour reprendre les mots de Bernard Debré. Comme plusieurs autres personnalités de l’opposition – dont bon nombre de soutiens de François Fillon lors de la guerre pour la présidence de l’UMP en novembre 2012 –, le député de Paris a demandé des comptes à Jean-François Copé sur les soupçons de fraudes dont le parti fait l’objet depuis les premières révélations du Point dans l’affaire Bygmalion. Une demande à laquelle se sont joints le président UMP de la commission des finances de l’Assemblée, Gilles Carrez, mais aussi Alain Juppé.

Selon le Canard enchaîné, le maire de Bordeaux serait même allé plus loin la semaine dernière en déclarant devant des syndicalistes UMP : « Jean-François Copé ne sera plus président de l’UMP en septembre. C’est clair pour tous, et sans doute pour lui aussi. Pour le moment, sa chance, c’est que personne ne veut sa place. »

 

« Mise sous tutelle » de Copé

 

 

Le député de Haute-Savoie Lionel Tardy, qui s’était attiré les foudres de Copé en montant au créneau dès le mois de février, a adressé une lettre ouverte au patron de l’opposition pour dénoncer « le silence assourdissant des dirigeants » du parti face à la multiplication des affaires. « Nous ne sommes pas sur un problème de ligne politique, mais de transparence », écrit-il avant de prévenir : « Il est enfin temps pour vous, dès le début juin, d’éclairer les Français, militants et élus UMP, faute de quoi l’UMP, notre parti, notre bien commun, n’y survivra pas. »

Interrogé jeudi matin sur iTélé, François Fillon s’est à son tour exprimé sur le sujet en rappelant qu’il avait « demandé en son temps qu’il y ait un petit comité pluraliste qui contrôle la gestion du parti, comme ça se fait dans n’importe quelle entreprise privée ». « Ça m’a toujours été refusé, a-t-il indiqué. Je pense que si l’on avait mis en place ce comité, on se serait prémunis contre beaucoup des accusations qui sont portées aujourd’hui. » Début avril, à l’issue des municipales, l’ancien premier ministre avait demandé la mise en place d’un comité de surveillance pour superviser la gestion financière de l’UMP. Jean-François Copé lui avait alors opposé une fin de non-recevoir, indiquant qu’il allait mettre tous les comptes sur la table.

Jean-François Copé.
Jean-François Copé. © Reuters

Pour finir, le patron de l’opposition s’était contenté d’exposer aux ténors du parti une synthèse de sa gestion financière de l’UMP, sans toutefois leur présenter de documents comptables. Mais aujourd’hui, les moitiés d’explications et les appels à laisser « la justice faire son travail » ne suffisent plus. « Nous sommes dans une autre séquence que celle des municipales, estime un parlementaire UMP sous couvert d’anonymat. Cette fois-ci, on ne se contentera pas d’un “circulez, il n’y a rien à voir”. Les premières informations du Point étaient moins précises que celles de Libération. Là, on est dans du factuel. Cela prend une dimension politique en interne, qui sera forcément différenciée du traitement judiciaire. »

Jean-François Copé, lui-même, a bien compris que la donne avait changé depuis le mois de février. Alors qu’il dénonçait, il y a encore quelques semaines, « le bûcher médiatique » et « la manipulation » que constituaient, à ses yeux, les révélations du Point « à quelques semaines de scrutins très importants pour notre pays », le député et maire UMP de Meaux fait désormais profil bas. Depuis peu, il répète à l’envi qu’en qualité de président du parti, il n’est pas « au fait de la gestion quotidienne de l’UMP dans sa dimension comptable ». Un argument qui peine à convaincre les membres de sa famille politique tant sa proximité avec la société Bygmalion – qui a empoché 12,7 millions d’euros au cours du premier semestre 2012 pour l’organisation de conventions dont personne ne se souvient – est de notoriété publique.

 

Pour répondre aux critiques émanant de son propre camp, Jean-François Copé a demandé au directeur général de l’UMP, Éric Césari, de préparer un rapport détaillé sur les factures payées à Bygmalion. Il sera présenté mardi 27 mai, devant le bureau politique statutaire, exceptionnellement convoqué le matin, en lieu et place du comité politique du parti. « Je peux vous dire que tout le monde sera là !, s’amuse un parlementaire UMP en “off”. Si le rapport de Césari est aussi accablant que les affirmations de Libération, ce sera difficile pour Copé de rester. »

En cas de démission du patron de l’UMP, le parti va se retrouver confronté à l’épineux problème de sa succession. « Il y a une grande différence entre les désirs de chacun et leurs intérêts politiques, poursuit le même parlementaire. Les ténors du parti se réservent pour la primaire de 2016. Le maintien de Copé les arrangerait bien, dans le sens où ils ne veulent pas se griller dans une nouvelle élection interne après le fiasco de 2012. Le calendrier n’est pas favorable. On n’a pas de solution toute faite. »

Car si Copé venait à présenter sa démission la semaine prochaine, une nouvelle élection devrait avoir lieu dès le mois d’octobre, selon les statuts de l’UMP, adoptés par les adhérents en juin 2013. Et pour l’heure, les candidats à la tête du parti ne se bousculent pas. En coulisses, d’aucuns évoquent l’éventualité d’une « mise sous tutelle » du patron de l’opposition par une partie du bureau politique statutaire. Une sorte de “direction collégiale” qui ne porterait pas son nom. « On trouvera bien un nom élégant pour l’habiller », souffle un cadre du parti. D’autres considèrent déjà l’UMP comme « une coquille vide » et avancent timidement une tout autre hypothèse : la création d’un nouveau mouvement par Nicolas Sarkozy, en vue de 2017.

 

Limoges, aux racines de la défaite de François Hollande

Mediapart.fr

20 mai 2014 | Par Antoine Perraud

 

La gare, comme une métaphore du hollandisme.
La gare, comme une métaphore du hollandisme.

Après la défaite d’un socialisme municipal nécrosé, Limoges ressemble au laboratoire d’une décomposition annoncée. Le PS n’est plus suivi par son électorat, qui traîne les pieds lors des scrutins et bat le pavé dans des manifs. Reportage à la rencontre d’un peuple de gauche qui exprime à la fois sa déréliction et la volonté de se battre. Une infirmière affirme : « La pauvreté est en train de gagner. Même chez les gens qui travaillent. On ne peut pas vivre comme ça au XXIe siècle. » À Limoges, même au trente-sixième dessous, la résistance n’a jamais été un vain mot…

Limoges, de notre envoyé spécial.

C’est fou ce que la gare de Limoges ressemble à François Hollande ! Une pâte à chou flanquée d’un beffroi : rondeur pépère ostentatoire et fermeté verticale inopinée…

Il est une heure dans la ville, à la gare de Limoges...
Il est une heure dans la ville, à la gare de Limoges…

Ce bâtiment, inauguré en 1929 et aussitôt moqué (“un bloc de saindoux”), s’avéra bon gros anachronisme : conçu avant la Grande Guerre, il brillait des ultimes feux du style nouille de la Belle Époque, en un temps devenu tragique. Le monument – historique depuis 1975 – estampille les plans touristiques de la ville, nantis d’une présentation idoine : « Limoges, capitale du Limousin. » Quelle formule ! Une autre semblait trotter dans les têtes, depuis le temps : « Limoges, municipalité socialiste et qui entend le rester. » Révolu ! Cela aura duré 102 ans : de 1912 à 2014.

Artère longeant l'hôtel de ville...
Artère longeant l’hôtel de ville…

Le maire PS battu, Alain Rodet, sous peu septuagénaire, ne pouvait pas comprendre : il était en place depuis 24 ans seulement ! Il est arrivé à la suite d’un couple de dinosaures s’étant succédé ici au long du XXe siècle, comme si les règnes interminables d’Édouard Herriot à Lyon (1905-1957) et de Jacques Chaban-Delmas à Bordeaux (1947-1995) s’étaient empilés à Limoges : Léon Betoulle (maire de 1912 à 1956 – excepté durant la parenthèse de Vichy puis de la Libération –, mort en fonctions), puis Louis Longequeue (maire de 1956 à 1990, mort en fonctions). Du lourd, du long, du limougeaud !

Une droite impréparée, qui n’imaginait pas triompher, vient d’arriver aux affaires. Largement issue de la société civile, elle colmate les brèches, à la bonne franquette : la propriétaire d’une agence de voyage veille désormais sur le tourisme ; la santé est allée à un médecin ; l’épouse d’un restaurateur se retrouve adjointe au commerce et à l’artisanat…

Vincent Jalby, conseiller municipal issu du Modem, enseignant-chercheur en mathématiques à l’université, préfère se gausser de « la mainmise prolongée d’une gauche particulière d’après-guerre, plus conservatrice que “progressiste” et déconnectée de tout ». M. Jalby parle de « François » avec des trémolos dans la voix : il faut comprendre Bayrou. Sinon, il dit « Hollande ». Par exemple : « Hollande a proféré d’énormes mensonges pendant la campagne présidentielle. La confiance est cassée. Pour ma part, je n’y ai jamais cru, même si François a voté pour lui au second tour en 2012. »

Monument à la mémoire des enfants de la Haute-Vienne morts pour la défense de la patrie en 1870-1871.
Monument à la mémoire des enfants de la Haute-Vienne morts pour la défense de la patrie en 1870-1871.

Aimerait-il voir les socialistes terrassés une deuxième fois en deux mois à Limoges, lors des européennes ? « Je ne souhaite pas enterrer le PS. En tant que démocrate, je ne prône pas des partis faibles. Je ne rêve pas pour autant d’un centre hégémonique – nous n’en sommes pas là ! Nous ne lutterons pas contre le populisme en sombrant dans ses méthodes. » Sa retenue toute charitable lui vient-elle de la tradition démocrate-chrétienne de son parti ? « Je préfère, comme François, parler d’humanisme. Et de vérité. Le bilan de la municipalité sortante n’est pas déshonorant – aucun déficit budgétaire –, je le reconnais volontiers. Mais je ne boude pas mon plaisir de voir Limoges retrouver des nuances, des couleurs et de la visibilité. Notre ville n’existait pas avant le 30 mars, ne figurait sur aucune carte de la pollution, du chômage ou des grèves des transports publiées dans la presse. Nous allons enfin pouvoir faire valoir nos attraits stratégiques. »

Fait-il allusion au verbe “limoger”, qui s’apprête à fêter son centenaire ? C’est dans la 12e région militaire, autour de Limoges, que Joffre avait assigné à résidence, dès août 1914, les badernes de l’état-major relevées de leur commandement. Moue de l’homme frais élu : « Nous ne sommes pas sûrs d’avoir envie de véritablement travailler sur ce mot. »

Panneaux électoraux sur la place Jourdan.
Panneaux électoraux sur la place Jourdan.

Limoges devrait « travailler » sur ses trésors camouflés. Deux exemples débusqués au petit bonheur la chance : place Blanqui, un autocar manœuvre pour regagner un entrepôt colossal ; vous pointez le nez pour découvrir ce qui pourrait être l’une des plus belles salles de spectacle d’Europe, dans ce quartier jadis dévolu au 20e régiment de dragons : un manège équestre du XIXe siècle, avec sa charpente époustouflante. Vos pas vous mènent ensuite jusqu’à la BFM (bibliothèque francophone multimédia) : vous tombez alors sur un colloque consacré au fabuleux poète haïtien René Depestre, qui a légué ses archives à cette institution limougeaude.

Jean-Claude Parot, secrétaire général de l'union départementale de Haute-Vienne de la CFDT.
Jean-Claude Parot, secrétaire général de l’union départementale de Haute-Vienne de la CFDT.

Limoges aimerait surtout « travailler ». Tout court. « Vous n’imaginez pas ce que vivent ici les salariés, cadres comme employés, souligne Jean-Claude Parot, de la CFDT. Les restructurations obligatoires et les chantages à l’emploi se multiplient. Je rencontre des gens au bord des larmes, pour s’être entendu dire : “Si ça ne vous va pas de partir travailler à Bordeaux, passons à la rupture conventionnelle, il y a plein de candidats prêts à prendre votre place en Aquitaine”… »

Ce syndicaliste ne se veut pas contestataire à outrance. Il estime qu’il est impossible d’être populaire pour un gouvernement à la tête d’un pays « dans une mauvaise spirale qui pourrait virer à la descente aux enfers si on n’arrive pas à faire comprendre qu’il faut mettre toutes nos énergies pour évoluer, afin que la France développe ses industries et retrouve de l’emploi ». Il se dit très inquiet quant à la progression du FN dans les mentalités : « Les partis tentent d’étouffer le feu mais il prend sous la paille et va incendier la grange. »

Jean-Claude Parot refuse de mettre la défaite des municipales sur le compte d’une déception hexagonale : « À Guéret, les socialistes sont bien repassés. Le national joue, mais il ne doit pas servir d’excuse quand on perd. À Limoges, Rodet tenait tout et n’avait en rien préparé l’après-Rodet. Le soir du premier tour, au lieu de prendre son bâton de pèlerin et de faire amende honorable auprès de son électorat, il a cédé au maximalisme du Front de gauche qui voulait sa perte. Ce monsieur pensait tout savoir et croyait pouvoir se passer de conseillers… »

« Des roitelets indétrônables jouissant d’une rente à vie »

« Notre vieil empereur qui refusait de voir venir son déclin, Alain Rodet, a souffert de ne pas avoir, sur son char, du temps de son triomphe, un conseiller lui rappelant à l’oreille, comme dans la Rome antique : “Souviens-toi que tu es un homme.” À Limoges aussi, il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne… », sourit un dandy en veste matelassée Barbour : « Extérieur de droite, intérieur de gauche ! » C’est Jean-François Biardeaud, agrégé de lettres, cofondateur, en 1980, d’une station pirate, RTF (“Radio trouble fête”), la plus ancienne station associative du Limousin. Pour qui vient de la capitale, anonyme, tentaculaire, broyeuse, il est réjouissant de voir surgir du décor – un rien morne et conformiste – un tel personnage loufoque mais engagé, comme distrait du cinéma de Carné-Prévert…

Intérieur de gauche mais extérieur itou (paire de jeans et ce qui s’ensuit), voici Jacques Deléage. Il est abonné à Mediapart. On l’apprend en lui téléphonant pour solliciter un rendez-vous. Il occupe un poste clef pour l’observation de la cité : il travaille au CDI (centre de documentation et d’information) du lycée Gay-Lussac de Limoges.

Cet établissement scolaire est sis rue Georges-Périn, du nom d’un sacré parlementaire du cru, dans le sillage de Gambetta, complice du Clemenceau des débuts. À la Chambre, le 18 décembre 1883, ce député de Limoges osa lancer un cri blasphématoire aux oreilles de Ferry et de tous les Jules opportunistes des débuts de la IIIe République : « Le Tonkin aux Tonkinois ! »

À 58 ans, prêt à invoquer semblable radicalité, Jacques Deléage s’affirme déçu et même trahi : « Il n’y a plus de socialisme en France. » Face à cette douleur politique, il sent une pudeur autour de lui : « Comme si personne ne voulait s’avouer, ou confier aux autres, s’être trompé, avoir placé trop d’espoirs. »

Notre citoyen se définit comme révolté : « Tout petit, j’avais déjà l’impression que le monde ne tournait pas rond. Quand est venue la vingtaine, entre 1974 et 1981, j’étais naïf, plein d’espoir, optimiste ; je croyais au progrès, à la marche de l’humanité. Et puis j’ai fini par comprendre comment fonctionne la politique, en sous-main, dans l’ombre. Aujourd’hui, je constate les régressions, je vois les nationalismes et les fascismes à l’œuvre, les bruits de bottes à l’Est. Nous avons beau dire, manifester, hurler, je ressens une impression d’impuissance. Nous n’arrivons pas à faire contrepoids face à l’argent, aux banques, à la finance, aux grands groupes industriels. »

Jacques Deléage ajoute : « Mon salaire diminue d’année en année du fait du gel des barèmes. Ma mère de 83 ans, avec sa petite retraite, ne payait plus d’impôts depuis vingt ans, la voilà remise à contribution. Nous assistons à un transfert massif de richesse des plus pauvres vers les plus riches. C’est aberrant et explosif. Ce qui me choque le plus, de la part d’un gouvernement socialiste, c’est le laisser-faire, qui aboutit à une boucherie sociale. La colère qui monte devra trouver les bonnes cibles et ne pas se laisser détourner par les médias, les politiques et les communicants. Les gens de bonne volonté devront se soulever de façon constructive plutôt que de se jeter dans la guerre civile. Je guette les tentatives souvent isolées de ceux qui réfléchissent, signent des pétitions, agissent. Je regrette qu’il n’y ait pas de collectif Roosevelt à Limoges. Je sais qu’à gauche, nous avons tendance à nous effacer devant le groupe, au contraire de la droite, avec son culte du chef qui en impose : ça aide à diffuser “la pensée”, surtout quand elle est “unique”… »

La une du quotidien d'obédience communiste “L'Écho du Centre” (15 mai 2014) : penser global, agir local ?...
La une du quotidien d’obédience communiste “L’Écho du Centre” (15 mai 2014) : penser global, agir local ?…

Jacques Deléage conclut : « Depuis bientôt quarante ans, j’ai toujours voté socialiste ou écologiste. Lors des municipales, pour la première fois j’ai fait le choix de Lutte ouvrière au premier tour. Je voulais exprimer un suffrage clairement de gauche. Bien que local, ce scrutin avait fini par prendre une dimension nationale, notamment dans les médias : il ne devait donc pas donner au gouvernement l’impression que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Je ne suis pas allé voter au second tour, c’était la première fois également. Je ne voulais plus de ce socialisme-là, incarné par des roitelets indétrônables jouissant d’une rente à vie. Pour autant, il n’était pas question de glisser dans l’urne un bulletin UMP et encore moins FN. Si je me déplace pour les européennes, ce sera pour voter blanc. L’absence d’exécutif à la tête de l’Europe nous donne toujours un train de retard sur les événements, sur les marchés, sur les spéculateurs. Je ne supporte plus ce simulacre de démocratie, qui consiste à confier du pouvoir à des gens qui n’en ont pas tant que cela et qui ne nous représentent pas du tout. »

Si la désespérance politique était soluble dans la chlorophylle, Limoges serait riante à souhait. De tant de positions de la ville, s’impose une campagne aux verts coteaux bien moins mitée qu’en de multiples autres régions. Quelle curieuse impression d’étouffement dans un tel bol d’air !

Christelle respire avant de se lâcher. Elle ne veut pas voir son identité révélée parce qu’elle travaille avec la mairie dans le secteur du tourisme. Elle aime sa cité, qu’elle prend plaisir à faire visiter, en dépit des clichés : « Vous ne savez pas ce que je me prends régulièrement dans les dents : “Ah ! t’habites Limoges ? Sincères condoléances !” L’enterrement de première classe. La province à l’état  pur. Il faut dire que l’ancienne équipe municipale avait une vision de la com qui se résumait à la morale de la fable : “Pour vivre heureux, vivons cachés !” Le maire sortant s’est mis sur les réseaux sociaux, juste avant les municipales. Son équipe de bras cassés tweetait toujours le même message : “Alain Rodet en meeting : on pousse les chaises” ! »

Christelle enrage, tant elle prisait l’authentique politique culturelle de gauche menée par une municipalité socialiste ayant transformé le grand théâtre en opéra, avec une authentique vie locale grâce à l’implantation d’une troupe, avec ses choristes et ses costumiers. Les centres culturels municipaux, appelés “les cinq Jean” (Jean Gagnant, Jean Macé, Jean Le Bail, Jean Moulin et… John Lennon), invitent au partage à des prix défiant toute concurrence. Qu’en sera-t-il dans quelques mois ?

Christelle craint surtout que ne soit remise en cause une tradition d’accueil qui remonte, selon elle, aux “boat people” : « Alain Rodet, avec discrétion mais fermeté, n’a rien cédé sur les structures sociales – comme “La bonne assiette”, le restaurant à 1 €. Il n’a pas reculé face aux opposants à la construction de la mosquée. La nouvelle municipalité, au contraire, s’en est prise aux minorités à peine élue, décrétant intolérable la présence des “gitans” à la périphérie et celle des SDF au centre-ville. »

« Le FN a montré sa dimension bicéphale »

La ville n’a jamais dévié de son axe, le cardo maximus (la voie principale orientée nord-sud) d’Augustoritum, citée fondée en 10 avant l’ère chrétienne pour servir de capitale au peuple gaulois des Lémovices – d’où Limoges. La mairie s’élève sur l’ancien forum. Et le merveilleux pont Saint-Martial (XIIIe siècle) fut bâti sur des piles romaines. Ce fut, durant 1200 ans, le seul ouvrage sur la Vienne. Il mène à l’allée Gabriel-Ventéjol (1918-1987), du nom de l’ancien président du Conseil économique et social, ponte du syndicat FO, pièce maîtresse, à la maire de Limoges, du système socialiste cadenassé qui tenait la ville.

Affiche électorale dédicacée de François Hollande : siège du PS, 9, boulevard de la Cité, 87000 Limoges...
Affiche électorale dédicacée de François Hollande : siège du PS, 9, boulevard de la Cité, 87000 Limoges…

Le premier secrétaire départemental du PS, Laurent Lafaye, 37 ans, professeur certifié d’histoire à mi-temps, ne perd pas de temps pour rappeler que Limoges fut, jusqu’aux funestes ides de mars 2014, « La Rome du socialisme ». Il cite l’expression consacrée « Malheur aux vaincus ! » Et quand on lui dit que tout cela sentait le formol, il répond curieusement : « Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. » Ajoutant : « Nous sommes certes sur une fin de cycle, mais dans une logique de reconstruction. »

M. Lafaye a la prudence d’un Gorbatchev en 1985 : « Les électeurs ont estimé qu’il devait y avoir de l’usure avec le candidat que nous présentions. » Et les militants ? « Quand la famille va mal, elle sait se regrouper. Nous avons organisé, le 17 avril, une grande assemblée générale, avec 800 personnes présentes – c’était plus que pour nos meetings électoraux du mois précédent. J’ai parlé une minute trente, puis j’ai donné, aux militants, la parole qui devait leur revenir. Ils nous ont fait comprendre leur souhait de rajeunissement et de ressourcement. Alain Rodet est intervenu, assumant courageusement sa défaite et renonçant à présider l’agglomération de Limoges que nous avons conservée – alors que les perdants de Bergerac ou d’Angoulême se sont accrochés à un tel poste… »

Le PS, après une claque aux européennes, pourra-t-il éviter l’éclatement et une recomposition (le fameux “big bang”) ? Agacement, maîtrisé mais palpable de Laurent Lafaye : « Nous recueillons pas mal d’adhésions – un classique après une défaite – et je ne crois pas à la tentative de notre eurodéputé Liêm Hoang-Ngoc et des prétendus “socialistes affligés”. Je ne crois pas non plus au Front de gauche, qui se pose en conscience intellectuelle tout en refusant, dans une sorte de logique de purification, de mettre les mains dans le cambouis.

« Le PS est déclaré mourant, à la va-vite, après chaque élection européenne depuis l’échec de la liste Rocard en 1994. La dernière fois, le bon score des écologistes avait déjà relancé la machine à recomposer, avant que tout cela ne retombe. Nous sommes en mesure de conjuguer notre héritage, c’est-à-dire un état d’esprit lié à l’histoire ouvrière, avec une demande de changement et de modernité. »

Au bout d’une heure de discussion à bâtons rompus, Laurent Lafaye consent à moins camper sur la défensive. On croit comprendre que les caciques du PS local ne lui pardonnèrent pas facilement d’avoir la moitié de leur âge ! Sur le cumul des mandats, qu’illustrait Alain Rodet, ancien premier magistrat et toujours député, le premier secrétaire fédéral finit par lâcher : « Il était dans sa logique – un maire, pour porter un projet, doit être aussi un parlementaire. C’est une question d’époque et de logiciel… »

Le chiens hurlent, livrés à eux-mêmes ; leurs maîtres dépenaillés leur répondent. Nous sommes place de la République et les sans-abri, désordonnés, hirsutes voire menaçants, en plein centre de Limoges, choquent le bourgeois mais pas seulement. Il ne s’agit pas de n’importe quel lieu : c’est la crypte de saint Martial, l’apôtre des Gaules, le premier évêque de Limoges au IIIe siècle. Or ça vocifère et ça s’arsouille à même les grilles de l’emplacement sacré ! De quoi nourrir un sentiment fantasmagorique d’insécurité, en dépit des statistiques flatteuses. Voilà qui fut pain bénit pour la droite, dans une cité où ont lieu, depuis le Xe siècle, des “Ostensions” septennales (on y balade des reliques, dont la châsse de saint Martial) inscrites l’an dernier sur la liste du patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco…

Ouvrage cosigné par Philippe Grandcoing, avec Hélène Lafaye et David Glomot (Ed. Loubatières)
Ouvrage cosigné par Philippe Grandcoing, avec Hélène Lafaye et David Glomot (Ed. Loubatières)

Philippe Grandcoing, professeur d’histoire en khâgne au lycée Gay-Lussac, de la terrasse d’un café de cette place où les aboiements canins couvrent les paroles humaines, analyse le scrutin municipal : « Le FN, au second tour où il s’était maintenu, dans cette triangulaire qui a permis la victoire de l’UMP, a montré sa dimension bicéphale. Les quartiers bourgeois ont vu l’électorat frontiste rejoindre la famille de droite, tandis que les quartiers populaires ont maintenu le “ni droite ni gauche” et ont reconduit leur suffrage du premier tour. »

La dernière fois que la droite avait occupé l’hôtel de ville, rappelle Philippe Grandcoing, c’était sous Vichy. Le maire socialiste, Léon Betoulle, avait voté les pleins pouvoirs à Pétain en 1940, mais l’année suivante, il voulut “tomber à gauche”, démissionnant lorsque le régime entendit débaptiser la rue Jean-Jaurès.

La toponymie de Limoges s’apparente à un extraordinaire Panthéon républicain. On y trouve une avenue Baudin, député de l’Ain mort en décembre 1851 sur une barricade du faubourg Saint-Antoine dans la capitale, pour protester contre le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte (sa statue parisienne fut fondue sous l’occupation nazie). On y trouve également une place Denis-Dussoubs, député de la Haute-Vienne, mort en décembre 1851 sur une barricade du quartier Montorgueil dans la capitale, pour protester contre le même coup d’État (sa statue limougeaude fut aussi fondue sous l’occupation nazie).

« On ne peut pas vivre comme ça au XXIe siècle »

Avec son pont et son avenue de la Révolution, avec sa rue Aristide-Briand et son avenue de Locarno, Limoges lance des signaux progressistes républicains (il existe une impasse… Thiers), mais pas forcément socialistes à tout crin (il existe une impasse… Proudhon). Le tout mâtiné de pacifisme, selon l’historien Philippe Grandcoing. En témoigne le monument aux morts de 1914-1918. Un marbre blanc, qui proclame : « Aux enfants de Limoges morts pour la France et la paix du monde. »

Philippe Grandcoing porte un regard acide sur les socialistes municipaux limougeauds, hégémoniques et nécrosés, bref, brejneviens : « Leur seule ambition se résumait à “comment me maintenir ?” Considérant que le principal adversaire était dans leur camp, ils ont passé plus de temps à combattre les personnalités dangereuses en interne que la droite ! Ayant fait face à toutes les crises cataclysmiques du XXe siècle, ces socialistes ont fini par ne plus chercher à révolutionner quoi que ce fût, mais à gérer l’existant au moins mal. »

Ouvrier porcelainier du monument aux morts de 1914-1918, place Jourdan, à Limoges.
Ouvrier porcelainier du monument aux morts de 1914-1918, place Jourdan, à Limoges.

L’historien tire un bilan aux allures de De profundis : « Ils ont fini par accompagner la désindustrialisation de Limoges. L’ouvrier de la porcelaine et celui de la chaussure, qui veillent sur le monument aux morts de 14-18, ont laissé place au secteur tertiaire : le chemin de fer, les chèques postaux, l’armée. Les services administratifs ont connu un nouveau souffle sous Louis Longequeue, quand la ville est devenue capitale régionale, avec le CHU, le rectorat, l’université après 1968. Tout cela collait avec la sociologie du PS. Le communisme, rural dans la région, n’a jamais été une menace. Et lors de la vague de décentralisation industrielle, dans les années 1960-1970, on dit que Michelin fut dissuadé d’installer une usine à Limoges, du fait des pressions sur la mairie des patrons porcelainiers, qui payaient leurs ouvriers au lance-pierre et craignaient une hausse des salaires… »

Mais Limoges bouge encore ! Pour preuve : la journée nationale d’action du 15 mai, à l’appel de sept syndicats de fonctionnaires dénonçant « l’absence de négociations salariales dans la fonction publique et la dégradation de la qualité de l’emploi public ». Beaucoup d’enseignants, comme Jeanne, déclarée gréviste et qui va donc perdre un trentième de ses émoluments, mais qui assurera cependant les examens blancs « pour éviter aux élèves un nouveau jeudi pour rien ».

Issue d’un milieu proche de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), elle a voté centriste au premier tour. C’était sa deuxième infidélité au PS. La première, « à cause d’Allègre que je n’ai toujours pas digéré », c’était en abandonnant Jospin au profit de Taubira en 2002. « En mars dernier, Rodet a trinqué pour Hollande, dont la soumission au grand capital tient de la trahison, surtout depuis son discours de janvier. Mais l’ancien maire a creusé sa tombe politique, avec sa liste bourrée de gens sans conviction, dont le proviseur du lycée Gay-Lussac, présenté comme un “Sarko boy” à son arrivée en poste ! Parmi la déception et l’atonie du milieu enseignant, je ne crois plus dans les partis mais j’espère encore dans les syndicats. Il faut s’exprimer, rester offensif ! »

 

Limoges, 15 mai 2014.
Limoges, 15 mai 2014.

Le cortège s’est formé, place de la République, non loin de la crypte de saint Martial et des SDF avec leurs chiens. Un petit groupe est constitué d’Ensemble, composante du Front de gauche alimentée de militants venus du NPA, comme Stéphane Lajaumont – encore un prof d’histoire ! –, qui défend avec fougue la mémoire du maquisard communiste Georges Guingouin, élu maire de Limoges en 1945 avant que le dinosaure Léon Betoulle ne reprenne son fauteuil en 1947.

Guingouin, compagnon de la Libération devenu dissident et poursuivi par un PCF haineux et scélérat dans les années 1950, avec l’aide de la SFIO locale : « Jean Le Bail, alors directeur du Populaire du Centre, tenait une chronique intitulée “Limousin terre d’épouvante”, qui calomniait Guingouin, s’indigne Stéphane Lajaumont. Le Bail a laissé son nom à l’un des centres culturels municipaux. Guingouin, rien. L’ancien maire PS Alain Rodet a tout fait pour qu’un nouveau pont, toujours pas baptisé, n’honore jamais la mémoire de cet homme exceptionnel. »

Et le militant de la gauche de la gauche d’affirmer : « Il faut reconnaître que l’honneur a été sauvée par Roland Dumas, lui-même fils d’un résistant fusillé par les nazis. Lors d’une cérémonie pour saluer la mémoire de Guingouin tout juste décédé en 2005 à 92 ans, Roland Dumas a crié sa honte, à propos de l’attitude de la SFIO, dans un discours magnifique et juste.

« Mais les socialistes ne peuvent pas attendre deux générations avant de reconnaître leurs erreurs. Elles sont aujourd’hui foisonnantes et de taille. Je suis conseiller régional. Plus on bosse dans les institutions, plus on découvre le libéralisme des socialistes français. Ils couvrent les multinationales et leurs filiales de subventions (Borg Warner, en Corrèze, en est le dernier exemple), qui ne sont que des effets d’aubaine : ces grosses boîtes préparent des plans de développement incluant les dossiers d’aide économique qu’elles savent devoir obtenir de notables couards du PS, cédant au chantage à l’emploi, sans véritables contreparties de la part des entreprises qui les roulent dans la farine. »

Tous les manifestants, profondément de gauche et profondément désespérés par le PS, hésitent entre le dégoût rageur et la soif de « repolitiser ». Un professeur des écoles, dont la femme est médecin du travail, insiste sur les ravages souterrains à l’œuvre dans la société française. Il se veut socialiste et déclare désormais toujours employer le sigle “PS” pour ne jamais prononcer l’adjectif gâché par ce parti…

Francine, 55 ans, est infirmière psychiatrique à l’hôpital Esquirol de Limoges – 1 500 agents. Elle manifeste derrière la banderole de la CGT : « Nous souffrons de la politique nationale et de ses conséquences locales : salaires bas, populations vieillissante, plus d’industries, attaques contre les services publics. Nos enfants n’ont pas de boulot et quittent la ville et la région. Le système Rodet ne tenait jamais compte de nos revendications et fonctionnait sur les passe-droits, parachutant des chargés de mission sur des postes négociés pour caser des militants PS. La droite ne pourra pas faire pire en terme de démocratie. D’ailleurs mon chef de pôle hospitalier, Émile-Roger Lombertie, est le nouveau maire (UMP) de Limoges ! »

Francine n’en peut plus : « Je pense que le PS va exploser. Ce n’est pas possible de continuer une politique à ce point anti-sociale. La pauvreté est en train de gagner. Même chez les gens qui travaillent. On ne peut pas vivre comme ça au XXIe siècle. Je gagne aujourd’hui, en fin de carrière et ayant passé tous les échelons, 2 600 euros par mois. Je travaille depuis 32 ans, dans un secteur pénible. J’aurais pu partir à la retraite cette année, s’il n’y avait pas eu toute cette politique de merde. Aujourd’hui, si je décroche, avec la décote, je toucherai 1 200 euros. Les aides-soignants culminent à 1 700 euros et ne peuvent espérer qu’une pension de 800 euros. On est loin du CAC 40, hein ! C’est vraiment usant. Si je continue à bosser pour améliorer ma retraite, je vais me tuer au travail. Je ne vois plus que des gens dépressifs. Bientôt, ce ne seront plus que des malades qui soigneront les malades. »

 

Les vœux génocidaires de Jean-Marie Le Pen

Blog Médiapart

Le président socialiste du conseil général de l’Essonne, Jérôme Guedj, condamne les propos de Jean-Marie Le Pen, qui a déclaré à l’occasion d’un meeting à Marseille que le virus Ebola était la solution face au « risque de submersion » de la France par l’immigration « Il faut une réponse pénale, car il est interdit en France d’en appeler au génocide, comme à la haine raciale, et une réponse politique. Le racisme n’est pas une opinion, c’est un crime. »


« Monsieur Ebola peut régler tout ça en trois mois. » Jean-Marie Le Pen, qui faisait estrade commune avec sa fille hier à Marseille en meeting, donne donc du « monsieur » au virus mortel qui a fait sa réapparition il y a quelques mois en Afrique. Il lui donne du « monsieur » car il est selon Jean-Marie Le Pen la solution face au « risque de submersion » de la France par l’immigration et au « remplacement de la population qui est en cours ».

Il ne s’agit pas d’un dérapage, d’une parole raciste de plus dans la bouche d’un multirécidiviste en la matière. Non, on est bien au-delà dans le domaine de la haine. Il vient de faire un vœu génocidaire. Ce personnage, qui serait grotesque si le parti politique et les héritières qu’il a engrangées n’étaient des dangers mortels pour la République, a exprimé le souhait qu’en Afrique des millions de personnes disparaissent.

Le président d’honneur du Front National, fondateur et incarnation historique du parti que les sondages placent en tête à l’élection européenne de dimanche, claironne donc à qui veut l’entendre lors d’un rassemblement de sa formation politique que la solution à une question politique, l’immigration, est une solution finale, l’éradication d’une partie de l’humanité, les Africains.

Si certains avaient encore besoin de clarification sur la nature du Front National, sur les idées puantes qui règnent dans ses rangs et la matrice idéologique de ses cadres, Jean-Marie Le Pen vient de leur rafraîchir la mémoire. Le Front National se réclame de la République, emprunte désormais nombre de ses thèmes à la gauche, joue à plus laïque que moi tu meurs, palabre à haute voix sur la défense du monde ouvrier, envoie sur les plateaux télé des cadres bien proprets ? Chassez le naturel, il revient au galop. Le Front National n’est rien de ce qu’il affirme être. Prononcez le mot immigration, et la fable du parti dé-diabolisé, avec ses personnages et ses thèmes fictifs, s’effondre. Prononcez le mot immigration, et la vraie nature de ce parti ressurgit, son logiciel originel se remet en route, avec, intégrée, toute la panoplie de l’extrême droite, dont le génocide, héritage programmatique des nazis. On y est, il n’a pas fallu gratter bien longtemps.

Je ne prendrai pas le temps de répondre ici au mythe des invasions barbares, à la trouille des musulmans et du « remplacement de la population » européenne. Rappelons juste que si quelques valeurs nous unissent encore, c’est bien celles qui président au fait qu’on se fout bien de savoir en France qui sont vos parents ou vos grands-parents, mais quels sont vos droits et vos devoirs. Que s’il existe une identité à la Nation française, elle est fondée sur la citoyenneté, la responsabilité civique qui en découle et s’incarne dans la République, ce vieux projet universaliste que nous ont légués une bande d’illuminés qui décidèrent à la fin du XVIIIe de renverser le cours de l’histoire et d’embarquer l’humanité dans le projet d’une « société des égaux ». Je le rappelle car nous ne sommes pas issus de nulle part. L’Europe non plus, celle pour laquelle nous votons dimanche.

C’est malheureux de devoir remettre sans cesse le couvert, mais si aujourd’hui nous avons le privilège, l’immense privilège, de vivre librement dans le plus grand espace démocratique du monde, c’est loin d’être un hasard et ce n’est pas un acquis éternel. Avant nous, avant que les démocraties européennes ne décident de s’associer pour ne plus se faire la guerre, la spécialité continentale était justement la guerre. Lorsque Jean-Marie Le Pen fait un vœu génocidaire, il se place non dans l’histoire que nous construisons depuis 70 ans, mais dans celle que les nazis voulaient construire pour « mille ans » en Europe. Un monde où on éradique des peuples, des populations parce qu’on estime qu’elles sont un problème pour le genre humain. Ainsi, lorsqu’il déclare hier à Marseille que ce « phénomène d’immigration massive est aggravé chez nous par un fait religieux : une grande partie de ces immigrés sont des musulmans, une religion qui a une vocation conquérante, d’autant plus conquérante qu’elle se sent forte et qu’ils se sentent nombreux. Elle va jusqu’à conquérir jusque dans nos propres rangs – pas au FN mais en France – de nombreux et nouveaux fidèles » (Le Monde, 21/05), il ne fait que reprendre le thème de la « vermine » qui viendrait tarir une « race pure », sous couvert de différences religieuses et culturelles. Dans l’Europe dominée par les nazis, il s’agissait de la « vermine juive », elle a juste été recolorée, mais c’est la même chose. Et en lieu et place du génocide industriel organisé dans les camps de la mort, il souhaite un génocide infectieux, permis par un virus.

Devons-nous laisser de tels « rossignols du carnage » s’ébrouer impunément ? Assurément que non, il faut une réponse pénale, car il est interdit en France d’en appeler au génocide, comme à la haine raciale, et une réponse politique. Le racisme n’est pas une opinion, c’est un crime. Si nos lois l’affirment, c’est pour une bonne raison, c’est que nous en connaissons les funestes conséquences.

Ces paroles doivent être condamnées par tous, et nous devons rappeler aux électeurs que, quels que soient les frustrations et reproches que nous pouvons, et devons, faire à l’Union, ce n’est pas en envoyant des représentants qui prônent la barbarie humaine que nous trouverons les voies qui permettront de ré-enchanter le rêve européen. Bien au contraire. Le FN n’est pas contre le système, il en est la pire des expressions, comme l’extrême droite l’a toujours été depuis son apparition dans le champ politique.

Jérôme Guedj, président (PS) du conseil général de l’Essonne

A Beaucaire, la chef de cabinet du maire FN fait dans la surenchère raciste

Mediapart.fr

20 mai 2014 | Par Marine Turchi

 

Le FN doit maintenant gérer quelque 1 500 élus municipaux et un grand nombre de collaborateurs. À Beaucaire (Gard), le maire frontiste Julien Sanchez a recruté comme chef de cabinet l’attachée parlementaire de Gilbert Collard, dont le profil Facebook est truffé de publications islamophobes et racistes.

Gérer les nouveaux élus locaux FN et leurs collaborateurs : c’est le nouvel enjeu pour Marine Le Pen après l’élection de quelque 1 500 conseillers municipaux frontistes et la formation de cabinets dans les 12 villes gagnées (ou soutenues) par le Front national. En manque de cadres expérimentés, le FN a recruté à la hâte et peine déjà à maîtriser ces militants qui ont pris du galon.

Avant les municipales, la direction du FN avait procédé à une dizaine d’exclusions à la suite de débordements de candidats. En septembre, une note interne avait été envoyée aux secrétaires départementaux, leur demandant « de vérifier, ou de faire vérifier, que les candidats aux municipales respectent la ligne politique du Front national sur leurs blogs ou sur les réseaux sociaux ». En octobre, nouvelle polémique, et nouveau courrier envoyé par le FN. La direction réclame désormais à ses responsables locaux « un rapport ville par ville sur la bonne tenue du compte Facebook » de chaque candidat.

Mais un mois après les élections municipales, les premières sorties de route ont déjà lieu. Le 12 mai, un conseiller municipal FN élu à Tournan-en-Brie (Seine-et-Marne) a démissionné après ses propos tenus lors de la commémoration de l’armistice du 8 mai 1945. « Des comme toi, j’en ai tué plein la guerre », a déclaré le frontiste Jacques Gérard à un conseiller municipal délégué d’origine algérienne. « Il n’a pas le droit de porter l’écharpe (tricolore) ! Il n’a pas fait la guerre ! » a-t-il aussi lancé.

À Béziers (Hérault), c’est le choix des collaborateurs de Robert Ménard, maire soutenu par le FN, qui a suscité une polémique. L’édile a confié la tête de son cabinet à deux radicaux issus de l’extrême droite (lire notre article). Il a pris « à son cabinet des gens qui sont beaucoup plus, beaucoup plus radicaux que ne le sera jamais le FN », avait relevé le numéro deux du FN lui-même, Louis Aliot, en rappelant pourtant que Ménard avait gagné la ville « grâce au Front national », « qu’il ne l’oublie pas ».

À Beaucaire (Gard), Julien Sanchez a recruté fin avril comme chef de cabinet Holly Harvey-Turchet, qui était l’attachée parlementaire du député Gilbert Collard. Sur son profil Facebook – public –, cette cadre du FN du Gard (elle occupe plusieurs responsabilités), adhérente depuis 2008, relaie un grand nombre de publications hostiles aux musulmans ou aux Arabes, quand elle ne poste pas elle-même des commentaires du même type.

En octobre, Julien Sanchez, conseiller régional et cadre au service communication du parti, avait lui-même été condamné, par la cour d’appel de Nîmes, à 3 000 euros d’amende pour avoir laissé deux internautes publier sur son mur Facebook des commentaires à connotation raciste.

Au premier plan, Holly Harvey-Truchet et Gilbert Collard attendant les résultats du 2e tour des législatives, le 17 juin 2012.
Au premier plan, Holly Harvey-Truchet et Gilbert Collard attendant les résultats du 2e tour des législatives, le 17 juin 2012. © dr

« Non vous n’êtes pas chez vous et nous allons vous le rappeler lors des présidentielles! On est là, on arrives (sic) de plus en plus nombreux, forts, fiers, et indivisibles, les Frontistes vont vous faire comprendre que nous sommes chez nous!!! » C’est ce qu’écrit Holly Harvey-Turchet en novembre, lorsqu’elle poste une vidéo d’incidents sur les Champs-Élysées, après la qualification de la France et de l’Algérie pour le mondial de foot :

 

Vidéo postée par Holly Harvey-Truchet. Nous avons flouté le prénom de l'autre personne commentant.
Vidéo postée par Holly Harvey-Truchet. Nous avons flouté le prénom de l’autre personne commentant.

 

Sur sa page, on trouve aussi une vidéo de Pat Condell, pamphlétaire britannique, auteur de monologues vidéo s’en prenant violemment à l’islam. « Nous sommes malades et fatigués de l’islam », répète-t-il dans cette vidéo en anglais (visible ici). « Quand nous entendons certains bouffons barbus ou une niqabée nous dire comment ils sont offensés, nous ne pouvons même plus rire. Pas même quand le premier ministre turc, hilarant, exige que l’islamophobie soit maintenant un crime contre l’humanité, alors que, vu les preuves, il s’agirait plutôt de faire de l’islam un crime contre l’humanité », explique-t-il.

Ou encore : « Actuellement, il n’y a rien sur cette planète méritant moins de sympathie et de respect que l’indignation musulmane. (…) Alors maintenant, si vous êtes un musulman offensé, allez coller votre tête dans le four pour tous nous aider. » « Magnifique!!! », acquiesce sur sa page Facebook Holly Harvey-Turchet, en novembre 2012. Cette anglophone ajoute, en anglais : « Oui Monsieur, et comme je rêve que davantage de gens disent cela ! Appelons un chat noir un chat noir… ou peut-être un chat gris ! »

La collaboratrice de Julien Sanchez a également relayé sur son profil un billet « anthropologie » sur le « Niktamère » (lire l’intégralité ici), un « animal en voie de disparition dans son pays d’origine, le maghreb », qui « se reproduit rapidement en milieu urbain européen », est « bien nourri et logé gratuit sans travailler » et « armé d’un couteau qu’il utilise pour égorger les moutons mais pas seulement ».

Marine Le Pen venue le 22 février soutenir Julien Sanchez, élu maire FN de Beaucaire en mars.
Marine Le Pen venue le 22 février soutenir Julien Sanchez, élu maire FN de Beaucaire en mars.

Il « répond habituellement au prénom de Mohammed, Mouloud, Kader, Rachid ou Mourad », « s’attaque aux femmes seules et aux personnes âgées, ainsi qu’aux enfants à la sortie des écoles » ; « les plus vieux, appelés Chibani, s’aglutinent (sic) durant la journée aux points de survie », peut-on lire dans cette publication.

Suivent des éléments d’« identification » (toujours, fautes comprises – ndlr) : il « peut courrir très vite », a « le teint mât »« les cheveux denses et noirs », « parle le sabir », porte « des survêtements blancs trop larges et une casquette de baseball de travers ». « Il fait l’objet d’une interdiction de chasse, d’où un risque de prolifération dangereux pour l’équilibre de notre système judéo-chrétien », conclut le billet.

 

Des “amis” Facebook bien au-delà du Front national

 

 

Les musulmans, les Arabes ou les étrangers sont au cœur d’une grande partie de ses publications :

Ces propos, Holly Harvey-Turchet se plaint de ne pas pouvoir les dire sans être attaquée :

Au milieu de l’actualité militante du FN et d’une « prière à Saint-Louis », elle poste des vidéos sur la « réalité des abattages rituels », le « tabassage de journalistes dans une école islamique en France » et sur le « racisme anti-blanc » :

Elle relaie aussi l’actualité de l’observatoire de la christianophobie, site catholique traditionaliste :

Elle reproche aux médias de passer sous silence l’organisation d’une manifestation « contre l’islam en France » :

Parmi ses « amis » Facebook, on trouve un très grand nombre de cadres ou élus du FN et du FNJ, mais aussi des militants de groupuscules et associations avec lesquels le parti frontiste refuse de s’associer : Fabrice Robert, le président du Bloc identitaire, formation anti-islam, des membres de Génération identitaire, de Résistance républicaine (satellite anti-islam de Rispote laïque), des Jeunesses nationalistes, groupuscule d’extrême droite radical dissous en juillet. Y figurent aussi des royalistes, des profils affichant la croix celtique – symbole de mouvements néofascistes ou nationalistes comme le GUD –, ou encore un « natio de France » affichant le portrait du maréchal Pétain.

Gilbert Collard et Holly Harvey-Turchet, pendant la campagne législatives, en 2012.
Gilbert Collard et Holly Harvey-Turchet, pendant la campagne législatives, en 2012.

Julien Sanchez pouvait-il ignorer les publications de sa collaboratrice ? Il compte en tout cas parmi les « amis » Facebook d’Holly Harvey-Turchet, tout comme son directeur de cabinet et l’un de ses adjoints. Sollicité, il n’a pas répondu à nos questions. « Aucun commentaire, pas de réaction », répond à Mediapart son collaborateur, Yoann Gillet. Après notre coup de fil, la page Facebook de sa chef de cabinet a été entièrement supprimée. L’intéressée n’a pas donné suite à notre sollicitation.

 

« Le Monde diplomatique » disparaît…

Le monde diplo

vendredi 9 mai 2014

A l’évidence, il s’agissait d’une anomalie. Comme nous l’avions rapporté l’année dernière, Le Monde diplomatique figurait à la 178e place des 200 titres de presse les plus aidés par les pouvoirs publics en 2012, très loin derrière Le Monde (1er), Le Figaro (2e), mais aussi Le Nouvel Observateur (8e), L’Express (9e), Télé 7 jours (10e), Paris Match(12e), Valeurs Actuelles (66e), Télécâble Satellite Hebdo (27e), Point de Vue (86e), Closer (91e), Le Journal de Mickey (93e), Gala (95e), Voici (113e), Prions en église (121e), Auto Moto (124e), Mieux vivre votre argent (131e), Détente Jardin (167e), Spirou (172e)…

Entre les deux premiers titres, dotés de plus de 18 millions d’euros chacun, et Le Monde diplomatique avec 188 339 euros, l’écart allait de 1 à 100. De 1 à 36 entre Le Monde diplomatique et Télé 7 jours. Dès lors que l’argent des contribuables doit servir, selon la volonté du législateur, à aider les publications qui concourent au débat public, une telle discordance entre les sommes rondelettes offertes à un titre du groupe Lagardère lardé de publicité et destiné à annoncer les programmes de télévision, et celles, fluettes, dévolues à un journal comme le nôtre, ne pouvaient que résulter d’une erreur…

Il n’en est rien. En 2013, Le Monde diplomatique a purement et simplement disparu de la liste des deux cents titres les plus aidés, rendue publique le 5 mai par le ministère de la culture et de la communication.

L’an dernier, Le Figaro a battu Le Monde d’une courte tête pour devenir médaille d’or des publications aidées par l’Etat (un peu plus de 16 millions d’euros chacun). Et Télé 7 jours… a gagné une place (9e en 2013, avec 6 947 000 euros, soit 27 000 euros de plus qu’en 2012).

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Quelques « unes » de journaux subventionnés

Il faut féliciter l’Etat pour sa scrupuleuse impartialité : les publications les plus scandalisées par le montant des dépenses publiques, celles qui matraquent le thème du « ras-le-bol fiscal » et se montrent les plus enthousiastes quand les retraites sont gelées, n’ont pas pour autant été négligées par la « mama étatique » — une formule de l’hebdomadaire Le Point — lorsqu’elles ont tendu leurs sébiles en direction des ministères.

Le Point, justement, a continué à toucher plus de 4,5 millions d’euros, soit 22 centimes d’aide du contribuable pour chaque hebdomadaire diffusé, bien que le titre appartienne à la famille Pinault, sixième fortune de France (11 milliards d’euros). M. Serge Dassault, cinquième fortune de France (12,8 milliards d’euros), sénateur UMP et propriétaire du Figaro, a reçu, lui, 16 centimes de l’Etat pour chaque exemplaire vendu d’un journal qui exalte les vertus de l’austérité budgétaire. Et c’est sans doute parce que le quotidien Les Echos appartient à M. Bernard Arnault, première fortune de France (24,3 milliards d’euros), que ce quotidien économique qui, lui aussi, peste sans relâche contre les dépenses publiques, n’a reçu en 2013 que 4 millions d’euros du contribuable…

Lorsqu’une publication quitte un tableau, un palmarès, une autre s’y substitue. Coïncidence saisissante (c’en est une) : presque à la place qu’occupait Le Monde diplomatique en 2012, et pour un montant à peu près identique, L’Opinion a surgi en 2013 (177e avec 184 000 euros d’aides de l’Etat).

L’Opinion est ce quotidien lancé par M. Nicolas Beytout, avec des concours financiers dont la transparence n’est pas absolue, mais au service d’une ligne rédactionnelle qui, elle, ne laisse planer aucun mystère puisque c’est celle du Medef. La diffusion payée du journal de M. Beytout est confidentielle (de mille à trois mille exemplaires par jour en kiosques), mais sa seule survie permet à son créateur de naviguer d’une antenne à l’autre et d’être très généreusement cité dans la plupart des revues de presse. Ce qui, là encore, n’est pas donné à tout le monde.

Le ministère de la culture et de la communication, à qui il faut savoir gré de la publication, très pédagogique, du montant annuel des aides publiques à la presse, prétend que celles-ci « concourent à la modernisation et la diffusion partout dans le pays d’une presse pluraliste et diverse. »

En nous versant un don, que vous pourrez partiellement déduire de vos impôts, vous disposez d’un moyen infiniment plus efficace de concourir à l’objectif que s’est assigné l’Etat — avec un humour qu’on ne lui soupçonnait pas…

FRANCE / Report des élections départementales et régionales : une très mauvaise idée

Mediapart

Le 6 mai 2014, le Président de la République a annoncé son intention de reporter les élections départementales et régionales (prévues en mars 2014) d’un an afin de pouvoir mettre en œuvre son projet de réforme territoriale : « Si c’est 2016, ça permettrait d’avoir le temps. Je pense que ce serait intelligent de faire des élections régionales et départementales avec le nouveau découpage », a ainsi déclaré François Hollande.

À mon sens, cette option est risquée.

En effet, une partie des conseillers généraux a été élue, en 2008, pour six ans, les conseillers régionaux ont été élus, en 2010, pour quatre ans et l’autre partie des conseillers généraux a été élue, en 2011, pour trois ans. Or, la loi organique du 17 mai 2013 a déjà prolongé leur mandat d’un an pour éviter un embouteillage électoral, en mars 2014. Par conséquent, si le calendrier électoral était à nouveau chamboulé, les conseillers généraux élus en 2008 exerceraient leurs fonctions pendant huit ans au lieu de six ! Un nouveau report poserait donc un problème démocratique.

En outre, il n’est pas du tout certain qu’une nouvelle modification de la durée soit tolérée par le Conseil constitutionnel. En effet, le juge constitutionnel veille au principe « selon lequel les citoyens doivent exercer leur droit de suffrage selon une périodicité raisonnable » [1]. Certes, il a déjà toléré une prolongation d’un an si l’intérêt général le justifie, mais seulement à la condition que les modalités envisagées « revêtent un caractère exceptionnel » [2]. Dans ce contexte, une nouvelle loi prolongeant d’une année supplémentaire les mandats des conseillers départementaux et régionaux pourrait être déclarée inconstitutionnelle. Un nouveau report comporte donc un risque juridique.

Enfin, rien ne dit que l’ambitieuse réforme territoriale voulue par le Chef de l’État aboutisse. Si les conseillers départementaux et régionaux sont d’accord pour rester élus un an de plus, ils sont beaucoup moins enthousiasmes à l’idée de se faire hara kiri ! Le texte proposé par le Gouvernement pourrait ne jamais passer. Or, que penseraient les électeurs de leurs élus si ces derniers se maintenaient un an de plus tout en refusant la réforme ? Il y a fort à parier qu’une telle situation augmenterait le poids du vote protestataire. Un nouveau report pourrait donc avoir des conséquences électorales néfaste sur le vote républicain.

Pour toutes ces raisons, le report des élections départementales et régionales à 2016 est une très mauvaise idée.

Notes :

[1] Décision du Conseil constitutionnel du 9 mai 2001.

[2] Décision du Conseil constitutionnel du 6 décembre 1990.

David Guéranger: « La gauche a échoué à démocratiser la décentralisation »

Mediapart.fr

14 mai 2014 | Par Mathieu Magnaudeix

 

Et si la défaite des municipales était aussi due à la déception des électeurs de gauche vis-à-vis de leurs élus locaux ? C’est ce que suggère le politiste David Guéranger. Spécialiste des réformes de décentralisation, il reste sceptique sur la réforme annoncée, alors que le chef de l’État entreprend ce mercredi des consultations.

Le chef de l’État lance ce mercredi 14 mai des consultations avec les partis poliitiques pour lancer la réforme territoriale. Mais David Guéranger, sociologue et politiste, chercheur et maître de conférences à l’école des Ponts et Chaussées, doute de son avenir. « Au début de son quinquennat, François Hollande disait exactement le contraire. » Coauteur de La Politique confisquée, un ouvrage très critique sur l’organisation des intercommunalités (références sous l’onglet Prolonger), Guéranger plaide pour une « critique de gauche » de la décentralisation, pour l’instant quasi inexistante.

Alors que la débâcle socialiste aux municipales a été lue comme une sanction nationale à l’égard de François Hollande, il suggère d’ailleurs une autre hypothèse : la responsabilité des élus locaux eux-mêmes, dont la gestion très présidentialiste au niveau local et l’« apolitisme » revendiqué de l’action publique locale nourrissent aussi « désenchantement et défiance » à l’égard des politiques. Surtout ceux de gauche qui, en adoptant des recettes standard de gestion publique dans les « territoires », se sont « éloignés de leur électorat (…) et de leur philosophie politique d’origine ». Explications.

La défaite du PS aux municipales a été lourde. Au-delà de la contestation du pouvoir, faut-il y voir une protestation contre la décentralisation ? De nombreuses baronnies socialistes ont basculé en une soirée…

Il y a sans aucun doute un effet de sanction des politiques gouvernementales, un rejet de la politique de François Hollande. On peut aussi dire que l’abstention ou la montée du Front national sont le fruit de la défiance à l’égard de la politique, d’une crise de régime. Le problème de ces explications générales, nationales, c’est qu’elles ne désignent finalement aucun responsable, ou seulement un unique responsable. En particulier, elles évitent aux élus locaux une autocritique douloureuse, alors qu’ils sont aussi responsables du désintérêt, de la défiance, de la sanction.

La façon dont la politique est exercée localement est un facteur explicatif important. Par exemple, les élus locaux aiment afficher le soi-disant apolitisme de leur action ; cela leur permet évidemment d’élargir leurs réserves de voix et, pour ceux de la majorité gouvernementale, de ne pas écoper de l’impopularité présidentielle. Ce faisant, ils accréditent l’idée que gauche et droite font la même chose, qu’il n’y a pas vraiment d’alternative ; ce qu’ils font contribue à produire désenchantement, défiance. On a longtemps préservé les maires de la crise démocratique, alors que l’abstention aux municipales est en progression constante depuis 1977. Avec son nouveau record aux dernières élections, difficile de continuer à se voiler la face… Il y a de toute évidence un épuisement de la démocratie locale, au fondement des lois de décentralisation de 1982. Il est temps de mettre les élus locaux face à leurs responsabilités.

En quoi les élus locaux sont-ils à blâmer ?

D’abord parce qu’ils ont concentré le pouvoir autour de leur personne. Je ne parle pas ici de tous les élus, évidemment, mais surtout des principaux membres des exécutifs locaux. Le présidentialisme de la Cinquième République est souvent critiqué, mais ce n’est rien comparé au présidentialisme de nos gouvernements locaux ! Qui contestera que les maires sont les seuls patrons dans leur commune ? La multiplication des structures satellites des collectivités n’a fait que renforcer cet exercice du pouvoir par quelques-uns. Je pense aux sociétés d’économie mixte (d’aménagement urbain par exemple), aux sociétés publiques locales, aux syndicats mixtes de transports, aux structures intercommunales… Ces satellites fonctionnent avec des règles de gestion confortables pour leurs membres, puisqu’ils n’ont aucun compte à rendre, ni aux électeurs, ni aux conseils qui les ont élus. Elles offrent à quelques-uns des ressources (jetons de présence, indemnités, etc.) pour se professionnaliser. Le cumul des mandats tel qu’il est envisagé aujourd’hui, notamment dans la loi anticumul, n’est que la face émergée de l’iceberg. La loi fait l’impasse sur le cumul des mandats locaux, auquel la majorité n’a pas voulu mettre un terme, et le cumul dans le temps. Son report à 2017 a des airs d’enterrement, ce que semblent d’ailleurs anticiper les nombreux parlementaires qui se sont représentés aux dernières municipales…

On peut vous rétorquer que cette concentration du pouvoir ne leur laisse justement pas les coudées franches pour, précisément, faire de la politique.

C’est l’argument des pro-cumuls, mais ce n’est pas le cas. C’est un des paradoxes – un apparent paradoxe – de cette décentralisation : d’un côté, elle concentre le pouvoir, mais de l’autre elle dépolitise son exercice. Il suffit de constater l’uniformisation très forte des programmes d’action, au-delà de l’arrimage partisan. Dans toutes les grandes villes, c’est la même fascination des élites pour les métropoles, la même volonté d’attirer les classes moyennes supérieures, la même volonté d’avoir son écoquartier, son tramway, son grand stade, la même frénésie des « smart grids » (les “villes intelligentes”, ndlr).

Quelles sont les conséquences politiques de ces choix ? Par exemple, à qui doivent profiter les grands investissements ? Comment la « ville intelligente » installe-t-elle un système de surveillance généralisé ? Ces questions de fond, politiques, sont rarement débattues. Quant à la vidéosurveillance, elle est une recette prisée aussi bien par des élus de gauche que de droite… Il n’y a donc plus de lien entre les politiques menées et certaines des valeurs attachées aux appareils partisans. On est même parfois dans la contradiction la plus complète, comme à Lille où le projet de Grand Stade construit sous partenariat public-privé avec une grande entreprise du BTP est porté par une sénatrice communiste. En faisant circuler ainsi les recettes d’une prétendue bonne gestion, les élus locaux alimentent l’idée selon laquelle il n’y a, au bout du compte, pas de différence notable entre gauche et droite. Cette similitude, difficile à justifier au niveau national, ne semble pourtant pas leur poser problème localement.

Cela concerne donc tous les élus ?

Le phénomène de notabilisation des partis touche autant la gauche que la droite, mais pas toutes les formations politiques. À gauche par exemple, le parti socialiste est depuis fort longtemps un parti d’élus locaux, du fait de son lien historique avec le socialisme municipal ; au contraire, le parti communiste a toujours été méfiant à l’égard des élus et de leur autonomisation, et il devient un parti d’élus dans le sillage des lois de décentralisation de la décennie 1980. Aujourd’hui, c’est au tour des écologistes de “subir” les conséquences des accords électoraux avec le PS, amorcés avec les municipales de 2001. Cela crée des tensions fortes au sein des appareils avec les bases militantes.

Mais il y a une responsabilité singulière de la gauche. Ces “bonnes recettes” du local font le lit d’une action publique gestionnaire, consensuelle, mais elles s’accommodent beaucoup moins bien des enjeux plus clivants, des objectifs de lutte contre la pauvreté, contre les discriminations, contre l’exclusion, par exemple. Les politiques locales redistributives (logement social, aménagement), les mesures qui visent les populations les plus pauvres (aires d’accueil des gens du voyage, gratuité des transports pour certaines catégories) sont celles qui souffrent le plus de cette dépolitisation.

C’est pour cela que la gauche est doublement responsable. D’une part, les élus de gauche (comme ceux de droite) se sont éloignés de leur électorat. D’autre part, leurs pratiques sont en contradiction complète avec ce qui fait le cœur de leur philosophie politique d’origine. On a coutume de dire que la décentralisation a bénéficié à la gauche, en raisonnant en termes de postes ; c’est sûrement beaucoup moins vrai si l’on examine cette question à l’aune des liens entre les catégories populaires et d’autres dimensions de la politique : la représentation par les élus, les objectifs des politiques publiques, le sens de l’action politique.

Le culte du « territoire »

Déjà en 2009: les propositions du comité Balladur pour fusionner des régionsDéjà en 2009: les propositions du comité Balladur pour fusionner des régions © Articque

 

Cela dit, les élus communautaires sont désormais élus au suffrage universel. Et ce sera aussi le cas de certains représentants des futures métropoles. N’y a-t-il pas quand même une certaine démocratisation ?

Attention, le fléchage des élus communautaires, ce n’est pas le suffrage universel : il n’y a pas de circonscription électorale intercommunale, pas de bulletin propre… Et puis la dépolitisation n’est pas qu’une simple affaire d’élection : on la retrouve aussi dans des structures démocratiquement élues comme les conseils généraux et régionaux. Il faut donc lui trouver d’autres explications.

L’une d’entre elles, parmi bien d’autres, c’est l’évolution du recrutement social des présidents d’exécutifs. Les travaux de sociologie politique montrent bien la sélectivité encore plus forte des critères d’âge, de genre, de profession : les maires sont plutôt des hommes, quinquagénaires, (anciens) cadres ou issus de professions intellectuelles supérieures.

La décentralisation a eu pour effet de renforcer cette figure de l’expert, celui qui maîtrise techniquement les dossiers, qui valorise son savoir professionnel. C’est une premiè­­re manière de dépolitiser. Aujourd’hui, cela prend des formes nouvelles : aux dernières municipales, des maires sortants de grandes villes socialistes (à Rennes, à Grenoble, à Nantes, etc.) ont placé pour leur succéder d’anciens collaborateurs ou directeurs de cabinet, formés dans les IEP, biberonnés au management public, aux finances publiques. Pour ces gestionnaires, les ressources partisanes sont moins structurantes que pour leurs aînés. Ils sont ainsi plus enclins à épouser une gestion publique en apparence indifférente à l’idéologie ou aux valeurs politiques.

Votre discours ne donne-t-il pas des arguments au Front national qui critique l’« UMPS » ? Ne renforce-t-il pas l’idée selon laquelle la gauche et la droite, c’est pareil ?

C’est une difficulté en effet, et c’est aussi tout l’enjeu à mes yeux : outiller à gauche la critique de la décentralisation. Je ne prétends évidemment pas que droite et gauche, c’est pareil : je pense au contraire que ces différences existent, mais que la gestion locale les occulte. Je ne prétends pas non plus que les dérives de la décentralisation sont affaire de vertu, de moralité ou de convictions personnelles, et qu’il suffirait de dégager les notables actuels pour régler le problème : je pense au contraire qu’il faut changer les institutions. Ce sont les institutions vertueuses qui font les comportements vertueux, et pas le contraire… Et puis le Front national, qui a peu d’élus locaux, a beau jeu de critiquer la décentralisation. Laissons passer les coups de sang de la période électorale et voyons comment il va gérer les onze villes qu’il gouverne désormais, et ses relations avec les élus UMP ou PS au sein des exécutifs intercommunaux…

Quelles pourraient être les bases d’une critique de gauche de la décentralisation ?

Une voie parmi d’autres consisterait à réintroduire la référence aux questions et catégories sociales politiquement prioritaires : les précaires, les chômeurs, les classes populaires, d’autres peut-être. La décentralisation leur a au contraire substitué le « territoire ». Le « territoire », sous toutes ses formes, est devenu l’alpha et l’oméga de l’action publique locale : la défense de « l’identité communale », la concurrence entre « régions », le rayonnement des « métropoles », le développement des « quartiers ». La lutte contre les inégalités ou la mise en œuvre des solidarités, elles-mêmes, sont « territoriales »… Les populations fragiles se retrouvent noyées, diluées. Et que dire de ceux qui n’ont pas leur « territoire » ? J’ajoute que ce phénomène aggrave la personnalisation du pouvoir : qui d’autre que le président de l’exécutif est à même de représenter son « territoire » ?

Vainqueurs à Grenoble, les écologistes et le parti de gauche associés à des collectifs citoyens promettent une nouvelle gestion locale, plus soucieuse des citoyens, loin des schémas gestionnaires classiques que pouvait incarner la municipalité PS sortante. Faut-il y voir une alternative ?

C’est un laboratoire intéressant. Pendant la campagne, les écologistes et le parti de gauche (PG) grenoblois ont tenté d’élaborer un contre-modèle en liant les sujets locaux à des questions politiques. Par exemple, lorsqu’ils prônent le retour en régie d’un certain nombre de services publics municipaux. Dans d’autres villes, comme à Bordeaux ou Paris, le retour en régie de l’eau avait été justifié par des considérations largement financières, des arguments plutôt gestionnaires et dépolitisés. À Grenoble, ce discours est assez secondaire par rapport à la critique de la mondialisation, de la prédation des actionnaires privés, etc. Sur le papier, c’est une manière intéressante de politiser des enjeux locaux, c’est-à-dire de les connecter à des débats plus généraux et plus évidemment politiques. En pratique, il va falloir suivre de près ce qui se passe : cette municipalité a une responsabilité politique forte.

Le nouveau premier ministre, Manuel Valls, a annoncé après les municipales un véritable big-bang territorial : fusion des régions, disparition des départements, tout cela mené en quelques années, avec un report possible des régionales et des cantonales qui étaient prévues en 2015. Faire disparaître des doublons, réduire le millefeuille territorial, n’est-ce pas justement une opportunité de démocratiser la décentralisation ?

La belle affaire… Au risque de passer pour un incorrigible pessimiste, je voudrais juste faire un peu d’histoire. Nicolas Sarkozy prononçait à Toulon en 2008 un discours va-t-en-guerre sur le « big bang » territorial, le coût du « millefeuille territorial », le trop grand nombre de collectivités et d’élus. Ce discours débouche sur l’installation du comité Balladur qui préconise (outre le renforcement de l’intercommunalité) la réduction du nombre de régions et de départements, sur le mode du volontariat.

 

À l’issue du débat parlementaire, il n’est resté qu’une seule mesure de ce projet : le conseiller territorial, que les socialistes arrivés au pouvoir en 2002 se sont empressés d’abroger. Alors comment comprendre aujourd’hui les déclarations présidentielles sur cet objectif, qui ne figurait même pas dans son programme de campagne ? Au début de son quinquennat, François Hollande disait d’ailleurs exactement le contraire pour ne pas froisser les élus. J’y vois pour l’essentiel une déclaration symbolique, une manière de mettre en scène le volontarisme et le changement, à un moment où l’impopularité présidentielle est au plus haut.

Quant aux chances de succès de cette énième réforme, elles me semblent bien minces si l’on en juge par l’échec des précédentes tentatives, ou par le profil politique de celui qui est chargé de l’écrire : André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, est par ailleurs un pur notable local, archétype du cumulard, entre autres président du conseil général de l’Isère depuis 2001, ancien membre du comité Balladur ! Alors certes, il aime être présenté comme un régionaliste convaincu, mais il va devoir défendre au Parlement un texte qu’il n’a pas écrit, dans un contexte compliqué : les relations avec les parlementaires ne sont pas très simples et les élections régionales, même repoussées d’un an, pas très loin.

Pour aller plus loin, des références et des liens sous l’onglet “Prolonger”.

 

La boîte noire :L’entretien, dont l’idée a germé à l’approche des municipales, est le fruit de plusieurs entretiens téléphoniques et de plusieurs échanges avec David Guéranger.

Paroles de députés socialistes: «C’est un immense gâchis, tout est anéanti»

Mediapart.fr

13 mai 2014 | Par Mathieu Magnaudeix

 

Geneviève Gaillard
Geneviève Gaillard © DR

Ce sont des députés socialistes discrets, ceux qu’on ne voit pas à la télé. Ça ne les empêche pas d’avoir leur avis sur la politique du gouvernement et de François Hollande. Certains se sont abstenus lors du vote du 29 avril sur le plan Valls de 50 milliards d’économies. Paroles de députés que l’on n’entend jamais.

 

 

Parmi les 41 députés socialistes qui se sont abstenus mardi 29 avril sur les 50 milliards d’économie du gouvernement, il y a des élus de l’aile gauche du PS et des députés d’autres tendances qui s’abstenaient pour la première fois. Il y a aussi ceux qui, tout en ayant voté ce plan, se posent beaucoup de questions.

Ce lundi 12 mai, Manuel Valls a promis que les nouveaux foyers imposables allaient sortir de l’impôt sur le revenu, une revendication de nombreux députés très souvent interpellés à ce sujet par leurs électeurs. Et pour retisser les liens avec une majorité en colère, François Hollande pourrait bientôt recevoir les parlementaires pour une « opération papouilles », selon le porte-parole des députés PS, Thierry Mandon.

Chaque mardi matin, la centaine de parlementaires qui avaient signé l’appel des 100 pour un « nouveau contrat de majorité » au soir de la défaite des municipales vont se réunir afin d’infléchir la ligne du gouvernement. L’un d’eux, Christian Assaf, se dit même « prêt à discuter avec Mélenchon, mais sur un programme d’union ».

Mediapart a tendu le micro à des socialistes que les Français ne connaissent pas beaucoup. Ils ne courent pas les plateaux télé, ne sont d’ailleurs pas toujours à l’aise avec les caméras. Mais ça ne les empêche pas de dire leurs doutes.

Chantal Guittet (PS. Finistère). Sa circonscription est celle de l’ex-abattoir Gad (Lampaul-Guimiliau). 

Votes précédents :

  • TSCG (9 octobre 2012) : oui
  • Accord emploi (9 avril 2013) : abstention
  • Réforme des retraites (15 octobre 2013) : oui
  • Discours de politique générale de Manuel Valls (8 avril 2014) : oui
  • Plan de 50 milliards (29 avril) : oui
Chantal Guittet
Chantal Guittet © Capture d’écran Voeux 2014/Vimeo

« La trajectoire n’est pas la bonne. Une politique de l’offre seule est profondément récessive. Je ne crois pas à la phrase de François Hollande, empruntée à l’économiste Jean-Baptiste Say, selon laquelle l’offre crée la demande. C’est faux. Devant les ministres il y a deux semaines, après l’annonce des mesures de Manuel Valls, j’ai parlé “brut de décoffrage” : j’ai ma liberté de parole, je ne suis pas du sérail. J’ai dit que reculer le plan pauvreté était inadmissible, que le projet de François Hollande, le discours du Bourget, ce n’était pas la politique de l’offre à tout prix. Il y a eu un virement, il faut bien l’admettre. Ont-ils raison ? Fondamentalement, je pense que non, même si l’économie n’est pas une science exacte.

« Avant le vote, j’étais le cul entre deux chaises, angoissée, ce n’est pas la première fois d’ailleurs. Je n’ai pas forcément passé une semaine tranquille. Ça m’a travaillé, ça me travaille encore. Je n’arrête pas de voir des gens qui ne mangent pas à leur faim, c’est insupportable, je me pose plein de questions sur les décisions que nous prenons. Mais j’ai voté pour. Je ne me voyais pas mettre le gouvernement en minorité, il y avait un risque. Et même s’il se trompe sur la trajectoire, celle des autres en face est pire encore.

« On me dit “vous êtes rentrés dans le rang pour sauver votre siège”. Mais je ne suis pas entrée en politique pour avoir un siège. Je suis venue à la politique par hasard, j’étais professeur de gestion à l’université, on m’a dit pourquoi “tu ne vas pas aux législatives” ? J’ai trouvé ça loufoque, et puis dans cette circonscription de droite, j’ai mis en 2007 le candidat UMP en difficulté au second tour, ça n’était jamais arrivé. Et en 2012, j’ai gagné. Mais si je ne suis pas réélue en 2017, c’est la démocratie. De toutes façons, je suis contre le cumul des mandats dans le temps et dans l’espace.

 

« Il y a beaucoup de choses que je trouve étranges dans le débat politique. Par exemple qu’on ne parle que de 2017 et du retour de Sarkozy, jamais de la pauvreté et pas beaucoup de sujets importants comme les travailleurs détachés. Quand on parle de milliards, ça ne dit rien à nos électeurs. J’aimerais qu’on mesure les conséquences concrètes de ces économies pour les ménages, et ça s’adresse aussi aux journalistes.

« Maintenant, il faut Bac +5 pour comprendre un discours politique, c’est devenu trop compliqué. Il faudrait davantage former nos concitoyens au droit et à l’économie. Les lois sont devenues incompréhensibles. Notre travail à l’Assemblée nationale lui-même est d’un autre siècle. On n’arrive pas à mobiliser les médias sur les sujets de fond que nous suivons au Parlement.

« Nos concitoyens, eux, c’est sur des choses très concrètes qu’ils fondent leur jugement. La fiscalisation rétroactive des retraités ayant eu une famille nombreuse, par exemple (elle a été votée dans le budget 2014, ndlr), c’est choquant surtout que nous avons reculé l’âge de la retraite. La demi-part des veuves supprimée, je suis d’accord mais alors il fallait augmenter les petites retraites. Quand je rencontre des veuves, seules quinze dans la salle sont imposables mais toutes pensent que ce gouvernement leur a volé quelque chose ! Tant qu’on ne remettra pas la fiscalité à plat, on aura toujours ce genre de problèmes.

« Dès maintenant, on pourrait être plus radical sur certains sujets. On ne devrait plus tolérer par exemple les dépassements d’honoraires des médecins. On devrait revaloriser le salaire des enseignants, des greffiers, des infirmiers, etc. J’espère qu’une fois qu’on aura apuré les comptes du pays, il y aura une nouvelle répartition des richesses. »

Philippe Noguès (PS. Morbihan). Réclame une loi contre la sous-traitance anarchique des multinationales.

  • TSCG : oui
  • Accord emploi : oui
  • Réforme retraites : oui
  • Discours de politique générale de Manuel Valls : abstention
  • Plan de 50 milliards : abstention
Philippe Noguès
Philippe Noguès © DR

« Avant le vote du plan Valls, il y a eu des pressions assez phénoménales. Des collègues nous en voulaient. On nous menaçait d’une dissolution. Depuis mon élection en 2012, je n’avais jamais vécu ça.

« Si je me suis abstenu, comme sur le discours de politique générale, c’est parce que la politique de François Hollande ne correspond pas à celle pour laquelle il a été élu. Mes votes ont eu des impacts en Bretagne, où les “hollandais” sont très implantés. La fête de la rose de la fédération socialiste du Morbihan qui devait se tenir chez moi a été annulée dix jours avant. J’ai organisé à la place un repas républicain, il y avait plus de monde ! Nous avons créé un vrai espoir à gauche, chez les gens qui ne se sont pas déplacés aux municipales.

« Je n’imaginais pas qu’on en serait là au bout de deux ans de pouvoir. Je veux bien perdre en 2017, mais dans ce cas sur mes valeurs, pas sur une politique de droite. Je regrette par exemple d’avoir voté le traité européen à l’automne 2012 : je venais d’être élu, on nous a promis que ce serait “un oui exigeant”, on voit aujourd’hui sa traduction concrète : la rigueur d’Ayrault est devenue sous Valls une politique d’austérité. Dans le plan de 50 milliards, ce sont juste les mesures les plus à droite qui ont finalement été gommées.

« Je suis entré au PS en 2006. Pour les législatives 2012, j’ai été choisi par les militants contre le candidat officiel. Je ne suis pas un apparatchik, j’ai été élu pour la première fois en 2012 après 35 ans de carrière dans le privé.

« Ces abstentions m’ont libéré. Maintenant, j’ai envie de faire comme je l’entends, avec la conscience de ma responsabilité. Je vais travailler sur les textes budgétaires à venir. Je ne songe pas encore à quitter le groupe PS. Mais pour l’avenir, je ne m’interdis rien. Si j’ai un jour le sentiment d’être face à un mur, si on n’arrive pas à infléchir la politique de l’intérieur, il faudra peser d’une autre manière et restera cette solution de sortir du groupe. Cela traverse l’esprit de plusieurs députés, c’est clair. Attend-on du groupe majoritaire qu’il soit un troupeau de moutons bêlants ? Le président doit se préoccuper de sa majorité. On est vraiment au bout de cette Cinquième République où le seul qui détermine la politique est le chef de l’État. »

 

Florent Boudié (Gironde), “hollandais”.

  • TSCG : oui
  • Accord emploi : oui
  • Réforme des retraites : oui
  • Discours de politique générale de Manuel Valls : oui
  • Plan de 50 milliards : oui
Florent Boudié, à l'Assemblée nationale, décembre 2013
Florent Boudié, à l’Assemblée nationale, décembre 2013 © Capture d’écran Assemblée nationale

« J’étais au “club Témoin” de Jacques Delors et François Hollande pendant mes études à Sciences-Po Bordeaux dans les années 1990 : c’est dire si je suis “hollandais” de longue date. Cette ligne sociale-démocrate me correspond. Mais le discours de politique générale tenu par Manuel Valls aurait dû l’être dès 2012. Nous serions déjà passés à une autre phase du quinquennat. S’il y a un échec, c’est de ne pas avoir mis à profit la campagne présidentielle pour tenir un discours de vérité. Ce quinquennat risque d’être très déséquilibré, avec une seule phase de rigueur ponctuée de mesures de justice sociale.

« Les municipales ont été un électrochoc. Ça nous a porté un coup au moral. Des élus avec un très bon bilan se sont fait bananer. Les ravages sont profonds. Il y a une déception sur le rythme des réformes, sur l’exercice du pouvoir et aussi une demande de justice sociale. Mais nos concitoyens veulent aussi moins de dépenses et plus d’efficacité. Il est paradoxal de dire qu’ils veulent plus de gauche alors que c’est la droite et l’extrême droite qui profitent de nos faiblesses actuelles.

« Nous n’avions pas assez mesuré l’impact de la hausse de la fiscalité. En septembre 2012, Jean-Marc Ayrault a dit que 9 Français sur 10 ne seraient pas touchés par les hausses d’impôt, c’était le contraire ! Puis il y a eu la hausse de la TVA début 2014, qui avait été balayée d’un revers de la main pendant la campagne. C’est là que le système s’est grippé dans l’opinion. Sans compter ces “couacs” qui ont montré un problème profond d’exercice quotidien de la responsabilité publique.

« François Hollande n’avait pas un programme « étincelant » comme il dit, mais il avait donné, au Bourget notamment, le sentiment qu’il ferait ce qu’il avait promis. Nous avons fait le non-cumul, la retraite à 60 ans pour ceux qui ont commencé tôt, etc., mais tout ça s’est effacé. Le plan de 50 milliards d’économies, je l’assume pleinement, tout comme la réforme des collectivités territoriales, la plus ambitieuse jamais essayée. Maintenant, il va falloir courber l’échine pendant au moins six mois. Les défaites (européenne, sénatoriale) vont s’ajouter à l’impopularité.

« Dans cette situation, nous ne devons pas paraître divisés. Nous ne sommes pas à la veille d’un congrès du PS. Parmi les 41 abstentionnistes, beaucoup ont voulu sincèrement sonner l’alerte mais d’autres avaient des stratégies plus personnelles, ça m’agace. Nous ne sommes pas là pour être des godillots, il faut des débats, mais dans la Cinquième République, la rébellion parlementaire est inutile. Chacun à notre niveau, nous sommes tous de petits caporaux : nous assumons collectivement la responsabilité. »

Suzanne Tallard (Charente-Maritime). Proche de l’aile gauche du PS tendance Marie-Noëlle Lienemann. 

  • TSCG : abstention
  • Accord emploi : oui
  • Réforme des retraites : abstention
  • Discours de politique générale de Manuel Valls : abstention
  • Plan de 50 milliards : abstention

 

Suzanne Tallard
Suzanne Tallard © MM/Mediapart

 

« C’est l’injustice sociale qui motive mes votes. La réforme des retraites fait travailler les gens jusqu’à 67 ans : c’est impossible. Toucher les petites retraites, reculer le plan pauvreté, geler le point d’indice des fonctionnaires etc. : ces mesures prévues au départ dans le plan d’économies du gouvernement n’auraient même pas dû être proposées par la gauche. Manuel Valls est revenu dessus, c’est bien le moins.

« Mais sur le fond, le premier ministre n’a pas répondu à l’interpellation des cent députés dont je faisais partie. Le gouvernement mène une politique de droite atténuée. Donner des centaines de millions d’euros à la grande distribution sans contrepartie avec le crédit d’impôt compétitivité (CICE), c’est une injustice sociale flagrante aux yeux, par exemple, des petits retraités, et je crains que nos concitoyens ne s’en souviennent.

« Quand je me suis abstenue sur la déclaration de politique générale de Manuel Valls, avec dix autres socialistes, je m’attendais à ferrailler avec les militants. Ils m’ont dit “ne t’excuse pas”, ils m’ont même remerciée. Certains m’ont dit que notre vote les avait dissuadés de rendre leur carte du PS. Les européennes ? On connaît déjà le résultat. Le PS sera en troisième position, on va reculer, on le sait, comme on a perdu les municipales. Si le gouvernement avait mené une autre politique, on n’en serait peut-être pas là.

« Avec le gouvernement, nous sommes désormais dans un rapport de force. Ça me désole, mais c’est ainsi. La politique menée devrait être en accord avec les promesses de François Hollande : redresser la France dans la justice, le message de la campagne présidentielle, je suis à 200 % pour. Nous continuerons, au sein de la majorité, à travailler pour démontrer qu’une autre politique est possible. La façon dont le gouvernement accueillera nos propositions décidera de nos votes.

« Je suis militante socialiste depuis 2002 et la défaite de Jospin. J’étais élue locale, je me suis dit alors : “faut y aller”. Le PS n’était pas en grande forme… aujourd’hui, je veux croire que ce parti reste ma maison. Je reste car j’ai l’espoir de le faire bouger. Je suis très triste. J’ai reçu une lettre d’une personne que je connais bien, me disant : “Suzanne, je ne voterai plus jamais socialiste.” C’est le genre de courrier qu’on n’oublie pas. Je sais que pour une personne qui m’écrit, il y en a cent qui pensent ça. Je me demande si nous n’avons pas déjà perdu 2017. »

 

 

Geneviève Gaillard (Deux-Sèvres). Maire de Niort battue aux municipales.

  • TSCG : oui
  • Accord emploi : oui
  • Réforme des retraites : oui
  • Discours de politique générale de Manuel Valls : oui
  • Plan de 50 milliards : oui
Geneviève Gaillard
Geneviève Gaillard © DR

« Les municipales ont été une violence, un choc. Il y a beaucoup de raisons à une telle défaite : le PS local qui a soutenu mes adversaires, les travaux dans le centre-ville, le fait que les écologistes et le PG soient partis seuls, cette fausse rumeur partie de l’extrême droite selon laquelle je faisais venir des hordes de populations noires dans ma ville. J’ai aussi été une victime du genre : quand elle prend des décisions, une femme est forcément autoritaire, alors qu’un homme, lui, est courageux.

« Et puis, bien sûr, il y a la politique nationale. Les électeurs nous ont passé des messages : “gauche et droite c’est pareil”, “Hollande a fait des promesses qu’il n’a pas tenues”, “vous faites la même politique que Sarkozy”. Des gens de gauche nous ont dit que certaines positions, par exemple celle du premier ministre actuel sur les Roms, les ont choqués.

« Je fais partie des députés qui avaient signé la lettre pour une autre politique. Je ne suis pas sûre que cette politique de l’offre qui oublie la demande donne autant de résultats qu’on le dit. C’est vrai, la gauche doit évoluer, le monde a changé, on ne peut plus raser gratis. Mais j’aurais aimé que François Hollande soit plus offensif sur l’Europe, qu’on n’enterre pas la réforme fiscale, qu’on lance la réforme territoriale sans tous ces atermoiements. Dans les mois à venir, la suppression de la majoration retraites pour les parents de familles nombreuses va être calamiteuse, tout comme les effets de la suppression de la demi-part pour les veuves. Je suis pour une Sixième République, on n’en entend plus parler, c’est dommage. J’étais députée sous Jospin, on était mieux traité. Il paraît que ça va changer.

« Fallait-il voter le pacte Valls ? J’ai hésité, jusqu’au dernier moment. Mais je ne voulais pas mettre le gouvernement en difficulté. Je ne suis pas sûre que les électeurs trouveraient leur compte si la droite revenait au pouvoir. J’ai la faiblesse d’être collective et loyale. Je ne quitterai pas le PS, où je suis depuis trente ans. Pour faire quoi ? Le Front de gauche, c’est non. Les écolos ? C’est autant le bordel chez eux que chez nous. Je préfère travailler de l’intérieur. Mais pourquoi le PS n’écoute-t-il pas plus les gens qui ont des choses à dire, les économistes atterrés ou Pierre Larrouturou, le fondateur de Nouvelle Donne ?

« Parfois je me dis que tout ça est un immense gâchis. On avait tout, les régions, les départements, les communes, vous vous rendez compte du tabac qu’on aurait pu faire ? Tout est anéanti. Et on peut même aller encore plus bas. Pour 2017, je pense que tout est possible. Y compris changer de candidat. Mais qui peut dire aujourd’hui quelle sera la situation à ce moment-là ? »

Stéphane Travert (Manche). Député de Flamanville (aile gauche du PS, tendance Hamon)

  • TSCG : abstention
  • Accord emploi : non
  • Réforme des retraites : abstention
  • Discours de politique générale de Manuel Valls : oui
  • Plan de 50 milliards : abstention

 

© Assemblée nationale

 

« C’est parce que les leçons des municipales n’ont pas été suffisamment tirées que certains d’entre nous se sont abstenus sur le plan d’économies. Je suis d’accord pour être pragmatique, parler aux entreprises. Mais ça n’empêche pas d’avoir des convictions de gauche et de parler à notre électorat. Aux municipales, ce sont bien souvent trente ans de travail militant qui ont été mis par terre.

« Nous avions rassemblé notre camp à la présidentielle. Mais aux municipales, la gauche ne s’est pas déplacée et la droite s’est beaucoup mobilisée. Notre électorat est déstructuré, les gens sont déçus et rejettent la classe politique. Nous devons désormais reconstituer notre base électorale en poussant le curseur. La population ouvrière de Flamanville, les petits retraités, c’est à eux que je m’adresse sur le terrain. Nous devons expliquer ce que nous faisons, même si on n’y est pas toujours aidé quand des gens comme Cahuzac, ou récemment un conseiller du président de la République, viennent détruire le travail militant et trahir l’idéal de République irréprochable.

« Pour les européennes, je fais campagne pour que notre camp se déplace. En 2005, j’ai milité pour le “non” au référendum, et dans mon département il l’a emporté largement. C’est difficile d’expliquer ce que fait l’Europe, dont les fonds soutiennent pourtant des secteurs importants dans ma circonscription, comme la pêche.

« Dans le nord-ouest, chez moi, Marine Le Pen est candidate pour le Front national. Elle met en avant des propositions qui ne vont pas dans le sens du rapprochement des peuples, de la cohésion sociale et républicaine. Elle n’a jamais vraiment pris position sur la question des travailleurs détachés, elle ne travaille pas au Parlement. C’est plus facile de dire comme elle le fait que l’Europe est la cause de tous les maux, d’en appeler à de vieilles lunes. Pour nous, la campagne n’est pas facile. »

 

 

Kheira Bouziane-Laroussi (Côte-d’Or)

  • TSCG : oui
  • Accord emploi : non
  • Réforme des retraites : oui
  • Discours de politique générale de Manuel Valls : oui
  • Plan de 50 milliards : abstention

 

Kheira Bouziane, dans sa circonscription
Kheira Bouziane, dans sa circonscription © DR

 

« Les 41 abstentionnistes, on nous a traités de “djihadistes »… mais si nous nous sommes abstenus, c’est au nom du progrès social promis en 2012. Je suis économiste de formation, je connais l’entreprise. Mais le patronat français est un vrai enfant gâté : ce n’est jamais assez.

« Je l’ai dit à François Hollande : si vous voulez rapprocher les deux sensibilités de la majorité, il suffit que le pacte de compétitivité comporte des contreparties. On a déjà fait le CICE sans contreparties. Les grandes surfaces vont en bénéficier alors qu’elles ne sont pas soumises à la concurrence internationale, c’est un scandale. On demande aux Français de faire des efforts mais en face, il y a quoi ? Les 50 milliards d’économie vont se traduire par des réductions dans les collectivités, l’investissement public, la sécurité sociale. J’attends avec inquiétude de savoir où on va couper : les hôpitaux sont déjà en difficulté !

« Lors des municipales, les électeurs de gauche nous ont passé un message clair : “ce qui se passe au niveau national ne nous plaît pas”. Ils vont le redire aux européennes. Les Français sont prêts à faire des efforts, ils sont réalistes, même les plus modestes d’entre nous… mais si c’est juste pour satisfaire les 3 %, ça ne leur parle pas. Il nous faut un peu d’utopie, c’est ça qui manque ! Comment voulez-vous que les gens qui tirent la langue et cherchent du travail ne trouvent pas honteux de voir les salaires que s’octroient les grands patrons ?

« On a voté de belles lois, le mariage pour tous, l’égalité femmes-hommes, les avancées sur les stages… Mais tout ce travail n’est pas visible parce que la croissance n’est pas là et nos concitoyens tirent la langue. Et puis il reste beaucoup à faire pour améliorer le système éducatif, les retraites. On savait que ça allait être difficile, mais à ce point… J’ai parfois des moments de découragement, pourquoi le nier ? Mais je ne suis pas résignée. Les attentes des Français étaient très fortes, c’est difficile de les satisfaire. »

Jean-Patrick Gille (Indre-et-Loire). Spécialiste des questions d’emploi.

  • TSCG : oui
  • Accord emploi : oui
  • Réforme des retraites : oui
  • Discours de politique générale de Manuel Valls : oui
  • Plan de 50 milliards : abstention

 

© DR

 

« Quand vous êtes parlementaire sous la Cinquième République, vous êtes soit godillot soit trublion. Je ne suis ni l’un ni l’autre. Le vote du 29 avril était l’occasion de faire un vote sur le pacte de responsabilité, et nous avons saisi l’occasion. Nous avons dit que l’exécutif devait avoir un débat avec son Parlement, comme dans toute démocratie normale. Nous avons ce problème dans nos institutions d’un président de la République qui s’occupe de tout, la guerre au Mali, les sommets européens, la crise en Ukraine, le chômage, il répond à Bourdin à la radio et gère l’affaire Leonarda, ce n’est pas possible !

« Notre rôle, c’est aussi de représenter les électeurs. Leur demande est contradictoire ; ils veulent à la fois plus de gauche et qu’on aide les entreprises. C’est notre boulot de gérer les contradictions, sinon ça part en vrille.

« Je ne suis pas au RSA mais je ne vis pas sur l’Olympe non plus, je connais la vie des gens. Et en ce moment, ils ne se sentent pas représentés à gauche, même s’ils l’expriment souvent en nous disant qu’on est coupés de leurs réalités ou qu’on est des salauds. Globalement, les 60 propositions de François Hollande ont été tenues, mais à une exception majeure : la politique sociale et économique. On ne fait pas la grande réforme fiscale, à cause de Bercy comme d’habitude. On avait dit que le coût du travail n’était pas un problème majeur, avec le CICE on change de politique en quelques jours, par amendement. D’ailleurs, je n’avais pas voté “pour” ce jour-là.

« Et maintenant on nous parle d’exonérations massives dans le pacte de compétitivité, des exonérations qui ne sont jamais évaluées. Il y a une soumission à une doxa techno-libérale portée par Bercy. Ceux qui sont au sommet de l’État n’arrivent pas à résister. Est-ce l’effet de caste ? La promotion Voltaire ? En attendant, il y a un renoncement politique.

« Je suis pour la réduction des déficits, pour des comptes sociaux à l’équilibre pour maintenir notre protection sociale, voire des gels temporaires de progression des retraites ou du salaire des fonctionnaires. Mais à la longue, c’est récessif. Et puis quelle efficacité de la politique dans laquelle on s’engage ? Total et Sanofi, qui affichent des profits conséquents, vont recevoir des chèques très importants dans le cadre du CICE.

« Quant à l’exonération totale des charges sur le Smic (annoncée par Manuel Valls dans son discours de politique générale, ndlr), c’est la fausse bonne idée par excellence. On donne 10 milliards d’exonérations supplémentaires sur les entreprises, c’est l’équivalent du budget de la politique de l’emploi en France, hors la formation professionnelle ! Et ça revient à dépenser 45 000 euros par emploi créé. Ça fait cher ! Pour créer 200 000 emplois, autant faire des aides ciblées attribuées aux entreprises qui ont embauché des salariés supplémentaires pour éviter les effets d’aubaine ! L’argent englouti là-dedans ne sera pas mis dans la réduction des déficits ou dans les investissements. Sans compter le risque de créer des pièges à bas salaires. »

 

 

Catherine Beaubatie (Haute-Vienne)

  • TSCG : oui
  • Accord emploi : oui
  • Réforme retraites : oui
  • Discours de politique générale de Manuel Valls : oui
  • Plan de 50 milliards : oui

 

© capture d’écran LCP

 

« Limoges, ma ville, était à gauche depuis 102 ans. Elle est passée à droite. Nous avons décroché de 26 points au premier tour. Dix points sont sans doute dus au contexte national. En plus des divisions, il y a aussi une certaine usure de la municipalité, une envie d’alternance. Mais au fond, tous les socialistes ont perdu car Limoges est une ville emblématique du socialisme. Nous devons évidemment nous poser des questions.

« Après, on ne gagne jamais contre son camp : nous faisons des choix, nous devons les assumer. On peut débattre, mais à un moment il faut trancher et c’est la décision de la majorité qui s’applique. Comment peut-on accorder la confiance à Manuel Valls le 8 avril et s’abstenir moins d’un mois après ? C’est laver plus blanc que blanc et faire passer les autres pour des godillots. Je ne suis pas béate. Bien sûr, la militante socialiste que je suis a parfois envie de renverser la table.

« On nous dit “vous n’êtes pas allé assez loin sur la réforme bancaire, la fraude fiscale, la finance”. Je l’entends. Mais la France n’est pas seule au monde. Et puis il y a la dette et le déficit. Tant que nous avons ces boulets aux pieds, la confiance ne reviendra pas. Les Français sont inquiets, ils ont peur de l’avenir pour eux, leurs enfants, leurs petits-enfants et veulent du pouvoir d’achat en plus. Nous sommes dans une situation jamais connue de crise économique et nous devons gouverner le pays avec des Français désabusés et qui n’ont plus de repères. Je plaide pour une vraie réforme fiscale. Des gens à petits revenus sont imposés alors qu’ils n’auraient jamais dû l’être.

« Bien sûr, je ne vais pas vous dire que je suis à l’aise dans mes baskets quand je vois et que j’entends ce que nous disent les électeurs. Mais justement Manuel Valls a envie d’aller au bout des réformes économiques, de la réforme territoriale. Il a du courage. Nos concitoyens nous jugeront dans trois ans. »

Richard Ferrand (Finistère)

  • TSCG : oui
  • Accord emploi : abstention
  • Réforme retraites : oui
  • Discours de politique générale de Manuel Valls : oui
  • Plan de 50 milliards : abstention

 

© PS du Finistère

 

« Je ne suis pas un gauchiste exalté. Mais avant de mobiliser 50 milliards d’euros, on peut quand même savoir comment cibler au mieux, surtout quand l’État n’a pas un rond ! Qu’on fasse le CICE, qu’on aide les entreprises, 1000 fois oui. Mais pourquoi en faire bénéficier la grande distribution, des assurances, les banques qui ne sont pas des entreprises de production ? Ça n’a pas de sens et on n’a jamais pu en débattre.

« Je veux bien entendre des arguments mais pas obéir à des ordres. Le contrat de majorité que nous demandions s’est transformé en ordre de mission. Et puis il y a ce fétichisme des 3 % de déficit, alors que même la Banque centrale européenne s’inquiète des risques de déflation ! Je m’inquiète de l’impact asthénique, récessif des mesures que nous prenons. On ne peut pas ajouter de l’injustice à l’inefficacité.

 

« Je me rappelle que j’ai été élu dans la continuité du discours du Bourget. Mais récemment, un électeur m’a dit “Quand Hollande au Bourget parlait de son ennemi, je ne pensais pas que c’était de moi qu’il parlait.” C’est vrai que François Hollande paraît désormais très déterminé dans sa volonté de mener sa politique, c’est assez courageux. Mais je ne n’oublie pas sur quoi nous avons été élus. En Bretagne ces derniers mois, il m’est arrivé de sonner le tocsin (Richard Ferrand s’était inquiété du climat social en Bretagne avant les Bonnets rouges, ndlr), je ne voudrais pas sonner le glas ! L’ADN de la gauche, c’est réduire les inégalités, pas « faire des gestes » de justice sociale. La gauche qui fait des gestes, c’est moi qui ai envie de lui en faire, des gestes. On ne peut pas continuer avec ces mesures qui ont abouti à rendre imposables des gens qui n’ont pourtant pas gagné un centime de plus.

« Pour les européennes, je suis assez inquiet. Parviendrons-nous à faire comprendre l’enjeu de cette élection ? Que desserrer l’étau européen peut nous permettre de travailler différemment ? Ça sent la rebelote après les municipales, même si le pire n’est jamais sûr.

« Je ne désarme pas. Après les municipales, rien ne peut être comme avant. Il faut que l’exécutif nous entende. Si le gouvernement veut que nous devenions les VRP de sa politique, il doit nous convaincre de la qualité de sa politique. Nous ne demandons pas de faire la révolution, nous demandons de discuter.

« Je n’ai pas envie de quitter le groupe PS. Je crois à l’intelligence collective des socialistes. C’est là que nous devons être féconds. Manuel Valls doit écouter et pas rejeter : nous voulons qu’il réussisse, avec nous tous ! François Hollande, mieux que quiconque, nous connaît très bien. Un bon manager utilise toutes les qualités de ses troupes. J’ai encore confiance dans notre exécutif, pourvu qu’il passe plus de temps avec ceux qui “sentent” et proposent qu’avec ceux qui « savent” et disposent… avec le succès que l’on sait.

« Mais je n’accepterai pas qu’on nous dise indéfiniment “vous devez voter ça”, et que face à nos réticences le gouvernement se contente de montrer les dents. Les esprits libres ont toujours nourri la force de la gauche. Les fan-clubs ont toujours fini en clubs fanés. »

 

La boîte noire :Huit entretiens ont été réalisés en face-à-face la semaine dernière à l’Assemblée nationale. Stéphane Travert et Richard Ferrand ont été questionnés au téléphone. Aucun entretien n’a été relu. Richard Ferrand a ajouté quelques précisions par courrier électronique.