A Beaucaire, la chef de cabinet du maire FN fait dans la surenchère raciste

Mediapart.fr

20 mai 2014 | Par Marine Turchi

 

Le FN doit maintenant gérer quelque 1 500 élus municipaux et un grand nombre de collaborateurs. À Beaucaire (Gard), le maire frontiste Julien Sanchez a recruté comme chef de cabinet l’attachée parlementaire de Gilbert Collard, dont le profil Facebook est truffé de publications islamophobes et racistes.

Gérer les nouveaux élus locaux FN et leurs collaborateurs : c’est le nouvel enjeu pour Marine Le Pen après l’élection de quelque 1 500 conseillers municipaux frontistes et la formation de cabinets dans les 12 villes gagnées (ou soutenues) par le Front national. En manque de cadres expérimentés, le FN a recruté à la hâte et peine déjà à maîtriser ces militants qui ont pris du galon.

Avant les municipales, la direction du FN avait procédé à une dizaine d’exclusions à la suite de débordements de candidats. En septembre, une note interne avait été envoyée aux secrétaires départementaux, leur demandant « de vérifier, ou de faire vérifier, que les candidats aux municipales respectent la ligne politique du Front national sur leurs blogs ou sur les réseaux sociaux ». En octobre, nouvelle polémique, et nouveau courrier envoyé par le FN. La direction réclame désormais à ses responsables locaux « un rapport ville par ville sur la bonne tenue du compte Facebook » de chaque candidat.

Mais un mois après les élections municipales, les premières sorties de route ont déjà lieu. Le 12 mai, un conseiller municipal FN élu à Tournan-en-Brie (Seine-et-Marne) a démissionné après ses propos tenus lors de la commémoration de l’armistice du 8 mai 1945. « Des comme toi, j’en ai tué plein la guerre », a déclaré le frontiste Jacques Gérard à un conseiller municipal délégué d’origine algérienne. « Il n’a pas le droit de porter l’écharpe (tricolore) ! Il n’a pas fait la guerre ! » a-t-il aussi lancé.

À Béziers (Hérault), c’est le choix des collaborateurs de Robert Ménard, maire soutenu par le FN, qui a suscité une polémique. L’édile a confié la tête de son cabinet à deux radicaux issus de l’extrême droite (lire notre article). Il a pris « à son cabinet des gens qui sont beaucoup plus, beaucoup plus radicaux que ne le sera jamais le FN », avait relevé le numéro deux du FN lui-même, Louis Aliot, en rappelant pourtant que Ménard avait gagné la ville « grâce au Front national », « qu’il ne l’oublie pas ».

À Beaucaire (Gard), Julien Sanchez a recruté fin avril comme chef de cabinet Holly Harvey-Turchet, qui était l’attachée parlementaire du député Gilbert Collard. Sur son profil Facebook – public –, cette cadre du FN du Gard (elle occupe plusieurs responsabilités), adhérente depuis 2008, relaie un grand nombre de publications hostiles aux musulmans ou aux Arabes, quand elle ne poste pas elle-même des commentaires du même type.

En octobre, Julien Sanchez, conseiller régional et cadre au service communication du parti, avait lui-même été condamné, par la cour d’appel de Nîmes, à 3 000 euros d’amende pour avoir laissé deux internautes publier sur son mur Facebook des commentaires à connotation raciste.

Au premier plan, Holly Harvey-Truchet et Gilbert Collard attendant les résultats du 2e tour des législatives, le 17 juin 2012.
Au premier plan, Holly Harvey-Truchet et Gilbert Collard attendant les résultats du 2e tour des législatives, le 17 juin 2012. © dr

« Non vous n’êtes pas chez vous et nous allons vous le rappeler lors des présidentielles! On est là, on arrives (sic) de plus en plus nombreux, forts, fiers, et indivisibles, les Frontistes vont vous faire comprendre que nous sommes chez nous!!! » C’est ce qu’écrit Holly Harvey-Turchet en novembre, lorsqu’elle poste une vidéo d’incidents sur les Champs-Élysées, après la qualification de la France et de l’Algérie pour le mondial de foot :

 

Vidéo postée par Holly Harvey-Truchet. Nous avons flouté le prénom de l'autre personne commentant.
Vidéo postée par Holly Harvey-Truchet. Nous avons flouté le prénom de l’autre personne commentant.

 

Sur sa page, on trouve aussi une vidéo de Pat Condell, pamphlétaire britannique, auteur de monologues vidéo s’en prenant violemment à l’islam. « Nous sommes malades et fatigués de l’islam », répète-t-il dans cette vidéo en anglais (visible ici). « Quand nous entendons certains bouffons barbus ou une niqabée nous dire comment ils sont offensés, nous ne pouvons même plus rire. Pas même quand le premier ministre turc, hilarant, exige que l’islamophobie soit maintenant un crime contre l’humanité, alors que, vu les preuves, il s’agirait plutôt de faire de l’islam un crime contre l’humanité », explique-t-il.

Ou encore : « Actuellement, il n’y a rien sur cette planète méritant moins de sympathie et de respect que l’indignation musulmane. (…) Alors maintenant, si vous êtes un musulman offensé, allez coller votre tête dans le four pour tous nous aider. » « Magnifique!!! », acquiesce sur sa page Facebook Holly Harvey-Turchet, en novembre 2012. Cette anglophone ajoute, en anglais : « Oui Monsieur, et comme je rêve que davantage de gens disent cela ! Appelons un chat noir un chat noir… ou peut-être un chat gris ! »

La collaboratrice de Julien Sanchez a également relayé sur son profil un billet « anthropologie » sur le « Niktamère » (lire l’intégralité ici), un « animal en voie de disparition dans son pays d’origine, le maghreb », qui « se reproduit rapidement en milieu urbain européen », est « bien nourri et logé gratuit sans travailler » et « armé d’un couteau qu’il utilise pour égorger les moutons mais pas seulement ».

Marine Le Pen venue le 22 février soutenir Julien Sanchez, élu maire FN de Beaucaire en mars.
Marine Le Pen venue le 22 février soutenir Julien Sanchez, élu maire FN de Beaucaire en mars.

Il « répond habituellement au prénom de Mohammed, Mouloud, Kader, Rachid ou Mourad », « s’attaque aux femmes seules et aux personnes âgées, ainsi qu’aux enfants à la sortie des écoles » ; « les plus vieux, appelés Chibani, s’aglutinent (sic) durant la journée aux points de survie », peut-on lire dans cette publication.

Suivent des éléments d’« identification » (toujours, fautes comprises – ndlr) : il « peut courrir très vite », a « le teint mât »« les cheveux denses et noirs », « parle le sabir », porte « des survêtements blancs trop larges et une casquette de baseball de travers ». « Il fait l’objet d’une interdiction de chasse, d’où un risque de prolifération dangereux pour l’équilibre de notre système judéo-chrétien », conclut le billet.

 

Des “amis” Facebook bien au-delà du Front national

 

 

Les musulmans, les Arabes ou les étrangers sont au cœur d’une grande partie de ses publications :

Ces propos, Holly Harvey-Turchet se plaint de ne pas pouvoir les dire sans être attaquée :

Au milieu de l’actualité militante du FN et d’une « prière à Saint-Louis », elle poste des vidéos sur la « réalité des abattages rituels », le « tabassage de journalistes dans une école islamique en France » et sur le « racisme anti-blanc » :

Elle relaie aussi l’actualité de l’observatoire de la christianophobie, site catholique traditionaliste :

Elle reproche aux médias de passer sous silence l’organisation d’une manifestation « contre l’islam en France » :

Parmi ses « amis » Facebook, on trouve un très grand nombre de cadres ou élus du FN et du FNJ, mais aussi des militants de groupuscules et associations avec lesquels le parti frontiste refuse de s’associer : Fabrice Robert, le président du Bloc identitaire, formation anti-islam, des membres de Génération identitaire, de Résistance républicaine (satellite anti-islam de Rispote laïque), des Jeunesses nationalistes, groupuscule d’extrême droite radical dissous en juillet. Y figurent aussi des royalistes, des profils affichant la croix celtique – symbole de mouvements néofascistes ou nationalistes comme le GUD –, ou encore un « natio de France » affichant le portrait du maréchal Pétain.

Gilbert Collard et Holly Harvey-Turchet, pendant la campagne législatives, en 2012.
Gilbert Collard et Holly Harvey-Turchet, pendant la campagne législatives, en 2012.

Julien Sanchez pouvait-il ignorer les publications de sa collaboratrice ? Il compte en tout cas parmi les « amis » Facebook d’Holly Harvey-Turchet, tout comme son directeur de cabinet et l’un de ses adjoints. Sollicité, il n’a pas répondu à nos questions. « Aucun commentaire, pas de réaction », répond à Mediapart son collaborateur, Yoann Gillet. Après notre coup de fil, la page Facebook de sa chef de cabinet a été entièrement supprimée. L’intéressée n’a pas donné suite à notre sollicitation.