FRANCE / Report des élections départementales et régionales : une très mauvaise idée

Mediapart

Le 6 mai 2014, le Président de la République a annoncé son intention de reporter les élections départementales et régionales (prévues en mars 2014) d’un an afin de pouvoir mettre en œuvre son projet de réforme territoriale : « Si c’est 2016, ça permettrait d’avoir le temps. Je pense que ce serait intelligent de faire des élections régionales et départementales avec le nouveau découpage », a ainsi déclaré François Hollande.

À mon sens, cette option est risquée.

En effet, une partie des conseillers généraux a été élue, en 2008, pour six ans, les conseillers régionaux ont été élus, en 2010, pour quatre ans et l’autre partie des conseillers généraux a été élue, en 2011, pour trois ans. Or, la loi organique du 17 mai 2013 a déjà prolongé leur mandat d’un an pour éviter un embouteillage électoral, en mars 2014. Par conséquent, si le calendrier électoral était à nouveau chamboulé, les conseillers généraux élus en 2008 exerceraient leurs fonctions pendant huit ans au lieu de six ! Un nouveau report poserait donc un problème démocratique.

En outre, il n’est pas du tout certain qu’une nouvelle modification de la durée soit tolérée par le Conseil constitutionnel. En effet, le juge constitutionnel veille au principe « selon lequel les citoyens doivent exercer leur droit de suffrage selon une périodicité raisonnable » [1]. Certes, il a déjà toléré une prolongation d’un an si l’intérêt général le justifie, mais seulement à la condition que les modalités envisagées « revêtent un caractère exceptionnel » [2]. Dans ce contexte, une nouvelle loi prolongeant d’une année supplémentaire les mandats des conseillers départementaux et régionaux pourrait être déclarée inconstitutionnelle. Un nouveau report comporte donc un risque juridique.

Enfin, rien ne dit que l’ambitieuse réforme territoriale voulue par le Chef de l’État aboutisse. Si les conseillers départementaux et régionaux sont d’accord pour rester élus un an de plus, ils sont beaucoup moins enthousiasmes à l’idée de se faire hara kiri ! Le texte proposé par le Gouvernement pourrait ne jamais passer. Or, que penseraient les électeurs de leurs élus si ces derniers se maintenaient un an de plus tout en refusant la réforme ? Il y a fort à parier qu’une telle situation augmenterait le poids du vote protestataire. Un nouveau report pourrait donc avoir des conséquences électorales néfaste sur le vote républicain.

Pour toutes ces raisons, le report des élections départementales et régionales à 2016 est une très mauvaise idée.

Notes :

[1] Décision du Conseil constitutionnel du 9 mai 2001.

[2] Décision du Conseil constitutionnel du 6 décembre 1990.