Catégorie : Presse

A Quimper, les « bonnets rouges » font entendre une colère identitaire confuse

 

Mediapart.fr

03 novembre 2013 | Par Stéphane Alliès

 

Manifestation du 2 novembre 2013 à Quimper
Manifestation du 2 novembre 2013 à Quimper© S.A.

Ils étaient plus de 12 000 à s’être rassemblés dans la préfecture du Finistère. Sans mots d’ordre précis, autre que « la Bretagne aux Bretons » et le rejet des taxes de l’État central.

 Quimper, envoyé spécial

La confusion en action. Ce samedi à Quimper (Finistère), c’est un rassemblement indéfinissable qui a réuni entre 10 000 et 15 000 Bretons en colère contre, pêle-mêle, les taxes, les écologistes, l’État central, François Hollande, la technocratie, les licenciements. Difficile d’en comprendre réellement davantage, tant l’hétérogénéité de la manifestation ne pouvait guère laissait espérer de message plus structuré.

Manifestation des « bonnets rouges », à Quimper, le 2 novembre 2013
Manifestation des « bonnets rouges », à Quimper, le 2 novembre 2013© S.A

Un seul point commun, comme marque de la seule revendication partagée : « La Bretagne aux Bretons », « Travailler au pays », et ces bonnets rouges abondamment vendus (5 euros pièce). Un hommage à une révolte locale de 1675, contre une taxe colbertiste (sur le papier timbré), qui semble en faire aujourd’hui fantasmer plus d’un, dans les rangs finistériens. Parmi l’affluence, et la trentaine de personnes interrogées, regroupant tous les âges, impossible de saisir bien plus que « la solidarité » affichée inlassablement, et la « fierté de se retrouver debout, tous ensemble ». Solidarité du peuple breton face aux licenciements (de plus en plus nombreux dans l’agro-alimentaire), face « aux taxes trop nombreuses », imposées par « les technocrates de Paris » ou bien « de Bruxelles », et contre « l’État jacobin » qui « empêche l’esprit d’entreprise local ».

Manifestation des « bonnets rouges », à Quimper, le 2 novembre 2013
Manifestation des « bonnets rouges », à Quimper, le 2 novembre 2013© S.A

Sur la place de la Résistance, dos à la préfecture du Finistère barricadée et encerclée de CRS, peu de drapeaux d’organisation politique : quelques-uns du NPA, de la FNSEA, du comité des pêches et de la CGT-marine, de la CGPME, du parti breton, de l’UDB, de FO, et un du groupuscule d’extrême droite Bloc identitaire. En revanche, des « Gwenn-ha-Du » par milliers et beaucoup de pancartes faites main, s’en prenant aux écologistes, à François Hollande, et encore et toujours aux taxes, dont on pourrait croire qu’elles accablent un territoire pourtant plutôt exonéré en la matière.

Si la CGT, rejointe par la FSU et Solidaires, a organisé au même moment à Carhaix un contre-rassemblement politiquement bien plus clair (et rassemblant plusieurs dirigeants nationaux du Parti de gauche ou d’Europe Écologie-Les Verts), celui-ci n’a rassemblé qu’entre 2 000 et 3 000 personnes. Quoi qu’en dise Jean-Luc Mélenchon (qui a qualifié la mobilisation quimpéroise de « rassemblement de nigauds, (…) esclaves manifestant pour leurs maîtres »), il paraît compliqué de soupçonner un quelconque agenda politique caché dans la foule de Quimper, tant leurs revendications paraissent imprécises. Dans le cortège, on croise aussi bien l’anticapitaliste Philippe Poutou que le député UMP Marc Le Fur ou des élus socialistes de la ville.

Ouvriers de « Marine Harvest », lors de la manifestation des « bonnets rouges », à Quimper, le 2 novembre 2013
Ouvriers de « Marine Harvest », lors de la manifestation des « bonnets rouges », à Quimper, le 2 novembre 2013© S.A

 

En fond musical, le trouble s’accentue en boucle, confondant la rappeuse enragée Keny Arkana avec l’« Hexagone » de Renaud, ou les chants traditionnels, comme « L’hermine blanche ». Un éclectisme rythmé de grands coups de klaxon, façon chalutier entrant dans le port, emportant l’applaudimètre et les hourras à chaque fois. Mention spéciale aussi, dans un cortège dénué de tout slogan claironné (à part quelques sporadiques “Hollande démission”), pour l’annonce de la destruction du portique à écotaxe de Saint-Allouestre, survenu en début d’après-midi.

Les discours de tribune n’aident pas à saisir davantage les revendications concrètes parmi l’aréopage d’organisateurs, allant du maire de Carhaix, Christian Troadec (inclassable, mais plutôt gauche radicalo-écolo-autonomiste) au responsable local paysan de la FNSEA, Christian Merret, tous deux principaux leaders du mouvement, en passant par des pêcheurs de la CGT, des ouvriers licenciés (des entreprises Gad, Doux, ou Danielle Harvest), ou des patrons (qui préfèrent se faire appeler « entrepreneurs »). Ou encore de l’organisateur du festival des Vieilles Charrues, ou de l’ancien maire de Plonevez Jean Hourmant, 87 ans, figure politique du combat pour l’identité bretonne. Un melting-pot de cris de colère et de désespoir, dans lequel on est bien en peine de trouver un fil conducteur. Si ce n’est que tout est dans tout, en Bretagne, et que « l’union fait la force, tous ensemble, tous ensemble, ouais ! »

Manifestation des « bonnets rouges », à Quimper, le 2 novembre 2013
Manifestation des « bonnets rouges », à Quimper, le 2 novembre 2013© S.A

Maître de cérémonie et porte-parole un brin mégalo de la révolte bigoudène, Christian Troadec fait dans l’exagération, quand il compte 30 000 participants, ou lorsqu’il qualifie la journée de « plus grand rassemblement de l’histoire de la Bretagne d’après-guerre » (oubliant un peu vite l’émeute paysanne de 1967, la lutte antinucléaire de Plogoff en 1980, ou le mouvement des pêcheurs de 1994). Mais le héraut de la lutte contre la désertification bretonne (il avait notamment mené le combat victorieux contre la fermeture de l’hôpital de Carhaix en 2008) fut le seul à esquisser un périmètre revendicatif allant au-delà de la « suppression de l’écotaxe », comme « l’exigence de la fin du dumping social de l’UE, afin que ne se propage plus le sentiment anti-européen ». Lui voit carrément son « pays vieux de 1 500 ans » écrire « une nouvelle page de son histoire dans le concert des nations », et plaide, sous les vivats, pour « une vraie régionalisation, pour en finir avec ce jacobinisme d’un autre temps ».

Responsable d’une entreprise de transports, Marie-Noëlle Michel a fait entendre le point de vue patronal, lui aussi applaudi. En vrac, la fin de « la rançon odieuse des politicards », des « contrôles tatillons » et des « tracasseries administratives de tous ordres ». Avant elle, Jean-Jacques Jégou, de la fédération du bâtiment, a lui dénoncé « les recours trop faciles et trop longs contre les permis de construire », implorant les pouvoirs publics : « Ne tuez pas l’esprit d’entreprise . »

Manifestation des « bonnets rouges », à Quimper, le 2 novembre 2013
Manifestation des « bonnets rouges », à Quimper, le 2 novembre 2013© S.A

Seule Nadine Hourmant, déléguée FO de Doux, a fait de la politique à gauche, en livrant un réquisitoire passionné contre « la flexi-sécurité » et « la régression sociale généralisée » menée par le gouvernement, citant la réforme des retraites et l’accord sur l’emploi (ANI). Mais elle s’est aussi fait siffler quand elle a évoqué « les salaires de misère donnés par des patrons qui se sont enrichis grâce aux subventions européennes », ou la possible « nationalisation des secteurs de production en crise ». « Pas de récupération politique ! Dégage ! », se sont écriés plusieurs manifestants.

Durant les discours jusqu’en début de soirée, des heurts ont continuellement opposé des manifestants, mélange de « punks à chien », d’« autonomes » et de vieux routiers de l’assaut préfectoral (dont de sacrés experts du lance-pierre à l’ancienne), à des CRS ayant manié le canon à eau sans discontinuer, avant de disperser vers 20 heures la manif à coups de gaz lacrymogène. Si l’affrontement n’a pas connu les excès de fureur et de flammes de précédentes mobilisations bretonnes, on ne peut toutefois s’empêcher de noter que pareils débordements entraînent bien moins de mansuétude policière, quand ils sont le fait de « jeunes de quartiers » ou d’ouvriers en grève. À Quimper, ce samedi, les CRS se sont ainsi laissé charger trois heures durant, tandis que les organisateurs se défaussaient tranquillement au micro de toute responsabilité. Les appels au calme furent de pure forme, Christian Troadec osa même un fort applaudi : « Nous demandons à la police de se calmer. »

 

François Hollande et Jean-Marc Ayrault auront donc fort à faire pour sortir de la « crise bretonne ». Tous deux fortement sensibilisés à la « cause », tant cette région, qui constitue le socle de leur assise politique et intellectuelle, est en train de devenir un paradis modérantiste et pro-européen perdu pour leur idéal social-démocrate, ils vont être bien en peine pour répondre aux attentes de l’amertume anti-fiscale et anti-pouvoir central qui s’exprime. À moins de donner son indépendance à la Bretagne et/ou d’y supprimer les impôts.

Manifestation des « bonnets rouges », à Quimper, le 2 novembre 2013
Manifestation des « bonnets rouges », à Quimper, le 2 novembre 2013© S.A

NSA : nous sommes tous des terrorristes…

Par Denis Sieffert
31 octobre 2013

Ce qui effraie, c’est la vision d’un capitalisme où tout le monde est l’ennemi de tout le monde. Si ce n’est pas une dictature, c’est au moins un totalitarisme.

Lorsqu’en 1949 George Orwell publie son fameux roman de politique-fiction 1984, le totalitarisme qu’il dénonce a son quartier général au Kremlin. Le fameux « Big Brother is watching you », devenu une figure familière de nos conversations, est d’abord une allégorie du stalinisme. Partisan d’un socialisme démocratique, l’écrivain anglais, qui avait rejoint les rangs du POUM pendant la guerre d’Espagne, et que l’on situerait aujourd’hui « à gauche de la gauche », n’envisageait pas que cette espionnite tentaculaire et oppressante puisse un jour transférer son siège à la Maison Blanche. Impossible à l’époque d’anticiper la croissance monstrueuse de cette National Security Agency (NSA), l’agence américaine de renseignements, dont on découvre les turpitudes et les délires. À la rigueur, un esprit fertile comme celui d’Orwell aurait pu concevoir les extraordinaires avancées des technologies de la communication ; il lui aurait été plus difficile de prévoir la disparition de l’Union soviétique, la mondialisation libérale, et l’âpreté des nouvelles guerres commerciales.

Le monde s’est inventé depuis une trentaine d’années de nouveaux Léviathans. Car ce n’est évidemment pas pour conforter son pouvoir personnel que Barack Obama fait écouter Angela Merkel, mais pour servir des intérêts économiques et financiers. Les grandes oreilles de la NSA s’inscrivent dans la logique d’un commerce déréglementé et mondialisé. Et puisque la technologie permet d’espionner tout le monde, partout et tout le temps, pourquoi s’en priver ? Il n’est même pas sûr que cette industrie crée beaucoup d’emplois. Des algorithmes font le boulot. Des ordinateurs font le tri parmi des centaines de millions de suspects, dont vous et moi (du moins, je l’espère – il serait vexant que Politis ne soit pas écouté…). La NSA fonctionne comme un immense chalut qui remonterait à la surface tout et n’importe quoi, petits et gros poissons, et quantité d’immondices qu’on fouillera à tout hasard dans l’espoir de récupérer quelques pièces d’or échappées d’un bateau corsaire. Si dans cette pêche trop foisonnante pour être miraculeuse on repère les bavards qui prononcent des mots-clés présélectionnés par les limiers du renseignement américain, du genre « Pakistan », « Israël », « charia », « Nosra », « Iran », « 11-Septembre », « Tchétchénie », « Hamas », « marathon »…, alors on pourra justifier les milliards investis. Car tel est l’alibi : la lutte contre le terrorisme. Tel est l’alibi du Patriot Act, cette loi liberticide promulguée par George W. Bush en 2001, confirmée par Obama en 2011, et qui donne à peu près tout pouvoir au FBI et à la CIA. Dans ce système, nous sommes tous des terroristes présumés. Mais chacun a bien compris que ce n’est pas la seule raison d’être de ce Big Brother. À moins de soupçonner Mme Merkel d’être un agent d’al-Qaïda…

Des experts, ricanant, ont bien tenté de minimiser l’événement : « Comment ? Vous découvrez la lune ! L’espionnage a toujours existé ! Et tous les pays agissent ainsi ! » Ceux qui nous disent cela font mine d’oublier que c’est évidemment l’ampleur du système qui effraie, le gigantisme des moyens, et leur concentration entre les mains des dirigeants d’un seul pays, et au service exclusif d’intérêts économiques clairement identifiés. Ce qui effraie, c’est la vision que cette affaire révèle. Celle d’un capitalisme libéral où tout le monde est l’ennemi de tout le monde. Si ce n’est pas une dictature, c’est au moins un totalitarisme, au sens propre du mot. Un système militaro-économique total qui ne fait plus la différence entre le commerce et la guerre, et qui peut aussi bien pratiquer un intense espionnage industriel que donner la mort au Pakistan par drones interposés. Tel est le constat. Mais quelle est la solution ? C’est la deuxième mauvaise nouvelle de cette histoire, la pire peut-être : il n’y a pas de solution. Pas de solution en tout cas qui ne vienne des États-Unis eux-mêmes. L’Union européenne propose un dérisoire « code de bonne conduite » ; le Parlement européen dépêche à Washington une délégation qui va sûrement « terroriser » le Pentagone.

Certains, en représailles, ont avancé l’idée d’une suspension des négociations commerciales transatlantiques. Mais cela supposerait que l’Union européenne ne tiendrait pas elle-même à cette négociation comme à la prunelle des yeux de M. Barroso. Ou qu’elle pourrait prendre prétexte de cette affaire d’espionnage pour changer radicalement de politique économique. Absurde. La vérité, c’est que l’action de la NSA, comme celle des drones qui tuent au Pakistan, relève de la loi du plus fort. Le ridicule de l’Europe, c’est son adhésion à cette loi alors même qu’elle est la plus faible… De cette faiblesse soumise, les pays européens ont d’ailleurs apporté la plus scandaleuse des preuves en traitant comme un paria celui qui a révélé les pratiques de la NSA. Comment pourrait-on croire que la France, qui a refusé le droit d’asile à Edward Snowden, puis tenté de l’intercepter jusque dans l’avion du président équatorien – et cela à la demande du pays qui nous espionne –, puisse être prise au sérieux quand elle proteste contre les intrusions de la NSA ? Il y a dans tout cela quelque chose de pathétique.

Encore une fausse enquête sur les assistés. Cette fois-ci c’est Le Point qui s’y colle !!

http://blogs.mediapart.fr/blog/yves-faucoup/311013/le-point-fausse-enquete-sur-les-assistes

CHRISTIANE TAUBIRA VICTIME D’UN RACISME PUR ET DUR.

Libération 30/10/2013

L’historien Pascal Blanchard revient sur les attaques dont la ministre est victime.

Des cris de singe, des bananes brandies, des dessins de guenon. «Je n’ai rien à dire à des personnes qui profèrent de telles paroles, qui sont je le rappelle, un délit.» Hier encore, interpellée sur les insultes racistes qu’elle essuie régulièrement, Christiane Taubira a rappelé sa ligne : ne pas surréagir sur les attaques à sa personne, mais s’inquiéter des paroles racistes proférées avec une impunité de plus en plus grande. Pascal Blanchard est historien, il a notamment codirigé la France noire en 2011 et la France arabo-orientale, qui vient de sortir aux Editions La Découverte.

C. Taubira est la cible d’insultes racistes de plus en plus brutales. Pourquoi ?

L’erreur serait de penser que cette brutalité n’existait pas avant. En réalité ce qui était invisible est rendu visible, un interdit a sauté. Des mots qui étaient il y a peu de l’ordre du scandale ou de l’interdit surgissent sur la scène publique : lors de manifestations ou dans les reportages télévisés. Ce qu’on entendait jusqu’alors dans les stades de foot – des cris de singe à l’entrée des joueurs sur le terrain, des phrases comme «il y a trop de Noirs dans l’équipe de France» – est dit désormais tout à fait ouvertement contre une ministre.

Pourquoi ces personnes qui profèrent des injures racistes osent-elles ?

Elles ont l’impression que leur opinion est devenue la norme. Que la majorité des Français les soutiennent. Des intellectuels tiennent des propos islamophobes, des magazines font des unes du même acabit, pourquoi le citoyen lambda n’aurait pas le droit lui aussi de tenir de tels propos ? Les barrages ont sauté les uns après les autres depuis dix/quinze ans. Ceux qui profèrent des propos racistes à l’encontre de Christiane Taubira lui reprochent d’être illégitime à son poste, non pas pour des questions de compétence, mais au nom de sa «race», qui serait inférieure et ne pourrait participer à la société politique. C’est un racisme pur et dur, un racisme de peau, qui fait penser à l’Amérique des années 30 ou à la France coloniale. Pour les racistes, Christiane Taubira est devenue l’ennemie. Ça n’est malheureusement pas fini, elle va focaliser désormais cette violence.

Pourquoi ça va continuer ?

Elle cumule quatre points de fixation forts et indélébiles. C’est une femme : elle ne serait pas légitime à son poste. Elle vient de l’outre-mer : depuis quand ceux-là viennent dire à la métropole ce qu’elle doit faire ? Elle est noire : et elle ose représenter la Justice ? Enfin, elle a porté deux textes emblématiques : le premier, lorsqu’elle était députée, sur la mémoire de l’esclavage, symbole de la repentance pour les racistes et les néocolonialistes, le second sur le mariage pour tous. Elle est la démonstration parfaite – en tout cas c’est celle que faisaient Charles Maurras ou Maurice Barrès au début du XXe siècle – que si une personne noire entre dans le système, elle le détruit de l’intérieur. C’est bien pourquoi au temps des colonies, le système refuse le droit de vote aux colonisés. Ajoutons qu’elle a de l’argumentaire et de la conviction politique, qu’elle n’a besoin de personne pour se défendre : l’abattre politiquement, c’est abattre tous ceux qui voudraient suivre son exemple. C’est tuer un symbole.

Pensez-vous que la réaction politique, associative ou médiatique a été à la hauteur de la violence des attaques ?

Non. Il y a tant d’attaques en ce moment, qu’il faudrait passer son temps à y répondre… Les intellectuels, les hommes politiques ou les médias, n’arrivent plus à mobiliser. A une époque d’angoisse identitaire, de crise et de doutes face à notre politique migratoire, le premier réflexe est désormais souvent : «Ah non on ne va pas encore parler de ça…» Encore une fois, ce n’est pas parce que la loi Gayssot a interdit l’expression d’opinions racistes qu’elles n’existaient plus. L’interdit sur ces mots-là est levé moralement aujourd’hui, ces cris de singe et ces bananes sont devenus un langage, des codes qui sont parfaitement compris dans l’espace public, et les élites ne savent plus comment y répondre. Il va falloir éduquer et agir autrement et décoloniser ces imaginaires qui irriguent encore la société française.

Recueilli par SONYA FAURE

Le sursaut ou la catastrophe

Mediapart.fr

29 octobre 2013

Depuis quelques mois, la grogne et même l’exaspération prennent de l’ampleur dans les rangs des élus socialistes. Il n’y a pas encore de ténor, à la manière d’un Marceau Pivert en 1937, qui menace de claquer la porte mais une interpellation se fait de plus en plus forte : pour conjurer la catastrophe qui vient, il faut un sursaut.

Dans les périodes les plus tumultueuses de son histoire, quand elle n’a pas assumé ses responsabilités ou, pis que cela, quand elle a trahi ses engagements, la gauche a, envers et contre tout, toujours vu dans ses rangs des hommes se dresser et sauver son honneur. Des militants courageux qui ont su, à temps, sonner l’alarme contre les démissions ou les dérives du moment et proposer au pays une autre voie. Des hommes courageux comme Marceau Pivert qui s’insurge dès 1937 contre les démissions du Front populaire et dénonce les concessions faites au « Mur de l’argent » ou l’abandon des républicains espagnols à leur sort tragique. Ou alors comme l’ancien ministre socialiste de l’intérieur, Édouard Depreux qui, dénonçant avec d’autres l’aventure coloniale à laquelle le gouvernement de Guy Mollet prête la main, et la torture en Algérie, rompt avec la SFIO et crée en 1958 le Parti socialiste autonome (PSA), lequel fusionne peu après, en 1960, avec deux autres petites formations, Tribune du communisme et de l’Union de la gauche socialiste (UGS), pour donner naissance au Parti socialiste unifié (PSU).

Comme par contraste, c’est sans doute ce qu’il y a eu de plus déprimant dans les premiers mois du quinquennat de François Hollande : si le nouveau président de la République a tout de suite renié l’essentiel de ses promesses un tantinet ancrées à gauche et conduit une politique économique et sociale orientée à droite, presque sans aucun changement par rapport aux années sarkozystes ; s’il a conforté le ministre de l’intérieur Manuel Valls dans ses campagnes de stigmatisation xénophobe, comme s’il n’y avait pas eu d’alternance, il ne s’est trouvé, pendant de longs mois, personne – ou presque personne – dans les rangs mêmes du Parti socialiste pour dénoncer cette course folle vers l’abîme. Personne pour sonner l’alarme et prévenir qu’à ce rythme-là, avec une gauche qui copie les pires travers d’une droite qui elle-même est devenue poreuse aux idées du Front national, une « brunisation » du pays menace, lourde de terribles dangers.

La lucidité commande d’en faire le constat : longtemps, il n’y a pas eu de grandes voix s’élevant, dans les rangs mêmes du Parti socialiste, pour sonner le tocsin. Et le débat, à gauche, est resté comme pétrifié tout au long de cette année 2012-2013, avec d’un côté des hiérarques socialistes confortant les dérives les plus droitières du pays au point de les alimenter eux-mêmes, et des dirigeants de la gauche de la gauche, trop souvent claquemurés dans des postures de dénonciation ou d’invective, sinon même d’injure, la mollesse ou les compromissions des uns confortant trop souvent le sectarisme des autres. Il ne s’est trouvé aucune grande voix pour annoncer la catastrophe qui vient, et inviter la gauche au débat et au sursaut : la gauche, toute la gauche, dans toutes ses composantes. Il ne s’est trouvé presque personne pour jeter des ponts, pour enrayer cette folle aventure dont l’extrême droite risque d’être la seule gagnante, pour inviter au rassemblement.

Dans ce sombre tableau, il y a pourtant une touche nouvelle. Depuis quelques mois, seulement. Une petite lueur d’espoir ! Enfin, dans les rangs socialistes, les choses commencent à bouger. Dans ce parti qui a largement été déserté par les foules militantes et qui ne regroupe pour l’essentiel que des élus nationaux, régionaux ou locaux, quelques voix commencent à s’élever pour dénoncer la course folle à la catastrophe engagée par François Hollande.

On observera, certes, que les élus socialistes qui ont commencé à faire part de leur mauvaise humeur, de leur inquiétude ou de leur désaccord, ne l’ont fait, pour l’heure, qu’avec d’infinies précautions. Sachant que le Parti socialiste est une formation en réalité assez peu démocratique où tout élu qui fait entendre une voix dissonante prend le risque de ne pas être investi lors du prochain scrutin, et où les ravages du présidentialisme interdisent tout débat collectif honnête, les désaccords ne se sont pour l’instant exprimés que de manière ponctuelle. Un jour sur le projet de flexibilité du travail, le lendemain sur la CSG progressive, le surlendemain sur la réforme des retraites. Et il n’y a guère eu que le député des Français de l’étranger (pour l’Afrique du Nord), le socialiste Pouria Amirshahi, pour oser faire la synthèse de tous ces désaccords, et dire avec beaucoup de clarté – et tout autant de courage – dans un entretien à Mediapart ce qui traverse l’esprit de beaucoup d’élus socialistes : « Hollande doit changer de chemin. »

Par contraste avec ce qui se passe par exemple sous le Front populaire, on ne peut certes s’empêcher de penser que le Parti socialiste est encore en bien plus piteux état aujourd’hui qu’hier. Car, à l’époque, c’est effectivement l’une des très grandes voix du parti, celle de Marceau Pivert, qui se fait entendre. Et le vieux militant dit les choses de manière tranchée.

Marceau PivertMarceau Pivert© Bibliothèque nationale de France

Que l’on se souvienne des premiers mois de cette sombre année 1937. Pour la gauche, c’est la triste chronique d’une défaite annoncée. La chronique douloureuse d’abord du gouvernement de Front populaire qui propose aux puissances européennes un pacte de non-intervention en Espagne, qui fait, volontairement ou non, le jeu des franquistes contre les républicains – pacte au demeurant qui est tout aussitôt violé par l’Allemagne de Hitler et l’Italie de Mussolini. Et puis la chronique pathétique, au plan intérieur, d’un gouvernement de Front populaire qui, de reculades en concessions, finit par proposer une « pause sociale » – c’est Léon Blum qui le suggère dans une allocution radiodiffusée le 13 février 1937.  Ce qui déchaîne les critiques de la droite, qui exploite au mieux l’extrême fragilité de la coalition de Front populaire. Et ce qui indigne Marceau Pivert qui, quelques jours plus tard, le 1er mars, démissionne de ses responsabilités gouvernementales et rompt avec Léon Blum, en lui envoyant une lettre dont les termes prennent, eux aussi, avec le recul une forte résonance : « Non, je ne serai pas un complice silencieux et prudent. Non, je n’accepte pas de capituler devant le capitalisme et les banques. Non, je ne consens ni à la paix sociale, ni à l’union sacrée. Et je continuerai à le dire, quoi qu’il puisse m’en coûter. »

 

Au moins les choses commencent-elles à bouger

Dès lors, l’histoire est écrite : lentement, inexorablement, le Front populaire fait naufrage. Dès le 21 juin 1937, le gouvernement de Léon Blum démissionne, cède la place à celui du radical Camille Chautemps (1885-1963), puis se reforme le 13 mars 1938 avant d’être balayé moins de deux mois plus tard.

Sinistre histoire dont on connaître l’épilogue : ce sera une chambre de Front populaire – malgré le votre contre de quatre-vingts courageux parlementaires, pour l’essentiel issus de la gauche – qui finira par voter les pleins pouvoirs à Pétain et accepter cette « étrange défaite » si vigoureusement dénoncée par l’historien et résistant Marc Bloch. Sinistre histoire, oui, mais au moins y aura-t-il eu à cette époque quelques grandes voix pour se dresser contre ce terrible suicide de la gauche qui finit par aboutir au renversement de la République et à l’instauration du régime de Vichy.

Alors, comme par contraste, dans un contexte où les frontières entre la droite et l’extrême droite deviennent de plus en plus poreuses, et où l’Élysée encourage le ministre Manuel Valls à mener des campagnes xénophobes assez peu différentes de celles conduites peu avant par Brice Hortefeux ou Claude Guéant ; dans un contexte où la droite extrême devient le cœur du débat public et où une bonne partie des grands médias font de Marine Le Pen le personnage central de la vie publique hexagonale, on aurait pu souhaiter un sursaut plus spectaculaire. On aurait pu attendre de l’intérieur même du Parti socialiste une défense plus vigoureuse des principes républicains.

Mais sans doute ne faut-il pas faire la fine bouche. Au moins les choses commencent-elles à bouger. Pour en prendre la mesure, il suffit de se replonger dans les très nombreux reportages ou enquêtes que les journalistes de Mediapart ont consacrés à la grogne croissante des élus socialistes. Pour mémoire, citons les plus récents : À l’Assemblée, la fronde déborde de l’aile gauche du PS ; Les dirigeants du PS écopent pour éviter que le navire coule ; Réforme des retraites : le fiasco d’une majorité alternative à gauche

Au cours des derniers mois, les désaccords sont donc devenus de plus en plus fréquents et les députés socialistes, et pas seulement ceux de l’aile gauche, ont été de plus en plus nombreux à exprimer leur exaspération. On l’a constaté d’abord de manière moléculaire lors de l’adoption du projet de loi dit de sécurisation de l’emploi – mais qui, en fait, a torpillé des pans entiers du code du travail et notamment du droit du licenciement – puisque six députés socialistes ont voté contre et 35 se sont abstenus.

On l’a constaté encore lors de l’adoption d’une réforme des retraites qui accable le travail et protège le capital (lire ici notre « parti pris » sur cette réforme) : 17 députés de l’aile gauche du PS, dont Pouria Amirshahi, Fanélie Carrey-Conte, Pascal Cherki ou Jérôme Guedj se sont abstenus, à l’instar de 16 députés d’Europe Écologie-Les Verts.

On l’a également constaté lors du débat préparatoire à l’adoption du projet de loi de finances pour 2014. Car dans le cas présent, par crainte de possibles sanctions, aucune voix socialiste n’a certes manqué lors du vote pour ratifier ce budget très conservateur. Mais dans les semaines précédentes, la mauvaise humeur des parlementaires socialistes s’est tout de même clairement manifestée – et on a pu vérifier qu’elle débordait très largement la seule aile gauche du parti – puisque 75 députés ont profité de la controverse fiscale pour réclamer la mise en œuvre d’une Contribution sociale généralisée (CSG) progressive.

Cette proposition en forme de manifeste, que l’on peut consulter ici, est évidemment tout sauf anecdotique. Car François Hollande s’était clairement engagé avant l’élection présidentielle en faveur d’une « révolution fiscale », en vue de refonder un impôt citoyen et progressif. Et, au terme de la proposition 14 de sa plate-forme (on peut la consulter ici), il était prévu que cette révolution devait prendre la forme d’une fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG.

Or, on sait que, pour finir, le gouvernement a renié totalement ses engagements. Remisant aux oubliettes la « révolution fiscale » promise, il a fait l’exact contraire en relevant la TVA, l’impôt le plus injuste, que la gauche n’a cessé de longue date de dénoncer. Dans la proclamation de 75 députés en faveur d’une CSG progressive, il y avait donc une forme salubre de protestation. Plus que cela ! Une forme à peine cachée d’indignation face à un François Hollande qui n’a eu de cesse que de piétiner ses promesses.

On peut lire à ce sujet les billets intéressants publiés sur son blog (ils peuvent être consultés ici) par le député socialiste Jérôme Guedj qui est l’un de ceux à s’être prononcés en faveur de cette CSG progressive, mais qui a aussi cherché à ce que le crédit d’impôt de 20 milliards d’euros en faveur des entreprises soit placé sous conditions et mieux encadré, pour ne pas générer de scandaleux effets d’aubaine.

Alors, certes, cette mauvaise humeur des élus socialistes s’est manifestée de manière confuse et désordonnée. Car, après tout, il aurait sûrement été plus clair et cohérent de dénoncer le budget de 2014, dans sa totalité, qui entérine les priorités de Nicolas Sarkozy, prolonge et même accentue sa politique d’austérité et fixe le cap d’une politique fiscale néolibérale qui aggrave les inégalités.

Pouria Amirshahi, premier des rebelles

Ainsi va le Parti socialiste, embourbé dans des luttes vaticanes. Totalement corrompu par les mœurs anti-démocratiques de la Ve République, celles de la monarchie républicaine, il concède au chef de l’État, François le Petit, le droit de décider de tout. Et les élus de la Nation, tels les « Muets » du Premier Empire, n’ont qu’un seul droit, celui d’approuver en silence les choix du premier d’entre eux, quand bien même ils les emmèneraient vers la catastrophe. Ou alors, celui d’avancer en crabe : de voter comme un seul homme ce budget 2014, tout en se prononçant pour une CSG progressive – une mesure dont la philosophie est à l’exact opposé de ce budget.

Dans ce capharnaüm qu’est devenu le Parti socialiste, on pourrait donc finir par s’y perdre. Car si, de proche en proche, la grogne est manifeste, toutes les réformes réactionnaires concoctées par le gouvernement, de la réforme des retraites jusqu’au « choc de compétitivité » en passant par le dynamitage du code du travail ou le relèvement de la TVA, sont finalement entérinées. La course vers l’abîme se poursuit, et les élus socialistes, trop inquiets pour beaucoup d’entre eux de ne pas retrouver à terme l’investiture dont dépendra leur réélection, ne font rien de sérieux pour l’enrayer. Ils regimbent, certes, mais ils ne se révoltent pas encore. Dans son Palais de l’Élysée, à chaque intervention télévisée, François le Petit ânonne « moi, je », « moi, je… », comme s’il détenait un pouvoir absolu, celui du « coup d’État permanent », et, en face de lui, il n’y a personne pour lui opposer un « nous » plus collectif, celui des élus de la Nation.

Et pourtant, dans ces luttes vaticanes, largement incompréhensibles pour le commun des mortels, il y a, sans conteste, un fait nouveau. Pour la première fois, un élu socialiste, Pouria Amirshahi précisément, a franchi un pas de plus. Si l’on peut dire, il a franchi le Rubicon… socialiste ! Il a dit, clair et net, sur Mediapart, ce qui pourrait rassembler une bonne partie des électeurs du Parti socialiste mais aussi ceux du Front de gauche : il faut changer de cap ! Et il l’a dit, ce qui est remarquable, sans violence, sereinement, presque calmement : pour conjurer la catastrophe qui se profile, celle vers laquelle François Hollande conduit la gauche, et le pays avec elle, il faut emprunter une autre voie. On retrouvera ci-dessous l’entretien avec Mediapart que nous évoquions tout à l’heure :

D’autres que lui, plus connus du grand public, auraient sans doute eu une voix qui porte plus. Mais, même dans l’aile gauche du Parti socialiste, il y a eu tellement de démissions que beaucoup de hiérarques sont finalement rentrés dans le rang, et n’ont rien dit de leur colère, face aux embardées et aux dérives de François Hollande. Qu’a dit le vieux grognard Henri Emmanuelli ? Malheureusement, on ne l’a plus guère entendu depuis de longs mois. On l’imagine boudeur, mais ne voulant par fidélité rien dire contre son camp, quand bien même il s’enlise dans de dangereux marais. Qu’a dit Benoît Hamon, qui est censé être le chef de file de l’aile gauche de ce parti ? Pour un minuscule maroquin, celui des mutuelles nécrosées, lui-même a donné le sentiment de rentrer dans le rang.

Alors, il reste cette image chaleureuse d’une jeune génération de députés socialistes, celle des quadras, qui enfin a le courage de dire les choses telles qu’elles sont : la gauche est en grave danger, et le pays avec elle. Image d’autant plus chaleureuse que le premier des rebelles, celui qui a eu enfin le front de dire les choses clairement, Pouria Amirshahi, fut président de l’Unef, le syndicat étudiant, au début des années 1990. On ne peut donc s’empêcher d’y voir comme un pied de nez à une histoire sordide. Depuis trois décennies, le syndicalisme étudiant a fourni tellement de cadres au Parti socialiste qui ont ensuite – à quelques rares exceptions près- par carrièrisme abjuré l’idéal de leur jeunesse et se sont fourvoyés dans les courants les plus réactionnaires de ce parti, celui en particulier dont Dominique Strauss-Kahn a longtemps été le chef de file, quand ils n’ont pas versé purement et simplement dans l’affairisme, qu’il y a quelque chose de salubre et même de réconfortant que la mise en garde la plus lucide soit venue ces derniers temps de cette même génération. Ou plutôt de celle qui lui a immédiatement succédé.

Qui voudra entendre l’invitation de Pouria Amirshahi ? Il concerne au premier chef le Parti socialiste : c’est une invitation calme, sereine, à un débat pour conjurer le chaos vers lequel François Hollande entraîne toute la gauche. Mais il concerne aussi les autres courants de la gauche, en tout particulièrement le Front de gauche : c’est une invitation à sortir des anathèmes et des invectives, c’est une invitation au rassemblement de la gauche, pour conjurer son actuel morcellement.

Dans le pays, il existe, certes, des impatiences encore plus fortes. Témoin cet appel que le philosophe Michel Feher a publié sur son blog sur Mediapart, avec un titre qui a valeur de programme : « Rompre avec la majorité présidentielle ou s’abîmer avec elle: le choix, c’est maintenant ».

Mais pour être moins radical dans la forme, l’appel du député socialiste n’en constitue pas moins l’une des rares bonnes nouvelles depuis bien longtemps pour la gauche. Les socialistes n’ont peut-être pas encore trouvé leur porte-voix, à la manière de ce que fut Marceau Pivert en 1937. Mais il est au moins un élu courageux qui  a clairement indiqué le chemin à suivre. Et qui a sonné le tocsin : à défaut d’un sursaut, ce sera le chaos ou la catastrophe ! Voilà le grand danger auquel conduit immanquablement la politique de François Hollande : le spectre d’une victoire de la droite extrême…

URL source: http://www.mediapart.fr/journal/france/271013/le-sursaut-ou-la-catastrophe

Sur Facebook, le racisme ordinaire du FN…

«Priez dans les rues, imposez-nous du halal, interdisez-nous le porc, prenez nos filles, dirigez notre pays… Tant que le Front national ne sera pas au pouvoir, vous avez tous les droits. Ouais, sauf que le Front national sera bientôt au pouvoir !», écrit Jean-Bernard Formé, tête de liste à Lorgues (Var) pour les prochaines municipales, sur sa page Facebook. Ce post, daté du 2 juillet dernier, se trouvait toujours en ligne jeudi 24 octobre.

Des propos qui viennent entacher la stratégie de Steeve Briois, secrétaire général du FN, et très proche de Marine Le Pen : son parti essaie à toute force de lisser son image, malgré les dérapages de ses candidats aux municipales sur les réseaux sociaux. Le 18 octobre, le FN a ainsi décidé de suspendre Anne-Sophie Leclere, candidate à Rethel (Ardennes), suite à la publication sur son profil Facebook d’un montage comparant la ministre de la Justice, Christiane Taubira, à un singe, révélé par France 2. Florian Philippot, vice-président du parti, a résumé l’affaire à une «erreur de casting».

Steeve Briois s’est alors fendu d’une note adressée aux secrétaires départementaux du parti. Il leur demande de redoubler de vigilance vis-à-vis des publications sur les réseaux sociaux des candidats de leur fédération. Le fait n’est pas nouveau : le FN avait fait face à la même situation en septembre. Il avait alors exclu le candidat François Chatelain, pour propos xénophobes tenus sur sa page Facebook (notamment un drapeau israélien en train de brûler avec inscrit à côté : «Ici, c’est la France.»). Ce qui avait déjà valu aux secrétaires départementaux un rappel à l’ordre de la part de Steeve Briois. Contacté à plusieurs reprises, ce dernier n’a pas répondu à nos appels.

«Stratégie de dédiabolisation»

«Les responsables du parti sont beaucoup plus attentifs à ce genre de dérapages depuis que Marine Le Pen est à leur tête», décrypte Sylvain Crépon, spécialiste de l’extrême droite, auteur de Enquête au cœur du nouveau Front national, (Nouveau monde éditions, 2012). «Cette utilisation des réseaux sociaux fait partie de leur stratégie de dédiabolisation», analyse-t-il. En dépit de cette tentative de toilettage en amont, certains profils Facebook de candidats aux municipales montrent qu’il y a encore bien du travail.

Propos islamophobes, ciblant le voile intégral ou le halal, sont toujours visibles, sous forme de posts ou de partage de photos, sur d’autres comptes Facebook de candidats têtes de liste pour le FN.

Capture d'écran Facebook réalisée le jeudi 24 octobre 2013 sur le profil de Julien Dufour, tête de liste FN.

«En fait, le Niqab, c’est le même principe que le pékinois, on ne sait pas ce qui est le devant et ce qui est le derrière… Elle est où la tétête ? Il est où le cucul ?» écrit ainsi Julien Dufour, tête de liste à Boulogne-Billancourt, le 13 avril 2012, en commentant une photo d’une femme intégralement voilée. Des photomontages de femmes intégralement voilées continuent également d’apparaître sur le profil Facebook d’Edouard Cavin, jeune tête de liste à Dijon (Côte-d’Or).

Capture d'écran, le mercredi 21 octobre, du profil Facebook de la tête de liste FN Sandrine Ligout.

Outre le voile, le halal est aussi la cible de certaines têtes de liste frontistes. Sandrine Ligout, tête de liste à Saint-Priest (Rhône), partage le 26 octobre 2012 la photo d’un agneau précédée de ces quelques mots : «Une petite pensée pour tous les pauvres petits moutons, qui seront sacrifiés aujourd’hui pour une « fête » organisée par des sauvages». Une «pensée» qui n’a pas été effacée, contrairement aux consignes du parti.

Fabien Engelmann, tête de liste à Hayange (Moselle), qualifie quant à lui de «barbarie islamiste» un projet d’abattoir halal à Guéret, en publiant une photo de vache dont seule la tête dépasse d’une machine. Certains commentaires, toujours accessibles, ont clairement une connotation raciste.

La non-modération des commentaires pourrait pourtant coûter cher aux candidats frontistes : le 18 octobre, le conseiller régional du parti en Languedoc-Roussillon, Julien Sanchez, a été condamné par la cour d’appel de Nîmes à 3 000 euros d’amende. Poursuivi comme «directeur de publication» de sa page Facebook, il avait laissé deux internautes y publier des commentaires racistes.

Jusqu’à un an d’emprisonnement

Les poursuites qu’ils encourent pour leurs propres publications sont loin d’être anodines. Pour «injure à caractère raciste», comme la comparaison d’une femme voilée à un Pékinois, «ils encourent une amende de 22 500 euros d’amende et six mois d’emprisonnement», détaille un avocat consulté sur le sujet. Pour «provocation à la violence, la haine et la discrimination raciste», comme le qualificatif «sauvages» pour évoquer les personnes qui pratiquent la fête de l’Aïd, «ils encourent 45 000 euros d’amende, et un an d’emprisonnement».

Interrogé sur les publications islamophobes des candidats, le chercheur Sylvain Crépon considère que ceux-ci «se prennent à tenir des propos que beaucoup de militants tiennent dans l’entre-soi frontiste. Sauf que l’entre-soi frontiste, sur Facebook, ça n’en est plus. Tout apparaît au grand jour».

«Le FN voulait utiliser Internet comme contre-média, pour se montrer tels qu’ils étaient, contre les médias « aux ordres » et les « vérités officielles », souligne-t-il. Mais quelque part, Internet se retourne contre le parti, qui ne peut pas contrôler toutes ses troupes sur la toile. Le FN est pris à son propre jeu», avance-t-il, rappelant le cas d’Alexandre Gabriac. Cet élu frontiste avait finalement été exclu du parti après qu’ont circulé sur Internet des photos de lui faisant le salut nazi, alors que Jean-Marie Le Pen était favorable à ce qu’il reçoive un simple «blâme».

Laura FERNANDEZ RODRIGUEZ

Hôpital: le secret médical bafoué au profit du privé

Mediapart

23 octobre 2013
| Par Caroline Coq-Chodorge
Mediapart.fr

 Jean-Jacques Tanquerel, ancien chef de service d’information médicale de l’hôpital de Saint-Malo, dénonce depuis des mois l’accès par une société privée à des données de patients couvertes par le secret médical. Son cas n’est pas isolé : d’autres médecins sont sanctionnés, voire licenciés, lorsqu’ils dénoncent cette pratique quasi généralisée dans les établissements de santé français.

Saint-Malo, envoyée spéciale

« Admis dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me sont confiés. » C’est ce passage du serment d’Hippocrate que le centre hospitalier de Saint-Malo a bafoué en permettant à une société privée de consulter 950 dossiers médicaux de ses patients. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a mis en demeure publiquement l’hôpital, le 7 octobre, pour « non-respect de la confidentialité des données ». Une décision que le directeur Jean Schmid trouve « sévère ». Offensif, il n’a pas l’intention d’être le seul mis en cause. Il lâche un chiffre, une « estimation » : « 70 à 80 % » des établissements hospitaliers, publics comme privés, ouvrent ainsi leurs dossiers médicaux à des prestataires extérieurs. Nous voilà rassurés.

L’administration hospitalière serre les rangs. La ministre de la santé Marisol Touraine assure prendre l’affaire « très au sérieux ». Mais elle se tait, tandis que son administration tente de justifier cette pratique. Le directeur général adjoint de l’agence régionale de santé (ARS) de Bretagne, Pierre Bertrand, s’est rendu à Saint-Malo pour manifester son soutien au directeur de l’hôpital. S’il reconnaît du bout des lèvres qu’il existe « un débat éthique », il tente de le diluer dans un argumentaire technique. Le terrain est favorable puisque l’affaire se noue dans les méandres du système de tarification à l’activité des hôpitaux. Le principe est simple : à chaque acte médical est associée une rémunération.

La pratique est en revanche complexe puisque l’activité médicale doit être traduite dans un langage qui comprend 650 codes déclinés en 4 niveaux de sévérité. Cette mission incombe au département de l’information médicale (DIM) de l’établissement, qui a à sa tête un médecin.

Jean-Jacques Tanquerel a été le médecin DIM de Saint-Malo de 2004 à 2012. Il est de l’avis général un excellent praticien. Il a même enseigné cette spécialité à l’école des hautes études en santé publique. Sa vie professionnelle a basculé lorsqu’il a refusé que le nouveau directeur de l’hôpital, Jean Schmid, fasse appel à la société Altao. « Le médecin DIM est le garant du secret médical, explique-t-il. Il est le seul médecin de l’hôpital à avoir accès à tous les dossiers médicaux. Si j’avais permis à cette société de les consulter, je me serais rendu coupable d’un délit. »

Jean-Jacques Tanquerel, médecin hospitalier à Saint-MaloJean-Jacques Tanquerel, médecin hospitalier à Saint-Malo© C C-C

Altao est une société spécialisée dans l’information médicale. Elle travaille pour une cinquantaine d’établissements hospitaliers, mais aussi pour des laboratoires pharmaceutiques et des syndicats médicaux. L’une de ses activités est le recodage des actes hospitaliers. Yannick Berton, le directeur général d’Altao, explique sa méthode de travail : « Nos statisticiens consultent les bases de données anonymisées des hôpitaux pour identifier les séjours potentiellement atypiques. » Par exemple, des séjours longs et faiblement rémunérés.

Cette première étape est légale : Altao comme une douzaine d’autres sociétés disposent d’une autorisation de la Cnil. Mais dans une seconde étape, Altao consulte les dossiers médicaux des patients, ceux rédigés par les médecins ou les infirmières, afin de mieux décrire – et donc valoriser – l’activité de l’hôpital. « Cette étape est obligatoire », insiste Yannick Berton.

Cette pratique est pourtant contraire à la déontologie médicale et au code de la santé publique, comme le rappelle l’Ordre des médecins sur son site internet : « Les données personnelles de santé des patients sont couvertes par le secret professionnel et ne sauraient être transmises à des tiers non autorisés par la réglementation en vigueur dès lors qu’elles sont susceptibles de permettre l’identification d’un patient. Les médecins des départements d’information médicale des établissements de santé sont garants du respect de ces règles. »

Si l’Ordre et la Cnil lui ont donné raison, Jean-Jacques Tanquerel reste dans la tourmente. C’est un authentique lanceur d’alerte, un cas d’école. Il ne bénéficie d’aucune protection. Si, localement, des médecins lui manifestent leur sympathie à titre individuel, il affronte l’institution avec le seul soutien des syndicats, en particulier le syndicat de médecins anesthésistes et réanimateurs Snphare, dont il est aujourd’hui le délégué à Saint-Malo. Il parle de l’épreuve qu’il est en train de traverser avec une légèreté feinte. Il est aujourd’hui chef du service d’hygiène de Saint-Malo, une affectation « autoritaire » selon lui.

De Brest à Paris, jusque dans le bureau de Marisol Touraine, on se préoccupe de lui trouver un autre poste ailleurs, loin de Saint-Malo. « Le docteur Tanquerel est un excellent professionnel, admet Pierre Bertrand, le directeur général adjoint de l’ARS Bretagne. Je vais faire le point avec lui pour trouver la solution la plus favorable, dans une autre structure. »

D’autres médecins écartés en France

Son cas n’est pourtant pas isolé. L’Ordre des médecins et le Snphare – qui a rendu publique cet été l’affaire de Saint-Malo – ont reçu de nombreux témoignages de médecins qui ont subi un sort semblable.

Au centre hospitalier de Melun, Ghyslaine Amghar est elle aussi « placardisée ». Alors qu’elle était médecin DIM, sa direction a fait appel à une autre entreprise spécialisée dans l’information médicale, Corsacod, sans même l’en informer : « Lorsque je m’en suis rendu compte, j’ai déposé trois recours devant le tribunal administratif. J’ai gagné les deux premiers recours et le marché a été invalidé. Ils ont repassé un contrat avec Corsacod et moi j’ai perdu mon poste. » Son ancien service DIM ne compte plus que « deux agents » et le travail de codage a été externalisé.

Georges Elkoury a perdu son emploi cet été. Il officiait comme médecin DIM depuis dix ans dans la polyclinique Medipôle Saint-Roch, près de Perpignan. Là encore, c’est Corsacod qui opère : « La direction m’a demandé de donner à cette société des dizaines de dossiers médicaux et un accès à nos archives informatisées, c’est-à-dire aux dossiers médicaux détaillés des patients. Le contrat précise que Corsacod agit sous la responsabilité du médecin DIM. J’ai écrit à la direction que je ne pouvais plus assumer la responsabilité du secret médical. Je me suis fait virer le 8 août. La direction s’est arrogé le droit d’accéder aux données médicales. Moi et mes enfants avons été hospitalisés dans cette clinique. Je vais porter plainte en tant que malade. »

Jérôme Fauconnier, médecin DIM au CHU de Grenoble, a lui trouvé un compromis avec sa direction : « J’ai refusé que la société Sahona intervienne sous ma responsabilité. C’est le directeur qui signe le contrat. » Il est syndiqué au Snphare. Il est étonnamment « assez indulgent » avec les directions car, selon lui, « c’est le système qui est pervers ». La tarification ne cesse de se compliquer, le codage est de plus en plus fin et le moindre oubli a d’importantes conséquences financières : si les médecins omettent dans un dossier médical de mentionner qu’un patient a eu des escarres au cours de son séjour, c’est 1 500 à 6 000 euros de manque à gagner. Une simple mycose est valorisée 1 500 euros. « L’outil est devenu trop sensible, estime Jérôme Fauconnier. Dans n’importe quel établissement, si on cherche, on trouve des erreurs. »

À Saint-Malo, en contrôlant 950 dossiers entre 2010 et 2012, Altao a mis en évidence des sous-codages d’actes à hauteur de 2 millions d’euros. Au niveau national Yannick Berton, le directeur général d’Altao, estime que le travail de ces prestataires extérieurs représente un gain de 200 millions d’euros annuels pour les établissements publics et privés. Il défend ainsi son travail : « La plupart des établissements avec lesquels nous travaillons sont en déficit. Nous leur permettons de retrouver des marges de manœuvre financières pour réinvestir. »

Cette affaire dévoile indirectement l’ampleur de la crise budgétaire qui frappe l’hôpital. Les médecins DIM sont victimes de la part des directions d’un chantage aux coupes budgétaires, voire à la suppression de postes. Jean Schmid, le directeur de Saint-Malo, un hôpital déficitaire depuis de nombreuses années, ne s’en cache pas : « Le contrat de retour à l’équilibre qu’a subi cet hôpital a été très douloureux. Quand le personnel découvre que ces difficultés sont liées, non pas à des sureffectifs, mais à une sous-codification, c’est difficile… » Et ce type d’arguments porte auprès des médecins, en particulier les chefs de service et de pôles, qui doivent composer au quotidien avec les restrictions budgétaires.

Lorsqu’il était médecin DIM, Jean-Jacques Tanquerel a accepté de « tirer sur les règles » pour satisfaire cet impératif de retour à l’équilibre de l’établissement. « En 2009, j’ai mis au point mon propre logiciel de fouilles de données pour identifier les dossiers sous-codés. Cela a rapporté 1 million d’euros par an à l’établissement. Si on m’avait laissé travailler, j’aurais fait aussi bien qu’Altao. » Mais Jean Schmid, qui avait déjà travaillé avec Altao dans son précédent poste de directeur, juge nécessaire ce recours à « des experts du codage informatique, au fait des dernières nouveautés techniques ».

Pour Jean-Jacques Tanquerel, mieux vaudrait « donner des moyens aux médecins DIM. Ce n’est d’ailleurs pas une vraie spécialité médicale, beaucoup ne sont pas suffisamment formés ». Plutôt que d’investir dans leurs DIM, les établissements versent à ces sociétés privées des commissions à hauteur de 5 à 6 % des sommes recouvrées. Sans rire, la Fédération hospitalière de France défend cet « exercice de bonne gestion ». Est-il réellement judicieux d’externaliser une fonction aussi stratégique et sensible que le traitement des données médicales ? Personne ne semble s’être posé la question.

La mise en demeure du Centre hospitalier de Saint-Malo a été levée par la Cnil, vendredi 17 octobre. Le directeur général adjoint de la Cnil, Mathias Moulin, précise qu’« en l’état actuel du droit, seuls les médecins DIM et leurs équipes ont un droit d’accès aux dossiers nominatifs des patients ». L’hôpital de Saint-Malo va donc modifier ses procédures : « Quand l’expert aura besoin de contrôler un dossier médical, c’est le médecin DIM qui le fera », explique Jean Schmid. Mais il n’entend pas en rester là, il attend « une évolution du droit ». La Fédération hospitalière de France est sur la même ligne : « Il faut décrire les modalités d’accès par ces sociétés aux données nominatives, dans un cadre bien clair », plaide Yves Gaubert, son responsable financier.

Pendant ce temps, le travail de disqualification du lanceur d’alerte Tanquerel se poursuit. S’il reçoit de nombreux soutiens individuels de médecins de l’hôpital, il doit affronter les médecins chefs de pôle, nommés par la direction. Mardi 15 octobre, Jean-Jacques Tanquerel a voulu s’expliquer lors d’une réunion de la commission médicale d’établissement, l’instance qui représente les médecins de l’établissement, à laquelle il était convié. Avec pudeur, il raconte une soirée « éprouvante. La salle était comble. 80 personnes étaient présentes. La direction était là aussi. J’ai été attaqué pendant 2 h 30. On m’a surtout reproché le battage médiatique, qui ternit la réputation de l’établissement et risque de lui faire perdre de l’activité. Ils ne réalisent pas que c’est la conséquence de l’absence d’écoute de la direction sur ce problème de confidentialité des données médicales ».

Le lanceur d’alerte tient toujours bon face à l’institution : il estime qu’il n’a pas fait de faute et veut retrouver son poste. C’est une question d’honneur.

La boîte noire :Caroline Coq-Chodorge est une journaliste indépendante. Elle collabore régulièrement à Mediapart. Ses précédents articles peuvent être retrouvés en cliquant ici.

Centre Hospitalier de Sarlat : la LDH soutient la manifestation du samedi 26 octobre à 10h30.

L’appel à mobilisation à la veille de la manifestation

hôpital Les messages de soutien se multiplient en vue du rassemblement de demain

Une manifestation de soutien organisée par l’Association du comité de défense de l’hôpital et de la maternité aura lieu demain à 10 h 30.

Une manifestation de soutien organisée par l’Association du comité de défense de l’hôpital et de la maternité aura lieu demain à 10 h 30. (Photo archives F. D.)

 

L’avenir de l’hôpital est dans beaucoup de bouches ces jours-ci suite à l’annonce de la future fermeture de la chirurgie programmée et l’espoir de la direction de développer la chirurgie ambulatoire pour compenser. Dans ces flots de commentaires, des critiques ont été formulées à l’encontre des chirurgiens qui ont ou qui exercent encore. Le maire de Bézenac, Jean-Claude Marty, n’a pas apprécié les termes de « boucher » ou les remarques sur les « noms à consonances étrangères ».

Pour faire « contrepoids aux diffamations anonymes », il met en avant sa propre expérience de l’établissement, où il a été opéré avec succès en 2006 d’une hernie à l’aine sur les conseils de son médecin généraliste. Il cite également en exemple sa brue, qui a accouché l’an dernier à la maternité. Le bébé se présentant mal, il a été décidé de procéder à une césarienne.

« Que se serait-il passé si, au moment critique, il avait fallu les conduire à Périgueux, Brive ou ailleurs ? On se souvient du drame vécu l’an passé par une maman entre Figeac et Souillac. On se souvient, on s’émeut et puis on oublie. »

Rumeurs « calomnieuses »

Plutôt que liées à de simples rumeurs qu’il qualifie de « calomnieuses » , le maire estime qu’il y aurait des raisons beaucoup plus profondes à la fuite de la patientèle, des raisons objectives comme une « offre de soins insuffisante et un manque de personnel », mais aussi des raisons plus subjectives.

« Pour qui a vécu ailleurs que dans notre beau Périgord, il est fréquent de noter que l’hôpital le plus proche à souvent mauvaise presse. Personne ne va se faire opérer avec la joie au cœur, l’anxiété naturelle pousse toujours à se demander si cela ne serait pas mieux ailleurs, surtout si quelque connaissance y a connu des difficultés dues souvent davantage à une pathologie complexe qu’à la qualité du service. C’est une constante chez nous, les gens satisfaits s’expriment beaucoup moins que les insatisfaits. »

Jean-Claude Marty appelle ses collègues élus du Sarladais à revêtir leurs écharpes tricolores et à participer à la manifestation de demain lancée par l’Association du comité de défense de l’hôpital et de la maternité (1).

Ce comité qui réunit 130 personnes sous la présidence d’Annick Le Goff, est également choqué par les attaques sur les services de chirurgie qu’il juge « performants » à la lumière du rapport provisoire (remis à la direction de l’hôpital en janvier dernier) d’une mission d’inspection de l’Agence régionale de santé confiée à une commission de cinq médecins extérieurs venus en novembre 2012.

Aucune mortalité anormale « L’étude mandatée a porté sur environ 100 dossiers y compris certains dits sensibles, et ce sur une durée de 18 mois. Globalement et sur la pratique des trois chirurgiens, aucun dysfonctionnement n’est relevé : aucune mortalité anormale, aucune complication particulière, d’ailleurs aucune plainte n’a abouti. »

Même l’ancien maire de Sarlat, Louis Delmon, est sorti de sa retraite pour soutenir l’hopital et le comité. « Cette question doit faire l’objet d’un réexamen dans le cadre d’une vraie concertation avec tous ceux qui ont à cœur l’hôpital de Sarlat. Je ne nie pas les difficultés de gestion d’une grande maison comme celle-ci, mais elles peuvent être surmontées si on s’appuie sur les besoins de la population, sur toutes les bonnes volontés et en mettant un terme à la réduction des dépenses publiques. »

sec.sarlat@sudouest.fr

(1) L’association lance un appel à manifester, demain à 10 h 30, au départ de l’entrée principale de l’hôpital.

François Hollande, minable et odieux

POLITIS

Par Michel Soudais

19 octobre 2013

 

Après avoir pris connaissance du rapport sur les conditions d’éloignement de Leonarda Dibrani, François Hollande avait le choix entre deux décisions.

  • Justifier une expulsion dont le rapport affirme qu’elle « est justifiée en droit » et « conforme à la réglementation en vigueur ».
  • Ordonner un retour de la famille pour permettre aux enfants de poursuivre leur scolarité dans une langue qu’ils connaissent.

Dans le premier cas, le chef de l’Etat n’aurait fait qu’appliquer l’adage Dura lex, sed lex. Cette fermeté aurait mécontenté la gauche mais satisfait la droite ainsi que les partisans d’une gauche affranchie (de la gauche) et réduite à l’ordre.
Dans le second cas, François Hollande pouvait déclarer ne pas vouloir faire usage de la « force injuste de la loi » ; il n’aurait pas été le premier François dans ce cas. Mitterrand, à qui l’on doit l’expression, avait dit, lors d’une intervention télévisée le 16 décembre 1984, ne pas vouloir y recourir en Nouvelle Calédonie, face aux indépendantistes. La droite aurait hurlé, Manuel Valls et son ombre, Luc Carvounas, auraient mangé leur chapeau… Au moins cette décision aurait ouvert la voie à un réexamen critique et à une réforme de la législation héritée de Nicolas Sarkozy.

Plutôt que de trancher entre l’une de ces deux options, François Hollande a tenté de concilier tout le monde. Comme au temps où il dirigeait le PS, le président de la République a tenté une synthèse mi-chèvre mi-chou, « apaiser tout en permettant à la loi de s’appliquer ». Le résultat est un bricolage tactique aussi misérable que détestable. « La loi doit être respectée et appliquée par tous » mais « si elle le demande et dans le cadre de sa scolarité, un accueil sera réservé à Leonarda en France, et à elle seule ».
Une enfant de 15 ans est ainsi mise en situation de choisir entre l’école de la République et ses parents, entre la France et sa famille. Le piètre jugement de Salomon de François Hollande contrevient à l’esprit de la Convention internationale des droits de l’enfant et à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il est humainement indigne.
Ce samedi, un François Hollande dans des habits trop grands pour lui s’est montré fort minable. Et bel et bien odieux.

FRANCE Montée du FN : comment en est-on arrivé là ?

http://wp.me/p21cdX-1mS

Un article dans « Courrier International ».