Appel de 100 médecins contre le fichage des «gilets jaunes»

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Plus de 100 médecins appellent à refuser le fichage des «gilets jaunes» blessés qui arrivent aux urgences. «Face à des demandes illégales, nous répondons donc par un devoir de « désobéissance éthique ». Nous refusons d’obéir à l’Administration. Nous demandons l’ouverture d’une enquête parlementaire pour faire toute la lumière sur l’utilisation dévoyée du logiciel SI-VIC».

Nous, médecins, rappelons notre attachement viscéral au secret professionnel. C’est pourquoi nous refusons le fichage des « gilets jaunes » blessés arrivant aux urgences. De même que nous nous opposons à tout autre fichage des patients sans leur consentement, visant à une transmission des données en dehors de l’hôpital à des fins autres que médicales.

Le secret professionnel, pilier ancestral de notre profession, a été institué dans l’intérêt des patients. Il couvre tout ce qui est porté à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession. Il s’agit non seulement de ce qui lui a été confié, mais aussi de ce qu’il a vu, entendu ou compris. Il a l’interdiction de divulguer les informations dont il est dépositaire. L’article 4 (article R.4127-4 du code de la santé publique) de la loi relative aux droits des malades renforce ce secret puisque « toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant ». Le non-respect du secret professionnel est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Patients, imaginez que vous alliez à l’hôpital et que votre présence, votre identité voire des informations médicales ne soient plus confidentielles et immédiatement communiquées à des tiers dans un fichier parallèle à votre dossier médical, fichier dans lequel vous seriez inscrit par exemple en raison de votre appartenance politique, sexuelle, religieuse ou ethnique ? C’est exactement ce qui se passe depuis cinq mois avec le dévoiement de l’utilisation d’un dispositif réservé aux situations sanitaires exceptionnelles nommé SI-VIC et mis en place suite aux attentats de novembre 2015.

Selon la CNIL, cette base de données vise à établir « une liste unique des victimes d’attentats pour l’information de leurs proches par la cellule interministérielle d’aide aux victimes » et peut être étendue à des « situations sanitaires exceptionnelles ». Or, depuis cinq mois, ce dispositif est détourné par l’administration hospitalière et les agences régionales de santé (ARS), notamment l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et l’ARS Ile-de-France. Les autorités sanitaires enjoignent médecins et équipes soignantes à rentrer dans cette base de données les patients « gilets jaunes », à saisir leurs identités et données médicales mais aussi tout élément d’identification physique pour remonter des informations aux différentes autorités.

Pour nous, médecins, l’existence même d’un fichier parallèle renseigné après sélection de nos patients pour n’y entrer que les « gilets jaunes » est parfaitement antidéontologique. Aucune information n’est donnée aux patients sur ce fichage, aucun consentement n’est recueilli. La tenue en temps réel, comme demandée par les autorités, permet une identification et une localisation précise des patients.

Nous, médecins, faisons donc face à une injonction irréalisable au regard de notre éthique et de notre déontologie : la violation du secret professionnel au détriment des malades et ce, en dehors de toute dérogation légale. Nous sommes face à l’institutionnalisation d’une dérive inacceptable : le fichage de patients à des fins possibles d’exploitations politiques ou judiciaires. Cette dérive constitue une faute pénalement répréhensible. Les tentatives de communication, de justification et, finalement, de diversion de l’AP-HP et de l’ARS Ile-de-France sont autant d’aveux de culpabilité.

Pour fuir leurs responsabilités, les autorités sanitaires se défaussent sur nous, soignants. Nous sommes médecins, nous devons aux patients la garantie d’un exercice respectueux des malades, des lois de notre pays, du Code de la Santé Publique, du Code Pénal et la Déontologie de notre profession. Face à des demandes illégales, nous répondons donc par un devoir de « désobéissance éthique ». Nous refusons d’obéir à l’Administration. Nous demandons l’ouverture d’une enquête parlementaire pour faire toute la lumière sur l’utilisation dévoyée du logiciel SI-VIC. Nous, médecins, appelons à un arrêt immédiat de l’utilisation du fichier SIVIC pour les mouvements sociaux. Comme l’histoire l’a montré maintes fois, face à l’indigne les médecins n’ont pas vocation à obéir, et ont su résister, parfois au péril de leur vie pour respecter le serment d’Hippocrate dans l’intérêt des patients et des citoyens.

Signataires :

  1. Arvers Philippe, addictologue et tabacologue à Varces, administrateur de la Société francophone de tabacologie, chercheur associé à l’université de Grenoble,
  2. Attali Fabrice, médecin généraliste, Paris
  3. Bapt Gérard, député honoraire, ancien président de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur le Mediator, ancien membre du CA de l’ANSM.
  4. Bellhasen Loriane, psychiatre, médecin chef de service du Centre F. Gremy, Paris
  5. Bellhasen Mathieu, psychiatre, chef de pôle, cofondateur de Utopsy, Asnières
  6. Belmatoug Nadia, interniste à Beaujon, Clichy
  7. Ben Ali Sabrina, médecin généraliste, Paris
  8. Ben Kemoun Paule Annick, ophtalmologiste, Baugé
  9. Ben SALAH Amina, interne en médecine physique et de réadaptation, Paris
  10. Bérès Jacques, chirurgien, cofondateur de Médecins sans frontières et de Médecins du monde, Paris
  11. Boukantar Mohamed, médecin généraliste, Paris
  12. Calafiore Matthieu, maître de conférence, médecine générale, Lille
  13. Canis Michel, chirurgien gynécologue, chef de service démissionnaire, CHU Clermont-Ferrand
  14. Chaumeil Franck, médecin généraliste, vice-président de l’UFML, Bordeaux
  15. Chemla Patrick, psychiatre médecin chef de secteur, Reims
  16. Chevallier Laurent, interniste nutritionniste, Montpellier
  17. Choukri Ben Omrane, médecin généraliste, Paris
  18. Cremniter Didier, psychiatre des Cellules d’Urgence Médico-Psychologique, Paris
  19. Cuq Philippe, chirurgien, président de l’Union des chirurgiens de France
  20. Debré Bernard, urologue, ancien ministre, ancien député, conseiller de Paris
  21. Delaunay Régis, cardiologue, chef de service, référent médical du Système d’Information Patient, St-Brieuc
  22. Delépine Gérard, chirurgien cancérologue, Paris
  23. Delépine Nicole, pédiatre cancérologue, Paris
  24. Delion Pierre, psychiatre professeur de pédopsychiatre-psychiatrie, Lille
  25. Denormandie Philippe, chirurgien, Garches
  26. Des Elisabeth, Pneumologue, Cugnaux/Grand Toulouse
  27. Deschenau Alice, Psychiatre, cheffe du service Addictions, GH Paul Guiraud, rédactrice en chef de What’s up Doc, Villejuif
  28. Desruelle Philippe, gynécologue-obstétricien, Strasbourg
  29. Druais Pierre-Louis, Président du Collège de la Médecine Générale (CMG), Le Port-Marly
  30. Ducassé Jean-Louis, anesthésiste-réanimateur, urgentiste, ancien chef de service du Samu 31, CHU de Toulouse
  31. Dupagne Dominique, médecin généraliste, Paris
  32. Durand Matthieu, chirurgien urologue, praticien hospitalier universitaire, fondateur de What’s up Doc, Nice
  33. Emmanuelli Xavier, ancien anesthésiste réanimateur ancien président et co fondateur de médecin sans frontières (prix Nobel de la Paix), président du Samu Social International, Paris
  34. Erbstein Jean-Jacques, médecin généraliste, écrivain, Créhange
  35. Escat François, chef de service des urgences, vice-préident du syndicat national des urgentistes de l’hospitalisation privée, Toulouse
  36. Fraslin Jean-Jacques, médecin généraliste, Bouguenais
  37. Frasnier Olivier, urgentiste, groupe hospitalier de Bretagne sud
  38. Ghosn Jade, infectiologue, Président de la Société Française de Lutte contre le SIDA, Paris
  39. Golse Bernard, professeur émérite de pédopsychiatrie, ancien chef de service à Necker, Paris
  40. Grand Alain, épidémiologiste, chef de service, CHU Purpan, Toulouse
  41. Grimaldi André, diabétologue, professeur émérite, ancien chef du service de diabétologie de la Pitié-Salpêtrière, Paris
  42. Guez Fabien, cardiologue à Ambroise Paré, Boulogne
  43. Guy Coichard Christian, médecin de la douleur, membre de la Commission médicale d’établissement AP-HP, Paris
  44. Haertig Alain, urologue, professeur, expert judiciaire, membre du Conseil de l’ordre des médecins, Paris
  45. Halimi Philippe, radiologue, ancien chef du service de radiologie de l’HEGP, président-fondateur de l’association Jean-Louis Mégnien, Paris
  46. Halioua Bruno, dermatologue, président de l’Association des Médecins Israélites de France, Paris
  47. Hamon Jean-Paul, médecin généraliste, président de la Fédérations des Médecins de France, Clamart
  48. Hauteville Dominique,  médecin des hôpitaux, professeur agrégé du val de Grâce, oncologie médicale à Paule-Brousse, Villejuif
  49. Hercberg Serge, épidémiologiste, directeur INSERM, Bobigny
  50. Hervé Christian, médecin légiste, Président de la Société Française et Francophone d’Ethique Médicale et de l’Académie Internationale Ethique, Médecine et Politiques Publiques, Paris
  51. Houpert Alain, radiologue et sénateur de la Côte d’Or, Dijon
  52. Humbert Philippe, professeur de dermatologie, Besançon
  53. « Jaddo », médecin généraliste, bloggueuse écrivain
  54. Jardry Jean-Pierre, médecin généraliste, administrateur de la Fédération Hospitalière de France, Cannes
  55. Jomier Bernard, médecin généraliste, sénateur et conseiller de Paris
  56. Kahn-Bensaud Irène, pédiatre, ancienne président de l’Ordre des médecins de Paris
  57. Kierzek Gérald, urgentiste, Paris
  58. Lantieri Laurent, chirurgien plasticien, chef de service, HEGP, Paris
  59. Le Goff Jean-Yves, chirurgien viscéral et digestif, Le Blanc Mesnil
  60. Legeais Didier, urologue, ancien président du syndicat des médecins de l’Isère et ancien vice-président de l’union des chirurgiens de France, Grenoble
  61. Legrand Bertrand, médecin généraliste, fondateur observatoire du tiers payant, Tourcoing
  62. Lehmann Christian, médecin généraliste, écrivain, Poissy
  63. Libert Arnaud, médecin généraliste, Paris
  64. Loeb Emmanuel, psychiatre, pharmacologue, président de « Jeunes médecins », Kremlin-Bicêtre.
  65. Lowenstein William, addictologue, président de SOS Addictions et ancien membre du bureau du Conseil national du sida, Paris
  66. Lugrin Carl, médecin généraliste, Paris
  67. Maheu Emmanuel, rhumatologue à l’hôpital Saint-Antoine, Paris
  68. Maisonneuve Hervé, spécialiste de l’intégrité scientifique, ancien professeur associé en santé publique à Paris Sud, Paris
  69. Marty Jérôme, médecin généraliste, président de l’Union Française pour une Médecine Libre, Fronton
  70. Masmejean Emmanuel, chirurgien orthopédique, SOS Mains, HEGP, Paris
  71. Meller Stephan, médecin généraliste, Caen
  72. Mullner Joachim, psychiatre, Paris
  73. Nenninger Thomas, Biologiste, membre de la Commission Nationale de la Biologie médicale, Paris
  74. Pelloux Patrick, urgentiste, président de l’Association des Médecins Urgentistes de France, SAMU de Paris, Paris.
  75. Pen Loïc, urgentiste, chef de service démissionnaire, Creil
  76. Pigement Claude, gastro-entérologue, ancien vice président du conseil d’administration de l’ANSM, Aubervilliers
  77. Pourcher Guillaume, chirurgien de hôpitaux, Académie Nationale de Chirurgie, Paris
  78. Privat Alain, neurobiologiste, ancien directeur INSERM, Montpellier
  79. Prudhomme Christophe, urgentiste, porte-parole de l’Association des Médecins Urgentistes de France, Bobigny.
  80. Renard Gilles, PU-PH, ancien chef de service d’ophtalmologie et directeur scientifique de la Société Française d’Ophtalmologie, Paris
  81. Reynaud Michel, Professeur de psychiatrie addictologie, ancien président de la Fédération Française d’Addictologie et membre de la Conférence Nationale de Santé, Paris
  82. Roche Albert, médecin, président du Crif Bordeaux-Aquitaine (Conseil représentatif des institutions juives de France), Bordeaux
  83. Schapiro David, chirurgien ophtalmologiste,Paris
  84. Son-Forget Joachim, médecin radiologue, député de la circonscription des Français établis en Suisse et au Liechtenstein
  85. Slama Marc, chirurgien plasticien, ancien chef de service de chirurgie maxillo-faciale, Paris
  86. Slitine Lamia, rhumatologue, Paris
  87. Smolski Nicole, anesthésiste-réanimateur, syndicaliste, présidente honoraire d’Action Praticiens Hôpital, Lyon
  88. Souciet Anne, médecin de PMI, Paris
  89. Spire Bruno, directeur de recherches à l’INSERM, Président d’honneur de AIDES, Marseille
  90. Taieb Jonathan, Secrétaire Général, Association des Médecins israélites de France, Paris
  91. Tanquerel, Jean-Jacques, médecin département d’information médicale (DIM), St-Malo
  92. Tartière Suzanne, anesthésiste-réanimateur, ancienne directrice médicale du samu Social, Samu de Paris, Paris,
  93. Thinès Laurent, neurochirurgien, professeur, Besançon
  94. Toledano Alain, cancérologue radiothérapeute, président de l’Institut Rafael et du conseil médical de l’Institut d’Oncologie des Hauts de Seine, Neuilly sur Seine.
  95. Tourmente Charlotte, médecin et journaliste, Paris
  96. Trivalle Christophe , Gériatre, membre de la Commission médicale d’établissement AP-HP, Villejuif
  97. Vallancien Guy, urologue, membre de l’Académie nationale de médecine et de l’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST), Paris
  98. Varnet Olivier, neurologue, syndicaliste, secrétaire général SMNH-FO, Gonesse
  99. Venier Fabrice, urgentiste, Rouen
  100. Weill Martine, médecin, journaliste, Paris.
  101. Yeguiayan Jean-Michel, médecin du travail et urgentiste, Saint-Etienne
  102. Zann Michèle, pédopsychiatre chef de pôle et présidente de CME de l’Eps Roger Prévot, Moisselles.