Poèmes 2

Il savait qu’il devait regagner la frontière

Dans l’espoir de retrouver une terre d’accueil

Laissant éploré et désemparé son père

Regard absent et anéanti sur le seuil

Il faisait dès lors partie de la longue file

De femmes et d’enfants chassés de leurs domiciles

Qui arpentaient les rues désertes de la ville

Havres de paix devenus risqués et hostiles

Petite boule d’ouate dans le tissu imprimé

Contre son cœur fidèle et rassurant nin-nin

Témoin et guérisseur des peurs ou anxiétés

Qu’il étreint vigoureusement entre ses mains

Le nez contre la vitre embuée de l’autocar

Hypnotisé par le paysage qui défile

Brusquement souillé par une colonne de chars

Marko ressent la douleur brutale de l’exil

Sur la place de Medyka battue par la pluie

Hanna guette Marko le petit réfugié

Elle le recevra dans sa nouvelle patrie

Magnifiant l’amitié et la fraternité

Daniel Meunier

Le chant printanier des oiseaux soudain se tut

Plongeant le quartier dans un silence angoissant

Même le feuillage des arbres de l’avenue

Se figea dans la lumière du soleil levant

Mykhailo craignait de vivre cet instant

Annoncé par le journaliste de la télé

Bombardements inexorables et terrifiants

Déluge de feu sans distinction ni pitié

Se saisissant fébrilement de la valise

Sommairement préparée depuis quelques jours

Il enfila à la hâte sa gabardine grise

Et descendit l’escalier donnant sur la cour

Mykhailo n’avait qu’une seule idée en tête

Gagner au plus vite la gare de Zaporijia

Avec cette impulsivité que rien n’arrête

Dans l’espoir d’embrasser sa fille Anastasia

Il ne lui offrira pas le bracelet d’ambre

Déniché sur un petit marché d’artisans

Et conservé dans le secrétaire de sa chambre

Présent plein d’amour à l’aube de ses vingt ans

Daniel Meunier

Ce matin encore, leurs regards se sont croisés ;

Ce matin encore, elle y a lu la froideur

Que les heures passées ont durement installée,

Fécondant de nouvelles blessures en son cœur.

Elle avait pourtant cru à toutes ses promesses,

Maintes fois répétées au creux de l’oreiller,

Mais oubliées et tues après quelques caresses,

La laissant de nouveau en proie à l’anxiété.

Les mots chargés de brimades et d’humiliations,

Dégurgités avec une haine terrifiante,

N’ont pas tardé à pleuvoir en sa direction,

Telle une impétueuse averse pétrifiante.

Elle savait que la douceur avant la tempête

N’était pourtant jamais réconfortant présage.

Elle avait ce dernier coup porté à la tête

Toujours présent en elle depuis ce jour de rage.

Désormais transformée en une simple chose,

Elle ne pouvait plus se résigner à partir ;

La peur de se retrouver devant porte close

Sans pouvoir penser à un meilleur devenir.

Aidons-les à ne plus s’imaginer coupables

Pour qu’enfin elles puissent abandonner leur martyre.

Aidons-les à s’éloigner de l’insoutenable

Afin qu’elles puissent, un jour, en amour s’accomplir.

Daniel Meunier

Texte lu le 25 novembre 2024 / Rassemblement contre les violences sexistes et sexuelles Le Creusot