Jeunes réfugiés
Il savait qu’il devait regagner la frontière
Dans l’espoir de retrouver une terre d’accueil
Laissant éploré et désemparé son père
Regard absent et anéanti sur le seuil
Il faisait dès lors partie de la longue file
De femmes et d’enfants chassés de leurs domiciles
Qui arpentaient les rues désertes de la ville
Havres de paix devenus risqués et hostiles
Petite boule d’ouate dans le tissu imprimé
Contre son cœur fidèle et rassurant nin-nin
Témoin et guérisseur des peurs ou anxiétés
Qu’il étreint vigoureusement entre ses mains
Le nez contre la vitre embuée de l’autocar
Hypnotisé par le paysage qui défile
Brusquement souillé par une colonne de chars
Marko ressent la douleur brutale de l’exil
Sur la place de Medyka battue par la pluie
Hanna guette Marko le petit réfugié
Elle le recevra dans sa nouvelle patrie
Magnifiant l’amitié et la fraternité
Daniel Meunier
Mykhailo
Le chant printanier des oiseaux soudain se tut
Plongeant le quartier dans un silence angoissant
Même le feuillage des arbres de l’avenue
Se figea dans la lumière du soleil levant
Mykhailo craignait de vivre cet instant
Annoncé par le journaliste de la télé
Bombardements inexorables et terrifiants
Déluge de feu sans distinction ni pitié
Se saisissant fébrilement de la valise
Sommairement préparée depuis quelques jours
Il enfila à la hâte sa gabardine grise
Et descendit l’escalier donnant sur la cour
Mykhailo n’avait qu’une seule idée en tête
Gagner au plus vite la gare de Zaporijia
Avec cette impulsivité que rien n’arrête
Dans l’espoir d’embrasser sa fille Anastasia
Il ne lui offrira pas le bracelet d’ambre
Déniché sur un petit marché d’artisans
Et conservé dans le secrétaire de sa chambre
Présent plein d’amour à l’aube de ses vingt ans
Daniel Meunier
Perverse emprise
Ce matin encore, leurs regards se sont croisés ;
Ce matin encore, elle y a lu la froideur
Que les heures passées ont durement installée,
Fécondant de nouvelles blessures en son cœur.
Elle avait pourtant cru à toutes ses promesses,
Maintes fois répétées au creux de l’oreiller,
Mais oubliées et tues après quelques caresses,
La laissant de nouveau en proie à l’anxiété.
Les mots chargés de brimades et d’humiliations,
Dégurgités avec une haine terrifiante,
N’ont pas tardé à pleuvoir en sa direction,
Telle une impétueuse averse pétrifiante.
Elle savait que la douceur avant la tempête
N’était pourtant jamais réconfortant présage.
Elle avait ce dernier coup porté à la tête
Toujours présent en elle depuis ce jour de rage.
Désormais transformée en une simple chose,
Elle ne pouvait plus se résigner à partir ;
La peur de se retrouver devant porte close
Sans pouvoir penser à un meilleur devenir.
Aidons-les à ne plus s’imaginer coupables
Pour qu’enfin elles puissent abandonner leur martyre.
Aidons-les à s’éloigner de l’insoutenable
Afin qu’elles puissent, un jour, en amour s’accomplir.
Daniel Meunier
Texte lu le 25 novembre 2024 / Rassemblement contre les violences sexistes et sexuelles Le Creusot