Éviter les cas de répression en manifestation

Suite à l’interpellation de deux camarades de Solidaires étudiant·es lors de la manifestation contre l’extrême droite du 23 avril à Béziers, nous avons effectué quelques recherches sur les infractions qui leur auraient été reprochées. Nous espérons que les éléments de compréhension juridique ci-dessous puissent être utiles à toustes les militantes et militants et permette d’éviter de futurs cas de répression similaires.

Sur la dissimulation du visage

De manière générale, le port de toute tenue destinée à dissimuler son visage est interdit sur la voie publique (ainsi que dans les lieux ouverts au public), sauf si :

La tenue est imposée ou autorisée par la loi (un casque intégral pour une moto par exemple)
La tenue est justifiée par des raisons de santé ou des motifs professionnels (masque de protection par exemple)
La tenue s’inscrit dans le cadre de pratiques sportives, fêtes ou manifestations artistiques ou traditionnelles.

Hors manifestation, cette infraction est passible d’une amende de 150 € et/ou d’une condamnation à effectuer un stage de citoyenneté à ses frais.

Au sein ou aux abords immédiats d’une manifestation, le fait de dissimuler volontairement son visage afin de ne pas être identifié, au cours ou à l’issue de laquelle des troubles à l’ordre public sont commis ou risquent de l’être, est passible d’un an d’emprisonnement et de 15.000 € d’amende (article 431-9-1 du code pénal), sauf si la dissimulation du visage est justifiée par un motif légitime (par exemple masque sanitaire, bandage médical).

=> Sur ce dernier point, nous pensons qu’il serait possible, pour nos camarades interpellés, d’invoquer comme motif légitime de s’être dissimulé le visage pour se protéger face aux pratiques de fichage et d’agressions de militant·es politiques et syndicalistes, mises en œuvre par des groupuscules d’extrême droite (pratiques qui sont bien documentées dans la région, cf. l’enquête de Rapports de force et du Poing sur la South Face).

=> Par ailleurs, si des troubles à l’ordre public n’ont pas été commis lors de la manifestation, l’arrestation des personnes visées et leur poursuite sur la base de cette infraction serait abusive, voire illégale.

=> C’est l’occasion de rappeler que le port d’un masque sanitaire (jetable, en tissu ou encore FFP2) reste officiellement recommandé par les autorités publiques pour limiter la transmission des virus saisonniers et du Covid-19, en particulier lors de rassemblements publics tels que des manifestations. Ainsi, le port d’un masque sanitaire pour se protéger ou protéger les autres de la transmission de virus devrait demeurer un motif légitime de dissimulation du visage en manifestation.

Sur le port d’armes

Le fait de porter ou de transporter une arme de catégorie D (par exemple une gazeuse) hors de son domicile, sans motif légitime, est passible d’une amende de la 4ème classe (750€ maximum) (article R. 317-11 du code de la sécurité intérieure).

La loi interdit par ailleurs strictement le port d’une arme en manifestation. Ainsi, le fait de participer à une manifestation ou à une réunion publique en étant porteur d’une arme est passible de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende (article 431-10 du code pénal). Contrairement au cas général, cet article ne prévoit pas d’exception liée à un motif légitime. La notion d’arme étant très large puisqu’elle peut comprendre tout objet permettant de blesser quelqu’un ou utilisé pour cela, des notions très extensives d’armes par destination peuvent être invoquées par des policiers ou gendarmes pour interpeller abusivement des personnes (par exemple un parapluie, un casque…). Cela pourra être remis en cause devant le juge pour éviter une condamnation, selon le contexte, mais il reste malheureusement possible d’être condamné abusivement pour un tel motif.

=> En pratique, selon les situations, il pourrait demeurer pertinent d’invoquer un motif légitime en cas de poursuites pour port d’arme en manifestation, et notamment, ici encore, le fait de se protéger de violences de la part de groupuscules d’extrême droite, lorsque le contexte présente des risques de telles violences.